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Techniques d’amortissement chez les professionnels de la télévision

54 2.1.2 Un refus stratégique de contribuer à une image négative des médias

2.2. Oppositions et ambivalences chez les professionnels des médias

2.2.2 Techniques d’amortissement chez les professionnels de la télévision

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Le secteur du cinéma joue un rôle de premier plan dans la fabrique des freins au principe de protection des mineurs. Alors qu’un certain nombre de professionnels ont su reconnaître la légitimité de cet enjeu, d’autres entonnent régulièrement le refrain de la « censure ». Ce positionnement est d’autant plus paradoxal que le secteur du cinéma est partie prenante des instances mêmes de la classification, et donc particulièrement bien placé pour savoir ce qu’il en est. Mais c’est justement aussi ce qui rend si efficace cette forme de lobbying. Par bien des aspects (décisions du Ministère de la Culture, secteur de compétence limité au cinéma en salle), la procédure de classification des films en France paraît anachronique. Sa politisation, sous l’égide du Ministère de la Culture, est sans doute perçue par les professionnels comme une forme de protection du secteur, mais elle est aussi une source de carence de légitimité. Elle oblitère la réalité de l’évolution du contrôle des contenus cinématographique qui est devenu par certains aspects un des plus libéraux du monde occidental.

2.2.2 Techniques d’amortissement chez les professionnels de la télévision

La résistance des professionnels de l’audiovisuel à l’égard de la protection des mineurs s’exerce essentiellement de façon feutrée. Elle ne peut s’exprimer frontalement. D’une part, du fait du caractère familial de leur public, les chaînes généralistes, qui cherchent à réunir des audiences maximales en première partie de soirée, ne peuvent s’exonérer ouvertement du respect de ce principe. D’autre part, elles ont souscrit des conventions avec le CSA qui mentionnent explicitement les conséquences de ce principe dans leur programmation. Contrairement aux stations de radio jeunes, le souci de leur image « grand public », qui fait partie de leur fonds de commerce, au sens propre du terme, et les conduit à éviter toute action de contestation trop voyante ainsi que toute sanction du CSA.

L’adhésion au principe reste cependant pour une part un engagement a minima, pour ne pas dire un engagement de surface.

165Commission nationale consultative des droits de l’Homme Avis sur la violence faite aux enfants par les médias et les images, 30 avril 2004.

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La protection des mineurs pour les diffuseurs : un engagement minimal d’interprétation réversible Une des preuves de la superficialité de leur conviction en ce domaine peut être fournie dans le débat qui est éclos en 2001 à propos de l’émission de téléréalité Loft Story sur M6. Le succès de cette émission est venu menacer brutalement les audiences de TF1. Patrick Lelay, son PDG, révélait alors dans Le Monde l’existence d’un « engagement d’honneur » passé au début de l’année entre les deux chaînes commerciales concurrentes. Elles se seraient engagées mutuellement à ne pas diffuser d’émission de ce type au nom d’un « choix éthique». Patrick Lelay dénonçait cependant sa rupture unilatérale par M6. Au-delà des enjeux de concurrence entre les chaînes, les émissions de type Big Brother « fondées sur l’enfermement pendant une longue période d’hommes et de femmes vivant vingt quatre heures sous l’œil de la caméra faisant fi de l’intimité » lui paraissaient poser un vrai problème « éthique ». Après avoir mis en corrélation l’entrée de M6 dans la télé-poubelle et l’arrivée de RTL-Group dans l’actionnariat de M6, l’article de Patrick Lelay se terminait sur cette question :

« Peut-on tout montrer à la télévision ? Comme deux Français sur trois nous répondons non. Une grande chaîne gratuite, disponible en clair pour l’ensemble des Français, y compris les plus jeunes d’entre eux a des règles éthiques et déontologiques à observer(…) Aux responsables d’associations familiales de décider si Loft story et ses sous-produits pornographiques mettent en cause la protection de l’enfant. Aux défenseurs de la

personne et de la dignité humaine de s’interroger sur la situation psychique et juridique des jeunes participants à Loft Story…. Au CSA de dire si une chaîne généraliste en clair peut diffuser à une heure où une majorité d’enfants regardent la télévision, un programme incitant des jeunes gens à former des couples temporaires par appât du gain »166.

