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Les rapports aux autres sciences humaines et sociales

La rupture épistémologique annoncée par la problématique didactique appelle à une redéfinition des rapports avec les autres sciences qui s'occupent du fonctionnement cognitif des sujets et de leurs interactions sociales au sein d'institutions didactiques.

À la fin des années 80, le problème du découpage de l'objet d'étude de la didactique des mathématiques est abordé dans le cadre d'un colloque épistolaire réunissant des chercheurs de différentes traditions disciplinaires – mathématiciens / didacticiens, enseignants de mathématiques, psychologues, psychanalystes- (Blanchard-Laville, Chevallard &

Schubauer-Leoni [eds], 1996). Ainsi la nécessité de la conversion didactique est posée en ces termes, par Chevallard :

"En quoi le trait culturel, ou tel type d'économie psychique, ou tel déficit physiologique chez l'élève, ou tel phénomène d'interaction sociale au sein du groupe classe, dont l'existence objective peut être attestée dans leur registre propre, pourra-t-il peser sur l'écologie, voire sur l'économie didactique par exemple ? Quels sont les mécanismes concrets par lesquels s'effectue la "traduction" (= la conversion) dans le registre proprement didactique, de ces phénomènes a priori non didactiques, qu'observe et étudie le sociologue, ou le psychanalyste, ou le médecin ou le psychologue social ?" (Chevallard, 1996, p 47)

On constate alors combien le projet scientifique de l'approche didactique est ambitieux, à la fois dans la quantité de potentiels problèmes à traiter, mais aussi dans les relations que cette nouvelle science envisage avec les autres champs des sciences sociales. Le primat de la problématique didactique est posé sur ce que les autres sciences mettent en évidence dans le cadre des systèmes d'enseignements, mais dont elles n'analysent pas les conséquences dans la ternarité des relations maître-élève-savoir. Tandis que Chevallard pointe la conversion didactique de phénomènes qui sont habituellement traités par d'autres sciences humaines et qui ont potentiellement des effets sur la négociation des savoirs, Schubauer-Leoni (1996a), dans ce même colloque, déplace l'enjeu de cette conversion sur le plan théorique. En effet, elle précise, depuis sa position de psychologue social, que :

" […] il ne s'agit pas de retraiter "en didactique" les classes de problématiques créées dans le domaine de la psychologie sociale mais plutôt de penser les faits didactiques (et non les faits sociaux) par la théorie didactique. Et le regard psycho-social ? Eh bien il n'a qu'à se faire didactique ! Ce qui signifierait alors que la didactique théorique a fait siens, en les "convertissant", certains concepts nés au sein de la psychologie sociale." (Schubauer-Leoni, 1996a, p70).

Plus généralement, l'enjeu de la conversion d'autres théories émanant des sciences humaines et sociales est rendu nécessaire par le changement de paradigme imposé par l'entrée du côté des objets de savoirs, sur les pratiques d'enseignement et d'apprentissage. Au-delà du travail de problématisation du savoir permis par la théorie de transposition didactique, et de modélisation de la connaissance en termes de situations, il faut ensuite repenser le fonctionnement des sujets enseignants et élèves, à la lumière des contraintes posées par le fonctionnement du savoir. Dans l'ailleurs des sciences humaines et sociales, il existe des théories qui peuvent minimalement influencer les constructions théoriques didactiques, voire faire l'objet d'un emprunt, à condition que l'on ait examiné leur degré de compatibilité

Ligozat, F. (2008). Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Université de Genève & Aix-Marseille Université [version en ligne]

avec l'étude des systèmes didactiques et que l'on délimite un segment d'emprunt afin de ne pas transporter la construction théorique tout entière, au risque de perdre de vue la problématique didactique. Avec cette réflexion, Schubauer-Leoni montre que le principe de la conversion vient combler un besoin théorique d'explication du fonctionnement des sujets dans le cadre des systèmes didactiques.

