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Degré de sévérité des réglementations environnementales Le degré de sévérité des réglementations environnementales dans un pays est assez

Les principaux déterminants du découplage

Section 3. Le rapport socioéconomique à l’environnement

3.1. Degré de préoccupation écologique dans un pays et découplage

3.1.1. Degré de sévérité des réglementations environnementales Le degré de sévérité des réglementations environnementales dans un pays est assez

tributaire de l’importance que les pouvoirs publics accordent à la problématique environnementale. Il constitue aussi un indicateur pour les autres acteurs de l’économie (notamment les entreprises et les consommateurs) sur le niveau de détermination des pouvoirs publics à réduire les pressions des activités économiques sur l’environnement. Cette détermination des pouvoirs publics à limiter les problèmes environnementaux peut avoir des effets sur l’ensemble de l’économie à travers l’évolution des modes de production et de consommation.

Au niveau des entreprises, une réglementation environnementale assez stricte peut induire deux effets : d’une part, elle peut stimuler l’innovation technologique en poussant les entreprises à développer les techniques de production et à produire les biens conformes aux normes environnementales, et d’autre part, elle peut orienter l’économie vers les activités moins intensives en pollution au détriment de celles considérées comme très polluantes. Dans la littérature, l’idée selon laquelle une réglementation environnementale stricte et bien élaborée peut stimuler l’innovation technologique repose principalement sur l’hypothèse de

Porter ou l’hypothèse « win-win ». Cette hypothèse tire son nom de son auteur, l’économiste américain Michael Porter. D’après cette hypothèse, une réglementation environnementale stricte mais flexible, peut non seulement entraîner une réduction des pressions sur l’environnement, mais aussi engendrer des bénéfices privés pour les entreprises qui y sont soumises, des bénéfices qui peuvent souvent dépasser les coûts supportés par les entreprises pour se conformer à la réglementation au point de les rendre plus compétitives. Enoncée en 1991 par Porter puis développée davantage en 1995 par Porter et Van Der Linde, l’hypothèse de Porter est opposée dans la littérature au modèle basé sur l’analyse coût-bénéfice qui considère les dommages environnementaux comme des externalités environnementales dont les coûts de réparation pourraient perturber l’équilibre financier de l’entreprise (Palmer et al., 1995). Cependant, malgré tout l’intérêt que peut avoir l’analyse d’une telle opposition, dans notre cette thèse, nous nous focalisons essentiellement sur la façon dont la réglementation environnementale peut stimuler l’innovation technologique. En effet, dans cette sous-section, nous cherchons principalement à montrer comment la réglementation environnementale peut impacter le découplage à travers l’innovation technologique qui est l’un des principaux déterminants du découplage.

La réglementation environnementale peut stimuler l’innovation technologique en incitant ou en contraignant les entreprises à intégrer l’aspect environnemental dans leurs stratégies de production. Cela concerne à la fois le processus de production mais aussi la qualité des biens et services produits. Pour Porter et Van Der Linde (1995, p. 100), la réglementation environnementale peut avoir plusieurs effets sur l’innovation technologique, dont entre autres :

-Elle envoie un signal aux entreprises sur la probable inefficacité de leurs modes de production et en même temps attire leur attention sur les possibilités d’innovation technologique pour améliorer leur efficacité d’un point de vue environnemental.

-Elle peut sensibiliser les entreprises sur le respect de l’environnement en leur faisant prendre conscience de l’impact de leurs activités sur l’environnement, ce qui peut pousser les entreprises à envisager des techniques de production moins dommageables à l’environnement.

-Elle réduit l’incertitude sur l’utilité des investissements en termes de préservation de l’environnement.

-Elle crée une pression sur les entreprises qui les motive à innover. Cette pression peut provenir de la concurrence, des exigences environnementales des clients ou la hausse du coût des matières premières.

La sévérité de la réglementation est considérée comme le facteur qui a le plus d’influence sur l’innovation (Stewart, 2010, p. 4). Les avis d’autres auteurs vont aussi dans ce sens (notamment, Dasgupta et al., 2002). Pour ces auteurs, la réglementation environnementale est le facteur qui influe le plus dans la diminution des dommages environnementaux (Dasgupta et al., 2002, p. 152). Le degré de sévérité de la réglementation reflète non seulement le degré de détermination des pouvoirs publics, mais aussi le degré de sévérité nécessaire pour stimuler l’innovation technologique. Ainsi, une réglementation environnementale stricte peut produire plus d’effets en matière d’innovation et de compensations de coûts qu’une réglementation laxiste qui a généralement un impact assez limité sur l’innovation (Porter et Van Der Linde, 1995, p. 100).

