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Dans l'espace de cette thèse, nous ne redéploierons pas un historique de ce qui est devenu une théorie de l'action conjointe en didactique (TADC). Disons simplement que la construction de cette théorie a connu un virage essentiel avec les travaux qui ont réuni G.

Sensevy, A. Mercier, M.-L. Schubauer-Leoni, A. Tiberghien et M. Loquet, ainsi que leurs collaborateurs, aboutissant à la publication de l'ouvrage "Agir ensemble. L'action didactique conjointe du professeur et des élèves" (Sensevy & Mercier [Eds], 2007). À partir d'un

"modèle d'action du professeur à propos de la Course à 20" esquissé par Sensevy, Mercier &

Schubauer-Leoni (2000), nous avons montré l'intérêt du primat de l'étude de la mésogenèse sur les deux autres genèses par l'étude des traits pertinents / non pertinents établis par les sujets élèves et le professeur à propos des objets en jeu dans la relation didactique (Ligozat, 2002 ; Schubauer-Leoni et al. 2004, Sensevy, Mercier, Schubauer-Leoni, Ligozat & Perrot 2005). Ces premières études ont engagé la nécessité de considérer l'action didactique comme conjointe pour rendre raison de la dynamique de la mésogenèse, contribuant à produire une référence coconstruite par les acteurs du système didactique.

Action conjointe

Pour tenter de clarifier ce que nous entendons pas action "conjointe" du professeur et de l'élève, nous distinguerons tout d’abord la notion de "but commun" de celles d’"intentions partagées" et d’"attentes réciproques". Plus qu’un partage de buts communs au niveau des enjeux de savoirs entre professeur et élèves, c’est plutôt une interdépendance des actions que nous voulons mettre en exergue. Le contrat didactique broussaldien nous indique d'emblée la réciprocité des attentes et des intentions entre le professeur et les élèves, depuis leurs postures respectives (topos) : si le professeur construit la relation didactique à partir d'une intention d'enseignement, l'élève, lui, y entre avec une intention d'apprendre, aussi minimale soit-elle. Mais parce que ce contrat est centré sur l'objet de savoir en jeu dans les transactions, il nous indique aussi la dissymétrie qui existe entre les deux topos : si le professeur tente d'enseigner un objet de savoir bien précis (pour lui tout au moins), l'élève, lui, cherche à apprendre "quelque chose" ; cet enjeu ne peut être déclaré à l'avance et ne peut faire l'objet d'un accord éventuel qu'après coup. De ce point de vue, l'enjeu de savoir ne peut être regardé comme le but commun des participants à la relation didactique, au sens où ce but serait également partagé par tous, au même moment et serait le moteur d'actions convergentes.

Nous reprenons la distinction proposée par Bronckart et al. (2004) entre action et activité, selon laquelle l’action d’une personne singulière est une sorte de segmentation, selon un processus réflexif, de l’activité collective49 en fonction de responsabilités, d’intentions et de

48 Dans cette partie, nous reprenons librement des éléments de description du modèle de l'action conjointe en didactique, à partir de divers écrits existants, publiés ou en cours de publication, auxquels nous avons contribué.

49 La notion d'activité collective se différencie ici du sens que les ergonomes donnent à l'activité en général, c'est-à-dire ce que des sujets font effectivement. C'est plutôt une cristallisation sociohistorique des pratiques humaines, qui servent de ressources aux acteurs dans des situations déterminées. Cette approche, inspirée de

Ligozat, F. (2008). Thèse de doctorat en Sciences de l'éducation. Université de Genève & Aix-Marseille Université [version en ligne]

finalités que le sujet interprète dans la situation vécue ; que ce soit par une évaluation externe par ses pairs en regard de l’effet produit, ou que ce soit par une évaluation interne de l’actant50 lui-même, impliqué dans l’activité. Il y a donc des dimensions intentionnelles stratégiques et participatives dans l'action conjointe, que l'on retrouve par ailleurs dans l'approche de Vernant (1997). En effet, selon ce dernier,

"(…) l’action conjointe est guidée par une intention conjointe, un accord, rapidement fixé ou lentement négocié, sur un objectif commun. Généralement complexe, cet objectif requiert une planification apte à prévoir la combinaison (synchrone) et l’enchaînement (asynchrone) des différentes actions particulières des co-agents"

(op.cit. p. 158).

