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Une tendance des pays développés à se spécialiser dans les secteurs moins intensifs en pollution

Les principaux déterminants du découplage

Section 2. La structure de l’économie

2.1. Structure de l’économie et intensité des pressions sur l’environnement

2.1.2. Une tendance des pays développés à se spécialiser dans les secteurs moins intensifs en pollution

A l’opposé des pays en développement, l’analyse de la structure de l’économie des pays développés montre une part plus importante du secteur tertiaire par rapport aux autres secteurs. Cette part s’élève aujourd’hui à environ 70 % du PIB dans les pays développés. Ce secteur regroupe des activités comme les transports, le commerce, les finances, les télécommunications…

Dans la théorie économique, cette prédominance du secteur des services dans l’économie des pays développés pourrait s’expliquer non seulement par les trois théories abordées précédemment dans le cas des pays en développement (loi des « trois secteurs », avantages comparatifs et hypothèse du « havre de pollution »), mais aussi par la « loi d’Engel » développée par l’économiste Allemand Ernest Engel en 1857.

Engel tire cette loi des résultats de son étude sur plusieurs familles belges (environ 200) en 1857 (Houthakker, 1957, p. 532). En effet, en étudiant le comportement de consommation de ces familles, Engel constate que la part allouée à certains postes de dépenses évoluait en fonction du niveau de revenu. A l’issue de cette étude, il énoncera un certain nombre de « lois » sur le comportement des ménages. Ces lois sont au nombre de trois.

-D’après la première loi, la part du revenu allouée aux dépenses alimentaires (« bien inférieur ») diminuerait au fur et à mesure que le revenu augmente (élasticité-revenu négative).

-La deuxième loi stipule que la proportion du revenu affectée à l’achat des « biens normaux » (habillement, logement, etc.) reste globalement constante quel que soit le niveau de revenu (élasticité-revenu comprise entre 0 et 1).

-Quant à la troisième loi, elle stipule que la part des dépenses allouée à l’achat des « biens supérieurs » appelés encore « biens de luxe » (loisirs, transports, voyages, etc.) augmenterait de façon plus importante que le revenu (élasticité-revenu supérieure à 1). Dans la littérature, on estime généralement à 3000 dollars par tête le niveau de revenu à partir duquel le développement des services s’accélère dans un pays (Aglietta, 2012, p. 41).

Ainsi, d’après cette dernière loi, c’est la structure des dépenses des ménages des pays développés qui favoriserait l’augmentation de la part des activités de service dans leurs économies au détriment d’autres secteurs. Et comparativement aux activités du secteur primaire, celles du secteur tertiaire sont généralement décrites comme immatérielles et moins intensives en pollution.

D’un point de vue écologique, l’intensité des pressions sur l’environnement dans le secteur tertiaire est considérée relativement beaucoup plus faible que dans les autres secteurs. Cette comparaison d’intensité de pollution entre les secteurs se fait généralement à partir du ratio CO2/VA55. Lorsqu’on compare ce ratio entre différents secteurs de l’économie sur trois

périodes (1990, 2000 et 2011) pour plusieurs pays et régions du monde, nous constatons que le secteur tertiaire est le secteur qui semble relativement le moins intensif en pollution par rapport aux autres secteurs (tableaux 6, 7 et 8). En 1990 (tableau 6), en France par exemple, l’intensité de pollution du secteur des services était de 0,024, alors qu’elle était de 0,08 pour le transport, 0,29 pour l’industrie et 0,358 pour l’agriculture. Cette faible intensité relative du secteur tertiaire se confirme pour les autres pays et régions du monde de notre tableau (tableau 6). Pour les autres périodes (2000 et 2011), nous pouvons faire le même constat pour tous les pays et régions du monde (tableaux 7 et 8), à savoir une intensité de pollution relativement plus faible dans le secteur des services que dans les autres secteurs. En France, par exemple, en 2000 (tableau 7), l’intensité du dioxyde de carbone du secteur des services était de 0,021 contre 0,08 pour le transport, 0,24 pour l’industrie et 0,287 pour l’agriculture. En 2011, ces ratios (CO2/VA) ont été de 0,016 pour les services contre 0,06 pour le transport, 0,17 pour

l’industrie et 0,213 pour l’agriculture toujours dans le cas de la France.