Après cet article fracassant, TF1 parvenait cependant quelques mois plus tard à conclure un accord avec Endémol, le producteur de l’émission, pour produire notamment Star Academy. Elle mettait alors à l’antenne des émissions de télé-réalité fondées sur l’élimination des joueurs au sein d’une même équipe, comme Koh-Lanta, qu’elle préparait de longue date, ou le Maillon faible. Les arguments de la chaîne s’en trouvaient sensiblement modifiés. Xavier Couture, alors directeur de l’antenne de TF1, défendait l’avènement à la télévision « de l’ère de la méchanceté » au nom d’un certain « réalisme ».

«Des émissions comme Koh-Lanta ou Le maillon faible représentent la réalité. Dans la vie il y a aussi cette forme d’agressivité qui est subie ou qu’on fait subir. Cette agressivité dès lors qu’elle est ludique, est une forme d’anxiolytique ». Il ajoutait « l’élimination est la représentation de ce qu’est notre vie. Une lutte pour survivre, pour être le meilleur, pour ne pas être éliminé du système »167.

La protection des mineurs et les préoccupations éthiques étaient ainsi balayées. Après avoir perdu divers combats juridiques (saisine du CSA, saisine du juge sur la diffusion de propos racistes) pour entraver l’émission de M6, la chaîne leader a entamé une autre tactique : riposter à la concurrence par le mimétisme. La diffusion de Loft story avait en effet en quelques jours modifié le paysage audiovisuel français, puisque selon les propres termes du PDG de TF1, M6 venait « jouer dans la cour des grands ». Voyant que le CSA se contentait d’interventions mineures vis-à-vis de Loft story, notamment l’existence d’un lieu à l’abri des caméras, l’introduction de quelques principes dans la convention, sans remettre en cause le principe ni les horaires de diffusion, TF1

166 Le Monde du 11 mai 2001.

167Libération 04 août 2002. En juin 2009, Patrick Lelay a lancé un site de paris en ligne « eurosportbet » réservé aux Britanniques, en attendant l’ouverture de ce marché en France.

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surenchérissait dans l’exploitation des aventures sexuelles avec la mise à l’antenne de l’Ile de la tentation.

Le respect formel des engagements de protection des mineurs, en l’occurrence la diffusion à 22h30 de l’émission avec une signalétique pour les plus de 10 ans, devenait même une protection de l’émission contre d’éventuelles remontrances du CSA. L’utilisation de la protection des mineurs comme alibi pour préserver d’autres enjeux fait partie en effet des stratégies usuelles des chaînes.

La signalétique TV : un alibi pour un formatage des programmes ?

En 2004, les auteurs et la SACD ont mis en cause le formatage des œuvres de fiction à la télévision et le rôle joué dans ce travail de banalisation par la signalétique. Cela a eu lieu notamment au cours d’un débat organisé dans le cadre du Festival international des programmes audiovisuel (FIPA), en avril 2004, « Fiction : l’imaginaire a-t-il encore un avenir ? » L’inquiétude des auteurs était nourrie à la fois par les conséquences de la signalétique télévisuelle sur les contenus et par celles de la concurrence de la téléréalité. La SACD demandait alors à être reçue au CSA 168. Selon les propos tenus par les auteurs dans la presse, les règles imposées par les diffuseurs seraient particulièrement drastiques dans les séries à héros récurrents : construction des personnages autour de la toute puissance des héros qui non seulement dénoue les intrigues mais répare les dégâts, caractère convenu de leur conduite, interdiction sur certains métiers (avocats, journalistes…), vision idyllique de la police et des forces de l’ordre169, simplification des trames scénaristiques (évitant le conflit moral cornélien et proposant des solutions aux conflits dramaturgiques évidentes).

Le point de vue des chaînes était presque à l’opposé. Ainsi Takis Candilis, alors directeur de la fiction sur TF1, regrettait pour sa part l’insuffisance d’auteurs et de réalisateurs maîtrisant les codes narratifs de la télévision (inspirés de la série B américaine, avec des enjeux immédiats qui se manifestent dès les 5 premières minutes…) et aurait souhaité investir une partie des quotas de production dans le financement du Conservatoire de l’écriture170 et la formation des auteurs.