Le concept de contrat didactique, en théorie des situations, peut être vu comme un cas de cette conversion, bien que l'origine de ce concept soit analysée par Sarrazy (1995) dans la première partie de sa note de synthèse, en termes de simples "influences". Le contrat didactique fut au départ proposé par Brousseau (1980a), comme

"l'ensemble des comportements (spécifiques) du maître qui sont attendus de l'élève et l'ensemble des comportements de l'élève qui sont attendus du maître" (Brousseau, 1980a, p127).

Pour expliquer l'échec électif11 de certains élèves en mathématiques. Sarrazy retrace l'apparition de ce concept par l'émergence, en France, à la fin des années 70, de deux courants, à savoir l'interactionnisme social (Goffman, 1991) et la sociologie des organisations (Crozier & Friedberg, 1977).

(1) De la perspective goffmanienne, le contrat didactique a hérité de la modalisation par les sujets des cadres primaires qui assurent une signification à l'activité sociale. Goffman montre que l'identification d'un cadre peut s'avérer problématique, car elle repose sur

"un ensemble de conventions par lequel une activité donnée, déjà pourvue de sens par l'application d'un cadre primaire, se transforme en une autre activité, qui prend la première pour modèle mais que les participants considèrent comme sensiblement différente" (Goffman, 1991, p52).

Des conventions inégalement partagées produisent des interprétations différentes de la part des participants, à l'intérieur d'un même cadre, qui se trouve alors modalisé. Cette approche permet d'expliquer les dysfonctionnements de la relation didactique par des différences d'interprétation de la situation didactique, entre le maître et l'élève, et donc des attentes qui ne se rencontrent pas. En suivant cette perspective, Sarrazy redéfinit le contrat didactique comme

"L'ensemble des modalisations acceptables et partagées qui doivent s'actualiser à propos d'une connaissance dans le cadre d'une interaction didactique" (Sarrazy, 1995, p4).

Toutefois, la théorisation du contrat didactique est ensuite déplacée de sa seule dimension interactive par Brousseau (1986,1990), avec la montée en puissance de l'importance du milieu pour sustenter la part a-didactique des situations didactiques.

(2) Sarrazy cite quatre aspects de la sociologie des organisations de Crozier & Friedberg, qui sont cristallisés dans une redéfinition du contrat didactique : (1) la théorie des jeux comme modèle de la relation didactique, (2) la notion d'incertitude, (3) la négociation, (4) l'apprentissage comme rupture. Dans cette perspective, l'organisation de l'action, étudiée

11 Brousseau s'est intéressé au cas des élèves qui échouent spécifiquement en mathématiques alors qu'ils n'ont pas d'autres difficultés notoires dans les autres disciplines scolaires. "Le cas Gaël" (Brousseau & Péres, 1981;

Brousseau & Warfield, 1999) retrace un travail d'intervention individualisé sur ce type d'élève afin de modifier leur rapport au contrat didactique.

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principalement dans le cadre du travail en entreprise et des institutions politiques, est vue comme un construit social qui peut s'envisager selon deux modalités : soit par la contrainte ou la manipulation, soit par le contrat, c'est-à-dire la négociation explicite aussi bien qu'implicite. Les modes de coopération pour atteindre un but définissent un jeu social, qui comporte nécessairement une marge d'incertitude, que les différents acteurs maîtrisent inégalement. Cette inégalité de maîtrise est source de négociation et de recherches de stratégies gagnantes pour prendre le contrôle sur l'incertitude. Le gain se manifeste par la possibilité d'anticiper les issues du jeu, soit le pouvoir conféré par un apprentissage. Il est aussi le moteur de ruptures, c’est-à-dire des changements de jeu vers la création de jeux plus efficaces. De cette description sommaire que nous fournit Sarrazy, on identifie bien une parenté avec la modélisation broussaldienne du jeu de l'élève sur le milieu qui constitue le cœur de la situation a-didactique (Brousseau 1990).

"Pour représenter convenablement le fonctionnement non didactique des connaissances, nous devons adopter le plus souvent des situations dans lesquelles les états du jeu sont déterminés alternativement par le joueur et par un SYSTEME antagoniste [NDLR : le milieu] qui modifie les états du jeu de façon non contrôlée par le joueur" (op cit, p320)

"Les connaissances du joueur apparaissent, dans les stratégies et dans les changements de stratégies, comme des moyens de gagner des parties ou d'en améliorer l'issue." (op cit. p314)

"Pour toute connaissance, il existe au moins un jeu formel communicable sans utiliser cette connaissance et dont elle détermine pourtant la stratégie optimale" (op cit.

p314).

