86. - Les risques propres au contrat de commerce électronique. Contracter à distance
par voie électronique comporte un risque lié aux caractéristiques mêmes d‟Internet qui sont à la fois ses avantages et ses inconvénients tels l‟immatérialité des échanges,
l‟internationalité du réseau, l‟interactivité et la rapidité de la transaction.
87. - Le risque lié à l’immatérialité des échanges. L‟immatérialité des échanges pose un problème relatif à la valeur juridique de l‟écrit et de la signature électroniques tant pour la
validité de l‟acte juridique que pour sa preuve.
88. - Le risque lié à l’internationalité du réseau. L‟internationalité du réseau soulève
plusieurs difficultés telles que : l‟identification des parties ; la connaissance du pays de
provenance de l‟offre ou de la publicité ; la détermination de la loi applicable et de la
juridiction compétente en cas de litige. L‟internaute peut accéder à des offres étrangères formulées en langue étrangère d‟où le risque de mauvaise compréhension susceptible de
mener à la conclusion du contrat sur la base d‟une erreurou d‟un malentendu.
89. - Le risque lié à l’interactivité et la rapidité de la transaction. L‟interactivité et la
rapidité : grâce à l‟interactivité du réseau, l‟acheteur prend connaissance des conditions
contractuelles à partir d‟un lien hypertexte installé spécialement sur le site du vendeur.
Lorsque l‟acheteur passe commande, le vendeur déduit que ses conditions contractuelles (effectivement lues ou non) ont été acceptées. Or, l‟échange de consentements par voie
électronique s‟effectue rapidement, ce qui peut vicier le consentement du contractant : la
volonté exprimée par l‟une des parties peut ne pas correspondre à celle conçue par l‟autre. La rapidité du réseau rend encore le moment de l‟émission et de l‟acceptation et sa
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exprime-t-elle une volonté ferme, certaine et réfléchie, d‟autre part, à quel moment le
contrat électronique se forme-t-il ?
90. - La nécessaire recherche de la confiance dans l’économie numérique. Au regard
de ces risques particuliers et en considération de l‟intérêt évident porté par les pouvoirs publics à ce mode de commercialisation de masse, l‟attention s‟est naturellement portée sur
la nécessité d‟assurer la confiance dans l‟économie numérique. Cette attention a d‟abord
été celle des professionnels et des organismes les représentant. La CCIP (Chambre de
Commerce et d‟Industrie de PARIS) a élaboré en 1998 un contrat type de commerce
électronique contenant les clauses types et les obligations légales de base à respecter108.
Cette attention a, ensuite, été prise en compte par le législateur, au plan européen puis national. C‟est, en tout premier lieu, le souci de sécurisation en face du caractère
international des réseaux qui a mobilisé prioritairement le législateur européen109
conformément à l‟un des objectifs communautaires, «la réalisation d’un niveau élevé de
protection des consommateurs »110. Mais la recherche d‟un juste équilibre entre l‟enjeu
économique et la protection des consommateurs a animé le débat pour un code européen du droit des contrats ayant pour but de favoriser les échanges économiques au sein de
l‟Union européenne111.
108 M. NAIMI, « Le contrat –type de commerce électronique de la CCIP et de l‟AFCEE », RDIT 1998/3,117.
109 E. CRABIT, « La politique juridique du marché intérieur dans le domaine de la société de l‟information »,
Petites affiches, 21 févr. 2002, p. 27 ; A. PALACIO, « Le commerce électronique, le juge, le consommateur,
l‟entreprise et le Marché intérieur : nouvelles équations pour le droit communautaire », Revue du droit de l’Union européenne, 2001, 1, p. 5 ; A. PALACIO, « Le droit communautaire et la société de l‟information :
quelques exercices d‟imagination juridique », Petites affiches 2002, n° 38, p. 46.
110 Droit et patrimoine, oct. 2002, p. 93 ; Le livre vert sur la protection des consommateurs dans l’Union européenne, Commission 2002, 289, final.
111 CALAIS-AULOY, « Harmonisation du droit de la protection des consommateurs ; quelles voies, quels
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§ 1 : Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 (directive commerce
électronique)
91. - La Directive « Commerce Electronique ». La Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil a été adoptée le 8 juin 2000. Contrairement à la directive de 1997
sur les ventes à distance, elle a spécialement pour objet l‟internet. Elle est relative à
certains aspects juridiques des services de la société de l‟information, et notamment du
commerce électronique, dans le marché intérieur. On l‟appelle la «directive commerce
électronique »112 ou la Directive DCE.