Pour stimuler l’innovation technologique au niveau des entreprises, les décideurs politiques utilisent différents instruments. Ces instruments peuvent être regroupés en deux catégories. La première catégorie regroupe les instruments dits réglementaires qui sont des instruments basés sur la contrainte (notamment les interdictions et les normes). La seconde catégorie est composée d’instruments économiques qui sont basés sur les mécanismes incitatifs (comme les taxes, les certificats d’émission ou encore les subventions). Dans la littérature, un certain nombre d’études empiriques tendent à confirmer l’efficacité de la réglementation environnementale sur l’innovation technologique (revue de littérature dans Stewart, 2010). Les effets d’une réglementation environnementale sur l’innovation technologique peuvent se manifester de plusieurs façons dans la chaîne de production d’une entreprise. D’abord, la réglementation environnementale peut stimuler l’innovation technologique dans le processus de production en rendant les entreprises plus efficaces d’un point de vue environnemental (innovation de procédés). Ceci se traduit par une amélioration de l’efficacité énergétique et une amélioration dans l’utilisation des matières premières, mais aussi par une faible intensité de pollution. Ensuite, elle peut favoriser l’innovation technologique dans la consommation des biens et services déjà existants en améliorant leur efficacité (innovation de produits). L’innovation technologique peut porter aussi sur la production des nouveaux biens et services

considérés plus efficaces que ceux existants (innovation de produits). Enfin, la réglementation environnementale peut favoriser la diffusion de nouvelles technologies plus sobres en énergie et moins intensives en pollution. Par exemple, on peut citer l’achat des voitures électriques à la suite d’une augmentation des taxes sur le prix des carburants.

En plus de stimuler l’innovation technologique dans les entreprises, la réglementation environnementale peut être aussi à l’origine de changements structurels dans l’économie. Ces changements structurels se caractérisent par une baisse d’activités dans les secteurs intensifs en pollution à cause des contraintes et des taxes sur la pollution imposées par les pouvoirs publics (les taxes carbones, par exemple). Cette baisse d’activités dans ces secteurs va se traduire par un accroissement des activités dans les secteurs moins intensifs en pollution (comme le tertiaire) qui seront relativement moins touchés par ces réglementations environnementales. Cependant, cette baisse des activités intensives (notamment les activités industrielles) peut entraîner aussi un mouvement de délocalisation vers les pays laxistes en matières de réglementation environnementale (considérés comme des havres de pollution) des industries qui ne sont disposées ni à payer des taxes de pollution, ni à se conformer aux réglementations environnementales. Cette dernière situation peut être considérée comme un effet pervers des réglementations environnementales, dans la mesure où ces migrations entre les pays des industries cherchant à échapper aux réglementations vont déplacer les problèmes environnementaux d’un pays à un autre (« fuites de carbone »).

Comme dans le cas des entreprises, la réglementation environnementale peut impacter aussi les comportements de consommation. Les pouvoirs publics peuvent inciter ou contraindre les consommateurs à s’orienter vers les modes de consommations respectueux de l’environnement. En effet, si nous regardons l’évolution des modes de consommation depuis plusieurs décennies, nous constatons que jusqu’à la fin du fordisme (1970), la consommation dans les pays développés reposait sur la satisfaction des besoins élémentaires. Mais avec la saturation de ces besoins fondamentaux, les modes de consommation ont évolué vers un style de consommation reposant plus sur du gaspillage, l’«hyperconsommation» en d’autres termes. Ce style de vie se caractérise par une surconsommation des ressources à travers une accumulation sans limite de biens matériels. Les biens fabriqués sont programmés de sorte qu’ils ne dépassent pas une certaine durée (obsolescence planifiée), ceci augmentant considérablement le taux de renouvellement des équipements (ordinateurs, machines à laver,

réfrigérateurs, etc.). En plus, certains de ces biens sont fabriqués de manière à rendre difficile toute réparation en cas de panne aussi petite que ce soit. Cette tendance au gaspillage se manifeste aussi par une certaine obsession pour la nouveauté. Cette obsession se traduit par l’achat systématique d’un nouveau modèle de produits (téléphones, ordinateurs, appareil photo…) rendant ainsi obsolète l’ancien modèle qui pourtant fonctionne normalement. Ces comportements de consommation apparemment irrationnels s’illustrent dans le domaine des transports par le recours aux véhicules personnels sur de courtes distances (notamment dans le centre ville) malgré la disponibilité des transports en commun.

Pour faire face à ces types de comportement, les pouvoirs publics passent par les campagnes d’information et de sensibilisation auprès des consommateurs. Ils utilisent aussi d’autres moyens traditionnels pour faire évoluer les modes de consommation, comme, les subventions par exemple, pour inciter les consommateurs à acheter des véhicules plus efficaces et moins polluants (comme la prime à la casse). Les pouvoirs publics ont recours aussi aux interdictions et aux normes auxquelles les consommateurs doivent se soumettre, par exemple, l’interdiction de laisser les lumières allumées dans les commerces et bureaux à partir d’une certaine heure de la nuit dans certaines agglomérations. Mais aussi pour diminuer l’intensité du trafic dans les centres villes, les pouvoirs publics rendent payantes la plupart des places de stationnement et/ou augmentent les tarifs de ces places qui sont déjà payantes durant la semaine.

3.1.2. Degré d’implication des citoyens dans les problèmes

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