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Découplage pendant un processus de développement

Les principaux déterminants du découplage

Section 2. La structure de l’économie

2.2. Découplage pendant un changement structurel dans l’économie

2.2.1. Découplage pendant un processus de développement

On peut observer le découplage dans un pays pendant son processus de développement, autrement dit, lorsque le pays quitte la phase de sous-développement pour une phase de développement plus avancé. La transition entre ces phases du processus de développement d’un pays se traduit par la recomposition de l’économie. Cette recomposition se caractérise généralement par une baisse de la part des activités du secteur primaire ou secondaire dans l’économie au profit des activités du secteur tertiaire. C’est pendant ce changement de la structure de l’économie qu’apparaît le découplage, qui sera marqué d’un point de vue environnemental, par une baisse du niveau de pollution, les activités du secteur primaire (extraction de matières premières et agriculture) étant considérées beaucoup plus intensives en pollution que celles du secteur tertiaire (comme l’aide à domicile, les finances ou encore les assurances). Mais une fois cette transition d’une étape de sous-développement à celle du développement achevée, le découplage pourrait s’estomper si aucun autre mécanisme (innovation technologique, changement des comportements de consommation…) n’est mis en place pour continuer à alimenter le processus de découplage. Cette situation se traduira par un nouveau couplage entre croissance économique et impact environnemental. En effet, bien que l’évolution de la structure de l’économie ait permis une baisse de l’intensité de pollution (Impact/PIB), les activités de production continueront à générer de la pollution. Ce recouplage se produira une fois que la structure de l’économie redeviendra stable. Néanmoins, l’intensité de pollution sera plus faible (mais sans pour autant devenir nulle) qu’avant le changement structurel compte tenu de la baisse des activités intensives en pollution (celles du secteur primaire).

Enfin, pour ce qui est de la valeur et de la durée du découplage dans le cas d’un pays engagé dans un processus de développement, elles paraissent généralement modestes et relativement étendues dans le temps. Cette particularité s’explique par le rythme de développement d’un pays en développement qui peut s’étendre sur plusieurs décennies voire des siècles, ce qui allonge aussi le processus de changement structurel à la base du découplage.

Dans notre étude (tableau 2), les bons résultats du découplage des pays développés (notamment européen) par rapport à d’autres pays semblent s’expliquer en partie par la transformation de la structure de leurs économies depuis les années 1970.

En effet, après la période des Trente Glorieuses (1945-1973) caractérisée par une intense activité industrielle dans les pays développés, les années 1970 marquent le début d’un processus de changement structurel dans l’ensemble de ces pays (notamment en France, en Allemagne et en Angleterre). Ce changement structurel s’est traduit par la désindustrialisation des pays développés en concomitance avec une accélération de la croissance des activités du secteur tertiaire. Entre 1970 et 2006, la part des services56 dans la production (produit intérieur brut) des pays développés est passée de 57% à 73%. Sur la même période, cette part est passée : de 57 à 76,5% pour la France ; de 48,5 à 69% pour l’Allemagne et de 54 à 75% pour le Royaume-Uni, tandis que les secteurs primaires (activités agricoles) et secondaires (activités industrielles) ont respectivement connu entre 1970 et 2006 une baisse de 5,1 à 1,6% et 38 à 25,5% pour l’ensemble des pays développés. En France, les parts des deux secteurs dans le produit intérieur brut ont baissé de 7,8 à 2,4 % pour l’agriculture et de 35,6 à 21,1% pour l’industrie. En Allemagne, ces baisses ont été de 3,65 à 0,96% pour l’agriculture et de 48 à 30% pour l’industrie ; et respectivement de 2,9 à 0,92% et de 42,5 à 24% au Royaume-Uni. Nous pouvons expliquer ces mutations dans ces économies par trois facteurs: l’évolution de la structure de la demande expliquée par la troisième loi d’Engel, la tertiarisation de l’économie soutenue par la loi des « trois secteurs » et un désavantage comparatif au niveau des échanges par rapport aux pays émergents (notamment la Chine, l’Inde et le Brésil) eu égard au coût de la main d’œuvre.

