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Analyse empirique des déterminants technologiques du découplage

Les principaux déterminants du découplage

Section 1. Le niveau de développement

1.2. Rôle du progrès technique dans un processus de découplage

1.2.3. Analyse empirique des déterminants technologiques du découplage

Après avoir analysé théoriquement les facteurs technologiques susceptibles de favoriser le découplage, nous proposons dans cette sous-section une analyse empirique des déterminants technologiques du découplage. Nous appelons ici déterminants technologiques du découplage, tout facteur contribuant au processus d’innovation technologique. Pour cette analyse, nous avons fait une régression sur les valeurs de découplage entre 1980 et 2005 trouvées dans notre étude dans le cas des émissions de dioxyde de carbone pour 94 des 124 pays étudiés (infra tableau 2, chapitre 2). Les critères utilisés dans le choix de ces variables explicatives ont trait à la fois à leur pertinence et à la disponibilité des données pour un maximum de pays possible47. Toutes les données sur les variables explicatives proviennent du rapport Environnemental Sustainability Index (ESI) de 2005 à l’exception du niveau de richesse qui est calculé à partir des données de l’U.S Department of Agriculture (USDA). Ces variables sont au nombre de cinq : l’indice d’accès au numérique (DAI), l’efficacité énergétique (ENEFF), le niveau de richesse (PIB/ tête), le taux de scolarisation tertiaire (ENROL) et le taux d’achèvement féminin du cycle primaire (PECR).

Indice d’accès au numérique :

Compris entre 0 et 1, l’indice d’accès au numérique est un indice composite de plusieurs variables. Il est composé de la moyenne pondérée des variables telles que les infrastructures disponibles, la capacité technologique, le niveau des connaissances, la qualité des services, etc. liées au développement et à l’utilisation des technologies d’information et de communication (rapport ESI, 2005, p. 323). Une valeur élevée de cet indice peut montrer que le pays dispose des capacités techniques et technologiques pour développer les innovations

47 Pour des raisons de disponibilités des données, nous n’avons pu recueillir que les données de 94 pays sur 124. Cependant, d’un point de vue économétrique, cela n’a quasiment pas d’impact sur la robustesse des résultats de nos régressions, car le degré de liberté reste toujours élevé (94-6 = 88).

vertes. Elle montre, d’autre part, l’accessibilité aux informations relatives aux problèmes environnementaux (rapport ESI, 2005, p. 323). Ainsi, dans la régression, nous nous attendons à un signe négatif entre cette variable et le degré de découplage, ce qui signifie que plus l’indice d’accès au numérique est élevé, plus le découplage sera important.

Efficacité énergétique :

Cette variable exprime le rapport entre la consommation d’énergie et le niveau de production (PIB). Une plus grande valeur de la variable efficacité énergétique indique que le pays a mis en place d’importants procédés et techniques permettant d’utiliser moins d’énergie par unité de production. Ce gain d’efficacité énergétique entraîne une baisse des intensités de pollution (le dioxyde de carbone dans notre cas). Ainsi, cette variable devrait avoir un impact positif sur le découplage. Cela se traduit dans la régression par un signe négatif entre cette variable et le degré de découplage48.

Niveau de richesse :

Exprimé en PIB par habitant, le niveau de richesse indique la capacité économique d’un pays à allouer une partie de son budget à l’amélioration de l’environnement. Un pays à niveau de richesse élevé est plus disposé à consacrer une partie de ses ressources au soutien des projets de recherche et développement des innovations vertes et à opter pour des technologies propres qu’un pays où le niveau de vie est modeste. Donc logiquement, cette variable devrait aussi avoir un effet positif sur le découplage. Au niveau de la régression, son coefficient devrait être de signe négatif.

Taux de scolarisation :

Cette variable indique la capacité technologique et scientifique d’un pays, en même temps le degré de conscience environnementale dans ce pays et sa capacité à résoudre les problèmes environnementaux (ESI, 2005, p. 325). Une plus grande valeur de cette variable signifie que le pays dispose de grande capacité technologique et scientifique, et aussi qu’il

48 Dans notre régression, plus le degré de découplage tend vers –∞, plus le découplage entre la variable économique et la variable environnementale est important (infra, section 3, du chapitre 2).

existe une certaine conscience sur les enjeux environnementaux dans ce pays. Ainsi, on s’attend à ce que l’impact de cette variable soit positif sur le découplage, ce qui se traduit par un signe négatif au niveau de la régression.

