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majeur pour les Etats

3.2.2. Méthodologie de mesure du découplage

Dans cette section, nous cherchons à analyser davantage les liens entre la croissance économique et les émissions de dioxyde de soufre d’une part, et d’autre part, ceux entre la croissance économique et les émissions du dioxyde de carbone. Pour atteindre ce but, nous proposons une méthode de mesure permettant de dépasser les principales limites des méthodes de découplage existantes.

Pour ce qui est de notre position sur cette question du découplage éventuel entre la croissance économique et ces deux polluants, elle nuance celles qu’on trouve généralement dans la littérature. En effet, dans la littérature la position qui est généralement défendue (notamment dans Jackson, 2010 et dans certains travaux sur la courbe de Kuznets environnementale) sur cette question est celle d’une quasi impossibilité de parvenir au découplage (absolu), particulièrement dans le cas du dioxyde de carbone. Dans le cas des pays où on décèle un découplage, on a tendance à attribuer ce résultat à des « fuites de carbone ». Autrement dit, ce découplage serait les conséquences d’une délocalisation des industries intensives en pollution de ces pays vers d’autres pays. Contrairement à ces travaux, nous soutenons que, bien que difficile à réaliser, le découplage (absolu) reste parfois possible (même dans le cas du dioxyde de carbone). Cependant, ce découplage peut difficilement être pérenne37.

En revanche, concernant la fréquence du découplage dans le cas du dioxyde de soufre par rapport à celui du dioxyde de carbone, notre position converge avec celle qu’on trouve généralement dans la littérature (notamment Arrow et al., 1995, p. 92), à savoir un découplage plus fréquent dans le cas du dioxyde de soufre que dans celui du dioxyde de carbone. En effet, nous pensons que les possibilités de découplage dépendent dans une certaine mesure du type de polluants. Cette différence entre polluants dans le découplage s’explique à la fois par leurs caractéristiques concernant les activités qui sont à l’origine de ces polluants, l’ampleur (y compris leur degré de nocivité) de leurs conséquences sur l’homme et sur l’environnement, leurs coûts de réduction (notamment les possibilités technologiques). Ainsi, sur la base de ces différents éléments, nous soutenons aussi que le découplage est plus évident dans le cas du dioxyde de soufre que dans celui du dioxyde de carbone.

3.2.2.1. Modèles

Pour surmonter les deux principales limites soulignées dans la section précédente sur les méthodes de mesure du découplage, à savoir l’utilisation des données en temps discret et

37

Cependant, la solidité de cette thèse dépend largement des capacités technologiques futures. De ce fait, nous avons écarté implicitement la possibilité de découverte dans le futur d’une technologie capable de capturer la totalité des émissions de polluants liées aux activités humaines.

le manque parfois de précision sur le degré de découplage, nous proposons une nouvelle méthode de mesure du découplage. Cette méthode repose sur un modèle économétrique. Nous allons plus précisément utiliser une spécification log linéaire. Cependant, le choix de cette spécification est loin d’être fortuit. En effet, nous nous sommes inspirés du modèle STIRPAT (Stochastic Impacts by Regression Affluence and Technology) dans lequel on suppose l’existence d’une certaine élasticité entre impact environnemental et « driving force » (activités humaines) pour construire notre modèle.

Dérivé du modèle IPAT (Impact Population Affluence and Technology) proposé par P. R Ehlrich et J. P Holdren au début des années 1970, le modèle STIRPAT est une version corrigée du modèle IPAT. En effet, en étudiant l’identité d’Ehlrich (modèle IPAT), York et al., trouvent une certaine limite à ce modèle (York et al., 2003, p. 353). Ils trouvent non seulement que la variable technologie (T) est un terme aléatoire (c'est-à-dire non déterminée), mais ils trouvent aussi discutable le fait de supposer l’existence d’une élasticité fixe entre impact environnemental et activités économiques. En effet, avec le modèle IPAT, un doublement du niveau d’affluence se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par un doublement de l’impact environnemental. Or selon eux, l’élasticité entre l’impact environnemental et les activités économiques ne peut être supposée comme étant fixe et on devrait aussi pouvoir l’évaluée empiriquement. Ils prennent par ailleurs l’exemple sur les travaux avec la courbe de Kuznets environnementale où les résultats montrent que la relation entre impact environnemental et niveau d’activités économiques n’est pas constante (York et al., 2003, p. 353).

Pour surmonter ces différentes limites, ils proposent une version stochastique du modèle IPAT qu’ils appelleront STIRPAT et dont les hypothèses pourront être testées empiriquement. Dans ce modèle, la variable aléatoire T est remplacée par un terme d’erreur (ε), et chaque variable est accompagnée d’un exposant (équation 1). Ensuite pour faciliter l’estimation des coefficients et les tests d’hypothèse, le modèle de l’équation 1 est transformé en log (équation 2).

