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Les études francophones

Section 2 - Tendances actuelles dans les textes institutionnels

À la lumière des différents constats que nous venons de faire et qui mettent en évidence des questions épistémologiques assez lourdes, traversant les travaux de recherche sur l'enseignement et l'apprentissage de la mesure, nous allons maintenant nous tourner vers les positions qui peuvent être décantées dans les textes institutionnels pour l'enseignement primaire, dans les contextes que nous étudions. Nous commencerons par le contexte français, pour lequel nous disposons de quelques travaux d'analyse sur la partie relative à la mesure dans les Programmes du MEN, puis nous examinerons le cas suisse romand dans sa globalité, c’est-à-dire à partir du Plan d'Étude et des recommandations présentes dans les Moyens d'Enseignement de Mathématiques.

En France

Dans le Programme de l'école primaire, pour les mathématiques

Les Programmes français pour l'école primaire (MEN, 2002a), en vigueur au moment de notre recueil de données (2003-2004), sont déclinés en termes de contenus et de compétences, par cycle (1- apprentissages premiers, 2- apprentissages fondamentaux et 3- approfondissements) et par domaines (langue française & éducation littéraire et humaine, éducation scientifique, éducation artistique et éducation physique et sportive), qui sont spécifiés par des champs disciplinaires. Ainsi, dans cette structure, les mathématiques relèvent de l'éducation scientifique plus généralement, et c'est une nouveauté par rapport aux anciens programmes (MEN, 1995)158 :

"Les mathématiques, d'un côté, les sciences expérimentales et la technologie, de l'autre, doivent être aussi souvent que possible liées dans la mise en œuvre des programmes." (MEN, 2002a, pp160-161)

Cette nouveauté pourrait paraitre assez superficielle, mais nous notons qu'elle se prolonge au cœur même de nos préoccupations, c’est-à-dire dans la rubrique "Grandeurs et mesures", qui s'est substituée à celle qui était intitulée "Mesures" dans les programmes de 1995.

"L'essentiel des activités concerne la résolution de problèmes "concrets", réels ou évoqués, en utilisant des procédés directs, des instruments de mesure, des estimations ou des informations données avec les unités usuelles. Les activités scientifiques et technologiques fournissent un champ d'application privilégié pour ce domaine."

(MEN, 2002a, p233)

La volonté est ainsi affirmée de relier les activités de mesure "concrète" au travail d'exploration scientifique du monde. C'est donc une entrée par la mesure physique qui est privilégiée.

158 Je remercie Viviane Durand-Guerrier, pour avoir gentiment accepté de me fournir des documents travail pour la formation des professeurs des écoles à l'IUFM, qui établissent une comparaison entre les programmes de 1995 et ceux de 2002, pour les mathématiques. Il nous parait intéressant de prendre en compte les

"nouveautés" des programmes de 2002 par rapport aux anciens programmes de 1995, car les enseignants que nous étudions risquent bien d'être pris dans l'entre-deux. En effet, les programmes de 2002 n'ont qu'une année d'application au moment où nous recueillons les données.

Ligozat, F. (2008). Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Université de Genève & Aix-Marseille Université [version en ligne]

D'autre part, du côté des nombres, l'ancienne rubrique "Nombres et calculs" a laissé place à quatre nouvelles rubriques (1-Exploitation de données numériques, 2-Connaissance des nombres entiers, 3-Connaissance de fractions simples et décimaux, 4-Calculs). À propos des nombres décimaux, on peut désormais trouver l'injonction suivante :

"Les fractions et les nombres décimaux doivent d'abord apparaître comme de nouveaux nombres, utiles pour traiter des problèmes que les nombres entiers ne permettent pas de résoudre de façon satisfaisante : problèmes de partage, de mesure de longueurs ou d'aires, de repérage d'un point sur une droite. Les fractions sont essentiellement introduites, au cycle 3, pour donner du sens aux nombres décimaux."

