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Notre modélisation d'un découpage possible des unités de l'activité didactique est issue d'un croisement entre la logique des filières de traces primaires (unités de temps objectifs et grains des textes institutionnels de référence) et les expériences empiriques qui ont été faites afin de réduire l'information, au travers de la réalisation de plans synoptiques de collections de séances et de synopsis de séances particulières. De même que ces deux outils permettent de faciliter la mémoire des traces (ce qui a été observé, à quel moment, dans quelle classe, etc.) et de se libérer d'une partie des informations contingentes pour l'étude, la granularité macro / meso / micro de l'action didactique conjointe permet d'envisager un parcours descriptif de 2e inférence, qui engage la comparaison expérimentale entre les projets d'enseignement dans les différentes classes. La démarche compréhensive doit se poursuivre avec la recherche d'axes de comparaison pour chacune des classes, qui permettent de dégager des spécificités et des généricités dans les formes de l'action didactique conjointe présentes dans les cas que nous étudions.

Pour tenter de caractériser l'action didactique selon la stratification ternaire proposée par Sensevy (faire jouer le jeu, construire le jeu et les déterminants du jeu, cf. Chapitre 2, section2), nous ne pouvons pas engager une démarche purement ascendante depuis le jeu qui se joue dans la classe, pour remonter jusqu'aux déterminants de ce jeu. L'opération serait trop coûteuse, voire périlleuse, car nous prendrions alors le risque de nous laisser gagner par des modes de compréhension des systèmes institutionnels propres aux acteurs. Il nous faut donc établir des modèles de référence qui vont servir de "tiers comparant" et qui seront au fondement de l'expérimental dans la clinique des systèmes didactiques.

Ligozat, F. (2008). Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Université de Genève & Aix-Marseille Université [version en ligne]

Dans le cadre du traitement de transactions didactiques sur des temps courts (1 ou 2 séances), nous pouvions transcrire l'essentiel des discours et des gestes dans la classe, puis réduire l'information par un découpage thématique de ce cours d'action, et enfin sélectionner des événements "remarquables" à la lumière des enjeux de savoir présents, pour engager un travail d'analyse clinique, dans lequel la dimension expérimentale a pu rester assez discrète, car nous pouvions travailler toutes les données primaires à l'échelle microscopique. Or, dans le cas présent, l'étendue de la section d'étude, ne serait-ce que par la quantité des enregistrements obtenus (cf. Section 1 de ce chapitre, Figure 3.C), ne permet pas de s'engager dans la transcription systématique, pour réaliser les synopsis de chaque séance observée. Il faut envisager une stratégie qui s'appuie beaucoup plus fortement sur la comparaison expérimentale comme principe d'organisation de l'analyse clinique des systèmes, en amont de l'analyse d'une séance (ou d'un groupe de séance) spécifique.

Nous proposons un mode d'exploration descendant de nos données, qui vise à produire d'abord une catégorisation macroscopique de l'action conjointe pour dégager ensuite des candidats à la comparaison de grains mésoscopique et microscopique. Autrement dit, ce sont les issues de l'analyse macroscopique, donc les relations entre les dispositifs didactiques dans le niveau SUPRA (cf.- Figure 3.E) dans chaque classe, qui doivent nous désigner les séances "remarquables", pour lesquelles une transcription et une mise en synopsis seront effectuées afin de procéder à des analyses de niveau INFRA.

Dans ce schéma, nous ne renonçons pas pour autant au principe d'une analyse ascendante de la transposition, qui part des pratiques didactiques effectives dans chaque grain, pour les interpréter à la lumière des textes institutionnels (programmes, recommandations et commentaires didactiques aux enseignants, manuels), et des activités mathématiques inscrites dans ces textes. À ce titre, nous considérons que l'élaboration d'un cadre de référence pour penser l'objet de savoir en jeu, soit la mesure des grandeurs en mathématiques au niveau de l'école primaire, fait partie de l'enquête empirique pour comprendre comment la dimension épistémologique spécifique de cet objet peut venir déterminer l'action didactique à travers des formes institutionnelles qui s'expriment notamment dans les textes officiels de chaque système scolaire.

Nous présentons ci-dessous un plan des analyses que nous menons dans les chapitres suivants.

1re étape : l'analyse des textes institutionnels à propos de la mesure en France et en Suisse Romande, par rapport aux théories psychologiques, culturelles et didactiques de cet objet de savoir.

Dégager les déterminants potentiels de l'action didactique liés à la transposition des savoirs (spécifiques du domaine de savoir mais génériques pour les sujets d'un contexte institutionnel donné)

2re étape : la construction des plans synoptiques des séances observées pour chacune des quatre classes et l'analyse des articulations entre les dispositifs (dimension achronique) en termes d'unité thématique, à l'aide des enjeux dégagés à partir des supports textuels de ces

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dispositifs mais aussi des éléments de discours de l'enseignant, recueillis dans les entretiens relais.

Reconstruire les macro-projets d'enseignements au sein de la progression de mathématique de l'année (mise à l'épreuve du triplet de genèses meso, topo, chrono à l'échelle macroscopique).