55 VA représente la valeur ajoutée. Mais on peut également utiliser le ratio inverse VA/CO2 qui correspond à l’efficacité écologique, appelé aussi « l’efficacité éco-émettrice » (notamment dans les travaux de l’IFEN de 2004, n°95).

Tableau 7. Intensités de CO2 par secteur pour certains pays et régions du monde en 1990

Pays Agriculture industrie transport service

France 0,358 0,29 0,08 0,024 Royaume-Uni 0,175 0,22 0,08 0,038 Etats-Unis 0,579 0,57 0,18 0,037 Japon 0,226 0,27 0,07 0,040 Brésil 0,174 0,22 0,08 0,005 Russie 0,558 0,58 0,12 0,129 Afrique du Sud 0,389 0,71 0,10 0,026 Australie 0,240 0,36 0,15 0,013 Asie 0,136 0,67 0,08 0,043 Afrique 0,028 0,30 0,08 0,011 Amérique Latine 0,139 0,25 0,09 0,008 Amérique du Nord 0,531 0,56 0,17 0,039 Union Européenne 0,294 0,33 0,08 0,037 Monde 0,184 0,46 0,11 0,039

Source de données: Enerdata

Tableau 8. Intensités de CO2 par secteur pour pays et régions du monde en 2000

Pays Agriculture industrie transport service

France 0,287 0,24 0,08 0,021 Royaume-Uni 0,137 0,21 0,07 0,022 Etats-Unis 0,417 0,38 0,15 0,028 Japon 0,205 0,25 0,07 0,044 Brésil 0,213 0,28 0,09 0,005 Russie 0,330 0,58 0,10 0,024 Afrique du Sud 0,353 0,63 0,11 0,011 Australie 0,252 0,31 0,13 0,011 Asie 0,077 0,49 0,08 0,038 Afrique 0,035 0,25 0,09 0,009 Amérique Latine 0,137 0,26 0,10 0,007 Amérique du Nord 0,421 0,38 0,15 0,031 Union Européenne 0,254 0,23 0,07 0,024 Monde 0,122 0,37 0,10 0,027

Tableau 9. Intensités de CO2 par secteur pour certains pays et régions du monde en 2011

Pays Agriculture industrie transport service

France 0,213 0,17 0,06 0,016 Royaume-Uni 0,084 0,17 0,06 0,012 Etats-Unis 0,340 0,28 0,12 0,023 Japon 0,171 0,21 0,06 0,035 Brésil 0,184 0,26 0,09 0,002 Russie 0,119 0,50 0,08 0,022 Afrique du Sud 0,311 0,38 0,11 0,022 Australie 0,287 0,24 0,11 0,010 Asie 0,067 0,41 0,06 0,025 Afrique 0,043 0,17 0,08 0,014 Amérique Latine 0,137 0,21 0,09 0,005 Amérique du Nord 0,357 0,30 0,12 0,024 Union Européenne 0,185 0,19 0,06 0,018 Monde 0,097 0,33 0,08 0,021

Source de données: Enerdata

Certains travaux (IFEN, 2004 ; Suh, 2006 ; Nansai et al., 2009 ; Singh, 2012 ; Okamoto, 2013) semblent aussi confirmer l’impact positif de la tertiarisation de l’économie sur la réduction de la pollution. En 2004, en étudiant l’impact de la tertiairisation sur le niveau des émissions de dioxyde de carbone en France entre 1980 et 1997 pour le compte de l’IFEN, les auteurs parviennent à la conclusion selon laquelle le secteur tertiaire est un secteur faiblement émetteur de dioxyde de carbone, et que la tertiarisation de l’économie française entre 1980 et 1997 a été un facteur favorable à la baisse des émissions du dioxyde de carbone sur cette période. Dans leurs études sur l’impact de la croissance du secteur des services sur l’environnement, Suh (2006) pour les Etats-Unis, Nansai et al., (2009) et Okamoto (2013) pour le Japon et Singh (2012) pour l’Inde parviennent à la même conclusion, à savoir une intensité de pollution relativement plus faible dans le secteur des services que dans les autres secteurs de l’économie. Ainsi, tout en reconnaissant que la production d’un service nécessite généralement d’autres activités (notamment les transports et tout ce qui est lié à la logistique) qui sont sources de pollution, toutes ces études tendent à montrer que la croissance des activités de service dans une économie peut être favorable à l’environnement.

2.2. Découplage pendant un changement structurel dans

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