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Tableaux cliniques de la fin du XIX aux années

Dès la fin du XIXe, on trouve des descriptions cliniques qui s’apparentent à celles aujourd’hui admise comme constitutive de l’entité nosologique TDAH. Certaines d’entre elles semblent avoir pris a posteriori une importance fondatrice. L’exemple d’un conte écrit par Hoffmann au milieu du XIXe siècle : Philippe-qui-gigote est souvent évoqué par ceux qui souhaitent montrer que cette pathologie est ancienne. Dans les manuels de psychiatrie, on trouve également des descriptions notamment chez Bourneville, philanthrope, qui en 1905, s’est intéressé aux instables, dans Le développement de l’intelligence ; chez Demoor, qui en 1901 apparentait l’hyperactivité à une véritable « chorée mentale » ; chez Still, pédiatre du King’s College Hospital de Londres, qui dans une présentation sur « les conditions psychiques anormales chez l’enfant » évoque en termes de violence, de méchanceté gratuite, de tendance destructrice, de mépris de l’autorité, et d’indifférence aux autres, des caractéristiques que l’on attribuerait aujourd’hui – dans un vocabulaire moins moraliste - à des cas sévères de TDAH (Lancet, 1902, 36, 861-867). Globalement, les recensions du début du XXe qui font état d’une instabilité motrice infantile recherchent des stigmates héréditaires et véhiculent l’idée d’un déficit du contrôle moral sous-tendu par une théorie de la dégénérescence, voire comme chez Ribot, l’idée d’une inhibition de la volonté à l’origine des comportements anormaux. L’exemple de Kraepelin ci-dessous, qui date de 1907, compare les « instables » aux « criminels nés » et déplore que le traitement reste limité « puisque l’affection représente une forme de dégénérescence ». Il évoque des mesures éducatives, le sanatorium, l’abstinence totale d’alcool comme solution possible.

« Like the born criminals the unstable present great susceptibility to temptations, distaste for work, superficial intellectual work, lack of foresight, selfishness, and are often enough impelled to criminal careers. » (Kraepelin Emil, Clinical Psychiatry, 1907 (1981) Scolars’ Facsimiles & Reprints Delmar, New York., p.525).

« Treatment. Since this disease represents a form of degeneracy, the treatment is limited. The value of educational measures in individual cases, such as afforded by a strict regimen in the performance of duties and development of physical capacity of work, depends on the severity of the disturbance. »

« In later years sanitarium life may be helpful, where it is possible to remove all sorts of morbid inhibitions and to direct employment »

« Unfortunately, the patients rarely possess sufficient determination to submit to compulsion for any length of time. In some cases total abstinence from alcohol causes great improvement. Under favorable circumstances it is sufficient if one is able to protect the patients against relapses for some time » (Kraepelin Emil, (1856-1926), Clinical Psychiatry, 1907 (1981) Scolars’ Facsimiles & Reprints Delmar, New York., p.526)

M.T. Branccacio, historienne, qui a consacré sa thèse à l’émergence de l’hyperactivité infantile, a étudié en détail les premières catégories médicales qui se sont dessinées autour des comportements impulsifs, agités et inattentifs. Elle montre que ces symptômes comportementaux ont fait l’objet d’une attention médicale dès le moment où ces enfants qui présentaient une intelligence apparemment normale83 mais une incapacité à se conformer

aux standards et au rythme scolaires, ont commencé à ébranler la mission de civilisation populaire que s’était donnée l’instruction publique obligatoire qui ne pouvait se contenter de les exclure. A Genève, la situation est analogue :

« En instaurant le principe de l’obligation, l’institution scolaire s’impose de prendre en charge tous les enfants, y compris ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se soumettre à ses normes. Or ces enfants

83Parler d’intelligence normale entretient probablement certains anachronismes. N’oublions pas en effet que le concept d’intelligence a lui-même été redéfini au gré des nécessités institutionnelles et des outils d’évaluation à disposition.

risquent de perturber les classes. Pourtant on ne peut les évincer de l’enseignement public, en vertu même de l’obligation scolaire. La nécessité de créer des classes spéciales est exprimée en 1878 déjà dans le projet de loi modifiant certains chapitres de la loi sur l’instruction publique de 1872. (…) Le projet de loi prévoyait donc de créer des classes spéciales : « Il peut être créé, pour les élèves des écoles publiques dont l’indiscipline entraverait la marche de l’enseignement, des classes spéciales. Le département seul prononce l’envoi des enfants dans ces classes » (Article 61 du projet de loi sur l’instruction publique, Mémorial du 7 février 1885). Les classes spéciales étaient donc destinées à isoler les indisciplinés incorrigibles, les petits meneurs et perturbateurs entraînant parfois toute une classe à l’insoumission » (N. Delay-Malherbe, 1982, 91-92)84.

