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La nature de l’autorité médiatique est difficile à cerner. Beaucoup ont fini par abandonner, à faire comme si on pouvait, d’un point de vue théorique ou méthodologique, neutraliser l’impact des médias, le mettre entre parenthèse, parce que trop complexe à évaluer. C’est notamment le cas de la plupart des sociologues français des médias dont le courant majoritaire conteste ou refuse d’envisager un impact des médias et de leurs contenus sur les jeunes et la société (ce qui pose de nombreux problèmes de légitimité pour interroger cependant ce contenu d’un point de vue social, voir chapitre 4).

Nous ne nous interrogeons pas ici sur « l’effet » des médias, sur leur impact au niveau de la réception mais sur la nature de leur autorité, c'est-à-dire sur le type de domination symbolique qu’ils instaurent entre leur public et eux.

1) Une autorité fondée sur la puissance de l’amplification

Les médias tirent leur autorité de leur puissance de diffusion. Elle procède par amplification de l'image et du son. Dans la société de marché, les médias de masse prêtent leur voix à des messages sélectionnés pour plaire au plus grand nombre. Ils réussissent la prouesse de vendre un spectacle gratuit316. En vendant leurs espaces publicitaires, ils commercialisent, selon l’expression consacrée par l’ex-PDG de TF1, du « temps de cerveau disponible », ou du moins la présence des téléspectateurs devant leur poste317. Ils vont donc prêter leur voix aux messages et aux messagers qui sont susceptibles de susciter le plus de présences. Ce calcul leur confère une autorité sur le public, parce que celui-ci sait que ce qui passe à la télévision a fait l’objet de cette évaluation, de cette prédiction d’attirer un large public, qui se vérifie le lendemain dans les cours de récréation et les cantines318. Ils acquièrent aussi autorité sur ceux qui passent à la télévision, les politiques notamment, qui, sans les médias, se trouveraient sans voix, dans tous les sens du mot, même si on connaît aussi des exceptions. Cette dépendance induit généralement une certaine prudence des politiques à l’égard des médias et de leur manière de gérer leur autorité.

En France, du fait de la situation encore très inégalitaire qui prévaut dans le partage des audiences, les chaînes généralistes gratuites conservent un pouvoir de marché extrêmement fort, que le développement de la TNT commence à peine à écorner. A l’intérieur des chaînes historiques, le même programme diffusé sur deux chaînes différentes n’obtient pas le même public, ni quantitativement ni qualitativement. Malgré l’effritement progressif de son audience, TF1 a réalisé 96 des 100 meilleures audiences en 2008319. La dernière des 100 meilleures audiences a rassemblé 7,9 millions de spectateurs, soit un million de moins qu’en 2007, mais l’ampleur de son public reste considérable.

2) Une autorité à l’aveuglette qui s’exerce sur des aveuglés, dans un jeu de colin-maillard

316 J’en fais régulièrement l’expérience auprès de jeunes de 16-17 ans.

317 Les dirigeants face au changement, Paris : Huitième jour 2004.

318 Boullier D. « La fabrique de l’opinion publique dans les conversations télé »in Boullier D. La télévision telle qu’on la parle, Paris : L’Harmattan 2003.

319 M6 a obtenu deux citations, dont la première place avec une retransmission sportive, France 2, deux citations également, source Médiamétrie.

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Une des originalités de l’autorité médiatique, liée à son lien consubstantiel avec le marché, c’est que les médias commerciaux utilisent des techniques qui relèvent du tâtonnement. Leur quête de l’audience les conduit à modifier les formats pour concilier des objectifs parfois contradictoires.

C’est ainsi que les émissions politiques doivent aussi distraire, donc éventuellement faire leur part au divertissement tant dans le montage, que dans le contenu dès que cela paraît possible320. C’est ainsi que les séries sont souvent guidées par les réactions de focus groups. Selon Muriel Mille, les scénaristes du feuilleton Plus belle la vie sur France 3 ont reçu une double demande de la chaîne, suite à des analyses qualitatives auprès du public : mettre en scène des relations d’amitié et des histoires policières (donc des meurtres)321. Le documentaire 20 minutes de bonheur consacré à la production des émissions Y a que la vérité qui compte montre aussi l’importance de la relecture des courbes d’audience minute par minute dans le choix des caractéristiques des invités de l’émission322.