Cependant, le jeu didactique est un jeu social spécifique dans sa finalité de modification de la connaissance de l'élève pour la rendre conforme à un rapport au savoir officiel. Les acteurs y ont une marge de liberté très restreinte à la différence des jeux théorisés par Crozier & Friedberg. Dans le cas du didactique, on met en évidence un contrat qui régule le jeu de l'élève sur le milieu. En effet, au-delà du jeu de l'élève sur le milieu et de l'enjeu de connaissance que ce jeu porte, il y a un jeu d'enseignement et donc un enjeu de transmission / partage de savoirs. En somme, s'il existe un jeu formel qui représente une connaissance, il préexiste à l'élève et quelqu'un en connaît déjà les issues : le maître. En particulier, si l'élève échoue à trouver des stratégies gagnantes, le maître, proposant du jeu, a une obligation sociale de l'aider, c'est-à-dire d'agir ouvertement dans le jeu pour modifier la partie. Cette aide se solde souvent par une réduction de l'incertitude – phénomène que Brousseau qualifie sous le nom d'indication Topaze ou indication Jourdain, causant une rupture de contrat.

Toutefois, ces ruptures sont des phénomènes nécessaires à l'évolution des jeux d'apprentissages de l'élève. En ce point, le contrat didactique peut donc être redéfini comme

"un processus de négociation des règles du jeu (jeux de l'élève avec le milieu a-didactique, jeu du maître avec le milieu didactique) [qui permet] à la relation didactique d'évoluer dans le sens de l'apprentissage". (Sarrazy, 1995, p5)

Ainsi, le contrat didactique est une construction complexe entre approche interactionniste et approche systémique de la relation didactique qui essaie de rendre compte des rapports spécifiques que les sujets entretiennent aux objets et aux enjeux de cette relation.

Afin de bien préciser l'enjeu de la conversion théorique pour la didactique, nous ajouterons ceci. Dans la perspective broussaldienne de l'établissement d'un rapport a-didactique au

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milieu par l'élève, la réduction de l'incertitude par un effet Topaze parasite le jeu formel prévu inclus dans la situation et rend le contrat didactique paradoxal. Mais, si dans la pratique, on ne peut pas identifier un jeu formel suffisant pour modéliser à lui seul une connaissance (de façon a-didactique donc), alors l'idée même de jeu formel trouve ses limites dans les caractéristiques du contrat didactique réel. Le rôle des phénomènes d'indication par le maître- ou réduction de l'incertitude- est alors à réinterroger comme une caractéristique pérenne et constructive dans les processus d'enseignement / apprentissage.

C'est un aspect que nous développerons par la suite dans la modélisation de l'action conjointe du professeur et de l'élève, au chapitre 2.

Cet exemple, que nous venons de retracer et de discuter, nous rappelle aussi un fait essentiel : la constitution, la compréhension et le développement des théories didactiques passent par une explicitation des influences et des emprunts aux autres sciences sociales. Or, cette explicitation des rapports n'a pas toujours été clairement assumée par les auteurs des constructions didactiques disponibles actuellement. Sur la question du contrat, Brousseau reste assez vague dans ses propres références, pour ce qui concerne les textes fondateurs (Brousseau, 1986, 1990, 1998). Comme nous venons de le voir, c'est dans les travaux de ses successeurs qu'il faut chercher une explicitation des racines épistémologiques du concept. Il n'est pas le seul à procéder de la sorte. Chevallard laisse aussi dans l'ombre le principe de conversion des concepts tels que "chronogenèse" et "topogenèse" (Chevallard 1985/1991) qui font la force d'une approche processuelle des phénomènes didactiques. À leur décharge, ces chercheurs sont les pionniers d'une théorisation du didactique, qu'il fallait poser dans l'urgence des questions et difficultés qui émergeaient depuis le système d'enseignement des mathématiques dans les années 70-80. Or, le temps passant, la possibilité d'un traçage est importante, car elle est la condition même de la survie des théories élaborées, afin que celles-ci puissent être remises au travail, à la lumière de phénomènes nouveaux ou à l'occasion des inévitables redécoupages de l'objet d'étude de la didactique, par les générations suivantes de chercheurs. Le travail de conversion doit être pensé comme un processus toujours en cours qui participe à la vie des constructions théoriques à long terme.