Le commerce électronique y est défini comme étant « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services» à laquelle sont assimilés «les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ».
Cette définition, très large, repose sur la réunion de trois éléments : L‟exercice
d‟une activité économique, ce qui exclut les activités purement désintéressées par exemple
un site personnel qui fournit de l‟information gratuite ; La fourniture de bien et de service
(en réalité, il faut lire, en dépit d‟une maladresse de rédaction « ou »), ce qui recouvre
l‟ensemble des contrats spéciaux; L‟utilisation d‟une technique de communication
électronique à distance, ce qui implique l‟utilisation de l‟outil électronique et des réseaux
de télécommunication: l‟Internet, les réseaux télématiques (Minitel), les liaisons
spécialisées, le câble ou le téléphone interactif. Cette technique peut être utilisée soit pour la conclusion du contrat, soit pour son exécution. Sont ainsi aussi visés les propositions de
112 JOCE, n° L 178, 17 juill. 2000 : I. GAVANON, « La directive « commerce électronique» : continuité ou
nouveauté juridique », déc. 200l, chron., n° 28, p. 10 ; T. VERBIEST, « La directive européenne sur le commerce électronique », Bulletin d’actualités Lamy droit de l’informatique et des réseaux, août-sept. 2000, n° 128, p. 2.
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vente de marchandises dont la livraison passe par les procédés traditionnels que les ventes de biens fournis directement par voie électronique tels que des logiciels téléchargeables ou
encore l‟accès à des services en ligne comme des bases de données d‟informations.
92. - L’objectif poursuivi par la Directive. La Directive a pour objectif d‟assurer la libre circulation des services de la société de l‟information entre les États membres (art. 1er). Elle adopte plusieurs dispositions contribuant au développement du commerce électronique et, ce qui intéresse notre étude, à la protection des consommateurs. La
directive impose d‟abord aux États membres : d‟éliminer de leur droit national toutes les
mesures législatives ou réglementaires entravant la libre circulation de services par voie électronique ; d‟intégrer dans leur législation nationale un certain nombre de dispositions réglementant ces services afin d‟harmoniser la protection de leurs destinataires à l‟intérieur
du marché unique européen. Elle encourage ensuite l‟élaboration des règles de bonne
conduite dites d‟autorégulation ou de co-régulation du commerce électronique qui visent à
trouver un juste équilibre entre l‟intervention législative et l‟autorégulation des acteurs113.
Elle encourage enfin le recours aux règlements extrajudiciaires de litiges contractuels surtout ceux de la consommation (art. 16 et s.).
93. - La prise en compte de la protection des consommateurs. Quant à la protection des consommateurs, la directive adopte deux dispositions. Elle énonce, d‟une part, dans
son considérant n° 11 : « la présente directive est sans préjudice du niveau de protection existant notamment en matière de protection de la santé publique et des intérêts des consommateurs, établi par les instruments communautaires. Entre autres, la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance constituent un élément fondamental pour la protection des consommateurs en matière contractuelle. Ces directives sont également applicables, dans leur intégralité, aux services de la société de l’information [… ]. La présente directive
113 M.-A. FRISON-ROCHE, « Définition du droit de la régulation économique », D. 2004, chron. p126 ;
J.-M. CHEFFERT, « Le commerce électronique : l‟autorégulation et asymétrie d‟information », Rev. Ubiquité
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complète les exigences d’information établies par les directives précitées et en particulier la directive 97/7/CE ». Cela coïncide avec l‟objectif du Conseil d‟État français qui souhaitait dans son rapport « Internet et les réseaux numériques » diffusé en 1998, assurer
aux consommateurs une protection d‟un degré comparable, lors de transactions
dématérialisées, à celle dont ils jouissent à l‟occasion de ventes à distance classiques114.
La directive exige enfin, loyauté et transparence dans les relations contractuelles passées
par voie électronique en imposant une obligation d‟information à la charge du fournisseur
en faveur de tout destinataire (professionnel ou consommateur) : si ces règles peuvent être écartées par convention entre professionnels, elles sont, au contraire, impératives lorsque le destinataire est un consommateur.
Il faudra attendre 2004 pour que cette directive soit transposée en droit français.