Mais la production pour la télévision repose aussi sur des techniques de surprise censées court-circuiter le zapping et donc la possibilité du choix pour le téléspectateur :

« La blague entre nous c’est de dire qu’Urgences est la série suprême à l’ère de la

télécommande : il n’y a même plus besoin de zapper. Il suffit d’attendre à peine une minute sans bouger devant son écran et on vous propose une nouvelle histoire, de nouveaux personnages »323.

Sabine Chalvon-Demersay cite ces propos de John Wells, producteur et scénariste de la série Urgences. Elle le fait pour illustrer l’émergence de « l’esthétique post-moderne de la série »,

« décousue », « cocasse », dans lequel elle voit une « hybridation des genres »324. Mais la sociologue ne prend pas le producteur au mot, et ne tient pas compte au fond de ce qu’il dit. Elle tient surtout à montrer comment le public s’approprie « un espace d’interprétation » au sens de Umberto Eco, qui manifeste son intelligence325. Or, Urgences fait partie du cœur de la production de séries américaines. John Wells, producteur prolifique d’une cinquantaine de séries ou films à succès, dont The West Wing (la maison blanche) ou Doom le film, en est un acteur éminent. Ses bureaux sont installés dans les studios de Warner Bros326. Ses propos sont aussi révélateurs que ceux de P.Lelay sur le rôle des programmes de TF1 vis-à-vis de Coca-Cola. Le paradoxe est de voir dans des stratégies de marketing l’apparition d’une nouvelle esthétique sans l’articuler aux

« urgences » médiatiques. L’intelligence du public, que met en évidence S.Chalvon-Demersay, est

320 Cf le magazine politique A vous de juger présentée par Arlette Chabaud France 2 le 23 avril 2009 qui se termine sur la diffusion d’un extrait de la prestation de Suzan Boyle participante à l’émission de téléréalité

« Britain’s got talent » et a causé la surprise ayant une belle voix malgré un physique disgracieux. On pourrait y voir un indice que la logique commerciale persiste après la suppression de la publicité sur le service public.

321 Mille M. intervention au colloque de l’Association Française de Sociologie, avril 2009 « Représenter la violence dans une série télévisée. Processus de production d’un feuilleton télévisé et représentations sociales de la violence ».

322 Oren Nataf 20 minutes de bonheur sorti en 2008, après plusieurs tentatives de Bataille et Fontaine les producteurs de l’émission d’en interdire la diffusion.

323 John Wells Cité par Chalvon-Demersay S. 1999 p 253 « la confusion des conditions – une enquête sur la série télévisée Urgences » Réseaux n°95 p 235-283 S.Chalvon-Demarsay se réfère elle-même aux citations récueillies par Pourroy J. Behind the scenes at ER, Urgences le guide officiel, Paris 1997, ed. La Martingale

324 Evolution vers une esthétique que l’on pourrait comparer à celle de la téléréalité.

325 U. Eco Lector in fabula Bompiani, 1979 trad Grasset

326 Wikipedia, et imdb.

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précédée par celle du marketing, qui n’en manque pas non plus pour l’anticiper, la récupérer et guider la création.

