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Originalité du commerce électronique

3- Originalité du commerce électronique

Outil juridique du commerce électronique, les contrats du commerce électronique sont originaux en raison de leurs modalités de conclusion. Ces modalités de passation des

contrats sont en effet à l‟origine de trois conséquences qui ensemble confèrent aux contrats

du commerce électronique une originalité toute particulière.

42. - La dématérialisation du contrat. En premier lieu, la passation des contrats par voie électronique affecte leur forme. En effet, la conclusion en ligne des contrats ne permet pas

d‟établir un contrat écrit au sens classique du terme, c'est-à-dire dressé sur un support de

papier, destiné à laisser la trace de cet épisode important de la formation du contrat :

l‟échange des consentements, grâce à la rédaction des termes de l‟accord et à l‟apposition par les parties d‟une signature exprimant leur volonté de les approuver. La disparition du

support matériel et par voie de conséquence la séparation de l‟information donnée à

l‟acheteur et des données constitutives de l‟accord constituent ce phénomène marquant des échanges électroniques que l‟on appelle la «dématérialisation » du contrat.

43. - La dépersonnalisation du contrat. Les contrats du commerce électronique sont, en second lieu, des contrats conclus à distance, entre des parties, personnes physiques ou

morales, qui ne se trouvent pas en un même lieu géographique lors de l‟échange du

consentement. Les parties à un contrat du commerce électronique, conclu via les réseaux

planétaires ouverts au grand public, ne se connaissent pas nécessairement, pas plus qu‟elles n‟ont obligatoirement de certitude quant à la localisation géographique l‟une de l‟autre.

C‟est ce qu‟il est convenu d‟appeler la « dépersonnalisation » du contrat.

44. - La dimension internationale du contrat. La passation des contrats par voie électronique donne, en troisième lieu, à ces derniers une dimension internationale incontournable, tout au moins pour ceux qui sont destinés à être conclus sur les réseaux

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Ces trois particularités du contrat du commerce électronique ne sont pas nouvelles en elles-mêmes, considérées isolément, mais c‟est leur rencontre : dématérialisation, dépersonnalisation et dimension internationale, qui « constitue une des sources majeures de l’originalité de ces contrats »56.

Pour le surplus, en dehors de cette particularité liée à la technique de formation, les contrats du commerce électronique sont, par ailleurs, ce qui leur donne une double nature,

des contrats classiques de notre droit des obligations tels que vente, bail, louage d‟ouvrage,

pour ne citer que les plus fréquents. Tous les domaines de la vie juridique sont donc concernés même si la vente apparaît, à ce jour, comme le contrat de commerce électronique dominant. Le contrat de commerce électronique semble avoir vocation à

s‟adapter à tous les types d‟activités commerciale et c‟est sans doute une des raisons qui

explique son développement économique.

4 – Les chiffres

45. - Les chiffres exprimant ce développement. Malheureusement, il n‟existe pas de

statistiques économiques officielles globales et claires au sujet du poids du commerce électronique notamment parce que de nombreuses entreprises parmi les plus importantes qui y ont recours sont également établies dans des installations commerciales

traditionnelles ou exercent parallèlement la vente par correspondance de sorte qu‟elles ne

publient pas de chiffres distincts pour les deux types de techniques de commercialisation57.

Le caractère « transversal » du commerce électronique qui se déploie selon des

pourcentages très variés dans l‟ensemble des branches de l‟économie gène également la

collecte d‟informations globales.

56 F. MAS, La conclusion des contrats du commerce électronique, Thèse PARIS I, 2005, page 21.

57 On appelle parfois en terminologie anglo-saxonne les entreprises qui proposent complémentairement la vente en magasin et la vente en ligne, les distributeurs « click and mortar » (des clics et du mortier).

