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officiers font preuve d’une distance par rapport aux implications concrètes du métier Préférant la généralisation à la spécificité, ils évoquent leur fonction et leur rôle à l’aide de

3.2.3/ Les témoignages « en off »

Après une première vague de témoignages préliminaires initiant cette recherche, des témoignages « en off » alimentèrent une phase exploratoire. En voici quelques résumés.

Les officiers témoins « en off »

Témoin a 2010 Armée de terre Colonel Chef de Corps Témoin b 2010 Armée de l’air Lieutenant Colonel Témoin c 2010 Armée de terre Médecin Colonel Témoin d 2010 Armée de l’air Lieutenant Colonel Témoin e 2005 Marine Nationale Capitaine de Frégate Témoin f 2005 Marine Nationale Capitaine de Frégate Témoignage a

Récit d’une bataille en Afghanistan en 2008 à Uzbin. Une embuscade fit perdre huit de « ses » hommes, après 12 heures de combat, en état de siège, avec peu d’armement, comparativement aux assaillants.

Cet officier raconte, décrit. Il est émouvant, on perçoit une sensibilité à la souffrance subie par son groupe. Calme, et humble, il pense beaucoup aux morts et à leurs familles.

Solide, il analyse les scènes et se les repasse en boucle. En militaire, il tente d’en extraire une expérience constructive. Il participa ultérieurement à la mise en place des sas de décompression à Chypre.

Témoignage b

Pilote de chasse, en mission au Tchad, il faisait des missions de reconnaissance aérienne. Son escadron reçut l’ordre aberrant de voler à nouveau sur la même zone immédiatement après un premier passage aérien. Conscients du risque et contremandants, ils furent toutefois obéissants. L’avion se fit abattre, et le pilote y laissa la vie.

Témoignage c

En mission en Afghanistan, appelé en urgence pour rejoindre un champ de bataille, il n’eut pas le temps de rejoindre l’hélicoptère. Son collègue plus vif partit à sa place. L’appareil décolla mais explosa sous le tir ennemi. Ses collègues morts, lui fut gravement brûlé.

Témoignage d

Lors de l’entraînement, un avion se crashe contre une montagne. Les recherches se sont effectuées par quadrillage du secteur en remontant ensemble et méthodiquement la montagne. Tous les pilotes de chasse ont dû ramasser bout par bout les chairs et les os éparpillés du corps …

Toujours en formation, un autre collègue se crashe au décollage sur la base. Il est vivant mais trépané. Ils sont désemparés. Le médecin de la base arrive et remet immédiatement la boîte crânienne « en place »… Ce collègue dès lors régressa à un état d’un enfant de 5 ans, et se disputa les jouets de ses propres enfants…

Témoignage e

Crash d’hélicoptère en 2005 et mort des trois pilotes lors de l’entraînement. Témoignage f

De cet officier qui dirigera des missions de repêchage de corps d’individus suite au crash d’un avion civil…

Tant d’autres ne seront pas cités pour des raisons de secret professionnel… secret défense… pour protéger les familles de vérités qu’elles ignorent…

Ces entretiens ne peuvent être retranscrits mais quelques idées émergent. Les officiers

posent des mots sur leur

« roman de guerre

» (en référence au

roman familial

questionné en psychanalyse), mais peu reconnaissent les effets de ce vécu. Cela signifie t’il qu’ils dénient, ou transforment ce vécu effractant ?

La synthèse de ces discussions informelles et amicales atteste que le psychotraumatisme existe mais les témoins ignorent le traitement. Ils ne se sentent pas personnellement concernés par le psychotraumatisme mais le gèrent (dans le sens limiter les débordements) pour les subalternes, et uniquement les anciens d’OPEX, les « hommes de terrain ». Les missions humanitaires ou de maintien de la paix ne sont pas évaluées comme traumatisantes ou reconnues comme telles.

Pour résumer, ces officiers, témoins initiaux de cette recherche, reconnaissent avoir vécu des situations difficiles, graves, extrêmes, mais n’admettent pas subir de traumatismes. Réalité, ou déni ou anosognosie ?

Ces discussions révélèrent qu’au sein même de l’armée, demeurent des interprétations variables sur ce qu’est la guerre et le traumatisme : d’une part, le traumatisme ne serait reconnu qu’en temps de guerre mais pas pour les missions, d’autre part des résistances à valider officiellement les traumatismes se manifestent (on heurte là le même souci qu’avec la guerre d’Algérie qui n’était pas reconnue comme une guerre, donc les appelés n’étaient pas considérés comme étant allés à la guerre). Il convenait donc de traiter les conflits psychiques

vécus en missions opérationnelles extérieures.

« Il s’est éloigné du groupe, et s’est fait sauter

»….

« Le suicide fait parti du métier ».

Ils racontent comment et combien de leurs collègues se sont suicidés en ou au retour de mission. L’autolyse serait un sacrifice admissible mais non authentifiée par l’institution, voire masquée (culture du Muet) : Stratégie de protection de la famille de sang et militaire, l’honneur pour tous, ainsi que la rente pour la famille sont préservés… en déclarant le suicidé « mort au combat ».

De ces témoignages, il advient que les chefs, toutes catégories confondues, vont aussi au Feu, et qu’ils en reviennent marqués. Pourtant, ils expriment peu la tristesse ou le choc d’avoir perdu des collègues : un certain quota de pertes serait tolérable voire normal (dommages collatéraux). Apparentes désaffections, désemparantes affections ?…

Ainsi, officier, à quel prix ? Qu’est-ce que cela coûte de vivre cela ?

Ce métier laisse des

scarifications psychiques

. Combien de familles pourraient témoigner des changements de comportement de leur parent militaire au retour, de cette distance incompréhensible et intouchable qui se pose parfois entre le militaire et sa famille, distance renforcée par une sensation d’étrangeté. Décalage psychologique entre le vécu du Feu et le vécu du quotidien, dissociation front/maison, front/caserne : il existe un ailleurs dangereux, qui contamine le lieu de protection.

Quelle est donc la place de l’officier dans l’institution militaire ?

Comment ces chefs parviennent-ils à « gérer » les conflits psychiques qu’ils rencontrent ? Par quels processus ? C’est l’objet essentiel de ce travail de recherche…

3.2.4/ Les témoignages « en on » sous l’éclairage de penseurs

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