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Dimensions et mesure du découplage

Section 1. Le découplage : un concept multidimensionnel

1.1. Différentes formes de découplage

Le découplage peut se présenter sous deux formes : le découplage relatif et le découplage absolu. Il y a découplage relatif ou découplage faible, lorsque les pressions sur l’environnement augmentent moins vite que la croissance économique (figure 4), et de découplage absolu ou découplage fort lorsque la variable économique croît alors que les pressions sur l’environnement stagnent ou diminuent (figure 5). Les études sur le découplage montrent généralement plus de preuves de découplage relatif que de découplage absolu.

Figure 4. Exemple découplage relatif24

Source : auteur

24 Dans ce chapitre, les variables environnementales et économiques sont exprimées en indice (avec 100 comme valeur de l’indice à la première année) dans les graphes où l’ordonnée est en indice. Cette façon de procéder permet de supprimer l’impact des différences d’échelle lorsqu’on compare l’évolution de plusieurs variables qui n’ont pas les mêmes ordres de grandeur.

Figure 5. Exemple de découplage absolu

Source : auteur

1.1.1. Découplage relatif

Le découplage relatif correspond à une baisse de l’intensité des pressions sur l’environnement (Impact/PIB). Cette baisse de l’intensité des pressions sur l’environnement signifie être plus efficace dans la consommation des ressources naturelles et dans le rejet des polluants. Cette efficacité peut au final avoir deux avantages. Cela permet, d’une part, de limiter les pressions sur l’environnement, d’autre part, de faire des économies sur les coûts de production. Cette réduction des coûts pourrait être une source supplémentaire de motivation pour les firmes pour découpler les pressions sur l’environnement de la croissance économique. Ainsi, cet objectif de minimisation des coûts devrait logiquement amener les firmes à rechercher en permanence les techniques de production permettant d’être efficace dans l’utilisation des ressources.

Par exemple, lorsqu’on regarde l’évolution du niveau de revenu et des émissions de dioxyde de carbone entre 1980 et 2005, nous constatons que certains pays sont parvenus à un découplage relatif (figure 6 et 7). Ce découplage est dans une certaine mesure lié à la baisse de l’intensité énergétique, qui a connu une baisse même au niveau mondial (de 33 % depuis le début des années 1970) (Jackson, 2010, p. 79).

Cette baisse de l’intensité de pollution a été plus significative dans les pays développés qui ont beaucoup amélioré leurs procédés de production depuis les années 1980 par une utilisation plus efficace des ressources. Par exemple, entre 1980 et 2005, l’intensité des

émissions du dioxyde de carbone est passée de 0,60 à 0,3025 pour l’Allemagne, 0,80 à 0,46 pour les Etats-Unis, 0,48 à 0,24 pour le Royaume-Uni, 1,48 à 1,36 pour l’Afrique du Sud, 0,45 à 0,39 pour le Pérou, etc.

En revanche, d’autres pays n’ont pas connu les mêmes performances dans le découplage sur la même période 1980-2005. En effet, si l’intensité des émissions du dioxyde de carbone a été quasiment stable pour le Brésil (de 0,37 à 0,39) et le Mexique (de 0,49 à 0,48), elle a augmenté dans d’autres pays. C’est principalement le cas de certains pays producteurs du pétrole comme l’Arabie Saoudite où l’intensité des émissions de dioxyde de carbone est passée de 0,8 à 1,1. Cette augmentation a été de 0,52 à 0,87 pour les Emirats Arabes-Unis et de 1,03 à 1,06 pour le Venezuela.

Figure 6. Découplage relatif entre 1980 et 2005 (Australie)

Source : auteur ; Données : WRI et USDA

Figure 7. Découplage relatif entre 1980 et 2005 (Brésil)

Source : auteur; Données : WRI et USDA

25 Calculs de l’auteur ; données : World Resource Institue (WRI) pour le PIB et United State Department of Agriculture (USDA) pour le CO2.

Mais malgré les progrès réalisés au niveau mondial et dans certains pays dans la baisse de l’intensité de pollution (ou énergétique), le découplage relatif ne garantit pas un développement dans les limites écologiques. Pour rester dans ces limites, la baisse de l’intensité de pollution (ou énergétique) doit être suffisamment importante au point de parvenir à un découplage absolu. Cette situation correspond à une poursuite de la croissance économique alors que le niveau des pressions sur l’environnement sont constants ou diminuent.

1.1.2. Découplage absolu

Si la simple baisse de l’intensité énergétique (ou de pollution) suffit pour parvenir au découplage relatif, cette baisse doit être d’un certain niveau dans le cas du découplage absolu. En effet, lorsque nous étudions l’évolution de la variable environnementale et de la variable économique à l’échelle mondiale ou à des échelles plus petites, nous remarquons que le découplage absolu est bien moins fréquent que le découplage relatif.

A l’échelle mondiale, la moindre réalité du découplage absolu s’explique principalement par l’augmentation de la demande d’énergie et des autres ressources venant des pays émergents (principalement la Chine, l’Inde et le Brésil). Ainsi, de 1990 à 2010, les émissions de dioxyde de carbone dues à la consommation d’énergie ont augmenté de près de 45%26

au niveau mondial. Dans certaines régions et pays du monde, ce taux a plus que triplé : 223,5% pour la Chine, 179,2% pour l’Inde ou encore 173,3% pour le Moyen-Orient.

Malgré la forte dépendance des économies vis-à-vis des énergies fossiles, certaines analyses montrent les preuves d’un découplage absolu dans le cas d’un certain nombre de pays. Ces pays sont essentiellement ceux du continent européen. Par exemple, sur la période 1980-2005, les analyses graphiques (figure 8 et 9) indiquent que la France et la Suède sont parvenues à un découplage absolu dans les cas du dioxyde de soufre et du dioxyde de carbone. Certaines études (notamment Laurent, 2011) semblent aussi confirmer la réalité d’un découplage absolu

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entre 1996-2007 dans le cas du dioxyde de carbone dans l’Union européenne (Laurent, p. 247).

Par contre, d’autres économistes (comme Jackson, 2010) émettent un certain doute sur la performance réelle des pays qui parviennent à un découplage absolu (notamment les pays développés). En effet, pour ces économistes, ce résultat pourrait s’expliquer par la non prise en compte du contenu en pollution des biens importés étant donné que dans ces pays, on a tendance à délocaliser les activités intensives en pollution dans d’autres pays (principalement les pays en développement), et à importer les produits finis et semi-finis dont la fabrication est intensive en pollution. Or selon ces économistes, actuellement la plupart des comptes nationaux échoueraient systématiquement à tenir compte du bilan carbone de ces produits importés. Ainsi, le fait de tenir compte de la charge de pollution de ces produits importés pourrait significativement augmenter le bilan carbone de ces pays.

Figure 8. Découplage absolu entre 1980 et 2005 (France)

Source : auteur ; Données : WRI et USDA

Figure 9. Découplage absolu entre 1980 et 2005 (Suède)

Ces différentes analyses semblent montrer le degré de difficulté pour des économies actuelles de parvenir à un découplage absolu. Cette difficulté est liée à la forte explosion de la demande des ressources dans le monde, principalement de la part des pays émergents. Cette forte consommation des ressources s’accompagne aussi d’une augmentation des impacts environnementaux. Cependant, bien que liés, découpler l’utilisation des ressources de la croissance économique et découpler l’impact environnemental de la croissance économique ne se recouvrent pas.

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