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Conclusion de la revue de littérature

Phase 6 Précision des composants les plus récents de la méthode

2 PHASE 1 : THEORISATION ET POURSUITE D’EXPERIENCES

2.1 Phase 1 : Les évènements

Notre étude démarre donc en décembre 2007, lorsque le concepteur lance de manière officielle la commercialisation de la méthode sous le nom de « 5 steps ». Le lancement a lieu au cours d’un séminaire interne auquel sont présents les consultants du cabinet de conseil, ainsi que quelques consultants-amis proches du concepteur-consultant. Ce séminaire a pour objectif de présenter de façon détaillée la méthode telle qu’elle a été théorisée, depuis la mise en œuvre chez Valeo, par les deux concepteurs et le doctorant. C’est la première fois que le nom commercial de « 5 steps » est prononcé par le concepteur-consultant devant ses consultants. Ce nom commercial a été choisi par les deux concepteurs de la méthode, le consultant et le DSI, qui ont déposé la marque. Il est intéressant de noter que le doctorant a, lui, nommé cette méthode comme “méthode de roadmapping de management”, par analogie avec les roadmaps technologiques (Fall, 2008). Le discours sur la méthode est résumé dans le tableau suivant (Tableau 20).

Discours du concepteur-consultant en décembre 2007

Définitions de la méthode - Une méthode d’identification, de formalisation, déploiement, et pilotage des bonnes pratiques

- Une méthode qui permet de décrire ses capacités organisationnelles stratégiques sur des roadmaps, puis de déployer ses roadmaps et de les évaluer

Explication des niveaux La progression vers l’excellence se mesure sur 5 niveaux.

Le niveau 1, niveau d’amorçage, correspond à la définition locale de ce qu’il est nécessaire de mettre en place pour pouvoir évaluer une capacité organisationnelle. Il permet de recenser, d’identifier, implanter une capacité organisationnelle.

Le niveau 3 est celui où la capacité organisationnelle est localement apte à fonctionner, c’est-à-dire que la fonction locale est apte à représenter cette capacité.

A partir du moment où l’on a dépassé le niveau 3 on entre dans la phase d’appropriation, d’exploitation, et d’amélioration du dispositif organisationnel.

Le niveau 5 est celui de l’excellence, où l’organisation est capable d’entretenir et d’améliorer sa capacité organisationnelle Types de roadmap Identification de quatre types de roadmaps : Excellence,

efficience, solution, qualité

Contenu de la roadmap - Le domaine est le sujet de la roadmap

- Les items correspondent à un sujet ou un point d’évaluation qui caractérise le progrès pour le domaine. Il y a deux ou trois items

par roadmap.

- Les items « requirement » (en français, les exigences) sont le croisement entre un niveau et un item

- Les livrables qui détaillent les exigences sont au nombre de 5 à 10 par exigence.

Bénéfices de la méthode - Identification des capacités organisationnelles à mettre en œuvre - Système d’évaluation universel

- Objectif de progression réalisable et compris par les entités Tableau 20 - Présentation des éléments de la méthode par le concepteur-consultant en décembre 2007 Au cours de l’année 2008, les consultants expérimentent la méthode dans une nouvelle organisation, très différente de Valeo, puisqu’il s’agit d’une organisation publique. Cette mise en œuvre est faite à la demande de la Direction de l’Organisation, des Systèmes d’Information et du Contrôle, sur les problématiques d’accueil du public et de mise en place d’un système décisionnel. Cette expérience est l’occasion de tester la pertinence et l’efficacité de la méthode dans une nouvelle organisation. Mais c’est également l’occasion de développer un discours de présentation de la méthode, de préciser les modalités de mise en œuvre, ou encore de former certains acteurs de cette organisation à la méthode. Ces discours et les supports associés sont réalisés spécifiquement pour cette organisation. Il n’y a pas encore de réflexion sur des discours et supports « standards », « génériques », réutilisables au cours de prochaines mises en œuvre. Les consultants se trouvent dans une situation d’expérimentation de la méthode : à la fois sur le contenu et sur la manière de le présenter à des acteurs qui n’ont pas participé à sa création, contrairement à Valeo, entreprise pionnière et co-conceptrice.