(MEN, 2002a, pp 229-230)

L'approche des nombres rationnels à partir de situation de mesures sur des grandeurs est explicite. Selon nous, on est ici dans la filiation directe de l'esprit des travaux broussaldiens sur les rationnels et décimaux, évoqués dans la section 1 de ce chapitre, même si le texte des programmes n'y fait aucune référence, comme le veut la tradition française en la matière159. Dans la rubrique 6, consacrée aux "Grandeurs et mesures", plus particulièrement, on trouve une déclinaison des contenus en termes de mesure appliquée à des objets, essentiellement ; le terme de grandeur est utilisé pour dire des "catégories" de mesure :

"Certaines grandeurs (les longueurs, les aires, les masses, les volumes sous l'aspect contenance, les durées) ont fait l'objet d'une approche au Cycle2. Les connaissances élaborées sont complétées et structurées au Cycle3, en particulier à travers la maîtrise des unités légales du système métrique ou sexagésimal (pour les durées) et de leurs relations." (MEN, 2002a, p233)

Figure 4.B : Les compétences attendues en fin de cycle 3 pour la rubrique "Grandeurs et mesures". Extrait des Programmes de l'École Primaire (MEN, 2002a, pp240-241)

6 - GRANDEURS ET MESURE

6.1 Longueurs, masses, volumes (contenances), repérage du temps, durées - utiliser des instruments pour mesurer des objets physiques ou géométriques ; - exprimer le résultat d'un mesurage par un nombre ou un encadrement, l'unité (ou les unités) étant imposée(s) ou choisie(s) de façon appropriée ;

- lire l'heure sur une montre à aiguilles ou une horloge ;

- connaître les unités de mesure des durées (année, mois, semaine, jour, heure, minute, seconde) et leurs relations ;

- estimer une mesure (ordre de grandeur) ;

- construire ou réaliser un objet dont des mesures sont données ;

- connaître les unités légales du système métrique pour les longueurs (mètre, ses multiples et ses multiples usités), les masses (gramme, ses multiples et ses sous-multiples usités) et les contenances (litre, ses sous-multiples et ses sous-sous-multiples usités), - utiliser les équivalences entre les unités usuelles de longueur, de masse, de contenance, et effectuer des calculs simples sur les mesures, en tenant compte des relations entre les diverses unités correspondant à une même grandeur ;

159 Un geste massif d'institution par un collectif de pensée, qui souhaite couper court à toute controverse. Si dans la communauté des chercheurs un résultat de recherche est normalement sujet à falsification, dans l'institution scolaire, le texte de référence se doit de paraître indiscutable pour les acteurs.

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- utiliser le calcul pour obtenir la mesure d'une grandeur, en particulier : calculer le périmètre d'un polygone, calculer une durée à partir de la donnée de l'instant initial et de l'instant final.

6.2 Aires

- classer et ranger des surfaces (figures) selon leur aire (par superposition, découpage et recollement ou pavage par une surface de référence) ;

- construire une surface qui a même aire qu'une surface donnée (et qui ne lui est pas superposable) ;

- différencier aire et périmètre d'une surface, en particulier savoir que deux surfaces peuvent avoir la même aire sans avoir nécessairement le même périmètre et qu'elles peuvent avoir le même périmètre sans avoir nécessairement la même aire ;

- mesurer l'aire d'une surface grâce à un pavage effectif à l'aide d'une surface de référence (dont l'aire est prise pour unité) ou grâce à l'utilisation d'un réseau quadrillé (le résultat étant une mesure exacte ou un encadrement) ;

- calculer l'aire d'un rectangle dont les côtés au moins sont de dimensions entières ; - connaître et utiliser les unités usuelles (cm2, dm2, m2 et km2) ainsi que quelques équivalences (1m2 = 100 dm2, 1dm2 =100 cm2,

1 km2 = 1 000 000 m2).

6.3 Angles

- comparer des angles dessinés par superposition ou en utilisant un gabarit, en particulier des angles situés dans une figure (angles intérieurs d'un triangle, d'un quadrilatère...) ;

- reproduire un angle donné en utilisant un gabarit ou par report d'un étalon ;

- tracer un angle droit, ainsi qu'un angle égal à la moitié, le quart ou le tiers d'un angle droit.

Dans cette liste, on voit clairement apparaître "le cas des aires" comme une catégorie de grandeur à part. Si les autres grandeurs (longueurs, masses, volumes (version "contenance") et durées) sont essentiellement vues sous l'angle des pratiques sociales courantes, avec une certaine insistance sur l'acquisition du système d'unités de mesure standardisées, il n'en va pas de même pour l'aire, où le travail de la grandeur indépendamment du nombre apparaît comme précédant les techniques de mesurage par pavage, quadrillage, encadrement, etc.

