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Généralement la prescription d’un tel médicament devrait s’accompagner de mesures psychothérapeutiques. Le Compendium lui-même, préconise cette approche dite

multimodale ou multidisciplinaire (ce qui n’est pas courant dans un manuel d’informations sur

les médicaments). Cette solution thérapeutique associant médication et psychothérapie, que l’on peut qualifier d’intermédiaire, est présentée comme étant la plus efficace mais aussi la plus consensuelle. Elle est, en effet, susceptible de satisfaire un maximum de professionnels et de parents.

« …Ritaline doit faire partie d’un traitement d’ensemble comprenant également d’autres mesures thérapeutiques (d’ordre psychologique, éducationnel, social) susceptibles de normaliser le comportement de l’enfant » (Compendium 1991, 2048 ; 1999, 2106).

« Ritaline/-SR doit faire partie d’un traitement d’ensemble comprenant également des mesures thérapeutiques d’ordre psychologique, éducationnel et social dans le but de stabiliser le dcomportement anormal de l’enfant » (Compendium 2001, 2150).

« autant que l’évaluation de ces enfants pluri-disciplinaire, la prise en charge doit être pluri-disciplinaire et il faut tenir compte de différents aspects pour permettre à ces enfants, et à ces familles d’avoir une prise en charge vraiment optimale » [Haenggeli, RSR. 29.09.02]

Le traitement associera une aide psychologique, éducative, rééducative, et médicamenteuse. [Coridys.Hopit∂.Neuro.lyon : 130 ]

" En présence d'un enfant en âge scolaire ayant des difficultés d'apprentissage, on pourra envisager une mise sous médication psychostimulante associés à une prise en charge psychothérapeutique ou logopédique ou de type psychomoteur ". [Courrier GE. 11.fév.00 : 93 ]

- les enfants et leurs familles ont droit à une approche pluridimensionnelle des troubles psychopathologiques et psychiatriques. La prescription de psychotropes peut y trouver sa place, mais une place non exclusive, prudente, modérée et qui soit clairement inscrite au sein d'un projet thérapeutique global et cohérent. [Le Monde.27.05.00 : 58]

Nombre de cliniciens partagent la conviction que le traitement optimal de l'hyperactivité repose sur une approche multimodale associant traitement médicamenteux et mesures d'ordre éducatif et psychothérapeutique. [Méd.Thér.Pédiat.Juin00 : 140]

Cette politique thérapeutique intermédiaire a l’avantage de rassurer les parents qui sont souvent pris en tenaille entre des discours hétérogènes. Elle permet de mobiliser non seulement ceux qui sont acquis à l’explication médicalisée du trouble et qui présentent parfois des résistances vis-à-vis des psychothérapeutes, mais aussi de proposer une aide médicamenteuse à ceux qui optent plutôt pour une vision psychologique du problème.

Novartis admet que : « Grâce à l'utilisation ciblée dans le cadre de programmes thérapeutiques multimodaux, réalisés en coopération étroite avec les parents d'enfants atteints de THADA, on peut dire aujourd'hui que Ritaline est plus que réhabilitée ». [Novartis.Hist.Ritaline : 51 ]. Cette question pose le problème crutial de l’adhésion des parents qui constituent l’instance décisionnelle en matière de thérapie infantile, et dont dépend pour beaucoup la compliance thérapeutique (puisque c’est eux qui conduisent les enfants en consultation et qui administrent les pilules de Ritaline).

Associer une démarche psychologique et un traitement médicamenteux est donc aujourd’hui admis comme la solution la plus courante, mais le sens de cette association n’est pas toujours identique. Même le Compendium des médicaments indique (ce qui est extrêmement rare) que la Ritaline ne doit être prescrite que si d’autres « mesures correctives s’avèrent insuffisantes ».

