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Conclusion de la revue de littérature

PARTIE 2 LE CAS DE LA METHODE 5 STEPS

1 DESIGN DE RECHERCHE BASE SUR UNE ETUDE DE CAS

1.3 Design de recherche qualitative

Afin de réaliser cette étude de cas, nous avons fait le choix de mener une observation participante.

1.3.1 Le choix d’une observation participante

L’application du paradigme constructiviste ou ingénérique au champ des sciences de gestion implique que le chercheur contribue à la construction de la réalité. Cette contribution peut se faire de manière directe, le chercheur participe à la construction concrète de la réalité ou de manière indirecte, le chercheur conçoit des représentations. La réalité en gestion est faite d’artefacts et d’acteurs qui élaborent et utilisent ces artefacts. La réalité est construite dans la mesure où les chercheurs n’en ont que des représentations construites par les acteurs (David, 2000).

David (2000) présente les différentes démarches de recherche en fonction de deux critères : l’objectif de construction de la recherche, concrète ou mentale, d’une part, et la démarche de recherche, qui part de l’existant ou d’un projet de transformation au moins partiellement défini, d’autre part (Tableau 11).

Objectif

Construction mentale de la

réalité Construction concrète de la réalité Partir de l’existant

(observation des faits ou travail du groupe sur son propre comportement) Observation participante ou non Elaborer un modèle descriptif du fonctionnement du modèle étudié. Recherche-action Aider à transformer le système à partir de sa propre réflexion sur lui- même, dans une optique participative. Démarche Partir d’une situation idéalisée ou d’un projet concret de transformation Conception « en chambre » de modèles et outils de gestion

Elaborer des outils de gestion potentiels, des modèles possibles de fonctionnement, sans lien direct avec le terrain.

Recherche-intervention

Aider, sur le terrain, à concevoir et à mettre en place des modèles et outils de gestion adéquats, à partir

d’un projet de

transformation plus ou moins complètement défini. Tableau 11 - Quatre démarches de recherche en sciences de gestion - David (2000)

Dans cette thèse, nous adoptons une démarche d’observation participante afin d’élaborer un

modèle descriptif du fonctionnement du phénomène étudié. Il s’agit de partir de l’existant,

c’est-à-dire de l’observation de la situation de cabinet de conseil dans sa tentative d’établissement de la méthode 5 steps, avec un objectif de construction mentale de la réalité. Cette stratégie particulière d’accès au terrain « implique toute la personne de l’observateur » (Journé, 2008) afin d’accéder au phénomène étudié puis d’en rendre compte et l’analyser. L’observation participante implique que le chercheur fasse les mêmes activités et vive les mêmes situations que les acteurs observés. Ainsi, adopte-t-il une double casquette de chercheur et de professionnel (Journée, 2008). Cela passe donc par une immersion de façon prolongée et permet de mettre en place différents dispositifs de recherche comme l’observation, les entretiens, la participation aux activités (Chanlat, 2005). L’observation participante postule un principe d’interaction avec les sujets étudiés. Ainsi, les données ne sont-elles pas simplement recueillies mais produites ou co-produites avec les acteurs (Gombault, 2005). Cette position assure un point de vue interne et accès privilégié aux données d’observation. Le chercheur possède ainsi une connaissance intime de l’organisation dont il a adopté les codes et la culture (Journé, 2008). La position et le statut particulier du chercheur, qui vont le conduire à produire des analyses, est connu par les acteurs.

L’observation permet d’éviter le biais de reconstitution a posteriori, dans la mesure où elle offre la possibilité d’accéder en temps réel à l’objet de recherche. Cet aspect est particulièrement important dans notre recherche puisque nous souhaitons explorer une période particulière de la vie des innovations managériales : le passage d’un modèle contextuel à un modèle établi. Cette période est certainement marquée par des hésitations, des essais-erreurs, des retours en arrière, etc. L’observation en temps réel permet de saisir ces réflexions et ces événements qui participent à l’établissement d’une innovation et d’éviter la rationalisation a posteriori de ce processus.

Nous tenons à préciser que notre méthodologie s’est limitée à une observation participante et que nous n’avons pas adopté de posture de recherche-action ou recherche-intervention. Les acteurs que nous avons observés étaient dans une dynamique de transformation, dans la mesure où ils souhaitaient faire établir la méthode. Mais l’objectif de notre recherche est bien de proposer une construction mentale de la réalité et non une construction concrète. Notre participation au sein du cabinet avait pour vocation de mieux comprendre et suivre les actions et comportements des acteurs, et non de produire un changement pour en observer les effets afin d’instruire notre question de recherche.

1.3.2 Quelles relations avec le terrain ?

Un dispositif d’observation participante implique de prendre certaines précautions pour assurer la qualité des données. En effet, l’observation est liée au regard de l’observateur sur le sujet de recherche. Il n’est pas pertinent de tenter de le neutraliser dans le sens où cette subjectivité est un outil d’investigation du chercheur (Gombault, 2005) ; mais il est important de trouver la bonne distance avec le terrain, ce que Matheu (1986) appelle la « familiarité distante ». Une trop grande familiarité avec l’organisation peut empêcher le chercheur de s’affranchir des catégories usuelles de l’organisation qui conduisent à une vision parcellaire. Symétriquement, la distance avec l’organisation ne doit pas être trop importante pour parvenir à une compréhension fine. Il doit réussir à rentrer dans l’organisation avec un statut acceptable, à la fois pour le groupe et pour lui-même, c’est-à-dire qu’il doit prendre part aux activités du groupe sans laisser penser qu’il est un de ses membres. De plus, le chercheur doit veiller à avoir une « attention vigilante » (Journé, 2008). Il s’agit de porter attention aux

acteurs, à leurs contextes, leur comportement, ou encore leurs réactions et leur ressentiment des situations ; tout en organisant son attention, afin de ne pas trop la disperser ni de la polariser avec excès. Cela impose donc une réflexivité du chercheur sur son propre comportement et son observation.

Dans un paradigme constructiviste, le chercheur produit des explications de ces observations qui ne sont pas la réalité mais un construit sur la réalité des acteurs pouvant l’expliquer (Gombault, 2005). Cela passe par un mouvement de participation-décentration, c’est-à-dire une alternance de présence et d’observation sur le terrain avec des retraits réguliers.

La qualité des données produites est également assurée par la triangulation des sources et des techniques de production : entretiens, observation, documentation, etc.

L’observation participante implique des risques de manipulation réciproque entre les acteurs du terrain et les chercheurs : le chercheur parce qu’il essaie d’obtenir la confiance des acteurs ; les acteurs qui essaient de se montrer sous leur meilleur jour ou utilisent le chercheur pour faire passer des messages dans l’organisation (Journé, 2008).

Dans notre cas, le risque de manipulation est lié au statut du chercheur dans une stratégie d’établissement d’une méthode. En effet, dans la relation avec les clients du cabinet, la présence d’un chercheur peut véhiculer une image de validité et de rigueur de la méthode, qui peut constituer un argument dans le choix d’adoption d’une organisation. De manière plus générale, le partenariat avec un établissement de recherche est un élément de l’affichage et de la rhétorique du consultant sur sa méthode. Face à ce risque, il est essentiel de pouvoir mener ses recherches avec autonomie et liberté, et de garder un esprit critique sur les observations réalisées. La réflexivité du chercheur est donc essentielle dans ce contexte. Le cadrage du partenariat qui rend possible la critique de la méthode, mais également un financement extérieur (allocation de recherche de l’Université) participent à cette autonomie de la recherche.