« Un article du règlement sur l’instruction primaire du 3 juillet 1888 limite l’accès de certains enfants à l’école : « Aucun enfant reconnu idiot, sourd-muet, aveugle ou atteint d’une maladie contagieuse ou repoussante ne peut être reçu dans les écoles primaires ». Ces enfants n’étaient pas scolarisés. Ils étaient refoulés vers l’Hôpital cantonal ou l’hospice des aliénés. Les premières classes spéciales destinées à tous les enfants dont les enseignants ne savent que faire (indisciplinés, cancres, handicapés légers, etc.) ont été ouvertes en 1898. Bien que ces règlements dessinent le contour d’une intervention médico- pédagogique, ils n’ont pas constitué un levier suffisant pour créer dès ce moment un tel service » (Ibid. 93) Si Genève est précurseur en matière d’éducation spécialisée, la généralisation des dispositifs de prise en charge a mis du temps à s’instituer en Europe. Rappelons qu’à la fin du XIXe, les enfants qui échappaient au contrôle parental étaient placés en maison de redressement ou à l’hôpital, ce qui revenait à leur assigner l’état d’incurable. L’obligation scolaire et ses limites exacerbent donc le recours aux médecins et le développement de catégories diagnostiques susceptibles de désigner les conduites qui font scolairement problème. « Les figures de l’instable et de l’arriéré sont donc l’expression dans le registre psychopathologique de deux formes différentes de « ratés » de la pédagogie en tant que technique d’inculcation d’un modèle culturel » (Pinell & Zafiropoulos, 1983, 37). Issues des investigations médicales, ces nouvelles figures de l’indisciplinarité scolaire prennent initialement forme dans le registre des pathologies physiologiques. Il n’est pas rare de constater que dans certaines descriptions cliniques, les symptômes problématiques et l’appartenance à la classe populaire sont mis sur le même plan que des critères diagnostics. En établissant des barèmes de normalité, les classifications s’affinent en fonction des mesures de prises en charge. En France, par exemple, Bourneville propose une nomenclature des pathologies infantiles qui distingue d’un côté l’idiotie absolue ou profonde censée conduire l’enfant concerné à l’asile, et de l’autre les formes d’imbécillité et l’instabilité mentale que l’on peut rencontrer dans le cadre scolaire. Au tournant du XXe siècle, les campagnes de détection des anormaux se multiplient ainsi que les tentatives d’institutionnalisation de dispositifs intermédiaires (entre l’asile et l’école) destinés aux enfants anormaux, pervers ou amoraux, mais éducables (De Sanctis en Italie suivi de son assistante M.Montessori, Bourneville en France, etc.).

Ces mesures et ces tentatives aboutissent ici et là à la mise en place de classes spéciales gérées par des médecins. Le dysfonctionnement organique et les postulats physiologiques posent les jalons des principaux cadres de références et d’interprétation des comportements impulsifs, hyperactifs, instables ou moralement déficients85 à cette époque. La recherche de

stigmates physiques pour le repérage fait l’objet de divers travaux. La théorie darwiniste engendre, en France par exemple, l’idée de la dégénérescence (inversion du processus d’évolution), qui postule que le contrôle moral est une fonction organique et que les déficients moraux ont une constitution morale défectueuse, indépendante des aptitudes intellectuelle. M.T. Brancaccio montre qu’à cette époque, les théories héréditaires, environnementales86 et évolutionnistes se renforcent mutuellement. Alors que l’arriéré donne

aussi peu de prise au conditionnement moral que l’instable, ce dernier apparaît comme

84N. Delay-Malherbe, Enfance protégée, familles encadrées, Matériaux pour une histoire des services officiels de protection de l’enfance à Genève, Cahiers du Service de la Recherche Sociologique, N. 16, juin 1982.

85M.T. Brancaccio montre que le Dr Still, qui occupe en Angleterre la première chaire de maladie de l’enfance, publie dans le Lancet en 1902 ses conférences sur « the moral deficiency ».

86Des travaux s’attellent à montrer que la dégénerescence des parents (alcoolisme, délinquance) est fréquente chez ces enfants.

particulièrement dérangeant et insupportable dans l’ordre scolaire du fait de son indiscipline motrice et verbale. Voici, par exemple, la description que font, en France, A. Binet et Th. Simon de l’instable, en 1907.