« Il est essentiel que l’enfant bénéficie d’une pédagogie appropriée, et généralement il faut avoir recours à des mesures d’ordre psychosocial. Si les seules mesures correctives s’avèrent insuffisantes, le médecin devra prendre la décision de prescrire un stimulant en fonction de la chronicité et de la sévérité des symptômes de l’enfant. » (Compendium Suisse des Médicaments, 1991, Documed, 2048)

« Il est essentiel que l’enfant bénéficie d’une structure pédagogique appropriée et généralement, le recours à des mesures d’ordre psychosocial est nécessaire. Si de telles mesures s’avèrent insuffisantes, la décision de prescrire un stimulant doit se faire sur la base d’une étude approfondie de la gravité des symptômes de l’enfant.» (Compendium 2001, 2150).

Cette assertion ne résout pas l’ambiguïté d’une évaluation de l’efficacité des mesures psycho-éducatives, qui peuvent rarement s’apprécier à court terme. La place de la thérapie psycho-éducative peut profondément diverger selon l’obédience des thérapeutes et selon le rapport que médecins et parents entretiennent avec la médication. En matière de TDAH, le discours qui semble de plus en plus fréquent est celui qui pose le médicament au service du travail psychologique ou encore qui réserve ce dernier pour la gestion de problèmes associés.

« Et on sait maintenant que en comparant les différentes modalités thérapeutiques, que le succès à long terme, vient uniquement du traitement combiné, c’est-à-dire il faut absolument associer les mesures thérapeutiques telles que le soutien psychologique, nous n’avons pas parlé des comorbidités, donc si un enfant a en plus un trouble de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, il faut tenir compte de ça, donc il y a plusieurs choses qu’il faut faire, y compris la médication. La médication en soi, est le mieux, c’est ce qu’il y a de plus spectaculaire, ça permet à l’enfant de bien travailler, mais attention à long terme, la médication seule, ça n’aboutit à rien, il faut vraiment le tout. » [Haenggeli, RSR. 29.09.02]

« La prescription de la Ritaline® ne doit pas entraîner l'abandon des prises en charge non médicamenteuses de l'hyperactivité. Extrêmement variées, elles vont des interventions de guidance auprès des parents à la mise en place de pratiques pédagogiques adaptées, en passant par les techniques psychothérapeutiques. » [Méd.Thér.Pédiat.Juin00 : 83]

« Le traitement médicamenteux seul est rarement suffisant aux besoins thérapeutiques de ces enfants et n'est généralement qu'une facette d'un traitement multimodal. La psychothérapie individuelle, le conseil parental, et le traitement d'un trouble de l'apprentissage coexistant sont nécessaires ». (p.1475) [SynopsisPsychiatr.Kaplan : 162]

L’analyse des discours sur les thérapies multimodales révèle également l’intention inverse : le fait de prôner la mise en place d’une démarche psycho-éducative dans le but d’aider à accepter la différence pathologique et la nécessaire médication. Ainsi au-delà du consensus thérapeutique qui prône l’association de plusieurs approches, une certaine hiérarchie des priorités se dessine et les divergences ne sont pas négligeables entre l’idée d’une psychothérapie au service de la médication ou à l’inverse d’une médication au service de la psychothérapie. On relèvera dans les exemples ci-dessous l’ordre d’apparition des possibilités de traitement qui se présentent à l’intention des enfants hyperactifs et qui révèlent la priorité bien souvent accordée au médicament. On s’étonnera finalement de

l’insistance et de la fréquence avec lesquelles il semble nécessaire de rappeler que la molécule à elle seule ne suffit pas329.

« Les médicaments constituent parfois le traitement de première intention comme dans les troubles de la pensée, la manie ou le trouble déficit de l'attention/hyperactivité, alors que dans d'autres pathologies, comme la dépression et l'anxiété, ils fournissent un appoint utile aux thérapies psychologiques » (p.1) [MedicsPsychiatr.Kaplan : 20]

« 1) Médication (psychostimulants, antidépresseurs sérotoninergiques, clonidine, ...) ; 2) Diète ( régime alimentaire dirigé ) ; 3) Intervention psychologique (thérapies comportementale et cognitive). » [HYPSOS.traitements: 16-19]