Méthodologie de l'observation du didactique : l'approche clinique et l'ingénierie Sur le plan méthodologique, l'exigence d'une saisie épistémologique des savoirs en jeu dans l'enseignement apprentissage se pose en rupture par rapport aux pratiques de recherche qui ne visent l'intervention sur le système qu'à des fins d'amélioration des pratiques.

L'identification des contraintes que posent les formes du savoir sur les actes possibles d'enseignements et d'apprentissages suppose l'observation et l'analyse du fonctionnement de la relation ternaire enseignant - élève – savoir, afin de la connaître, en préambule à toute velléité de changement. En ce sens, le besoin de théorisation du système didactique naît donc de la pratique dans un mouvement ascendant. La logique expérimentale souvent utilisée en psychologie (et inspirée des logiques expérimentales des sciences de la nature) selon un protocole qui confronte un groupe test et un groupe témoin, autour de changements de variable dans l'activité, ne permet pas de satisfaire le besoin de compréhension et de modélisation des systèmes didactiques depuis une problématisation du savoir en jeu. En

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effet, la centration sur les effets ou non du changement de variable et sur les comportements des sujets investigués fait perdre de vue la problématisation de l'objet qui figure au cœur de l'activité. D'autre part, à quelles conditions peut-on réellement isoler une variable et ses effets dans un système interactif à trois instances, auxquelles il faut ajouter, au minimum, l'interaction avec le chercheur ? Car les conditions expérimentales dans lesquelles ce dernier plonge le système ne sont pas transparentes pour les sujets, qui les intègrent dans leurs schémas de réponse. Des méthodologies spécifiques doivent donc être pensées afin de cerner l'objet que l'on souhaite étudier (un système didactique dans lequel le savoir est problématique) et d'organiser le lien avec cet objet afin d'en permettre l'observation. La production d'ingénieries didactiques adossées aux constructions théoriques en didactique des mathématiques essaiera d'y pourvoir, tout en étant un moyen d'attester publiquement de l'intérêt du développement de la problématique didactique, par des effets visibles dans la classe.

(1) Dans un texte fondateur où il présente l'enjeu de la didactique comme projet de recherche pour les IREM12, Chevallard (1981) met le doigt sur ce que devrait être la posture du chercheur didacticien afin d'assumer la rupture épistémologique posée par la didactique.

Parce que nous hésitons à nous poser, dans notre perspective d'action sur le système d'enseignement, comme extérieurs à lui -[…]- nous en acceptons de manière non consciente, et donc acritique les valeurs, les croyances, les schémas explicatifs que nous connaissons du dedans (parce que nous sommes aussi enseignants). En réalité – c'est une autre façon de désigner la difficulté- nous les connaissons sans savoir que nous les connaissons, nous les connaissons sans les "savoirs" : il suffirait d'une reprise réflexive de cette connaissance participante pour que se constitue l'amorce d'un savoir sur le système didactique. " (Chevallard, 1981, p14-15)

Dans ce discours précurseur de l'approche anthropologique, qui s'adresse essentiellement à des enseignants de mathématiques, on voit se profiler le besoin de construire une posture de recherche – pour l'observation comme pour l'action- en extériorité par rapport aux connaissances empiriques des sujets sur le système dans lequel ils sont eux-mêmes acteurs.

Cela ne signifie pas qu'il faille nier ou rejeter ces connaissances "du dedans", mais plutôt qu'il faut leur donner le statut qui est le leur : à savoir des faits produits par les composantes du système ternaire enseignant – élève- savoir, faits dont il faut analyser, dans une attitude réflexive, la raison d'être et le rôle dans l'économie du système didactique. La rupture par rapport aux approches pédagogiques qui essaient de prendre à leur charge les problèmes de l'enseignant est donc claire ; c'est désormais des problèmes du système didactique dans sa ternarité que l'on va traiter. Par la même occasion, Chevallard déclare la position de l'enseignant comme problématique, au même titre que les deux autres composantes du système.