La mise en œuvre de la méthode est faite de manière particulière, avec l’aide de consultants spécialisés sur les problématiques de l’accueil du public et du système décisionnel, mais qui n’ont aucun lien avec les consultants 5 steps. Ainsi, la rédaction de chacune des roadmaps a-t- elle été encadrée par ces consultants spécialisés qui avaient une connaissance préalable de la méthode 5 steps très réduite.

Ces deux consultants ont ensuite été contactés par un consultant 5 steps afin de revenir sur le travail réalisé et de recueillir leurs avis sur la méthode et son utilisation. Ces deux expériences de rédaction ont révélé plusieurs lacunes dans la présentation et l’utilisation de la méthode 5 steps. Les deux consultants-rédacteurs ont estimé que la rédaction était un travail lourd pour lequel la méthode ne fournissait pas d’outils d’aide. Selon eux, il aurait été utile d’avoir un

outil mnémotechnique, du même type que le DMAIC dans la méthode 6 sigma, auquel se raccrocher au cours de la construction de la roadmap1.

La détermination du sujet de la roadmap apparaît également comme un facteur clé d’efficacité de la méthode. Or cette définition du sujet semble elle aussi difficile. De plus, les rédacteurs ont formulé le besoin d’un exemple simple pour comprendre la méthode, notamment dans la fonction de pilotage de l’avancement des roadmaps par les entités qui les mettent en œuvre. Le consultant spécialiste du décisionnel, par exemple, a eu « une impression de déjà-vu » en utilisant la méthode. Il l’a rapprochée des méthodes 6 sigma et CMMI2. La consultante, qui a rédigé la roadmap sur l’accueil du public, s’est appuyée sur un référentiel « qualité de l’accueil » sur lequel elle avait travaillé pour l’AFNOR (NBP: Agence Française de Normalisation). Elle a donc transformé ce référentiel en roadmap 5 steps. De plus, elle a rapproché la méthode de deux outils qu’elle utilise en Qualité : un premier outil qui correspond aux trois premiers niveaux de la roadmap (suivi de la mise en conformité) et un deuxième outil qui correspond aux niveaux 4 et 5 (« Evaluation de la maturité d’un organisme ») qui permet d’aller de la conformité jusqu’au Développement Durable). Selon cette consultante, la méthode n’est pas foncièrement innovante mais constitue une bonne synthèse de ces deux outils et se révèle particulièrement pédagogique. Il lui semble également indispensable de détailler les étapes de la méthode, de la rédaction à l’utilisation des roadmaps.

Cette expérience a ainsi mis en avant les besoins de formalisation d’outils d’aide à la mise en œuvre de la méthode : pour la rédaction et pour la détermination des sujets de roadmap. Mais elle a surtout permis de démontrer l’applicabilité de la méthode dans un contexte très différent de son contexte de conception. Ainsi, le Directeur Général Adjoint de cette organisation a-t-il

1 La méthode 6 sigma est une méthode d'amélioration de la qualité reposant sur la maîtrise statistique des procédés. Elle est formalisée en 5 phases « DMAIC » (pour Define, Measure, Analyse, Improve, Control). 2 Le CMMI (Capability Maturity Model Integration) est un modèle de maturité d'évaluation pour le

développement de systèmes, de produits matériels et/ou de logiciels. Il a pour objectif la maîtrise des processus d'ingénierie et par conséquent la maîtrise de la qualité des produits et des services issus de ces processus. Les cinq niveaux de maturité sont les suivants: "initial", "reproductible", "défini", "maîtrisé" et "optimisé".

témoigné sur le site internet1 de l’intérêt de la méthode et déclaré que « ce projet 5 steps invente une passerelle entre le monde du "public" et celui du "privé" en tentant de croiser les meilleures pratiques de pilotage pour créer l’outil adapté, standard, quelle que soit l’organisation ».