La question du temps, présente dans cette définition, est bien sûr cruciale pour l'étude du didactique, permettant d'intégrer les contraintes chronogenétiques et topogenétiques (Chevallard, 1985/1991) propres à la transposition interne du savoir dans la classe. Le professeur doit en effet organiser la succession des objets de savoir (temps d’enseignement), tout en ménageant un espace de réflexion à l'élève pour que ce dernier puisse participer au processus d'enseignement en général, en s'enseignant lui-même (au sens de Mercier 1998), c'est-à-dire en apprenant (temps d’apprentissage).

La spécification du concept d’action en didactique réclame donc une double prise en compte : le fait que l’action de l’élève est contrainte (jusqu’à un certain point) par celle du professeur ; en retour, l’action du professeur est orientée par celle de l’élève, les attentes des deux parties étant sans cesse renégociées dans le contrat didactique. La métaphore du jeu, héritée de la théorie broussaldienne et reprise dans les travaux de Sensevy (2007), rend bien compte de cela, en posant que le professeur ne gagne à son jeu que si l’élève lui-même gagne à son propre jeu sur un milieu. Dans ce jeu, l’élève est amené à faire face à une incertitude que le professeur doit réguler pour la réduire si l’élève s’éloigne trop des stratégies attendues, ou pour l’augmenter si l’élève se "suradapte"51 à des enjeux trop restreints dans le contrat didactique. Il y a donc nécessité de penser ensemble l’action de l’enseignant et celle de l’enseigné, car elles se trouvent guidées par des finalités conjointes – et non communes –, qui assurent le maintien de la relation didactique entre "trop" et "pas assez" d’incertitude dans le jeu. Mais ces finalités conjointes ne signifient pas nécessairement qu'il y ait une convergence des actes : il est sans doute à prévoir que, dans nombre de cas, le jeu des attentes réciproques inhérentes à des contrats didactiques différentiels (au sens de Schubauer-Leoni, 2002) conduira à observer des actes convergents ou divergents.

Leontiev et reprise par Bronckart et al. (2004), permet de donner une place prépondérante aux préconstruits socioculturels pour l'action des personnes singulières.

50 Acculturé aux critères d’évaluation des pairs, il devient apte à se les appliquer.

51 En pratiquant des analogies, l’élève ne prend en compte que des indices de surface et n’entre pas réellement dans le jeu.

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La construction de la référence : un processus au cœur de l'action conjointe P-ELs Ces finalités et intentions52 conjointes peuvent toutefois être pensées comme faisant partie d’une macrostructure qui contribue à ce que chacun gagne à son jeu dans les institutions didactiques. Sensevy, Mercier et Schubauer-Leoni (2000) ont ainsi retenu quatre structures fondamentales de l'action professorale : définir, dévoluer, réguler l’incertitude, instituer. Ce sont bien sûr des fonctions générales qui sont postulées comme génériques de l’activité didactique ; elles coexistent à différents niveaux – et selon un grain plus ou moins fin de l’observation – de réalités des processus didactiques, allant des micro-institutionnalisations, qui font avancer le temps didactique de manière presque imperceptible dans une séance, aux macro-systèmes de définitions qui opèrent par des changements de milieux pour passer d’une situation à une autre, par exemple.

À un deuxième niveau, l’action didactique du professeur, plus spécifiquement, peut être caractérisée par des entités praxéologiques telles que des types de tâches et des techniques d’enseignement. Mais ce sont d’abord les manières de faire, donc des gestes techniques qui sont accessibles à l’observation. La détermination de types de tâches ne peut se faire que sur la base d’une articulation des techniques observables pour produire des niveaux de description plus larges de l’activité didactique, et pour lesquels on ne dispose pas d’un mode de désignation a priori ou culturellement construit. En l’état des travaux, il existe trois grandes classes de techniques caractérisant l’action didactique : la construction de la référence, la gestion des territoires et la gestion des temporalités. Ces classes de techniques sont directement liées au triplet de genèses dont nous avons montré l'importance conceptuelle dans la section 1 de ce chapitre. Dans le cadre de la modélisation de l'action conjointe en didactique, nous les reformulons de la manière suivante :