Le fait de se laisser guider par le marché, et de rechercher à créer une relation de sidération à l’écran et non par une appréciation rationnelle et consciente vis-à-vis du contenu d’un programme peut conduire à produire des contenus vides de sens. C’est une des conclusions auxquelles aboutissait en 1989 Erik Neveu en analysant les programmes pour enfants : « l’anomie qui se matérialise dans la confusion des genres, des fonctions, des tranches d’âge, l’indifférenciation des chaînes ne fait elle pas oublier une autre confusion, un vide plus béant encore : celui du sens ». 327 Son analyse porte sur une période antérieure pour l’essentiel à la privatisation, mais est déjà marqué par certaines caractéristiques communes328. Il remarque certes que nombre de ces dessins animés « affichent […] une référence pompeuse à des notions comme celle du Bien et du Mal ». Mais la sensation de vide vient de ce que ces notions « sont dépourvues de tout référent concret ». Il y voyait le résultat d’une autre anomie « celle d’une société de « l’ère du vide » dans laquelle beaucoup de modèles normatifs anciens ont sombré sans que surgissent clairement de nouvelles représentations d’objectifs auxquels s’attacher». Dans les émissions de téléréalité il nous semble que cette « ère du vide » se poursuit, mais qu’elle peut s’accompagner de la promotion de valeurs qui se situent à l’opposé des valeurs de la seconde modernité : trahison entre parents et enfants (comme dans Opération séduction, déjà cité) ; intrusion des parents dans la vie sexuelle des enfants (comme dans Mes beaux parents et moi) ; maintien des enfants dans des relations de dépendance au-delà de l’âge adulte (Loft story), image sexiste de la femme (pornographie) ; valorisation de la force et de la violence dans la fiction au détriment de la parole (films d’action). Le marché peut donc conforter des stéréotypes ou des fantasmes réactionnaires qui ne correspondent pas aux valeurs sociales actuelles portées par l’ordre juridique (égalité entre les genres, autonomisation et protection des enfants, respect de l’intimité des enfants par les adultes, non discrimination à l’égard des différentes sexualités329). On peut le constater en France sur les médias généralistes financés principalement par la publicité et visant la plus large audience, ce qui n’est pas le cas de tous les médias. Divina Frau-Meigs montre que c’est aussi une tendance états-unienne330.

Le fait de viser la satisfaction pulsionnelle immédiate, consubstantielle à la lutte contre le zapping, peut même capter l’attention des personnes à capital culturel élevé par ailleurs. Philippe Meirieu aime à s’appuyer, dans sa défense de l’urgence d’une éducation à l’image, sur les analyses de Bernard Lahire qui montrent que même les personnes cultivées peuvent être sidérées par des émissions de téléréalité331. Une façon de réinterpréter la dissonance culturelle de B.Lahire332.

327 Neveu E. La télévision pour enfants. Eléments pour une sociologie du champ et des réceptions, Rennes : Centre de recherches administratives et politiques, 1989.

328 Notamment la diffusion de mangas d’origine japonaise peu chers.

329 20 minutes de bonheur montre notamment que les sujets sur les rencontres homosexuelles provoquent une baisse d’audience qui entraîne une plus grande réticence des producteurs. L’audimat peut ainsi produire de la discrimination.

330 Frau-Meigs D. Médiamorphoses américaines chapitre 4 p 223.

331 Lahire B. La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi. Paris : La Découverte, 2004.

332 Ce thème est évoqué dans de nombreuses conférences publiques, et notamment dans l’article « images : de la sidération à la communication » les Dossiers de l’ingénierie éducative septembre 2007 « Images, Savoirs, numérique »

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L’aveuglement du public n’est pas seulement lié au phénomène de sidération, lui-même consubstantiel aux industries de l’attention333, il est aussi le produit du montage. Sans un témoignage direct de personnes ayant participé à une émission, notamment de téléréalité, il est impossible en visionnant un programme de faire la part des choses entre la réalité et ce qui en est présenté à l’écran. Cela nécessite des enquêtes souvent menées incognito par des journalistes se faisant passer pour des participants lambda334.

Nous avons exposé la mise en abîme des leurres dans Opération séduction, Les parents s’en mêlent. L’émission Y a que la vérité qui compte reposait elle aussi sur un échafaudage de manipulations psychologiques335. L’émission organisait ouvertement un piège en permettant de donner un rendez-vous public et filmé à une personne qui ignorait à la fois l’identité de la personne invitante et ses motivations. L’une des participantes avait ainsi dû faire face à un homme qu’elle ne souhaitait pas rencontrer et qui, se considérant humilié publiquement par sa réaction, l’avait agressé sexuellement peu après. A la suite de cette émission, le CSA avait annoncé une instruction des contrats signés par les participants de l’émission336. Mais cette mésaventure n’avait pas entraîné l’arrêt de l’émission337.

3) Autorité fondée sur la passivité, adaptée à une société individualiste

Le paradoxe de l’autorité médiatique c’est qu’elle repose sur la soumission volontaire d’individus libérés de toutes les « chaînes », ou presque, des autorités traditionnelles. Mais elle repose sur une forme d’obéissance, au premier abord particulièrement peu exigeante.