La formalisation principale de la méthode au cours de cette période est le livre La méthode 5 steps, paru en 2008, aux Editions AFNOR. Ecrit par les deux concepteurs, il est destiné à présenter la méthode et à expliciter la manière de la mettre en œuvre. La méthode est présentée comme un outil de réponse aux difficultés de déploiement de la stratégie rencontrées par une majorité d’entreprises. L’ouvrage se présente sous la forme d’un « mode d’emploi » d’une méthode de management, détaillant les huit étapes de mise en œuvre de la méthode (formalisation de la stratégie, formalisation de la roadmap, définition des objectifs, responsabilisation des fonctionnels, appropriation et action, mesure du progrès, audit et enfin amélioration continue). La lecture du livre donne le sentiment que si l’on suit à la lettre les étapes décrites, on est en mesure de mettre en place la méthode sans difficulté. De plus, l’ouvrage insiste sur le fait que la méthode assure l’équilibre du pilotage stratégique entre fonctionnels et opérationnels. Les inventeurs de la méthode considèrent en effet que « les organisations modernes fondent leurs performances sur la synergie entre les hiérarchies opérationnelles, qui disposent des pouvoirs de décision, et les hiérarchies fonctionnelles, qui représentent les différents métiers (achats, ventes, finance, ressources humaines, etc.), et en définissent la politique et les bonnes pratiques. Les entités opérationnelles reçoivent des directives de la hiérarchie opérationnelle mais doivent aussi appliquer celles de la hiérarchie fonctionnelle » (Blanc et Monomakhoff, 2008, p. 10). Dans cette quête de synergies entre opérationnels et fonctionnels, la roadmap 5 steps joue alors un rôle d’équilibre. La logique d’équilibrage s’articule ainsi : d’une part la Direction générale cadre et fixe les objectifs stratégiques et d’autre part les directions fonctionnelles ont pour objectif de rédiger les roadmaps qui traduisent concrètement les attentes. La rédaction de ce livre est l’occasion de préciser le vocabulaire propre à la méthode 5 steps, qui n’est plus celui de Valeo. Les

éléments techniques sont nommés : roadmap, sujet de roadmap, thèmes, leviers d’action, exigences et livrables.

Suite à la parution de cet ouvrage, le concepteur-consultant a demandé à un de ses amis de faire une lecture attentive et complète du livre afin de s’assurer que l’ouvrage permettait une bonne compréhension de la méthode. Cet ami était à l’époque Directeur Général dans le secteur des services et de l’audiovisuel, et a donc lu l’ouvrage en tant qu’utilisateur potentiel de la méthode. Le retour sur l’ouvrage a révélé de profondes incompréhensions de sa part sur des notions majeures de la méthode, sur la mise en œuvre de la méthode, et particulièrement sur la notion de déploiement. Cette relecture est l’occasion d’échanges intéressants sur les fondamentaux de la méthode et sur ses grandes caractéristiques, pas nécessairement bien comprises malgré la volonté de clarté et de précision affichée par les auteurs.

L’ami a ensuite proposé d’inventer un « cas d’école » qui permettrait d’illustrer plus concrètement la mise en œuvre de la méthode et d’améliorer sa compréhension. Ainsi, à partir de l’histoire d’une entreprise fictive, appelée KROG, les consultants ont-ils cherché à construire un support de formation. A partir de cette histoire d’entreprise fictive, les consultants 5 steps peuvent illustrer et stabiliser la pédagogie sur la méthode. Le cas KROG est le cas fictif d’une entreprise de ciels lumineux qui cherche à mettre en place une nouvelle stratégie suite à son rachat. L’exercice consiste à définir des sujets de roadmap à partir de la stratégie définie par le repreneur, puis à rédiger ces roadmaps.