Au-delà des remarques des auteurs, on peut constater une tendance à l’uniformisation des fictions produites par les chaînes. Les chaînes privilégient en effet le genre policier, au détriment de la comédie et du drame, et les investissements dans les séries à héros récurrents au détriment des téléfilms unitaires. Ces derniers représentaient 63 % de la fiction télévisuelle inédite dans la saison 1992-1993, ils ne représentaient plus que 29 % dans la saison 2002-2003171.

La fiction représentait cependant 50 des 100 meilleures audiences de l’année 2004172 et le volume de fiction française sur la saison 2002-2003 atteignait un niveau record tant sur le nombre d’heures

168 Ce qui a été le cas en avril 2004 et en février 2005.

169 Voir notamment « Pourquoi les héros de la TV sont-ils si conformistes » par Jennifer Schwarz, Marianne, 11/09/2004, ou l’enquête d’Emmanuelle Bouchez « Les héros sont calibrés », Télérama 5 mai 2004,

« Fiction, les ficelles de TF1 » par Emmanuel Beretta, Le Point 28 octobre 2004.

170 Voir ses déclarations dans « la fiction française à l’heure de la croissance, de l’innovation et de la diversité » propos recueillis par Serge Siritsky et Christophe Bottéon, Ecran Total 28/01/2004, voir aussi l’article d’E. Beretta dans Le Point précité.

171 Cf. Etude Espaces TV.communication, La fiction française en prime time, saison 2002/2003.

172 Source Médiamétrie.

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diffusées en première partie de soirée (469 heures) qu’en volume d’inédit (356 heures, meilleur niveau depuis 10 ans)173.

Le rôle de la signalétique n’était non par les chaînes, mais par les auteurs, mettant en cause implicitement une utilisation par les chaînes du dispositif de protection de l’enfance à des fins éditoriales, au-delà de sa vocation officielle.

Le lien entre signalétique et ligne éditoriale peut être partiellement justifié. Les chaînes doivent proposer en première partie de soirée des programmes destinés à tous les publics, elles ne peuvent bâtir une ligne éditoriale sur des programmes déconseillés aux moins de douze ans, qu’elles ne peuvent diffuser qu’exceptionnellement à cet horaire. Elles réservent généralement ces programmations plus « musclées » à des achats (fiction américaine, film ou série) voire à des films français, sur les contenus desquels elles n’ont pas de prise, mais qui vont leur rapporter une audience importante, parce qu’ils ont bénéficié par ailleurs d’un marketing puissant.

En 2004, année où la SACD soulevait cette question, plus de 84% des programmes de fiction signalisés sur ces chaînes étaient classés -10 ans, ce qui signifie que cette classification ne faisait pas obstacle à leur diffusion en première partie de soirée ; 12% environ en -12 et seulement 3%

en -16. Sur l’ensemble des chaînes hertziennes, seulement 5 fictions françaises avaient été classées -12 ans, signalétique qui n’avait pas fait obstacle à la diffusion de 3 de ces programmes en première partie de soirée174, alors que 100 programmes d’origine américaine l’avaient été.

Envisagé a posteriori, la signalétique ne semble pas avoir constitué un obstacle à la création française. Vu l’ampleur de l’inquiétude manifestée par la SACD sur le sujet, il n’est pas possible cependant de douter de l’existence d’une pression exercée par les chaînes sur les contenus et sur les auteurs. Les auteurs n’ont jamais pu en fournir beaucoup de témoignages précis, de crainte sans doute d’occasionner des représailles. Certains peuvent au contraire témoigner de ce qu’ils avaient pu bénéficier pour certains projets d’une grande liberté de ton175.

Il est vraisemblable que les chaînes utilisent l’argument de la signalétique pour obtenir des auteurs l’acceptation de la modification de leur scénario. Mais l’objectif des chaînes est avant tout économique : il leur faut conquérir leur public et le fidéliser. Le formatage, la réduction de l’originalité d’un scénario sont des stratégies qui cherchent à diminuer le risque industriel d’une perte d’audience très fort pour la première partie de soirée. Takis Kandilis directeur de la fiction sur TF1 déclarait « quand on s’adresse à 9 ou 10 millions de téléspectateurs, on a une sacrée responsabilité : la fiction télévisée doit être le ciment optimiste de la société »176.