Ce que requiert l’autorité médiatique pour pouvoir s’exercer semble minime au regard de ce que demandent les autres autorités : il suffit de rester assis devant un écran. La reconnaissance de l’autorité n’est pas un préalable, elle s’en déduit. C’est une autorité fondée avant tout sur la passivité et le conformisme.

Le geste libérateur semble à portée de main : l’utilisation de la télécommande. La Boétie a montré depuis longtemps, que les êtres humains peuvent devenir les serviteurs volontaires de systèmes de domination qu’ils n’ont pas choisi mais qu’ils n’ont pas le courage de contester.

333 Boullier D. « Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion » Réseau 154 2009-2. D.

Boullier distingue trois types d’exploitation de l’attention dans les industries médiatiques. Voir aussi Stiegler B. et Ars industrialis Réenchanter le monde – la valeur esprit contre le populisme industriel, Paris : Flammarion 2006.

334 Equipe de Télérama s’introduisant dans l’émission Y a que la vérité qui compte Télérama 9 novembre 2005. D. Assous a également montré l’importance du montage dans les émissions de téléréalité, comme nous l’avons déjà indiqué. O.Nataf a assisté ouvertement à l’émission Y a que la vérité qui compte. Les

producteurs-animateurs n’en ont pas moins exercé diverses pressions pour en empêcher la diffusion.

335 Le documentaire de O. Nataf 20 minutes de bonheur consacré à l’émission montre comment les

journalistes de la production se faisaient passer pour des amis de la famille afin d’obtenir leur confiance. Voir notamment la séquence de présentation sur le site Arrêt sur images.

336 L’instruction annoncée dans le rapport annuel 2004 a notamment été nourrie par le rapport d’expertise demandé à deux juristes qui n’a jamais été publié et ne débouche sur aucune sanction des chaînes.

337 Cet événement a suscité en revanche plusieurs articles et a été évoquée dans différentes émissions : La Voix du Nord 25 décembre 2004, article de Grégory Autem, Europe 1 Emission de Jean Marc Morandini 20 janvier 2005, Canal + C’est clair 22 janvier 2005, le Canard Enchaîné 19 janvier 2005, Libération 20 janvier 2005. Dans l’émission de Morandini, la personne piégée expliquait qu’elle ne savait pas lorsqu’elle avait accepté de s’y rendre quel était le nom de l’émission, on lui avait alors promis « que du bonheur ». Elle racontait que les documents qu’on lui avait faits signer l’avaient été avant enregistrement et dans une lumière

« tamisée » avec une certaine pression qui lui avait empêché d’en lire les clauses, les personnes qui l’accompagnaient ne cessant de chercher « à détourner son attention ».

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Pour les enfants, l’installation d’une autorité par passivité désarme la pensée. Ils sont bien réputés plus mûrs, bien plus vifs, bien plus avertis que leurs aînés, bien plus autonomes aussi, bien plus agités en classe. Mais c’est aussi affaire « d’éducation ». Pour éviter le zapping de la publicité, véritable « faute » aux yeux de l’autorité médiatique, les émissions pour enfants ont depuis longtemps fait disparaître les génériques de fin. Avant chaque coupure de publicité, elles interpellent l’enfant pour qu’il reste, n’hésitant pas à recourir à l’injonction directe : « Ne bouge pas ! Reste avec nous !»338 D’où l’intérêt, dans la logique du renforcement de cette autorité, d’être légitimée dès le plus jeune âge, c'est-à-dire dès la naissance, avec les chaînes bébés. Nous avons déjà évoqué avec Urgences, comment la hantise du zapping est intégrée à la conception du programme et en modifie l’esthétique, selon une recette devenue banale aujourd’hui dans tous les genres.