Taux d’achèvement féminin :

Cette variable exprime le pourcentage de filles qui achève le cycle primaire. C’est une variable qui est considérée comme un facteur important dans le développement économique et social dans un pays (ESI, 2005, p. 324). Un pourcentage élevé de cette variable montre un minimum de niveau intellectuel (certificat d’étude primaire) dans la population d’un pays, ce qui pourrait indiquer aussi globalement le niveau de formation et le degré de qualification des actifs d’un pays. De ce point de vue, c’est une variable qui nous paraît positivement liée à la qualité de l’environnement. Ainsi, nous conjecturons un signe négatif du coefficient de cette variable dans la régression.

Les résultats des régressions sont présentés dans un tableau (tableau 6). Ce tableau est divisé en deux parties. La première partie comporte les résultats de la régression avec l’ensemble des variables explicatives. Dans la deuxième partie, nous avons mis les résultats de la régression avec seulement la ou les variable (s) significative(s) avec un risque d’erreur maximum de 10%.

Tableau 6. Estimations des déterminants technologiques du découplage

Modèle avec l’ensemble des variables Modèle avec variables significatives Degré de découplage Niveau de découplage

Constante 2,325 (4,636)*** Constante 1,874 (12,96)*** DAI -1,612 (-2,456)** DAI -2,049 (-7,169)*** ENEFF -0,003 (-0,489) - PIB/tête -0,0000023 (-0,404) - ENROL -0,0019 (-0,394) - PECR -0,0057 (-0,974) - R2 0,368 R2 0,358 F (10,27)*** F (51,41)***

Nbre obs 94 Nbre obs 94

* : significatif au seuil de 10% ; ** : significatif au seuil de 5% ; *** : significatif au seuil de 1% (.) : t-statistiques et F-statistiques

Lorsqu’on s’intéresse aux résultats de notre première régression, nous constatons que le modèle est globalement très significatif (F-statistique significatif au seuil de 1%). Le modèle explique près de 37% des variations du degré de découplage (R2=0,368). Autrement dit, près de 37 % des variations du degré de découplage sont expliquées par l’innovation technologique. Ceci est loin d’être négligeable, dans la mesure où non seulement les variables utilisées dans le modèle ne sont que les proxies49 de l’innovation verte, mais aussi du fait que le changement technologique n’est que l’un des trois principaux déterminants du découplage. Nous remarquons aussi que toutes les variables portent les signes attendus. Cependant, malgré ces signes qui sont conformes à nos attentes, il n’y a que la variable indice d’accès au numérique (DAI) qui a un impact significatif sur le modèle (t-statistique significatif au seuil de 5%). La non significativité des autres variables pourrait s’expliquer par le fait qu’elles ne sont pas directement liées au découplage étant donné que ce sont des proxies. En effet, ce sont des variables qui ont potentiellement un impact positif sur le découplage. Mais pour que cet impact soit effectif, il faudrait qu’il y ait une volonté politique d’utiliser ces potentialités en faveur du découplage (section 3 de ce chapitre). Par exemple, un pays qui a un niveau de revenu par tête élevé peut ne pas consacrer autant de ressources qu’il le pourrait à l’amélioration de la qualité de l’environnement.

Dans la deuxième régression, nous n’avons retenu que la variable DAI qui est la seule variable explicative dans le modèle 1. Cette sélection a été réalisée à partir d’une procédure de stepwise50 automatique (par le logiciel économétrique Gretl). Dans ce modèle, nous constatons que la qualité du modèle s’est améliorée par rapport au modèle à régressions multiples. En effet, la valeur du F-statistique a augmenté, passant de 10,27 à 10,51, tandis que le pouvoir explicatif du modèle n’a diminué que d’un point (la valeur du coefficient de détermination est passée de 0,368 à 0,358). Quant à la variable DAI, sa significativité ainsi que la valeur de son coefficient ont sensiblement augmenté dans le modèle 2. Ainsi, une amélioration d’une unité de l’indice d’accès au numérique se traduit par une augmentation de 2,049 du degré de découplage.

49 Une proxy est une variable qui est utilisée à la place d’une variable inobservable (non mesurable) dans le modèle compte tenu d’une certaine corrélation entre ces deux variables. Dans le modèle, la variable proxy joue l’intermédiaire entre la variable expliquée et la variable inobservable qui fait partir des variables explicatives. 50 La procédure de stepwise est une procédure économétrique qui consiste à ne retenir dans le modèle que les variables significatives. On distingue deux types de procédure de stepwise. Le stepwise ascendant (on ajoute une à une les variables dans le modèle) et le stepwise descendant (on élimine une à une les variables dans le modèle). Ces deux procédures donnent généralement les mêmes résultats.

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