C'est un aspect nouveau par rapport aux contenus des programmes de 1995. L'empreinte des travaux de Douady & Perrin-Glorian (1989) et Perrin-Glorian (1992) semble là aussi assez évidente. Enfin, on note que les angles apparaissent aussi au rang des grandeurs, mais c'est plutôt la construction de l'objet géométrique qui est visée et non sa mesure instrumentée.

Ainsi, ce premier tour d'horizon donne le ton de ce que l'institution scolaire attend à propos de la mesure à l'école primaire : une mesure physique, ancrée dans (et au service des) les pratiques sociales d'usage. De plus, on voit particulièrement bien comment certains des résultats de recherches en didactique ont percolé dans la définition des programmes, c’est-à-dire comment les agents de noosphère s'en sont saisis, à travers les diverses publications qui les vulgarisent. On peut citer par exemple le Rapport de la Commission Kahane au ministre de l'Éducation nationale (Kahane [dir], 2002), dans laquelle certains didacticiens se sont impliqués. Ce rapport recommande tout particulièrement de faire une place

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substantielle à la notion de grandeur dans l'enseignement, en prenant explicitement parti contre la tentation "mathématicienne" d'oublier les grandeurs pour se situer directement dans le champ des nombres160. Les auteurs161 avancent que le travail sur les grandeurs est important pour penser les rapports entre les mathématiques et le réel, car

"les grandeurs ont une épaisseur épistémologique que les mesures ne peuvent avoir et qui est nécessaire à l'établissement de ces rapports. De plus, un aplatissement trop rapide sur les nombres peut masquer le fait que toutes les numérisations n'ont pas le même statut : certaines ont une valeur de mesure, d'autres n'ont de valeur que de repérage et l'addition des mesures, donc corrélativement celle de moyenne arithmétique n'ont pas de sens dans le monde des objets concernés (cf. par exemple la température, déjà cité)." (Kahane [dir], 2002)

Cette vision se nourrit aussi de la difficulté des élèves à construire la notion d'aire, à partir de sa mesure, à l'appui des travaux de Douady et Perrin-Glorian (1989). Toutefois, le propos se poursuit ensuite avec une référence à l'approche broussaldienne des univers de la mesure (Brousseau & Brousseau, 1992), comme le moyen de ne pas "oublier les mesures et les nombres" pour autant.

Dans les documents d'application, pour les mathématiques au Cycle 3

Les documents d'application ont pour rôle de préciser les items de contenu des Programmes, en livrant les principaux enjeux qui sont liés aux compétences attendues. Ils consistent donc à "redire" le contenu des programmes de manière plus expansée. Nous n'allons pas revenir sur ce qui a déjà été dit, mais nous notons que dans le texte introductif (MEN, 2002b, rubrique "Grandeurs et mesures") le domaine de la mesure est vu comme "un contexte privilégié pour prendre conscience de l'insuffisance des entiers et pour travailler sur les fractions et décimaux". Toutefois, on insiste sur la construction du "sens des grandeurs", dans une distinction de trois catégories d'activités dans le domaine de la mesure :

- celles où il s'agit de comparer des objets selon une grandeur ou d'opérer sur des grandeurs sans mesurer, en utilisant des procédés de comparaison adaptés : superposition pour les longueurs ou les angles, équilibre des plateaux de balance Roberval pour les masses, découpage, recollement et superposition prou les aires, transvasement pour les contenances. Ces activités permettent aux élèves de reconstruire le sens de la grandeur indépendamment de la mesure et avant que celle-ci n'intervienne (prendre conscience de l'invariance de certaines grandeurs par déplacement ou décomposition et recomposition) ;

- celles où il s'agit de mettre en relation des objets visibles et la mesure d'une des grandeurs qui peuvent leur être attachées (mesure exacte ou approchée, exprimée à l'aide d'une ou plusieurs unités) ; c'est aussi l'occasion d'exprimer la mesure avant de procéder au mesurage à l'aide des instruments adaptés ;

160 Les auteurs expliquent juste avant que "toute grandeur [ndlr : définition axiomatique] provient d'une mesure des grandeurs" (p222), par le choix d'une unité et reconnaissent plus loin que la construction des ensembles de nombres peut se faire sans référence aux grandeurs. Leur vision est que "c'est à travers des problèmes de mesure de grandeurs que les élèves peuvent vraiment ressentir, même très jeunes, le besoin mathématique de ces extensions." (Kahane [dir], 2002, p225). Toutefois, la position de Lebesgue y est aussi ouvertement critiquée, pour avoir contribué à faire disparaître à éclipser les grandeurs dans l'enseignement, au profit des structures numériques.