« Ils ont le caractère irritable, le corps toujours en mouvement, ils sont réfractaires à la discipline ordinaire (…) Ils sont turbulents, bavards, incapables d’attention… ils témoignent de méchanceté vis-à-vis de leurs camarades et d’indiscipline vis-à-vis du maître… Le principal ressort de l’instable, c’est la gamme des penchants égoïstes » (Binet & Simon, Les Enfants anormaux, Paris, 1907, 8).

Relevons tout d’abord que Binet, qui dirigeait alors une commission d’étude sur l’enfance anormale, cherchait à remanier les classifications nosologiques des aliénistes (qui distinguaient pour la plupart 3 types d’arriération : l’idiot, l’imbécile et le débile) dans le but de développer une psychologie au service de la pédagogie, instaurant du même coup l’idée d’une éducabilité de ces enfants anormaux (jusqu’ici considérés comme incurables). Ce pédagogue - connu aujourd’hui pour ses travaux de psychométrie, prémisses des célèbres échelles de QI - a placé au cœur de son ordination des déficiences mentales, l’intelligence. Cette dernière va dès lors opérer « comme le maître d’œuvre des différentes facultés dont dispose l’esprit (attention, mémoire, imagination, jugement pour parvenir à la réalisation des buts). Dans cette opération elle leur donne une direction dont la finalité est l’adaptation » (Pinell & Zafiropoulos, 1983, 50). Ainsi se déploie une réorganisation des théories sur la déficience mentale qui, instaurant une continuité théorique entre normalité et anormalité, donne un caractère central aux notions d’adaptation et d’écart à la norme (conçue dès lors comme une moyenne)87. Le danger que peut présenter une telle proximité entre le simple

ignorant et le y est alors écarté par l’expertise psychométrique qui se voit assigner l’objectif pratique de les distinguer, objectif qui s’accompagnera bien vite de la mise à l’écart scolaire de l’inadapté dans le but de lui offrir des structures d’encadrement pédagogique particulières. Cette conceptualisation de l’anormal - inintelligent mais éducable - donne une impulsion au développement de l’Education spéciale et aboutit à la mise en place de dispositifs institutionnels de prise en charge : les classes de perfectionnement (loi de 1909 en France) et les classes d’adaptation, ainsi qu’à l’émergence de nouveaux acteurs : les psychopédagogues.

L’opinion générale au début du siècle estimait en effet qu’il était préférable d’éloigner les instables de l’école ordinaire, G. Paul-Boncour (proche de Bourneville) deviendra d’ailleurs directeur de la première institution d’enfants instables et anormaux. En France, « quand la commission interministérielle chargée de préparer la loi de 1909, recense les différents types d’enfants anormaux, elle dénombre cinq catégories : les sourds-muets, les aveugles, les

anormaux médicaux, les instables et les arriérés » (Pinell et Zafiropoulos, 1983, 20). Même

si à cette époque les catégorisations ne sont de loin pas homogènes et peuvent fortement fluctuer selon les auteurs, le problème de l’instabilité motrice et mentale commence à être massivement reconnu. Les efforts pour isoler le syndrome comme entité spécifique témoignent d’un déplacement du regard médical de l’asile vers l’école, nous dit M.T. Brancaccio. Pinell et Zafiropoulos dans Un siècle d’échecs scolaires (1882-1982) relèvent eux aussi que l’émergence du problème de l’inadaptation infantile et la mise en place d’une psychologie clinique et expérimentale sont étroitement liées à la mise en pratique de l’obligation scolaire. S’instaure dès lors un phénomène qui ne cessera de s’accentuer au fil du siècle de superposition des préceptes éducatifs et des critères psychiatriques, phénomène qui non seulement brouille la frontière entre normalité et pathologie, mais contribue également à donner une caution psycho-médicale aux normes sociales. Comme le remarquent Pinell et Zafiropoulos à propos du concept d’intelligence chez Binet, « faire de la capacité d’adaptation au milieu social, évaluée en fonction d’un système normatif lui-même social, la traduction de l’efficience d’une faculté naturelle (Binet parle de « l’intelligence naturelle » des individus) suppose du même coup la « naturalité » du système normatif, soit

87Au-delà de cette idée novatrice d’une continuité de l’(a)normalité, le titre de l’ouvrage de Binet et Simon : Les enfants anormaux révèle que ces enfants instables n’étaient pas encore considéré comme normaux.

dans le cas de l’écolier, celle des normes scolaires » (Pinell & Zafiropoulos, 1983, 50). Nous aurons l’occasion de constater que dans le cas de l’hyperactivité infantile, le processus de

naturalisation des normes scolaires par le biais de troubles du comportement est plus que

jamais à l’œuvre. Mais restons-en pour le moment aux recensions historiques qui s’apparentent au trouble Déficit d’Attention / Hyperactivité [TDA/H], tel qu’il est aujourd’hui défini.

