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Conclusion de la revue de littérature

CHAPITRE 4 RECIT CHRONOLOGIQUE DE LA PHASE D’ETABLISSEMENT DE LA METHODE

STEPS

Ce chapitre est consacré au récit de la construction de la méthode 5 steps entre décembre 2007 et février 2012. Décembre 2007 est la date du séminaire interne au cabinet de conseil 5 steps au cours duquel le concepteur-consultant présente à son équipe la théorisation de la méthode et introduit pour la première fois le nom commercial de la méthode : « 5 steps ». Ce séminaire marque donc le début de la commercialisation de cette méthode, après qu’un effort d’étiquetage et de théorisation ait été mené. De décembre 2007 à novembre 2008, notre récit s’appuie sur les enregistrements, les documents et les témoignages que nous avons recueillis. A partir de novembre 2008, notre récit s’appuie sur notre présence régulière au sein du cabinet de conseil ainsi que notre participation à de nombreuses réunions et à des expériences de mise en œuvre de la méthode auprès de clients. Ainsi, ce récit est-il issu de l’ensemble de nos observations et notes prises au cours de réunions formelles, d’échanges informels, d’observation ou de participation à des échanges entre les consultants et des prospects ou des clients1.

Nous relatons ici un récit chronologique qui a vocation à restituer les faits comme ils se sont déroulés, en évitant ainsi un biais de rationalisation a posteriori. Celui-ci met ainsi en évidence l’évolution de la méthode à travers les réflexions successives, les erreurs commises, les changements d’avis, les rencontres avec des acteurs externes, les expériences avec des clients ou des prospects, tels qu’ils se sont produits. Nous nous situons ici au niveau des

1 Le détail des sources sur lesquelles nous nous appuyons pour réaliser ce récit est décrit dans le chapitre précédent sur la méthodologie de recherche.

« faits mis en forme » (David, 2000), en d’autres termes, tels qu’ils ont été observés et peuvent être restitués le plus objectivement possible. L’exposé de ces faits nous permettra par la suite de mener une analyse et d’en tirer des réflexions et des résultats quant à la phase particulière de la vie des innovations managériales que nous étudions dans cette thèse.

Afin de faciliter la compréhension du récit, nous avons fait le choix de le restituer en distinguant six grandes phases successives de cette histoire. Ces phases ont été identifiées après avoir rédigé l’intégralité du récit et parce qu’elles traduisaient, selon nous, des périodes durant lesquelles les événements étaient semblables1.

Avant d’entrer dans le récit de ces six phases de la construction de la méthode 5 steps, il nous a semblé utile de rappeler la situation d’invention de cette méthode. Cette description de l’invention s’appuie sur les entretiens menés auprès du concepteur-consultant et d’échanges plus informels que nous avons eus avec lui à ce sujet, au fil de notre présence dans le cabinet.

1 SITUATION D’INVENTION DE LA METHODE 5 STEPS

En 2004, le Directeur des Systèmes d’Information de Valeo, groupe international dans le secteur de l’équipement automobile, fait appel à la société MNM Consulting pour résoudre des problèmes de mise en œuvre de la stratégie et d’écarts de maturité entre ses sites (pays émergents, acquisitions, etc.).

La performance de Valeo, est-il affirmé, repose sur un équilibre entre l’autonomie et la standardisation. Les entités opérationnelles sont autonomes pour mettre en œuvre la stratégie du groupe mais elles doivent respecter un certain nombre de procédures et de standards formalisés par la direction générale. Pour améliorer la visibilité et l’efficacité de la mise en œuvre de ces principes, Valeo souhaite déployer un dispositif permettant de décrire la progression des sites, quant à leur acquisition des standards de l’entreprise et d’en avoir une

1 D’un point de vue méthodologique, on considéra cette mise en phase comme partie intégrante de la mise en forme, bien qu’elle procède déjà d’une forme minimale d’interprétation et donc de théorisation de niveau intermédiaire (David, 2000).

vision réaliste. Le Directeur des Systèmes d’Information et le directeur du cabinet de conseil MNM Consulting développent ainsi une méthode pour répondre à ces enjeux. La solution mise en œuvre est décrite, selon ses concepteurs, comme « une méthode de pilotage qui vise l’excellence opérationnelle ». Elle consiste en la création de matrices à deux dimensions, appelées roadmaps, et des principes de leur utilisation au sein de Valeo. La roadmap formalise un plan d’action stratégique sous la forme d’une matrice à deux dimensions et liste les actions à exécuter. Ainsi, au premier semestre 2005, des roadmaps sont-elles rédigées et déployées pour un seul réseau fonctionnel, celui du Système d’Information. Au second semestre 2005, la méthode est appliquée à plusieurs réseaux fonctionnels de Valeo, et ainsi plus de 80 roadmaps sont rédigées et déployées dans l’ensemble de l’organisation. Les concepteurs de la méthode considèrent cette extension de l’application de la méthode comme une validation de la généricité et de l’efficacité de la méthode proposée1.