161 Le chapitre 4, qui aborde le thème "Grandeurs et mesures", est principalement rédigé par M. Artigue.

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- celles dans lesquelles un mesurage effectif n'est pas possible ou pas nécessaire : des informations sont disponibles sur les objets considérés et des calculs permettent d'obtenir la mesure des grandeurs attachées à ces objets. (MEN 2002b, p35 – c'est nous qui soulignons.)

Ces trois catégories d'activité se présentent comme transversales à toutes les espèces de grandeurs, et, citées dans cet ordre, sans autre indication, elles suggèrent, implicitement, une priorité à donner aux comparaisons sans mesure pour aborder les différentes espèces de grandeurs. Un pas de plus est franchi : de la nécessité de faire construire la notion aire indépendamment de sa mesure, montrée par Douady & Perrin-Glorian (1989) à l'appui d'une ingénierie spécifique, on propose une généralisation de la démarche, pour aborder toutes les grandeurs. Cette classification (si ce n'est une hiérarchie implicite) n'est pas sans rappeler la structure du canevas d'enseignement commun aux grandeurs géométriques (CMIM) proposée par Outhred et al.. (2003). On a vu que ce programme se fonde sur l'identification des attributs spatiaux des objets (longueurs, aire et volume) par des comparaisons et des rangements en premier lieu, puis passe à des mesures dites "informelles" par alignement, pavage ou remplissage à l'aide d'unités non standards, et enfin, propose la réplication d'une seule unité pour produire un nombre (entier)162. Dans les deux cas, les prémisses portent sur l'identification ou la construction de la "grandeur" de manière indépendante de la mesure.

Cette vision, dont nous avons vu qu'elle est très prégnante dans les approches conceptuelles de la mesure, aussi bien dans les recherches anglo-saxonnes que francophones, émerge donc aussi dans les textes institutionnels de référence français.

Dans les documents d'accompagnement pour les mathématiques, à l'école primaire Les documents d’accompagnement (MEN, 2003) sont destinés à apporter un éclairage sur des thèmes nouveaux ou sensibles dans les programmes et à proposer des exemples de démarches qui viennent supporter les actions de formation initiale ou continue. Ils concernent l'ensemble des cycles de l'école primaire pour une discipline donnée. Pour nous, il est donc intéressant de voir comment les grandeurs et leur mesure doivent se positionner dans les pratiques d'enseignement, selon la vision institutionnelle.

La progression

Dans ce fascicule, figure un chapitre dénommé "Grandeur et mesure à l'école élémentaire", où l'importance de ce thème est réaffirmée, à l'articulation des notions géométriques et numériques163. Le chapitre est dense en recommandations et exemples, et nous n'en évoquerons que le découpage :

162 Ce canevas d'enseignement ne s'adresse qu'à des élèves de grade 1 à 4. Cela signifie que les variables des situations de réplication de l'unité doivent être contrôlées pour ne tomber que sur des nombres entiers.

163 Toutefois, nous avons vu que dans le texte des Programmes, la rubrique "Grandeur et mesure" ne vient qu'en 6e position, derrière les thèmes numérique et géométrique.

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Figure n° 4.C : Structure du chapitre "Grandeurs et mesure à l'école élémentaire" (MEN, 2003, pp78-88)

L'enseignement des grandeurs et de leur mesure

- L'importance de ce thème pour les apprentissages mathématiques ; - Les grandeurs avant leur mesure ;

- Le vocabulaire des grandeurs ; - Des grandeurs à leur mesure ; - Le système métrique Le calcul sur les grandeurs Longueurs, aires, dates et durées

- Une insistance particulière sur les longueurs (Cycle 2 et 3)

Longueurs

Plus courte distance Périmètre

Graduation - Les aires

- Les dates et les durées

Un exemple de séquence sur les longueurs (fin cycle 2, début cycle 3)

Ce découpage, en particulier pour le premier volet, visant à donner à l'enseignant des conseils didactiques généraux, est déjà très explicite quant aux priorités et à la hiérarchie des problèmes à traiter. La construction des "grandeurs avant leur mesure" apparaît comme une nécessité déclarée pour toutes les grandeurs et exemplifiée par des catégories de problèmes qui font appel à la comparaison (directe ou indirecte) sans la mesure, pour les longueurs, les aires, les masses et les contenances.