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L’élévation du niveau de vie dans les pays développés par la forte croissance économique enregistrée pendant la période des Trente Glorieuses a entraîné une certaine évolution de la structure de la demande dans les pays développés. En effet, les ménages disposant maintenant largement des moyens d’assouvir leurs besoins primaires et secondaires (notamment les biens issus de l’industrie) se sont mis à consacrer une part de plus en plus importante de leurs revenus à la satisfaction des besoins tertiaires (troisième loi d’Engel).

Le deuxième facteur expliquant ce processus de désindustrialisation est le passage des grandes économies de cette époque (1970) d’une phase de développement marquée par une forte intensité industrielle (avec le fordisme) à une phase caractérisée par la tertiarisation de l’économie (loi « des trois secteurs »). Avant la période des Trente Glorieuses, la plupart des grandes économies (notamment Etats-Unis, Allemagne, Royaume-Uni et France) avaient dépassé la première phase de développement dominée par une forte intensité agricole. Cette tertiarisation de l’économie s’est traduite d’une autre part par l’externalisation des services. Ce phénomène se traduit par un détachement des activités de service du secteur industriel au profit des entreprises du secteur tertiaire (sous-traitance). Par exemple, aujourd’hui, les services de sécurité et de gardiennage de la plupart des sites industriels sont gérés par les sociétés de sécurité. Certaines études semblent confirmer ce phénomène (notamment Demmou, 2010). D’après ces études, l’externalisation des services dans le secteur industriel en France est passée de 9% en 1980 à 25% en 2007. L’une des conséquences de ce phénomène est la destruction des emplois dans le secteur agricole et industriel au profit du secteur tertiaire. Par ailleurs, le transfert des emplois des secteurs primaires et secondaires vers le secteur tertiaire trouve une autre explication dans la théorie du déversement développée par Alfred Sauvy. D’après cette théorie, l’augmentation du pouvoir d’achat à la suite de l’amélioration de la productivité dans un secteur économique entraînerait un déversement des emplois de ce secteur vers le secteur où il y a une croissance de la demande. Ce nouveau secteur était en l’occurrence le secteur tertiaire dans le contexte économique des années 1970.

Enfin, l’évolution de la situation sur le marché international avec l’émergence de certains pays (notamment la Chine et l’Inde) semble être le troisième facteur à la base de la désindustrialisation des pays développés. En effet, l’une des conséquences de l’émergence de ces pays sur le plan international a été de concurrencer les pays déjà industrialisés dans les

activités industrielles. Cependant, disposant maintenant des technologies requises pour ces types de production, les pays émergents ont un avantage comparatif en termes de coût du travail (à cause de la disponibilité d’une main-d’œuvre à bon marché) par rapport aux pays développés (théorie des avantages comparatifs en termes de dotations factorielles). Cet avantage des pays émergents en termes de dotations factorielles dans les activités industrielles va entraîner une perte de compétitivité des pays développés dans le commerce mondial. Cette situation semble aussi être à la base de la destruction des milliers d’emploi dans les pays développés qui verront la fermeture de certaines industries et la délocalisation d’autres industries vers les pays émergents. En Europe, les régions de certains pays furent particulièrement touchées par ce phénomène. C’est le cas des régions du Nord-Pas-de-Calais et de la Lorraine en France dont les économies continuent de souffrir encore aujourd’hui de cette situation, ou encore celui de la région Rhin-Ruhr en Allemagne. D’après l’organisation internationale du travail (OIT) entre 1975 et 1996, l’emploi dans le secteur sidérurgique est passé de 226700 à 85900 en Allemagne, de 157000 à 38000 en France, de 190700 à 37000 au Royaume-Uni, de 90900 à 23800 en Espagne…

Ainsi, ces différentes raisons invoquées semblent expliquer le changement structurel opéré dans les pays développés depuis le début des années 1970. Et comme l’intensité de pollution est estimée plus faible dans le secteur tertiaire que dans les autres secteurs, cette tertiarisation de l’économie dans les pays développés s’est accompagnée d’un processus de découplage des émissions de dioxyde de carbone de la croissance économique. Dans notre étude, ce phénomène semble aussi contribuer aux bons résultats du découplage dans les pays développés (particulièrement l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni) par rapport à d’autres pays entre 1980 et 2005 (tableau 2). D’autres études ont tendance à confirmer ce constat (notamment Azar et al., 2002).

2.2.2. Découplage pendant une période de reconversion de

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