Le dispositif de la signalétique, quant à lui, n’impose ni le caractère conventionnel des personnages, il ne bannit ni le happy end, ni le drame cornélien, pour reprendre les griefs exprimés par les auteurs. Seule la logique de l’audimat peut conduire les chaînes à choisir de privilégier le cliché dans les fictions françaises et d’accepter plus d’audace pour des séries américaines. Ces séries ont fait leur preuve à l’étranger, leur coûtent moins, ils peuvent de ce fait les programmer en seconde partie de soirée. Les séries Sex and the city, 6 feet under, ou Nip Tuck font partie des

173 Etude Espaces TV.communication, La fiction française en prime time, saison 2002/2003.

174 Sur TF1, il s’agit de 2 épisodes de Commissaire Moulin, 1 de Fabio Montale.

175 Franck Philippon scénariste pour la série Le Lycée sur M6.

176 Télérama 5 mai 2004.

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modèles cités par les auteurs français pour leur liberté de ton. Elles sont d’ailleurs programmées aux Etats-Unis en seconde partie de soirée.

Dans la programmation et la production de contenus, la logique économique prime largement sur celle de la protection des mineurs. Les chaînes font peser davantage de contraintes sur les fictions françaises parce qu’elles ont choisi de les diffuser en première partie de soirée pour mieux les rentabiliser. Elles n’ouvrent pratiquement jamais de cases de seconde ou troisième partie de soirée pour des fictions françaises, à moins que cela ne leur permette d’écouler des produits pour lesquelles elles redoutent une faible audience. C’est ce que fait régulièrement TF1, notamment, qui a l’habitude de diffuser en fin de soirée les téléfilms dont elle escompte des audiences faibles, sans lien avec une préoccupation de protection des mineurs177. Ce sont les mêmes considérations d’audience qui peuvent conduire les chaînes à diffuser des films d’auteur coproduits par les chaînes en fin de soirée, même si ces films ont pu trouver un public important en salle178.

Les chaînes privées n’ont cependant pas hésité à diffuser des émissions de téléréalité dont les principes pouvaient être en rupture avec la morale commune en première partie de soirée, voire pendant les périodes de congé scolaires à des moments très regardés par les enfants. Les considérations de protection des mineurs interviennent beaucoup moins pour ces programmes dont elles escomptent une audience forte, attirée par l’effet de transgression des valeurs. Peut-on en déduire que la vocation de la téléréalité n’est pas d’être « le ciment optimiste de la société » ? TF1 a diffusé, sans signalétique, Le Royaume le samedi soir à 20h 50 (en 2006), alors que le jeu banalisait la torture, « jouant » avec l’utilisation du « cachot », de la « cage », du « pilori », de la

« roue ». L’alibi d’une reconstitution de la vie au Moyen Age était censé justifier ce foisonnement de techniques de torture alors même qu’il mettait à mal certains candidats179. M6 a mis à l’antenne, sans signalétique, A bout de force un « jeu » de téléréalité qui reposait sur la privation de sommeil, forme de torture utilisée notamment à la prison de Guantanamo. Ces deux émissions ont rapidement été arrêtées par les chaînes, car peu suivies par le public adulte180.

Même s’il arrive ponctuellement que le CSA reproche à des chaînes de télévision une signalétique insuffisante pour des fictions françaises181, on a clairement le sentiment d’une plus grande prudence des chaînes vis-à-vis du contenu développé dans la fiction française (peut-être du fait de son supposé rôle de « ciment positif ») et d’une moins grande prudence vis-à-vis des programmes de téléréalité. Dans le cas de ces émissions de « jeu », les chaînes se trouvent devant des concepts d’émission sur lesquelles elles peuvent peu agir. Elles achètent la licence de ces

177 A titre d’exemple en 2002, Belle époque sur un scénario de François Truffaut a été diffusé sur cette antenne aux alentours de 2h, Bob le magnifique avec Antoine de Caunes à la même heure, Madame le Consul avec Véronique Jannot en 2001vers 2h et en 2002 vers 1h.