Pour le concepteur-consultant, la mise en œuvre et la réussite de cette solution, qui repose sur un outillage informatique, ont été rendues possibles parce qu’elle ont bénéficié d’un contexte technologique favorable. En effet, la généralisation d’internet et le développement des technologies web ont rendu possible l’utilisation au sein de toutes les entités du groupe à un coût raisonnable2.

A la fin de l’année 2005, le cabinet de conseil, co-concepteur de cette solution chez Valeo, qui dispose d’un département de R&D, a ensuite décidé de formaliser et de rendre générique la solution proposée à Valeo. La « théorisation » de cette méthode s’est donc faite a posteriori, avec la participation d’un doctorant au sein du cabinet de conseil. Le résultat principal de cette thèse est l’ancrage de la méthode dans le champ théorique des capacités organisationnelles3. L’idée d’explorer les théories sur les capacités organisationnelles pour

1 Propos recueillis auprès du concepteur-consultant au cours d'une présentation commerciale à un prospect, au cours de laquelle il revient sur l'histoire de la méthode, en mai 2009.

2 Propos recueillis au cours d'un échange avec le concepteur-consultant suite à sa lecture du récit de la méthode que nous proposons, en juillet 2011.

3 Ibrahima FALL, Approche « gestionnaire » de la capacité organisationnelle et pilotage du progrès : apports d’un dispositif pionnier et gestion des capacités organisationnelles dans une entreprise mondialisée, Thèse

décrire la méthode provient d’une discussion entre un chercheur en sciences de gestion et ce doctorant, suite à une présentation de son travail de thèse.

Cette réflexion théorique a nourri la formalisation de la méthode appelée « méthode 5 steps », laquelle se traduit par la publication d’un ouvrage, en 2008, destiné à présenter la méthode et à expliciter la manière de la mettre en œuvre dans les organisations. Cet ouvrage a été co-écrit par le directeur du cabinet de conseil et le Directeur des Systèmes d’Information (DSI) qui sont les deux concepteurs de la solution mise en œuvre chez Valeo.

Il nous semble important de qualifier l’activité de « théorisation » dans le cas de la méthode 5 steps. Nous ne pouvons pas considérer qu’il y ait eu une réelle théorisation, au sens où une théorie émerge et est produite à partir d’une expérience concrète dans une organisation. Cette activité s’est résumée à une montée en généralité à partir du cas Valeo, avec la production d’un vocabulaire, des principes et des pratiques particuliers. Elle implique également une mise en correspondance avec les travaux académiques sur les capacités organisationnelles. Ce rattachement théorique, a posteriori, semble servir deux objectifs. Il permet tout d’abord d’approfondir la compréhension de la méthode, de ses objectifs et de son contenu. Cela participe donc à la manière d’en parler dans une logique commerciale. Le rattachement à cette notion permet également la mise en œuvre de la méthode. L’effet le plus immédiat est l’existence d’un output de la méthode directement lié à cette notion : la liste des capacités organisationnelles à développer afin d’atteindre ses objectifs stratégiques.

Ainsi, au moment où nous débutons notre travail de thèse, en novembre 2008, la méthode 5 steps est « étiquetée et théorisée » au sens de Birkinshaw et al. (2008). Nous allons maintenant décrire l’évolution de la méthode, telle que nous avons pu l’observer entre 2008 et 2012. Il nous semble cependant intéressant de relater certains événements antérieurs pour lesquels nous avons eu accès à des documents et des enregistrements. Ainsi démarrerons-nous notre restitution de l’évolution de la méthode 5 steps, en décembre 2007. A cette date, le concepteur-consultant organise un séminaire interne, avec l’ensemble des consultants du cabinet de conseil, qui marque le début de la commercialisation de la méthode 5 steps. L’enregistrement de ce séminaire nous permet d’accéder au discours de référence initial du concepteur-consultant après un travail d’étiquetage et de théorisation. Il pourra ainsi être

155 comparé aux discours ultérieurs et nous pourrons donc mettre en avant les modifications, évolutions et changements, le cas échéant.

Nous avons pu ainsi identifier six grandes phases dans la construction de la méthode 5 steps, qui sont résumées dans le tableau suivant (Tableau 18) et que nous allons détailler par la suite.