(a) La mésogenèse définit la dynamique des objets (physiques, scripturaux, langagiers au sens large, qu’ils soient de nature mathématique ou non) qui constitue la référence de l'action conjointe. Dès lors que les sujets établissent des rapports avec certains objets, ces derniers se mettent non seulement à exister sous une forme singulière mais encore, la relation didactique, grâce à l’évolution des attentes réciproques du contrat, vient sans cesse en faire exister d’autres, à partir des premiers. Chaque objet de la mésogenèse est potentiellement un moyen de faire progresser le temps didactique en fonction des rapports que les sujets établissent à celui-ci (selon les positions dissymétriques professeur / élève (s), mais encore, entre les élèves eux-mêmes). C’est ainsi que la construction de la référence s’avère une entrée prioritaire pour l’étude du fonctionnement du contrat didactique à propos d’un objet de savoir spécifique.

(b) La topogenèse décrit l’évolution du partage des responsabilités et des tâches, en fonction de certaines dispositions53, capital ou potentiel « à savoir » des sujets didactiques. Ce partage se modifie suivant la nature de l’objet ou de la tâche qui vient occuper le devant de la scène dans la mésogenèse. Ainsi la dissymétrie P / ELs qui caractérise tout système

52 Nous ne chercherons pas à établir, ici, une distinction précise entre finalités et intentions, car cela renvoie à des débats d'ordre philosophique sur l'action, dont l'intérêt, pour l'étude du didactique, reste encore à explorer.

53 Au sens de Sensevy (2001), ce terme incorpore la notion de schème comme le résultat d’une acculturation qui produit un usage étroitement lié à une situation qui lui a donné naissance.

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didactique peut se voir momentanément modifiée par le jeu d’un trilogue (Schubauer-Leoni, 1997 ; Schubauer-Leoni et al, 2004), dans lequel un élève particulier peut se faire le porte-parole d’un savoir censé être connu de tous, ou bien à apprendre par tous.

(c) Enfin, la chronogenèse traduit la dynamique des objets sur lesquels le professeur s’appuie pour faire évoluer son projet d’enseignement et le temps didactique. Elle est donc plutôt l’affaire du professeur. Si, en certaines occasions, on peut observer que des élèves54

exhibent fort à propos des objets de nature à servir le projet du professeur, celui-ci n’est pas nécessairement prêt à les accueillir.

Nous insistons sur le fait que mésogenèse et chronogenèse ne sont pas superposables. Alors que le concept de mésogenèse comprend l’ensemble des objets et des rapports à ces objets qui s’établissent, la chronogenèse est plus restrictive aux objets qui sont directement sous la responsabilité du professeur.

En examinant prioritairement la mésogenèse, avant de remonter aux caractéristiques des deux autres genèses, nous pouvons donc caractériser le système d'objets et de questions auquel les élèves ont affaire sans poser a priori l’existence d’un milieu mathématique (au sens de la TSDM) qui aurait des caractéristiques a-didactiques (système antagoniste à l'action de l'élève). L’étude de la mésogenèse permet au contraire de « ratisser plus large » en examinant des objets qui ont une fonction dans l’économie de la séance en classe et participent, de fait, à la coconstruction d'une référence pour enseigner et apprendre. Nous adoptons en cela un point de vue proche de Sensevy (2007) qui envisage le milieu comme un contexte cognitif dans lequel se construisent des significations, avec ou sans forme de résistance a-didactique. Cependant, pour notre compte, nous préférons réserver le terme de

"milieu" au domaine de l’interprétation a posteriori, lorsque l’observation et l’analyse révèlent des configurations d’objets et de règles d’action, au sein de la mésogenèse, qui sont à même de permettre la reconstruction de certains enjeux mathématiques d’une situation pour l’élève.