178 Ce phénomène n’est pas récent : Un monde sans pitié d’E. Rochant avait été diffusé à 22h37 en 1993 sur France 3 ; Y aura-t-il de la neige à Noël de S. Veysset à 23h27 la même année sur France 3. En 2003 Les destinées sentimentales d’O. Assayas, coproduction de TF1 était diffusé à 0h44, Les acteurs de B. Blier à 2h01, Les enfants du siècle de D. Kurys à 22h22 et au mois d’août sur France 2, Faits d’hivers de R. Enrico à 22h59 sur France 2 en 2003 également. Ces exemples n’ont rien d’exhaustif. Ces diffusions sont frappantes soit parce qu’il s’agit de films de réalisateurs reconnus, soit parce qu’il s’agit de films qui avaient connu un succès très honorable en salle.

179 Diffusion les 18 et 26 février 2006 sur TF1. Une des séquences mettait en scène deux candidates soumises au supplice de la Roue.

180 Leur arrêt prématuré explique sans doute l’absence d’observations du CSA à leur propos dans ses bilans.

181 Comme ce fut le cas en 2006 pour le Maître du zodiaque.

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concepts et ne peuvent parfois pas changer le costume de l’animateur ni la couleur du décor182. Or pour leurs achats, les chaînes préfèrent faire des coupes plutôt que d’augmenter la signalétique183. Même si elles n’en parlent pas souvent publiquement, les fans des séries (japonaises ou américaines) sont souvent prompts à s’en rendre compte. On peut en trouver des traces dans les bilans établis par le CSA. Quand elles évoquent leur travail de censure, les chaînes ont tendance à l’euphémiser. J.M. Méon cite une des responsables de la signalétique sur TF1 comparant son travail de censure à de la chirurgie esthétique.

« (La scène violente) dure, en tout et pour tout très peu de temps. Donc je revois la scène, je décide de la couper. […] l’image là est superflue. D’abord je trouve que là elle est pas…

elle est pas idéale pour un public de jeunes enfants et puis elle n’apporte rien à l’histoire.

Ça reste complètement cohérent, je ne dénature jamais l’oeuvre, jamais. Je ne dénature…

enfin…, je travaille avec monteur. On ne dénature jamais l’oeuvre. 20 secondes, c’est comme enlever une ride, hein. C’est tout. Je ne taille pas. Je gomme. Je gomme ce qui me semble vilain. Voilà. Eraser. Voilà »

J.M. Méon en conclut que la « censure contemporaine des programmes télévisés repose donc sur des modalités euphémisées qui se donnent à voir comme un contrôle concerté, comme un partage de responsabilités entre les pouvoirs publics et les contrôlés, entre le CSA et les chaînes ». Cette analyse est surprenante. Les coupes effectuées par les chaînes relèvent d’une « censure » de la version initiale. Elle est tolérée par le droit américain qui accorde le « final cut » au producteur.

Mais elle constitue une forme de détournement du dispositif de la signalétique, qui demande une classification et non un remontage des œuvres. Elle heurte le souci français du respect de l’œuvre, auquel le CSA n’a jamais entendu s’opposer. Plutôt que « partage des responsabilités », le fait de faire endosser à la protection des mineurs ce travail chirurgical, fut-il bien fait, constitue plutôt un brouillage des responsabilités.

Pour les émissions de téléréalité, dans lesquelles la transgression est le cœur même du programme, le principe des coupes est permanent mais peut s’avérer insuffisant. Les chaînes optent relativement plus volontiers pour la signalétique ou des horaires plus tardifs.

Amortissement de la protection des mineurs par le brouillage des signaux : la longue histoire de la signalétique TV (1996-2002)

La résistance opérée par les professionnels de l’audiovisuel vis-à-vis de la protection des mineurs a pu s’observer aussi au niveau de l’élaboration et de la promotion du dispositif lui-même.

La résistance opérée par les professionnels de l’audiovisuel vis-à-vis de la protection des mineurs a pu s’observer aussi au niveau de l’élaboration et de la promotion du dispositif lui-même.