 

c b C P

I aP



avec C A P  (1)

 

ln( )

*ln( )

*ln

C

P

I

 a b

P c



(2)

Cette version stochastique du modèle IPAT est utilisée dans plusieurs travaux (Shi 2003 ; Cole et Neumayer en 2004 ; Fan et al., en 2006 ; Martinez-Zarzoso et al., 2006, 2011; Iwata et Okada en 2010 ; Liddle et Lung en 2010 ; Poumanyvong et al., en 2012 ; Fang et Miller en 2012 ; Liddle en 2013) sur les déterminants de la pollution. Dans ces travaux, les variables comme l’intensité énergétique, la taille des ménages, le taux d’urbanisation ou encore le carré des variables de base (population et niveau d’activité économique) sont souvent intégrées comme variables additionnelles dans le modèle économétrique.

Dans cette thèse, nous nous inspirons aussi de la démarche de construction du modèle IPAT pour construire notre modèle économétrique. Mais comme nous cherchons à mesurer le lien entre croissance économique et impact environnemental, la variable population (P) n’apparaitra pas dans notre modèle. Par ailleurs, il existe une certaine corrélation entre le niveau d’activités économiques (PIB) et la taille de la population (surtout dans le cas des pays en développement), dans la mesure où le niveau d’activités économiques exprime le niveau d’activités de l’ensemble de la population d’un pays.

Le point de départ de notre modèle est une simple égalité :

II avec I l’impact environnemental (3)

Ensuite, en multipliant la deuxième égalité par C et en la divisant par la même variable, nous obtenons :

I I C

C

  avec C la variable économique (4)

Puis comme dans le modèle STIRPAT, nous affectons les exposants à chaque variable.

 

c b I

C

Enfin, nous linéarisons notre modèle afin de rendre l’estimation plus aisée. Cependant, tout comme dans le modèle STIRPAT, nous considérons la variable T comme un terme aléatoire. Par conséquent, nous la remplaçons dans (5) par un terme d’erreur (ε).

ln( )I

 a b*ln( )C



(6)

Dans notre cas I représente le CO2 ou le SO2 et C le PIB. Toutes ces variables ont été

exprimées en fonction du temps en (7).

ln( )I

t

 a b*ln(PIB

t

)

t (7)

Par rapport aux autres méthodes de découplage, cette méthode permet non seulement de prendre en compte toutes les données de l’ensemble de la période d’étude, mais aussi d’avoir une meilleure estimation de l’élasticité entre la variable économique et la variable environnementale, ce qui permet à la fois une interprétation plus précise (York et al., 2003, p. 354) et plus aisée du découplage (Camara, 2013b). Pour l’interprétation de la mesure du découplage, nous nous appuyons sur le coefficient b du modèle, encore appelé élasticité écologique (EE)38.

Ainsi, il y a :

Absence de découplage, lorsque b1

Découplage relatif, lorsque 0 b 1

Découplage absolu, lorsque b0

Cependant, il convient de signaler que cette interprétation n’a de sens que si la variable économique (le PIB dans notre cas) est croissante. En effet, une augmentation de la variable environnementale et une diminution de la variable économique au fil du temps peut aussi donner les mêmes coefficients (en termes de signes et intervalles de valeurs). Par exemple, une diminution de la variable économique et une augmentation de la variable environnementale peut donner une valeur de b0 et faire croire à un découplage absolu, ce

38 York R et al, 2003 (p.354), définissent l’élasticité écologique (EE) comme le degré de sensibilité d’un impact environnemental à la variation d’une variable économique « driving force ». Dans le modèle STIRPAT, ils distinguent deux types d’élasticité écologique : à savoir l’élasticité écologique de l’impact du terme population (EEIP) et l’élasticité écologique de l’impact du terme affluence (EEIA).

qui peut conduire à des interprétations fallacieuses dans l’analyse du découplage entre ces deux variables. En effet, même si d’un point de vue mathématique on peut parler de découplage, dans le contexte du développement durable, le découplage suppose une situation de croissance économique. Une façon d’éviter ce piège est de vérifier toujours graphiquement ou visuellement les données avant toute mesure du découplage, pour voir si la variable économique tend à croître sur l’ensemble de la période d’étude.

3.2.2.2. Données

Les données que nous utilisons pour cette étude empirique proviennent de sources différentes. Les données sur le PIB (en millions de dollars US constant 2005) sont issues de la base de données de l’US Department of Agriculture (USDA). Quant aux données sur le dioxyde de carbone (en milliers de tonnes), elles sont tirées de la base de données du World Resource Institute (WRI). Enfin, les données sur le dioxyde de soufre proviennent de la base de données du Community Initiative for Emissions Research and Applications (CIERA). Ces données portent sur 124 pays et s’étendent de 1980 à 2005.

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