Théorisation et poursuite d’expériences

Décembre 2007 – Novembre 2008

Phase 1

Evénements :

Décembre 2007 : séminaire interne de présentation de la méthode « théorisée » à l’ensemble des consultants du cabinet par le concepteur- consultant et le doctorant qui a travaillé sur le rapprochement de la méthode avec la théorie des capacités organisationnelles

Décembre 2007 : création de la société 5 steps, chargée de promouvoir la méthode

Février 2008 : choix du logo pour la méthode 5 steps

Année 2008 : mise en œuvre de la méthode dans une organisation publique, soutenue par la direction du contrôle de gestion, sur les problématiques d’accueil du public et de mise en place d’un système décisionnel

Mai 2008 : publication du livre La méthode 5 steps, aux Editions AFNOR, écrit par le concepteur-consultant et le concepteur-DSI

Septembre 2008 : retour de la lecture de l’ouvrage par un ami du concepteur- consultant

Septembre 2008 : création du cas KROG, « cas d’école », qui permet de décrire une situation fictive de mise en œuvre de la méthode et qui a vocation à être utilisé dans les formations à la méthode

Novembre 2008 : expérimentation de la formation, en utilisant le cas KROG, par les consultants auprès de consultants-amis et de chercheurs de laboratoires partenaires

Novembre 2008 : réflexion sur une offre particulière de 5 steps, qui réponde à la problématique de la mise en conformité avec la réglementation Reach Contexte :

Le concepteur-consultant rencontre plusieurs premiers prospects et teste les présentations de la méthode, sans déterminer une présentation « standard » officielle

Construction de l’argumentaire, du discours commercial

Novembre 2008 – Avril 2009 Evénements :

Novembre 2008 : définition des 5 niveaux de la roadmap par l’utilisation de l’acronyme S.T.E.P.S.

Décembre 2008 : travail des consultants pour déterminer les bénéfices de la méthode

Janvier 2009 : définition et première utilisation de la présentation commerciale standard : utilisation de l’acronyme S.T.E.P.S., de la « mise en abîme », de la référence au BSC, de la notion de capacités organisationnelles Février 2009 : travail sur le format de roadmaps « simplifiées » qui ont vocation à servir d’exemples dans les présentations commerciales

Contexte :

Recherche de nouveaux sujets d’application de la méthode qui permettent de développer une offre spécifique : le référentiel Marianne (référentiel d’accueil du public), le référentiel EFQM

Définition d’outils qui complètent la méthode et facilitent sa mise en œuvre

Mai 2009 – Septembre 2009 Evénements :

Mai 2009 : nouveau client (établissement public à caractère industriel et commercial) : occasion de tester une méthodologie d’entretiens pour définir les sujets des roadmaps

Mai 2009 : travail de définition d’une liste de thèmes génériques

Juin 2009 : premier petit-déjeuner commercial animé par le concepteur- consultant et un consultant-partenaire sur le thème de la sécurité informatique Septembre 2009 : des ateliers de rédaction de roadmap au sein de M-Lab sont l’occasion d’expérimenter une nouvelle méthodologie pour déterminer les sujets de roadmaps : les « ateliers post-it ». Cette méthodologie est à nouveau testée, et validée, au sein du cabinet de conseil qui rédige ses propres roadmaps pour répondre à sa stratégie de marque mondiale

Septembre 2009 : la rédaction de nouvelles roadmaps au sein de Valeo permet de définir une méthodologie de compte-rendu de réunions de rédaction

Contexte :

Formalisation de la relation avec les consultants-partenaires : définition des contrats de partenariat et de leur fonctionnement

156 consultant et apparition d’un nouvel élément de présentation : le « gadget des 48% »

Elargissement : nouveaux produits et structuration d’offres particulières

Octobre 2009 – Juin 2010

Phase 4

Evénements :

Octobre 2009 : travail sur les modules de formation des consultants- partenaires

Octobre 2009 : travail d’un groupe d’étudiants sur l’application de la méthode sur le sujet du développement durable

Octobre 2009 : nouveau petit-déjeuner avec un consultant-partenaire sur le thème de la mise en œuvre de 5 steps dans le domaine des achats

Novembre 2009 : travail avec un consultant-partenaire pour créer une offre Développement Durable destinée aux collectivités

Janvier 2010 : expérimentation de la formation destinée aux consultants- partenaires

Janvier 2010 : construction d’un discours commercial spécifique à destination des pôles de compétitivité matérialisé par la réalisation d’une plaquette commerciale

Mars 2010 : réflexion sur la rédaction de roadmaps génériques : roadmaps qui peuvent être vendues comme des produits particuliers, et qui mettent en avant l’expertise sur un domaine spécifique par le sujet qu’elles traitent Mai 2010 : travail avec certains chercheurs du M-Lab dans le cadre d’une réponse à un appel à idées : possibilité de combiner 5 steps avec la méthode « DKCP » : nouvelle définition de la méthode 5 steps comme « outil d’évaluation stratégique »

Juin 2010 : les pôles de compétitivité sont considérés comme l’une des cibles commerciales prioritaires

Juin 2010 : petit-déjeuner commercial avec un nouveau consultant-partenaire sur le thème des ressources humaines

Juin 2010 : travail avec un consultant-partenaire sur la rédaction de roadmaps génériques destinées aux pôles de compétitivité

Contexte :

Difficultés commerciales du cabinet de conseil : aucune prospection commerciale n’aboutit

Augmentation du nombre de partenariats avec des consultants, ce qui soulève des difficultés : la certification n’est pas facile à faire accepter, besoin d’une phase d’expérimentation qui démontre la pertinence et l’intérêt de la méthode (co-traitance ou sous-traitance)