« Si la Ritaline(r) est prescrite, il est important pour le Dr Marchand d'offrir à l'enfant et ses parents un accompagnement. Cependant tous les enfants ne peuvent suivre une psychothérapie. Il faut toutefois pouvoir travailler avec les parents sur les comportements de leur enfant. » [AVTES.Romandie : 115] « Même en cas de prescription de Ritaline (4b), une psychothérapie de soutien pourra être utile du fait de la situation d'échec ou de rejet de l'enfant à l'école ou dans sa famille. » [A.N.A.E.96. Vallee : 152]

« Quand tout va mieux et que le Ritalin fonctionne bien, il se peut qu'on laisse tomber d'autres formes d'aides. On a parfois tendance à oublier que le programme académique avance et exige plus. Dans ces cas-là, une médication qui donnait de bons résultats semble progressivement ne plus vouloir fonctionner. En fait, elle fonctionne toujours, mais c'est que les difficultés académiques sont devenues plus grandes » (p.148). [BougeTrop.Desjardins : 295]

« Mais la chimie ne suffit pas, et le Dr Hämmerle recommanda mardi soir d'autres moyens thérapeutiques: la relaxation, le régime pauvre en phosphates et allergènes, la pédagogie curative, la psychothérapie ou encore des interventions orientées sur l'enseignant. » [La Liberté.2.10.98 : 56]

« A variety of medications, behavior-changing therapies, and educational options are already available to help people with ADHD focus their attention, build self-esteem, and function in new ways ». [Nat.Inst.Mental.Health : 36]

« For lasting improvement, numerous clinicians recommend that medications should be used along with treatments that aid in these other areas. There are no quick cures ». [Nat.Inst.Mental.Health : 363]

« Mais sachez qu'un médicament n'est jamais une solution en soi, il doit toujours être associé à une psychothérapie. » [Nouvel obs.20.avr.00 : 41]

« La poursuite d'un traitement médicamenteux et parfois même d'un soutien psychothérapeutique sont alors nécessaires ». [Présentat.Hypsos : 208]

« Le MPH est perçu par plusieurs [médecins] comme le traitement de choix dans le cas du THADA, particulièrement dans le cas d'un traitement multiple. [21] (…) Un peu plus de la moitié des répondants étaient d'accord que le MPH était le traitement de choix pour le THADA (51 %). Toutefois, on était d'accord que le MPH est plus efficace lorsqu'utilisé dans le traitement multimodal du THADA (84 %). Et plus de la moitié des médecins interrogés ont dit subir des pressions pour prescrire le MPH (55 %). [50] (…) Le MPH est de loin le médicament le plus prescrit par les médecins (52 %). Toutefois, le MPH est souvent prescrit conjointement avec d'autres interventions (69 % ont dit souvent ou toujours). [64] (…) Environ 49 % des répondants utilisaient, toujours ou souvent, plus d'une intervention sans médicaments pour traiter le THADA. » [490] [Research.Usage.MPH.Can]

« L'association dénonce également un accroissement dramatique de la médication des enfants qui s'instaure souvent comme seul traitement administré face à des problèmes affectifs, émotionnels, comportementaux et psychosociaux complexes ». [Résumé.Am.Psych.Ass : 12]

« La Ritaline n'est que l'aspect médicamenteux du traitement du Thada, auquel il faudrait associer, idéalement, une diète sans additifs et sans phosphates alimentaires surajoutés, et une psychothérapie de soutien ou comportementale, ou autres mesures éducatives. » [Tribune GE. 9 déc.98 : 21]

« Le traitement est surtout pharmacologique (Ritalin). » [Dr Forbin.Site.Canada : 23]

L’intervention médiatique du chef de la division des Stupéfiants de Swissmedic330 en avril

2002, donne une idée de la position des autorités de santé publique sur le sujet. Le message transmis à la télévision dans une émission de grande écoute a l’avantage d’être clair : arguant que les alternatives thérapeutiques sont peu nombreuses, ce responsable du contrôle des médicaments en Suisse estime de manière péremptoire qu’au vu de son efficacité, la Ritaline constitue la thérapie de choix pour le traitement des enfants hyperactifs.