Gestes et techniques pour décrire l'action conjointe P-Els

La prise en compte de ce triplet de genèses a permis, dès les premiers travaux sur la modélisation, à partir de leçons mettant en jeu la Course à 2055, de définir une typologie de

54 Que nous qualifierons de "mésogènes", à la suite de Schubauer-Leoni & Leutenegger (2005).

55 La Course à 20 est un jeu mathématique qui fut imaginé par G. Brousseau (voir le chapitre introductif de l'ouvrage La théorie des Situations Didactiques, 1998) afin de caractériser les formes d'une situation didactique (action, formulation, validation). Le jeu se joue à deux adversaires (A et B). Partant du nombre 1 ou 2, chaque joueur ajoute 1 ou 2 à tour de rôle. Par exemple, si A commence en disant 1, B peut ajouter 1 ou 2 et dire 2 ou 3. Admettons que B dise 3, alors à son tour, A peut ajouter 1 ou 2 et dire 4 ou 5,… etc. Le premier de A ou de B qui arrive à dire 20 a gagné. Pour gagner à coup sûr, il existe une stratégie qui consiste à dire la suite 2, 5, 8, 11, 14, 17, 20. S'il est assez facile de voir que celui qui dit 17 a forcément gagné, car son adversaire ne peut dire que 18 ou 19, les théorèmes suivants (celui qui dit 14 ; 11 ; 8 ; 5 ou 2, gagne) sont souvent plus difficiles à établir et nécessitent une gestion dialectique des milieux pour l'action, la formulation et la validation, de la part de l'enseignant. Il faut ensuite envisager des courses à 30, puis à 245, etc. pour développer avec les élèves la nécessité d'un modèle général du jeu, à savoir la division euclidienne (a = bq+r) où a est le nombre en fin de course, b l'écart maximum possible – dans le cas de la course 2+1=3 -, qui permet de désigner le reste r comme le nombre par lequel le premier joueur doit commencer pour gagner (dans le cas

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relations qui s'établissent dans la mésogenèse par les actions des participants (élèves et professeur), mais aussi des techniques chronogenétiques et topogenétiques qui permettent au professeur de faire progresser l'enjeu de savoir en modulant sa posture et celles de certains élèves. Selon nous, s'il est possible de décrire les catégories topogenétique et chronogenétique en termes de technique d'action, c'est que la gestion des territoires et des temporalités est sous le contrôle du professeur, en référence au sens princeps des concepts de topogenèse et chronogenèse chez Chevallard. Les formes d'action mésogenétiques ne sont pas spécifiques à un topos particulier, et on peut difficilement attribuer des

"techniques"56 pour établir "un rapport à" des objets, une règle d'action, une contradiction, etc. par des sujets.

(a) Les catégories d'action mésogénétiques concernent la désignation d'objets présents dans le dispositif d'enseignement (OD), la désignation ou l'élaboration de règles d'action (RA), la désignation de traits pertinents / non pertinents (TP /TnP) et la désignation ou la gestion de contradictions (CTRD). Elles sont prises dans des formats de communication propres à l’interaction didactique, qui montre la prise en charge conjointe par le professeur et les élèves. On opère donc des distinctions dans chaque cas selon que :

- la proposition émane de l’enseignant, par des gestes d’indication / prescription ;

- la proposition émane d’un élève, puis elle est reprise immédiatement par l’enseignant, ou qu’il y fait allusion plus tard sous forme d’une résonance ;

-la proposition émane d’un élève, mais est suscitée par une question ad hoc de l’enseignant.

(b) Les techniques d’action, respectivement topogénétiques et chronogénétiques, font partie de ce que nous identifions comme étant la gestion des territoires et des temporalités par le professeur. Ces techniques sont, en principe, déterminées à partir des catégories mésogenétiques, qui constituent une référence pour le cours de l’action conjointe P-ELs. En termes de types de tâches, la construction de la référence et la gestion des territoires et des temporalités font partie des responsabilités que le professeur doit assumer dans un contrat didactique classique.

Nous en venons ainsi aux détails de structure du modèle proprement dit, pour lequel nous avons construit un tableau récapitulatif (cf. Figure 2.A) des différentes catégories et sous-catégories à l'appui de nos travaux précédents sur le modèle (Ligozat, 2002, Schubauer-Leoni et al., 2004; Schubauer-Schubauer-Leoni, Leutenegger, Ligozat & Flückiger, 2007).

de la Course à 20, c'est 2). Au départ, Sensevy, Mercier & Schubauer-Leoni (2000) ont utilisé cette situation, bien connue des didacticiens, afin de caractériser les formes de l'action du professeur.