Les symptômes d’agitation motrice étaient décrits sous des terminologies diverses. Certains parlent de « débilité motrice », « dysharmonie » (Paul-Boncour), « anormalité de caractère » (De Sanctis), « hyperkinésie » (Claude, 191088), « turbulence » (Wallon, 1925), « instabilité »

(Heuyer, Abramson, 1940). Côté anglophone se développent les termes de « Behavior Disorders » (Childers, 1935), « Hyperkinésie » (Eisenberg & Conners 1957), « Mimimal Brain Dysfunction » (Clements, 1966). Suite à l’épidémie d’encéphalite de 1917-1918, en Europe, de nombreux tableaux cliniques décrivent des symptômes comportementaux, une certaine impulsivité et des difficultés d’activité motrice, chez des enfants atteints de ce qu’on considère alors comme le signe d’un « brain damage » ou « minimal brain injury ». Von Economo en Italie, Wallon en France, Homburger et Gourévitch en Allemagne, Paterson et Spece en Angleterre étudièrent, après la première guerre mondiale, les « séquelles de l’encéphalite épidémique » chez l’enfant. Les observations psychiatriques d’alors révèlent que la plupart des handicaps sévères, tels que l’épilepsie, la déficience mentale ou la paralysie cérébrale présentent également chez les enfants des problèmes de comportements et d’agitation. Toutes ces études médicales amorcent l’idée qu’à l’origine des troubles du comportement et de l’inadaptation, il y a une lésion organique, une atteinte frontale, ou une séquelle neurologique89. La détermination organiciste de l’inadaptation

restera ancrée jusque dans les années 30, malgré l’abandon progressif de l’hypothèse d’une analogie entre épidémie encéphalite et instabilité.

Si, à l’appel des autorités scolaires, le corps médical a investi le problème des comportements des écoliers, les instituteurs se montrent au début du XXe siècle peu coopératifs et peu perméables aux catégorisations médicales. Issus, pour nombre d’entre eux, des couches populaires, les enseignants résistent à l’idée que les « enfants pervertis » ou les « instables » sont pathologiquement atteints. Des récits du début du siècle - étudiés par M.T. Brancaccio - montrent que l’introduction de classes spéciales s’accompagne de véritables campagnes menées auprès des enseignants pour qu’ils acceptent de signaler les enfants, et qu’ils cessent d’ignorer les nouvelles catégories médicales90. A la résistance des

enseignants s’ajoute le développement - en parallèle des investigations médicales - de la psychologie qui s’intéresse également dès la fin du XIXe siècle aux écoliers mais réfute les théories organicistes qui ont jusqu’ici dominés les tableaux cliniques des indisciplinés scolaires. Les nouveaux psychopédagogues s’en prennent à l’institution médicale et s’attèlent à distinguer les inadaptés organiques et les inadaptés issus d’une éducation déficiente ; les anormaux médicaux qui nécessitent une prise en charge médicale, des anormaux d’écoles (bizarres ou instables) qui requièrent un traitement psycho-pédagogique. Binet lui-même mettra le doigt sur la difficulté diagnostique à différencier ces troubles en fonction des facteurs étiologiques qui sont en réalité étroitement intriqués, ce qui ne l’empêchera pas d’essayer d’établir une frontière claire entre les champs d’intervention du médecin et du psychologue. L’autre difficulté diagnostique alors débattue concerne le seuil de l’anormalité et la distinction entre les « rebelles » et les « instables ».

88Selon Corraze J., Albaret J.M., L'enfant agité et distrait, Paris, Expansion scientifique française, 1996, [36]. 89 « Les descriptions de l’après-guerre de 1914 furent très influencées par le tableau neurologique de l’encéphalite épidémique » (De Ajuriaguerra J., Diatkine R., Lebovici S., La psychiatrie de l'enfant. PUF Paris, 1958/1959. [127])

90M.T. Brancaccio relate l’exemple d’une solution trouvée en Grande-Bretagne pour canaliser le problème : celle de nommer un médecin comme inspecteur d’école.

