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Les principaux déterminants du découplage

Section 1. Le niveau de développement

1.3. Découplage et « effet rebond »

1.3.2. L’ampleur de l’effet rebond

Le retour du débat dans la littérature sur l’existence de l’effet rebond fait suite à la publication des travaux de L Brookes et D.J Khazzoom au début des années 1980 (Saunders, 2000, p. 440), lorsque ces derniers constatent aux Etats-Unis une augmentation de la demande des voitures à faible consommation fabriquées après les crises pétrolières de 1973 et de 1979. Dans leurs travaux, ces économistes vont s’attacher à démontrer l’hypothèse selon laquelle un gain d’efficacité énergétique tend paradoxalement à augmenter la consommation de l’énergie. Mais cette théorie ne sera vérifiée que plus tard par Saunders en 1992 qui lui donnera le nom de « postulat Brookes-Khazzoum ».

Après ces travaux, l’intérêt des économistes sur l’effet rebond va continuer à s’accroître permettant ainsi d’en savoir plus sur les mécanismes par lesquels cet effet se manifeste.

Cependant, l’évaluation de l’ampleur de l’effet rebond reste encore aujourd’hui un défi pour les économistes compte tenu de certaines difficultés au niveau de la méthodologie. Ces difficultés proviennent non seulement du manque de données mais aussi de la pertinence des approches utilisées actuellement pour évaluer cet effet.

Le manque de données dans l’évaluation de l’effet rebond fait que les études sur l’effet rebond sont concentrées sur un nombre limité de pays (les pays de l’OCDE en général) et sur certains secteurs comme le transport de passagers ou le chauffage domestique (UKERC, 2007, p. 25).

Quant aux approches utilisées pour évaluer l’ampleur de l’effet rebond, elles sont très diverses. L’une des approches les plus couramment utilisées consiste à étudier l’élasticité de la demande d’énergie par rapport à son prix. Mais une des limites de cette méthode est l’identification du facteur à l’origine de l’augmentation de la demande de l’énergie. En effet, plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de l’augmentation de la demande d’énergie (une évolution du prix de l’énergie sur le marché, une amélioration de l’efficacité énergétique, une baisse des taxes sur le prix de l’énergie ou encore un effet de saturation des besoins). Cette confusion au niveau des facteurs à l’origine de la baisse du prix de l’énergie fragilise la pertinence des résultats obtenus à partir d’une telle approche. Par ailleurs, la diversité en termes d’approches empiriques utilisées et du type de données mobilisées rend aussi difficile les comparaisons entre les études (UKERC, 2007, p. 30).

Aujourd’hui, malgré la difficulté de tirer une conclusion précise sur l’ampleur de l’effet rebond, certaines tendances se dégagent au niveau des résultats.

En qui concerne l’effet rebond direct, les études semblent montrer que cet effet dépend dans une large part du niveau de saturation du besoin du service énergétique (ADEME, 2010, p. 4). En effet, chez les personnes à faible revenu, l’effet rebond direct semble s’expliquer par l’assouvissement des besoins qui sont généralement en dessous du niveau satisfaisant. Cela n’est pas le cas chez les ménages riches dont la quasi-totalité des besoins primaires et secondaires sont déjà comblés. Donc finalement, l’effet rebond serait plus important chez les ménages à revenu modeste que chez les ménages riches. Par exemple, une amélioration de l’efficacité des voitures peut se traduire par une augmentation plus importante de l’usage de la

voiture chez les ménages à faible revenu par rapport aux personnes riches qui utilisent déjà leurs voitures à un niveau satisfaisant.

Ainsi, l’ampleur de l’effet rebond semblerait être plus importante chez les ménages à faible revenu que chez les personnes riches.

Par ailleurs, à cause de la simplicité à analyser et à estimer ces mécanismes, l’effet rebond direct est celui qui a fait l’objet de plus d’études dans la littérature. D’après ces études, l’effet rebond direct sur l’utilisation du chauffage dans le résidentiel serait en général compris entre 10 et 30% (c'est-à-dire l’utilisation du chauffage aurait augmenté de 10 à 30% suite à une diminution du prix du gaz ou de l’électricité) et ce chiffre pourrait atteindre 60% chez les ménages à faible revenu dont les besoins de chauffage ne sont pas généralement saturés (ADEME, 2010, p. 5). Quant à l’effet rebond direct sur le transport automobile à usage privé (c'est-à-dire l’augmentation des distances parcourues après une baisse des coûts de consommation des véhicules), on l’évalue à court terme de 5 à 30%, et de 20 à 50% à long terme (Gavankar et Geyer, 2010, p. 37). Les études concernant l’effet rebond sur les autres services sont assez rares (notamment la climatisation et le chauffage de l’eau). D’après certaines études, généralement, l’effet rebond direct sur l’utilisation de la climatisation représente 0 à 50% et celui sur l’utilisation du chauffage de l’eau oscillerait entre 10 à 40% (Gavankar et Geyer, 2010, p. 37).

Quant aux deux autres effets (effet rebond indirect et effet macroéconomique), il existe pour le moment assez peu d’études. En plus, les conclusions de ces études sont souvent hypothétiques et contradictoires.

Sur l’effet macroéconomique, les études semblent montrer que l’ampleur de cet effet dépend de plusieurs facteurs, comme la taille (du pays ou du secteur étudié) ou encore la nature (type de technologie utilisée) des améliorations de l’efficacité énergétique.

Pour ce qui est de l’effet rebond indirect, une étude réalisée en 2006 sur l’efficacité des politiques énergétiques au Royaume-Uni entre 2000 et 2010 estimait cet effet à environ 11% en 2010 sur la consommation d’énergie. Au niveau des industries à forte intensité énergétique, l’effet rebond indirect atteindrait 25% (augmentation de la consommation d’autres biens et

services par une industrie suite à la baisse de ses dépenses d’énergie). En revanche, cet effet paraît plus faible au niveau des ménages, il serait de l’ordre de 7% (UKERC, 2007, p. 58). Aujourd’hui, bien que globalement assez peu fiables, les travaux sur l’estimation de l’effet rebond tendent à montrer qu’il peut considérablement nuire à l’efficacité des politiques énergétiques visant à découpler les pressions sur l’environnement de la croissance économique. Cette capacité de nuisance de l’effet rebond rend modeste le degré de découplage tout en écourtant aussi la durée du processus de découplage.

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