La puissance de la soumission à l’autorité est une donnée fondamentale de l’être humain. Il suffit de pénétrer dans un lieu organisé hiérarchiquement pour en faire l’expérience : hôpital, prison, armée, service administratif, mais aussi entreprise privée. La marge de liberté individuelle est faible. Pas seulement pour des raisons juridiques, clauses de confidentialité, obligation de réserve… mais aussi par intérêt bien compris, voire par acceptation « naturelle » de l’ordre. On pourrait croire que dans une société fondée sur les libertés individuelles, il en serait différemment, parce que les individus y ont acquis une plus grande autonomie de penser et d’agir. Mais, d’une part, l’autorité hiérarchique n’a pas beaucoup modifié son fonctionnement et exige souvent l’obéissance plus que l’inventivité. D’autre part, comme l’annonçait Tocqueville, dans les sociétés individualistes le comportement grégaire n’a rien perdu de sa force, au contraire. Le règne des marques fonctionne sur ce solide fonds de commerce, qui combine à la fois désir de distinction et désir de ressemblance au groupe de référence. L’autorité télévisuelle fonctionne sur les deux registres, hiérarchique et grégaire.

Michel Terestchenko dans Un si fragile vernis d’humanité, banalité du mal, banalité du bien, rappelle combien le sens moral ordinaire est insuffisant pour résister même à des ordres injustes, voire criminels339. On peut participer à un acte injuste en éprouvant une souffrance morale. En s’appuyant sur des recherches américaines, il y donne aussi les bases de la personnalité altruiste, celle capable de résister à des ordres contraires à la morale personnelle. De façon générale, les personnes qui ont su résister à des ordres criminels avaient un sens éthique, des valeurs d’entraide, plus ou moins abstraites ou réactivées par des amitiés, une sécurité affective. Elles avaient bénéficié de liens sécurisants, pour reprendre un concept de B. Cyrulnik, du fait d’une éducation non autoritaire et avaient pu construire le sentiment d’une force et d’une responsabilité personnelle. C’est sans doute aujourd’hui encore la qualité la plus rare, la plus précieuse qu’on voudrait encourager chez les jeunes générations pour éviter les effets les plus néfastes des sociétés de masse : le sens des responsabilités, de la présence à soi, de l’autonomie de pensée.

Mais est-ce vraiment ce que construit l’autorité médiatique ?

338 Observé sur l’émission de TF1. Une autre méthode consiste à ne pas donner à l’enfant d’horaire précis pour la diffusion des différents épisodes de ses dessins animés préférés et de diffuser des bandes annonces les présentant.

339 Terestchenko M. Un si fragile vernis d’humanité, banalité du mal, banalité du bien, Paris : La Découverte 2005.

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Dans le cadre d’un documentaire, France 2 a récemment fait l’expérience du pouvoir de l’autorité télévisuelle incarnée par une animatrice d’un jeu. Reprenant le principe de l’expérience de Milgram, évoquée par Teretschenko, l’équipe du documentaire a placé des candidats d’une vraie-fausse émission de téléréalité « Zone Xtrême » en situation d’exercer des violences extrêmes sur d’autres pour gagner un jeu340. Des scientifiques en dépouillent les résultats341. D’ores et déjà la soumission des candidats à l’autorité télévisuelle a impressionné ceux qui y ont assisté.

« Je ne pensais pas que la télévision était une autorité légitime, comme l’est la science dans l’expérience de Milgram, je pensais que la télé ne pouvait pas prescrire. J’ai la preuve que j’avais tort. » Jean-Léon Beauvois, rapporté dans l’article de Libération.

On peut en déduire que, malgré le fait que les contenus télévisuels soient souvent du côté du divertissement, la télévision, du fait de l’amplification déjà évoquée, bénéficie d’une autorité de nature quasi hiérarchique. Cela pourrait expliquer la passivité qui caractérise nos sociétés face aux retournements de valeurs effectués par la téléréalité342.

4) Les jeunes et la soumission au groupe

Dans une société française fortement individualiste dans laquelle les enfants sont élevés dans des modalités qui cherchent à respecter et développer leur autonomie, l’autorité des parents est réduite à son minimum. On voit pourtant se développer des phénomènes de groupe qui peuvent à certains

Dans une société française fortement individualiste dans laquelle les enfants sont élevés dans des modalités qui cherchent à respecter et développer leur autonomie, l’autorité des parents est réduite à son minimum. On voit pourtant se développer des phénomènes de groupe qui peuvent à certains