La première guerre mondiale et les drames psycho-somatiques qu’elle engendre amorce le déclin des théories constitutionnalistes (ou organicistes) et le succès grandissant des théories environnementales (psychologiques et psychanalytiques). Les catégorisations, les traitements et les prises en charges se modifient en conséquence : on voit apparaître des catégories psychologiques comme l’enfant « nerveux », « désadapté », « difficile ». Selon M.T. Brancaccio, en Angleterre, la catégorie du « désordre de caractère » vient remplacer celles de l’ « instabilité », de la « déficience morale » et de la « perversion ». Heuyer, en France (qui n’est pourtant pas réputé pour être un adepte de la psychanalyse), parle de « réaction d’opposition infantile » - terme révélateur d’une vision psycho-dynamique – tout en continuant par ailleurs ses recherches sur les caractéristiques physiologiques de l’instabilité. La découverte de l’encéphalogramme ne donnera pourtant pas de résultats satisfaisants, malgré les espérances des constitutionnalistes qui souhaitaient que la technique validerait leurs hypothèses physiologiques. L’entre-deux guerre s’avère être fortement marqué par le succès du paradigme psychologique au détriment des conceptions organicistes qui restent admises comme ultime diagnostic susceptible d’être posé après que toutes les autres hypothèses aient été exclues91. Sous l’influence de la psychanalyse, l’attention se déplace

vers les troubles émotionnels, l’organisation pulsionnelle, les facteurs traumatiques. La bourgeoisie, soucieuse de prodiguer une bonne éducation à ses descendants, se tourne vers la psychanalyse et les explications psychologiques et contribue au succès de ce courant.

La liste serait longue si l’on voulait juxtaposer les multiples descriptions qui entre 1930 et 1960 font état des symptômes d’instabilité motrice, d’agitation, d’impulsivité, ou d’inattention. Nos recherches sur les antécédents descriptifs de ce trouble infantile conduisent à un foisonnement hétéroclite de discours qui chacun à leur manière nomment, décrivent et interprètent ces symptômes comportementaux. Pour reprendre les exemples relatés par M.T Brancaccio : En 1927 Kramer et Pollinow estiment que les symptômes de l’ Hyperkinesisches Syndrom régressent avec le temps. En 1934, Kahn et Cohn, insistent sur l’idée de dommage cérébral à propos de leur Organic driverness. En 1940, Strauss & Werner étendent l’idée que les normaux peuvent également être atteint d’un dommage cérébral (« Strauss syndrom »). En France, au début des années 50 la définition du Dr Male qui cherche à définir les contours de l’instabilité est révélatrice de l’hésitation à regrouper les symptômes dans une entité isolée : « l’instabilité, dans la majorité des cas, est plutôt due à un trouble génétique du développement psychomoteur (…). Le débile mental est souvent un instable (…). Il est des cas innombrables en milieu scolaire de faux débiles. Les instables sont bien des arriérés intellectuels, mais leurs tests présentent une physionomie particulière : le test est dispersé (…), par ailleurs, l’instabilité peut être le point de départ de la névrose » (Male, 195292). Au cours des années 50, l’anormalité fonctionnelle tend à supplanter l’idée

d’une anormalité structurelle (ou constitutionnelle)93. Plus besoin dès lors de donner une

raison physiologique au trouble mental pour le prendre en charge de manière médicale. « On peut, cependant, accepter, affirme Ajuriaguerra en 1967, qu’un sujet présentant une organisation anatomique normale puisse présenter, pour des raisons de désorganisation fonctionnelle, un manque (…) qui le place au même niveau que ceux qui présentent une atteinte lésionnelle précise » (Ajuriaguerra, 1967, 8). Parallèlement les explications psychanalytiques investissent le problème de l’instabilité infantile, en témoigne la description du même Dr Male (1952) : « L’instable est souvent un sujet qui a eu des échecs dans le domaine affectif (…) : influence des mères névrotiques sur leur nourrisson (…), maladresse

91Nous verrons qu’aujourd’hui les spécialistes de l’hyperactivité tendent à inverser cette hiérarchie des priorité entre hypothèse neurologique et hypothèse environnementale.

92Male Dr., 1952, « L’enfant instable » in Les conférences de l’Ecole du parents et des éducateurs, 4 février 1952, 14-20.

93« Il est évident que c’est la réalisation fonctionnelle et les capacité nouvelles de réalisation qui sont (…) investies et non l’organe ou le système anatomique considéré d’un point de vue statique » (Ajuriaguerra de J., & al., 1967, Le choix thérapeutique en psychiatrie infantile. Paris, Masson, 6).

éducative dans l’apprentissage de la propreté (…), fautes éducatives pendant la phase œdipienne »94. Entre 1930 et 1960, les recherches biologiques continuent, mais sont

marginales, en regard des théories psychologiques qui s’emparent du problème de l’instabilité, désormais conceptualisée selon une logique psycho-dynamique. A la fin des

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