La formalisation de cette posture d'extériorité apparaît un peu plus tard, avec la proposition d'une approche clinique du didactique (Chevallard, 1996) :

"J'appellerai maintenant abord clinique de l'objet d'étude (ou plus largement, d'un sous objet quel qu'il soit) la participation pérenne, ou du moins non erratique, du chercheur en tant qu'acteur à un système d'interaction stabilisé avec cet objet d'étude, dans une position quelconque au sein de ce système, dès lors que acteur de ce

12 Instituts pour la Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques.

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système, le chercheur s'y situe aussi, en même temps comme chercheur, à un niveau réflexif de questionnement et d'explication par rapport à l'objet d'étude, en un double positionnement, l'un reconnu par l'institution d'accueil (dont au demeurant il peut être l'instituant), l'autre reconnu (ou reconnaissable) par l'institution de recherche dont il relève". (Chevallard, 1996, p44).

"Un deuxième trait qu'il convient de souligner est que la notion d'abord clinique esquissée ici ne s'oppose pas à la notion d'approche (ou de méthode) expérimentale.

On ne définira pas même l'abord expérimental comme un abord clinique particulier, mais comme un contenu possible en tout abord clinique." (Chevallard, 1996, p45).

L'idée d'un abord clinique du système didactique ne reflète pas seulement une posture d'extériorité. Au départ, c'est, aussi et surtout, la possibilité d'articuler une action sur le système d'enseignement qui aurait une valeur en elle-même –donc au niveau des acteurs- et la production de savoirs sur ce même système –au niveau de la communauté de recherche.

Dans une explicitation de la fonction de l'ingénierie pour la didactique, Chevallard (1982) se réfère à la clinique médicale, dont le rôle historique et épistémologique dans les progrès de la médecine est décrit par Foucault13. Chevallard y voit même un modèle possible pour la formation des enseignants, dans laquelle il déplore l'obstacle de la dichotomie théorie / pratique.

(2) En attendant, du côté de la recherche, c'est ainsi que, dans un premier temps, l'observation de phénomènes didactiques sera vue comme inséparable de l'activité d'ingénierie qui engage elle-même une théorie du système didactique, à la fois dans la technique de production de ces phénomènes et dans la manière d'en rendre compte. Plus précisément, il s'agit d'un schéma expérimental basé sur la conception, la réalisation, l'observation et l'analyse de séquences d'enseignement. Menant une réflexion sur les démarches d'ingénierie dans les travaux de Brousseau, Artigue (1988) spécifie cette méthodologie par rapport à son mode de validation :

"En effet, les recherches ayant recours à des expérimentations en classe se situent le plus souvent dans une approche comparative avec une validation externe basée sur la comparaison statistique des performances des groupes expérimentaux et de groupes témoins. Ce paradigme n'est pas celui de l'ingénierie didactique qui se situe à l'opposé, dans le registre des études de cas et dont la validation est essentiellement interne, fondée sur la confrontation entre analyse a priori et analyse a posteriori."

(Artigue, 1988, p286).

Car c'est justement ce type de confrontation qui permet de donner toute leur place aux contraintes que l'enjeu de savoir pose sur le système didactique. Dans le cadre de la théorie des situations, l'analyse a priori détermine les choix à effectuer au niveau des variables du jeu, -c’est-à-dire au niveau du milieu – qui permettent de contrôler le sens que l'élève va attribuer à la situation. L'analyse a posteriori, elle, met en évidence des phénomènes didactiques - tels que la nécessité des phases de dévolution et institutionnalisation (Brousseau 1986), la construction progressive d'une mémoire didactique (Brousseau &

13 À ce stade, l'exposé méthodologique peut être éclairé de la manière suivante, par Foucault (1963/2000) : "Ce

13 À ce stade, l'exposé méthodologique peut être éclairé de la manière suivante, par Foucault (1963/2000) : "Ce