Une formation-test a lieu au sein du cabinet de conseil, en novembre 2008, animée par deux consultants 5 steps, et à laquelle participent des consultants-amis et des chercheurs des deux laboratoires de recherche partenaires du cabinet 5 steps. Les deux consultants, en charge de cette formation, utilisent le concept de « facteurs de compétitivité » dans le déroulé de la méthode. Ces facteurs de compétitivité sont déterminés par les personnes qui assistent à la formation, à partir de leur analyse stratégique de la situation de KROG. Pour ces deux consultants, les facteurs de compétitivité correspondent à « des vecteurs de progrès » qui assurent l’atteinte des objectifs stratégiques de KROG. Une fois ces facteurs de compétitivité définis, les participants doivent déterminer s’il s’agit de thèmes ou de sujets de roadmaps. Les

facteurs de compétitivité sont des thèmes « s’ils sont transverses à tous les sujets » et sont des sujets « s’ils sont supportés par une fonction particulière de l’organisation ». On constate donc que cette notion de « facteur de compétitivité » permet de passer de la vision stratégique de l’entreprise KROG à la détermination des roadmaps. Il est intéressant de noter que la notion de capacité organisationnelle, qui semble être le fondement de la méthode pour le concepteur- consultant, n’est pas reprise par les deux consultants. Il semble que la notion de facteur de compétitivité a vocation à la remplacer.

Cette première expérience de formation à la méthode met en avant deux lacunes de la méthode et de sa présentation. D’une part, il existe un problème de définition des concepts : les « thèmes », « facteurs de compétitivité », « leviers d’action », « objectifs » sont des concepts présentés comme fondamentaux dans la méthode mais n’ont pas de définition précise et compréhensible pour les personnes qui ont assisté à la formation. D’autre part, cette formation révèle le fait que, malgré l’utilisation de la notion de facteur de compétitivité, la méthode semble ne pas gérer précisément le passage de la vision stratégique au sujet des roadmaps. Cela pose un problème dans la mesure où la méthode est présentée comme assurant la description, le déploiement et le pilotage de la stratégie. En réalité, la méthode 5 steps est une méthode qui est utilisée suite à la définition de la stratégie, elle n’a pas pour rôle d’aider à la définition de la stratégie, mais sert à traduire cette stratégie pré-définie en roadmaps. Cette formation révèle donc le besoin de travailler la méthodologie sur la traduction de la stratégie en sujets de roadmaps. Au-delà de ces lacunes sur la méthode, la formation met en avant plusieurs difficultés dans la rédaction des roadmaps. Certains points restent à préciser dans le cadre d’une formation à la rédaction : le niveau de granularité dans la rédaction des exigences et des livrables, en d’autres termes le niveau de détail et de précision dans la rédaction, le nombre maximal de leviers d’action par roadmap, la définition possible d’étapes de la rédaction (niveaux puis leviers, ou encore exigences puis livrables). Cette formation relève à nouveau l’idée de rédiger et de définir un guide du rédacteur de la roadmap.

À cette même période, les consultants commencent à réfléchir à des domaines d’application possibles de la méthode. Il s’agit de cibler des clients potentiels en leur présentant la méthode comme répondant à une problématique spécifique. La première idée est de développer une

offre sur la problématique de la mise en conformité avec la réglementation Reach. Cette règlementation européenne, relative à l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques, a pour objectif de mieux protéger la santé humaine et l'environnement contre les risques que peuvent présenter les produits chimiques. Pour cela, les consultants tentent de rédiger un début de roadmap dont le sujet est la « mise en conformité avec Reach ». Dans cet objectif, les consultants 5 steps souhaitent lier des contacts avec des « Help Desk » qui pourraient être intéressés par la méthode mais pourraient également être de bons vecteurs de diffusion de 5 steps dans ce domaine. Ces « Help Desk » sont des services à la disposition des entreprises pour les aider à mettre en place la réglementation Reach. 5 steps pourrait donc être un support pour l’aide aux entreprises.