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Les sources en la matière ont donc le caractère de sondages et non de chiffrage

exhaustifs. Elles sont constituées d‟associations privées telles que la FEVAD58 (Fédération

de l‟E-commerce et de la Vente A Distance) ou l‟Association pour le Commerce et les

Services en Ligne (ACSEL) sur le site desquelles il est possible d‟obtenir communication

de chiffres qui ne sont donc jamais que des extrapolations tirées des données économiques fournies par leurs adhérents.

46. - Des taux de progression spectaculaires. L‟importance prise progressivement par le marché du commerce électronique, d‟année en année, en annonçant des taux de

progression spectaculaire est incontestable. En reprenant les chiffres publiés dans le cours des dernières années59 et qui sont donc à considérer avec une certaine circonspection, le niveau du commerce électronique augmenterait depuis plusieurs années à un rythme

supérieur à 20 % (33 % en 2006 et 9 milliards d‟€ en volume ; 26 % en 2009 et 25

milliards d‟€ en volume).

En 2010, le commerce en ligne a progressé de 24 %, tiré notamment, par

« l‟explosion» du nombre de sites marchands et par l‟augmentation impressionnante du

nombre d‟acheteurs en ligne60 et ceci malgré un léger recul, dans le même temps, du

commerce de détail considéré dans son ensemble (- 1,4 %). L‟augmentation du nombre de

sites marchands se serait établie à + 28 % avec 17.800 nouveaux sites portant le total des sites actifs à 81.90061. Les 40 principaux sites français ont augmenté leur chiffre d‟affaire

de + 15 % ce qui montre l‟impact des nouveaux internautes de + 12 % portant leur nombre

58 Les statistiques de la FEVAD sont tirées des informations collectées auprès de 37 sites pilotes choisis parmi les plus importants.

59 Cf. le site www.cyberlog-corp.com.

60 Cf. le site www.contrepoints.org. Commerce électronique en France, 24 janvier 2011.

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total à 27,3 millions de personnes62 qui réalisent en moyenne, chacun, 12 transactions par

an, pour un montant moyen de 91 €.

47. - Les évolutions récentes. La dernière évolution sensible correspond à l‟apparition

sur le marché du commerce électronique, des « TPE » (très petites entreprises) qui représentent, en 2010, 15 % du marché environ et qui investissent plus particulièrement le domaine des services et du commerce. Les grandes évolutions permettent de constater

qu‟entre 2001 et 2010, les femmes qui ne représentaient que 24 % des internautes ont

rattrapé les hommes en 2010 avec 49 % contre 51 %.

On sait que, pour ce qui concerne la vente de biens, les secteurs les mieux représentés sont ceux de la vente de biens culturels (CD, DVD, livres, etc.), d‟appareils

technologiques (informatique, photo numérique, hi-fi, etc..), de séjours touristiques et voyages (billetterie des trains et avions, locations immobilière ou hôtelière, etc. ), de produits de grande consommation (achats vers les supermarchés en ligne), de produits

d‟imprimerie (cartes de visites, plaquettes, supports commerciaux, etc.) et enfin de produits

pour l‟habitat (vêtements, puériculture…).

Il existe également des produits vendus en ligne exclusivement pour les professionnels (« B 2 B ») comme le vin, les matériels informatiques pour les bureaux

d‟étude, le matériel BTP, les véhicules utilitaires, etc. Enfin, de nombreux sites offrent des

services en ligne : développement de photographies numériques, téléchargement de musique, vente aux enchères entre particuliers, location de DVD, VOD (vidéo à la demande), banque en ligne, assurance en ligne, presse en ligne, etc.

Au total, ce seraient, chaque année, base 2010, 277,8 millions de transactions qui interviendraient par voie électronique, constituant donc autant de contrats du commerce

62Une étude de l‟organisme de sondage « Médiamétrie » considère quant à elle un chiffre de 38 millions

d‟internautes sur 2010, preuve de ce que les chiffres sont à appréhender avec prudence notamment parce qu‟il est difficile de distinguer un simple internaute occasionnel d‟un véritable acheteur en ligne habituel.

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électronique relevant de notre étude. Cette activité procurerait des emplois à 60.000 personnes directes ou indirectes en « équivalent temps plein ».