"Il est possible d'associer diverses grandeurs à un objet (…)

Les premières activités visent à construire chez les élèves le sens de la grandeur, indépendamment de la notion de mesure et avant que celle-ci n'intervienne. Le concept s'acquiert progressivement en résolvant des problèmes de comparaison. (…) Dans un second temps, les comparaisons amènent à pointer des rapports de grandeurs : il faut savoir que les élèves ont accès à la compréhension des relations entre grandeurs (égalité, inégalités, rapports simples) avant d'être capables de mesurer ces grandeurs. Ainsi, il leur est facile, sans recourir à la mesure, de dessiner un crayon deux fois ou trois fois plus grand qu'un autre. (…) Ainsi, sans utiliser la mesure, il est possible de comparer des aires et de vérifier que deux figures de formes différentes peuvent avoir la même aire ou de trouver des rapports d'aires." (MEN, 2003, p78-79).

Finalement, ce qui permet de passer des grandeurs à leur mesure, c'est la commodité d'une grandeur particulière choisie comme étalon, qui va permettre de faire face à des situations de comparaison plus complexes et, surtout, de communiquer, en vue de faire fabriquer un objet.

"Remplacer une grandeur par un nombre présente un grand intérêt (…) communiquer, fabriquer, comparer en attribuant un nombre (…).

Dans certains cas, la mesure de la grandeur est obtenue à l'aide d'un mesurage par report d'un étalon ou par utilisation d'un instrument (…)

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Dans d'autres cas, la mesure est le résultat d'un calcul (…)

Ces activités sont accompagnées d'une première réflexion sur le caractère approximatif du résultat." (MEN, 2003, p80)

Logiquement, on en vient ensuite au travail des unités dans le système métrique.

Un tel découpage est mis au service d'une progressivité de l'enseignement de la mesure, en posant la notion de grandeur comme première. Selon nous, cette vision est plutôt à rapprocher des approches perceptives et conceptuelles de la mesure, que d'une référence aux pratiques culturelles courantes mettant en jeu la mesure concrète et instrumentée, et encore moins en référence aux pratiques mathématiques. Ce type de regard nous permet de prendre conscience que les textes institutionnels sont bel et bien une reconstruction transpositive, qui réunit des soubassements épistémologiques qui ne sont pas homogènes.

Il est intéressant de noter que le cas des durées, traité à la fin du chapitre, échappe précisément au principe de la construction des grandeurs avant de réaliser des mesures. Car, si le repérage dans le temps peut se faire approximativement par rapport à des événements quotidiens de la journée, on n'échappe pas à l'usage de repères conventionnels (l'heure) pour désigner et comparer des intervalles temporels (durées). En quelque sorte, l'"immatérialité"

de cette espèce de grandeur ne permet pas une approche purement perceptive et langagière pour comparer des durées liées à des événements qui ne sont pas simultanés164. Pour autant, le document d'accompagnement ne fait pas état de cette rupture165 par rapport aux autres espèces de grandeurs à étudier à l'école primaire. Cela reste de l'ordre de l'implicite.

Des questions de vocabulaire

Pour revenir au document d'accompagnement (MEN, 2003, pp78-88), il est toutefois bien précisé que

"le mot "grandeur" n'a pas à être utilisé en classe : il est remplacé par longueur, masse, aire, etc. selon le contexte" (MEN, 2003, p79)

Et que

"le mot "aire" est utilisé en mathématique de préférence à celui de "surface". Il doit être différencié de ces homonymes : l'air qu'on respire, l'air qu'on fredonne, l'aire de repos sur l'autoroute ou une aire géographique (toutes deux plutôt apparentées à une surface), l'ère (l'époque)." (MEN, 2003, p80)

Il est vrai que la question du vocabulaire n'est pas simple, au-delà du problème d'homonymie, pour les élèves du primaire. User du même mot "grandeur" pour désigner l'attribut physique ou géométrique d'un objet, et la classe d'équivalence (valeur intrinsèque de l'attribut) commune à plusieurs objets, est un problème culturel166. Nombre de manuels et

Il est vrai que la question du vocabulaire n'est pas simple, au-delà du problème d'homonymie, pour les élèves du primaire. User du même mot "grandeur" pour désigner l'attribut physique ou géométrique d'un objet, et la classe d'équivalence (valeur intrinsèque de l'attribut) commune à plusieurs objets, est un problème culturel166. Nombre de manuels et