3e étape : la sélection d'une unité thématique présente dans les quatre projets d'enseignement, en croisant des indicateurs provenant des formes de transposition institutionnelles révélées dans les étapes précédentes, mais aussi des indicateurs provenant des pratiques observées (discours et actions)121, telles les constructions de supports didactiques originaux par les enseignantes, les points de résistance à l'enseignement et/ou apprentissage au fil de l'observation (évaluations non satisfaisantes, discours négatif de l'enseignant en entretien, reprise ou prolongation importante d'un dispositif, etc.). Il va de soi que la mise en œuvre de dispositifs d'enseignements dans des classes différentes à partir d'un même support didactique, autorisant la comparaison directe, entre aussi en ligne de compte dans notre choix.

Délimitation de séances candidates à la comparaison mésoscopique.

4e étape : analyse a priori des enjeux de savoir sous-jacents dans des supports textuels des séances que l'on se propose d'analyser aux échelles mésosocopique et microscopique.

Globalement, notre forme d'analyse a priori croise deux questions que nous avons déjà essayé d'opérationnaliser (Ligozat & Mercier, 2007) :

- Qu'est-ce qui peut être appris sur la base de ce texte ? cerner les enjeux de savoir potentiellement présents et les contours de l'enquête qu'un sujet épistémique pourrait engager.

- Qu'est-ce qu'un enseignant pourrait enseigner sur la base de ce texte, à un degré donné ?

cerner les aspects cruciaux du dispositif d'enseignement (objets qui devraient être pointés dans la mésogenèse) et sur lesquels devraient porter les techniques chronogenétique et topogenétique.

5e étape : Une unité thématique pertinente étant délimitée, le déroulement de l'action dans les séances qui s'y rapportent est transcrit puis décrit sous forme de synopsis. Ces séances constitueront notre série d'événements remarquables par rapport à la collection des séances observées dont le plan synoptique rend compte.

(i) Elles seront analysées à l'échelle mésoscopique, en articulant les phases et l'enjeu des scènes, ainsi que les éléments d'entretiens disponibles entre les séances.

Reconstruire une logique mésoscopique du projet d'enseignement (mise à l'épreuve du triplet de genèses meso, topo, chrono à l'échelle mésoscopique).

121 Au tout début de l'investigation, nous avons procédé à un état des lieux de la mémoire du chercheur / observateur. Le principe pourrait s'apparenter à une sorte d'anamnèse sur l'histoire des observations effectuées, afin de faire ressortir, dans un premier temps, les faits qui ont marqué durablement le souvenir du chercheur, à travers le processus de recueil des données. Le procédé ne manque pas de faire ressortir des théories

"spontanées" évidemment et laisse sous silence de nombreuses naturalisations, qui se révèlent ensuite dans l'analyse clinique expérimentale. Il a toutefois le mérite de proposer des points d'entrée pour engager l'étude.

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(ii) Certaines scènes dites "remarquables" feront l'objet d'une analyse plus fine, à l'échelle microscopique, sur la base de la chronologie des événements internes et des clichés relevés dans le synopsis.

 Montrer comment l'action didactique conjointe in situ contraint la construction de la référence dans le projet d'enseignement (mise à l'épreuve du triplet de genèses meso, topo, chrono à l'échelle mésoscopique).

6e étape : indexation des constats établis pour chaque cas 1) dans la logique mésoscopique et/ou macroscopique des projets d'enseignement des contextes institutionnels en présence, et 2) par rapport aux formes préconstruites dans les textes institutionnels. D'une part, il s'agit de s'assurer d'une certaine représentativité des interprétations faites sur quelques séances par rapport à l'ensemble des pratiques auxquelles nous avons accès à travers la collection, pour une classe donnée. D'autre part, une remontée à l'échelle macroscopique doit permettre de stabiliser les déterminants institutionnels liés à la transposition des savoirs (mis en évidence dans l'étape 1), mais encore d'en débusquer d'autres, qui peuvent être d'ordres différents, et qui se révèlent dans la dynamique de l'action didactique.

Identification de certains phénomènes d'enseignement / apprentissage spécifiques liés aux contextes institutionnels, mais aussi de possibles phénomènes génériques liés à la nature des pratiques mathématiques, ou encore aux croyances professorales sur l'enseignement / apprentissage, au-delà des spécificités transpositives de l'objet, propres aux contextes institutionnels.

À ce processus de sélection descendant, couplé à des modalités d'interprétation ascendantes, il nous faut encore préciser qu'une comparaison expérimentale s'opèrera entre les contextes institutionnels, pour une granularité donnée. Pour les analyses macroscopique, mésoscopique et microscopique, les contextes institutionnels seront confrontés par la convocation détaillée de deux cas les plus contrastés (l'un français, l'autre suisse romand), permettant de dégager un première typification des projets d'enseignements et de l'action conjointe. Ces résultats seront ensuite confortés ou nuancés par les apports d'analyses plus succinctes menées dans les deux classes restantes. Par ce moyen, nous souhaitons limiter une présentation "linéaire" des observables pour chaque classe, avec l'hypothèse que la maximisation des contrastes est au bénéfice de la révélation de type "forts" dans la comparaison expérimentale "horizontale", c'est-à-dire pour un grain d'analyse donné. Les quatre classes ne feront donc par l'objet d'analyses détaillées à tous les niveaux d'analyse.

Ligozat, F. (2008). Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Université de Genève & Aix-Marseille Université [version en ligne]

Figure n°3.I : Plan d'un parcours descriptif de 2e inférence fondée sur la comparaison expérimentale des contextes institutionnels et selon différents niveaux de granularité de l'action

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Notes réflexives : La posture du chercheur dans les différents