56 Une technique est une manière de faire quelque chose, mais cela suppose une forme d'action délibérée par convocation de cette manière de faire "en vue de" arriver à un résultat anticipé. La mise en œuvre d'une technique suppose une mode de réflexivité du type "je peux le refaire" et donc d'un système de justification latent. Si le professeur peut convoquer délibérément une technique topogenétique consistant à se mettre en retrait par rapport à des propositions d'élèves (suspension du jugement) par exemple, il en va autrement pour l'identification d'un trait pertinent par un élève. Établir un rapport spécifique à un objet ne relève pas d'une technique en soi, c'est plutôt un événement dans le cours de l'action.

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Figure n°2.A : Catégories de l'action conjointe du professeur et des élèves57 (Extrait de Ligozat & Leutenegger, sous presse)

57 Précisons que la numérotation employée dans ce tableau ne signifie en aucune manière qu'il y aurait un ordre ou une hiérarchie dans les catégories ; cette numérotation est utilisée pour coder plus facilement les actions des

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Quelques exemples à propos de la Course à 20 inspirés de l'analyse de Schubauer-Leoni et al. (2004) montrent que la mise en place des objets du dispositif (verbaux, graphiques, matériels) et l’élaboration de règles d’action constitutives du jeu s’associent étroitement : OD commence à 1 / finit à 20 / pas de 1 ou 2, etc.,

RA on ne peut ajouter que 1 ou 2 / on ne peut pas retrancher, ou encore lorsque le professeur instaure un milieu pour la validation : "vous avez fait des découvertes, il va falloir les proposer".

La mise à jour de traits pertinents ou de traits non pertinents de la situation (dans les domaines du faire, du dire et du prouver) et le repérage de contradictions ou alternatives s’imbriquent également dans des règles d’action qui deviennent alors plus stratégiques ou techniques :

TP (faire)Sur la feuille d’un El, on peut constater qu’il essaie de jouer le 17 à chaque coup

TP (dire)Annoncer qu’il faut « mettre le 14 et le 17 » est un trait pertinent pour l’action qui peut être associé à une règle d’action si le professeur décide de renvoyer les élèves au jeu, pour essayer la proposition.

TP (prouver)Déclarer que « si on met le 14, alors l’adversaire ne peut mettre que le 15 ou le 16 et soi-même, on accède à 17 » est un trait pertinent pour la validation.

CTRD L’élève qui dira « oui mais moi j’ai fait une partie où le 15 ça a marché », fait état d’un trait non pertinent qui vient s’ériger en contradiction par un retour dans le milieu de l’action, et que le professeur aura tout intérêt à utiliser pour susciter les arguments de validation.

Sur la base de ces quelques exemples, on constate déjà que ces catégories sont inclusives : l’énonciation d’un trait pertinent devient ipso facto un objet du dispositif, dont certains élèves vont s’emparer et d’autres non ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans notre étude empirique. C’est ainsi que ces catégories contribuent à décrire comment se construit dynamiquement la référence, soit un monde supposé partagé par les instances de la relation didactique (même si ce n’est qu’une fiction).

La notion de trait pertinent peut être longuement questionnée dans le cas du didactique ordinaire, où l'enseignant ne contrôle pas forcément les conditions de la mésogenèse, permettant à l'élève d'établir un rapport adéquat au savoir. Contrairement au cas de la Course à 20, qui contraint d'une certaine façon le travail de l'élève à se confronter à un milieu pensé, depuis l’ingénierie, pour la rencontre d’une situation (a-didactique) d’action, de formulation ou de validation, nos premières études sur des objets d'enseignement courant tels que l'enseignement de la lecture et de l'écriture des "grands" nombres (Ligozat 2002, 2004) ont montré qu'il existe plusieurs niveaux de pertinence, suivant que l'énoncé ou le geste qui le porte se réfère :

La notion de trait pertinent peut être longuement questionnée dans le cas du didactique ordinaire, où l'enseignant ne contrôle pas forcément les conditions de la mésogenèse, permettant à l'élève d'établir un rapport adéquat au savoir. Contrairement au cas de la Course à 20, qui contraint d'une certaine façon le travail de l'élève à se confronter à un milieu pensé, depuis l’ingénierie, pour la rencontre d’une situation (a-didactique) d’action, de formulation ou de validation, nos premières études sur des objets d'enseignement courant tels que l'enseignement de la lecture et de l'écriture des "grands" nombres (Ligozat 2002, 2004) ont montré qu'il existe plusieurs niveaux de pertinence, suivant que l'énoncé ou le geste qui le porte se réfère :