On trouve dans la réglementation relative aux clauses abusives, des dispositions
intéressant notre étude. Une chose est en effet d‟obliger le commerçant électronique à
remplir des obligations d‟information, une autre chose est de lui interdire de chercher à
tromper son interlocuteur en insérant dans le contrat électronique, des clauses de nature à
contredire ou limiter l‟obligation mises à sa charge, ou encore à écarter les sanctions
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A - La Loi dite « LME »
83. - La liste noire. La loi de modernisation de l‟Economie dite « Loi LME » publiée le
1eroctobre 2008 a introduit, par son article 86, d‟importants changements dans les relations
entre professionnels et consommateurs dans le domaine du commerce en ligne en
modifiant l‟article L 132-1 du Code de la Consommation qui prévoit désormais qu‟un
décret établira une « liste noire » des clauses illicites et une « liste grise » des clauses « présumées » abusives qui ont vocation à s‟appliquer au commerce en ligne.
L‟établissement de la «liste noire » a pour but de simplifier le travail des tribunaux qui, en
présence d‟une clause inscrite sur la liste, n‟auront pas à procéder à l‟appréciation de son
caractère abusif définitivement acquis dans le cadre de la règle de droit. Il suffira dans un tel cas au Juge de vérifier que la clause est effectivement visée par la liste noire. En cas de réponse négative du Juge à cette question, il lui demeurera possible, en appréciant son caractère éventuellement abusif, de faire application de l‟article L 132-1 dont le premier
alinéa demeure inchangé. S‟il s‟agit d‟une clause inscrite sur la «liste grise » la
présomption simple attachée à cette inscription exigera du professionnel qu‟il s‟explique
pour détruire la présomption ainsi édictée en montrant que la clause n‟a pas de caractère abusif, démonstration à défaut de laquelle le Juge pourra en écarter l‟application.
Ces nouvelles règles tendent à faciliter dans une large mesure le travail
d‟appréciation des Juges dont le pouvoir se trouve, par ailleurs, élargi puisque un article L
141-4 est ajouté au Code de la Consommation qui prévoit qu‟il peut soulever d‟office le
caractère abusif d‟une clause, même en l‟absence d‟intervention des parties pour le
soulever. Rappelons toutefois que le respect de la contradiction dans le débat judiciaire
exigerait que les parties soient invitées à s‟expliquer sur le moyen soulevé d‟office par le
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B - Le décret d’application en ce qui concerne l’obligation d’information 84. - La nullité des clauses faisant renoncer le consommateur à l’information due. Le
décret d‟application de la loi dite « LME » a été pris le 18 mars 2009106. Ses dispositions
ont été insérées dans le Code de la Consommation sous les articles R 132-1 et s. Force est de constater que, à la lettre, ledit décret demeure silencieux en ce qui concerne les clauses
que les professionnels pourraient être tentés d‟insérer dans les contrats, notamment du
commerce électronique, pour restreindre la teneur et la portée de leur obligation
d‟information. Cependant, il est possible de voir, parmi les clauses dites «noires » que
l‟article R 132-1 considère comme « irréfragablement présumées abusives » que le 1°-
peut être considéré comme applicable en fait à une telle situation. Il prévoit en effet qu‟est
abusive toute clause qui a pour objet ou pour effet de « constater l’adhésion du non professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l’écrit qu’il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n’est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n’a pas eu connaissance avant sa conclusion. »
Ces dispositions sont de nature à s‟appliquer à une clause par laquelle le
professionnel ferait reconnaître au non professionnel ou consommateur qu‟il a reçu avant
de contracter toutes (ou telles) informations à sa charge. Une telle clause correspondrait
incontestablement au constat d‟une adhésion du non professionnel ou consommateur à des
clauses informatives absentes en fait du contrat. Une telle clause devrait donc être
considérée comme irréfragablement abusive et dénuée de tout effet à l‟égard du non
professionnel ou consommateur. Très généralement, toute clause qui ferait reconnaître à ce
dernier qu‟il a été valablement informé devrait être considérée comme abusive, la seule
exception pouvant être celle d‟une reconnaissance par référence à un document à la fois
visé au contrat, première condition, et porté à sa connaissance avant conclusion du contrat, seconde condition. Sur le plan de la preuve, il appartiendrait au professionnel, pour que la clause échappe à la censure, de prouver la réalisation de cette double condition. En fait,
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cela revient à prouver l‟accomplissement de l‟obligation d‟information elle-même et, dès
lors, l‟objectif de protection se trouve entièrement rempli.
C - Les recommandations de la Commission des Clauses Abusives
85. - La recommandation du 24 mai 2007. Il est rappelé que les recommandations de la
Commission des Clauses Abusives n‟ont aucune valeur contraignante, mais qu‟elles
constituent de précieuses indications pour les Tribunaux sur le caractère éventuellement abusif des clauses. Elles permettent également de sensibiliser les professionnels et
consommateurs. Pour s‟en tenir au sujet de la présente étude, la Commission est
intervenue dans une Recommandation n° 07-02 du 24 mai 2007 relative aux contrats de vente mobilière conclus par Internet107, pour faire admettre le caractère abusif de
nombreuses clauses relatives à la documentation contractuelle ainsi qu‟à l‟obligation d‟information.
Le considérant 9°- de cette recommandation indique : « Considérant qu’un certain nombre de clauses figurant dans les conditions générales de vente habituellement proposées aux consommateurs ont pour effet de dispenser le vendeur de son obligation préalable d’information et de l’exonérer de toute responsabilité en cas de défaut de conformité par rapport à la présentation visuelle des biens sur son site de vente, ou subordonnent la garantie légale de conformité du consommateur à des conditions de forme et de délai excessives, manifestement destinées à en paralyser l’exercice. » Le texte
montre que l‟obligation d‟information envisagée ici est celle attachée à la description du
bien offert à la vente et que le souci de la commission est d‟interdire au professionnel la possibilité de s‟exonérer de son obligation de délivrance conforme en s‟abstenant de
remplir convenablement son obligation d‟information.
107 Recommandation n° 07-02 du 24 mai 2007 relative aux contrats de vente mobilière conclus par Internet,
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Et le texte commande, pour ce qui concerne l‟obligation d‟information et les
clauses critiquables : « Que soient éliminées dans les contrats du commerce électronique, les clauses ayant pour objet ou pour effet … de faire croire que l’exercice par le consommateur de son action en délivrance conforme est subordonnée à d’autres conditions que celles prévues par la loi…» ou « … d’exonérer le vendeur de son obligation de délivrance conforme. » Il est donc clair au regard de cet avis que toute clause contractuelle exonérant le prestataire informatique de son obligation précontractuelle
d‟information ou limitant cette obligation de quelque manière que ce soit ou encore
restreignant les sanctions possibles devrait être considérée comme abusive.
En présence de telles recommandations, quelles sont les règles fixées par le décret
d‟application en matière de clauses abusives touchant l‟obligation précontractuelle
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