48. - Les perspectives d’avenir. On considère que les marges de progression demeureront encore considérables pour de nombreuses années puisque près de 50 % des entreprises ne seraient pas encore inscrites sur le web pour y faire commerce, tandis que, dans le même sens, le commerce électronique ne représente, environ, que moins de 5 % de

l‟ensemble du volume d‟activité du commerce national de détail considéré globalement63.

Selon la FEVAD, la progression du commerce électronique devrait se poursuivre pour

atteindre un volume de transactions de plus de 45 milliards d‟€ en 2012. Ces chiffres permettent de comprendre l‟attention toute particulière du législateur à l‟égard du

commerce électronique et sa volonté d‟en permettre le développement par la confiance des

consommateurs.

C‟est pour prendre en compte cette nécessité de protection que le législateur est intervenu de manière de plus en plus complète en mettant en œuvre diverses méthodes qui

avaient déjà fait leurs preuves notamment dans le cadre de la réglementation des contrats à

distance et tendant à protéger le contractant par une obligation d‟information, le

formalisme informatif. En fait, il sera possible de constater, dans le fil de cette étude, que

l‟obligation d‟information connaîtra, à l‟occasion de la réglementation du commerce

électronique, une véritable « explosion ».

B – Exigence de la confiance des consommateurs

et obligation d’information

49. - La confiance comme objectif assigné à l’obligation. L‟apparition d‟internet s‟est

aussitôt présentée pour le législateur comme une sorte de défi, celui « d’intégrer ce

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phénomène nouveau dans l’environnement juridique »64 qui déjà, en 2003, concernait « un dixième de l’humanité »65. Il s‟agissait, pour les membres du Parlement, de préparer un texte qui permette, tout en remplissant avec retard66, l‟obligation de faire entrer dans le

droit interne les dispositions de la Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, de créer les conditions du développement du commerce électronique déjà perçu comme « un secteur majeur du développement économique des sociétés contemporaines »67 dont on évoquait « l’émergence irrésistible »68. Le rapport de la Commission des Affaires Economiques, de

l‟Environnement et du Territoire69 qui présentait le projet de loi à l‟Assemblée indiquait :

« Le présent projet de loi vise donc à promouvoir le commerce électronique, et s’attache pour cela à créer les conditions de la « confiance dans l’économie numérique » comme

l‟indique son titre. En ce qui concerne les informations fournies par les commerçants en

ligne, on évoquait un sentiment d‟insécurité : « Un sentiment d’insécurité subsiste. Celui-ci

est lié au manque d’informations sur l’identité et la preuve de l’existence réelle de l’entreprise offrante, les caractéristiques du bien ou service offert, la loi applicable en cas de différends avec le vendeur et la valeur juridique des engagements pris en ligne. »70

La loi LCEN que nous examinerons dans le cours de cette étude puisqu‟elle est au

cœur du sujet, correspondait, dans l‟esprit du législateur, à une sorte de «remise au pas »

du commerce informatique et plus généralement de l‟internet, en le pliant à l‟ensemble des législations déjà en œuvre, en l‟intégrant dans l‟état du droit national pour qu‟il s‟y fonde

sans y apparaître comme une exception et un danger. C‟est un des intérêts majeurs de cette étude que d‟examiner si la loi a rempli son objectif. C‟est l‟interrogation que nous

poserons en conclusion.

64 Rapport de la Commission des Affaires Economiques, de l’Environnement et du Territoire sur le projet de

Loi (n° 528) pour la confiance dans l’économie numérique, texte disponible sur le site de l‟Assemblée

nationale, http://www.assemblee –nationale.fr.

65 Ibid.

66 Le délai fixé par la Directive expirait normalement le 17 janvier 2002.

67 Rapport précité.

68 Ibid.

69 Le rapport précité.

70 Rapport au Premier Ministre de Monsieur le Député C. PAUL, Du droit et des libertés sur internet, Collection des rapports officiels, La documentation française, 2001, p. 36.

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