« L.M. Je ne pense pas que c’est une pilule miracle, mais par contre c’est la thérapie de choix actuellement pour traiter ces enfants. Il n’y a pas énormément d’alternatives et c’est le traitement qui semble le plus efficace pour traiter ce problème d’hyperactivité et de déficit de l’attention » (L.Medioni, Mise au Point, TSR, 21 avril 2002)

329A l’instar d’Elias, nous pensons que le fait de devoir réitérer explicitement un précepte est révélateur du fait que cette pratique ne va pas de soi, à un moment donné, dans un certain milieu.

330 Institut Suisse des produits thérapeutiques, Swissmedic est né de la fusion de l’OICM et de l’Unité Thérapeutique de l’OFSP, en janvier 2001.

Cette déclaration officielle révélatrice de la politique menée par les autorités sanitaires suisses résonne comme un verdict qui tranche assez clairement la hiérarchie des priorités. Devant l’étonnement de la journaliste, ce représentant de Swissmedic rappelle que « le plus souvent », une prise en charge psychologique est associée à la médication, en ajoutant comme pour se convaincre « et c’est très bien ». Mais sa conclusion est révélatrice de l’idée que nous venons d’évoquer : la psychothérapie est indispensable… pour la réussite du traitement médicamenteux.

L.M. Quand un enfant hyperactif doit être pris en charge, en fait il y a plusieurs approches pour le traitement : le traitement médicamenteux, c’est une possibilité, mais le plus souvent, et c’est très bien ainsi, le traitement médicamenteux est associé à une prise en charge psychologique qui est indispensable pour contribuer à la sécurité et à l’efficacité du traitement. (L.Medioni, Mise au Point, TSR, 21 avril 2002) L’absence d’évocation du bénéfice qu’une psychothérapie pourrait apporter à l’enfant est emblématique d’une position qui est étroitement liée au marché des molécules chimiques. Pourtant des discussions informelles avec des psychothérapeutes (d’obédience plutôt psychanalytique) – étonnamment discrets dans ce débat médiatique – suggèrent que des prises en charge psychothérapeutiques donnent de bons résultats auprès des enfants hyperactifs.

La question du type de thérapies associées aux mesures médicales ne sera pas développée ici, mais mériterait de l’être dans un travail ultérieur.

« Suivant les degrés de gravité d'hyperactivité, on peut compléter ou remplacer la Ritaline par des thérapies comportementales ». [Courrier GE. 16 nov.98 : 89]

« What other (que médication) forms of treatment may be needed (e.g. education about the condition and about better behavioral management techniques, family therapy and / or individual psychotherapy ?). » [HandbookPsychopharmaco.99 : 87]

« Many childhood disorders require multiple modalities of treatment. For example, attention disorder often requires psychopharmacologic management, psychotherapy, behavioral regimens, school consultations, and family work. » (p.592) [Harvard Guide of Psychiatry : 13]

Les défenseurs de la solution médicamenteuse se font également pour la plupart, les promoteurs d’un type de psychothérapie particulier : la thérapie comportementale ou techniques de management comportemental. Depuis quelques années, des démarches spécifiques se mettent en place pour le soutien des enfants hyperactifs. Elles se basent pour la plupart sur un principe fondamental d’encouragement positif et bannissent de leur programme toute forme de sanctions ou de punition. Nous posons l’hypothèse que ces thérapies associées à la prise de médicaments sont révélatrices d’une conception consensuelle et harmonieuse du pouvoir éducatif (typique de nos démocraties contemporaines), qui, confrontée à l’impasse d’une réalité qui peut être conflictuelle, trouve une issue dans le cabinet du médecin. L’analyse de ces nouvelles approches thérapeutiques ciblées permettrait de développer les propos que Castel énonçait déjà en 1981 : « En proposant un modèle pédagogique de renforcement de la normalité qui dépasse le modèle clinique d’élimination des symptômes, les thérapies comportementales sont en train, là aussi, d’innover profondément » (Castel, 1981, Gestion des risques, 209).

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