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surprise doit frapper simultanément le patient et le praticien (…) pour que votre patient soit un jour délivré de sa souffrance, ne cherchez pas à l’en délivrer et restez ouvert à la

surprise »

156.

Ce travail fut source de nombreux tracas : délimiter le sujet, la recherche, la théorie, accepter les limites culturelles et temporelles, supporter l’impression de ne pas réaliser un travail exhaustif.

Choix et pertinence du terrain/public d’enquête

L’entourage a fortement suggéré d’étudier un conflit particulier plutôt que l’armée dans son ensemble. La vue des thèses et des ouvrages consacrés à des conflits spécifiques n’a absolument pas convaincu d’aller dans cette voie. Loin de cibler un conflit, il était question d’interroger une dynamique de groupe, un ensemble de personnes soumis aux rituels similaires.

Fallait-il par contre cibler une arme, plutôt qu’une autre ? L’armée de terre semblait plus appropriée comme terrain d’étude : nombre de soldats concernés par les psychotraumatismes, nombre de soldats de l’armée de terre…

Fallait-il aller vers les soldats ou vers le commandement ?

Fallait-il passer par une voie officielle ou faire appel aux nombreux contacts au sein de l’institution ?

Quel lieu, quelle personne interpeller ?

Chaque milieu militaire ayant ses propres spécificités, il semblait logique d’en choisir un à étudier, pour ne pas amoindrir la qualité d’enquête et rester dans un processus homogène. Pourtant, cibler une arme, une guerre… fut éconduit. D’une part, les guerres sont déjà l’objet d’études de nombreux spécialistes. D’autre part, le choix des armées (air, terre…) restreignait la recherche.

L’état des lieux des ressources offraient deux possibilités. La première étant classiquement la Revue de la littérature soit utiliser les témoignages écrits d’officiers ayant fait des

publications. La bibliothèque de l’Université est bien approvisionnée, toutefois, malgré l’accès en ligne à toutes les autres bibliothèques, les publications d’officiers ne sont pas si nombreuses. Le récit du vécu se limite aux faits et n’évoque quasiment jamais les affects. Ces ouvrages sont riches en concepts et conjonctures mais pauvres en subjectivité.

Dans cette perspective, mener des entretiens paraissait instructif et juste.

Quel lieu d’enquête choisir ? Fallait-il cibler des critères géographiques (régions limitrophes, voire dans le département), des critères de formation (les officiers d’une même école), des critères d’identification administrative, armée (ministère de la défense), police (ministère de l’intérieur), des critères d’identification fonctionnelle (opérationnel, état major…) ou des critères de niveaux (grades) ?

Les facteurs d’ordre pratique, logistique circonscrirent fortement le terrain. L’absence de financement pour la recherche obligea à restreindre le champ d’études selon une sélectivité économique, soit ne pas opter pour un lieu mais pour un public, gradé.

Quelle population militaire interroger pour cette thèse ?

« Il y a un caractère généralisable chez les officiers directs des écoles de formation

pour l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine nationale. Un officier saint cyrien, un

officier issu de l’école de l’air, et un officier bordache

157

semblent posséder des caractères

communs aux yeux des militaires, ou plus exactement, à chacun d’entre eux sont attribuées

des valeurs, des normes, et des attitudes, que l’on retrouve globalement ou en partie, chez les

autres. »

158. Cette variabilité offre une richesse d’informations.

L’évaluation des ressources sociales et professionnelles pour la thèse échantillonna par conséquent, et naturellement, l’étude vicinale des officiers. Il s’agira la plupart du temps de témoignages d’officiers ayant fait les écoles de l’air, de terre (Coëtquidan Saint Cyr l’école), de la marine (Ecole Navale) et ayant atteint un certain grade dans la chaîne de commandement (Ecole de Guerre, pour la plupart des témoins de la seconde vague de témoignages). C’est ainsi que la recherche aboutit au Haut Commandement (officier supérieur).

157 Issu de l’Ecole de la Marine Nationale en presqu ‘Ile de Crozon, dite La Baille. 158 Ibid/ Léon Marie-Hélène, page 272

Qu’est-ce qu’un officier supérieur ?

Dès lors, les sujets d’étude furent les officiers supérieurs. Pour rappel, les grades dans l’ordre ascendant sont :

- dans l’armée de terre et l’armée de l’air françaises : les commandants, les lieutenants- colonels, les colonels, les généraux.

- dans la Marine nationale française : les capitaines de corvette, les capitaines de frégate et les capitaines de vaisseaux, les amiraux.

- dans la gendarmerie nationale française, les chefs d’escadron, les lieutenants-colonels, les colonels et commissaires.

Choix des entretiens

A l’origine, deux critères officiels prévalaient : l’accord du directeur de thèse, et l’accord des directions du lieu d’enquête.

La recherche de terrain s’est construite laborieusement. Qualifié de potentiellement subversif par certains officiers, le chemin fut complexe et abscon. Les premières démarches administratives respectèrent le circuit hiérarchique. De multiples refus émanèrent des différentes autorités militaires, rayant ainsi la possibilité d’enquête sur un lieu précis. En effet, les nombreuses lettres adressées aux autorités et différentes instances militaires, pendant un an de 2011 à 2012, dans une approche officielle, comme un « bon petit soldat » dixit M. Dezeuze, aboutirent systématiquement à des réponses négatives.

Devant ces faits, cette remarquable rectitude de refus itérés159 attestant d’un mécanisme de défense institutionnel, l’étudiante aurait pu reculer, abandonner, apaisant ainsi la sensation de compoction en rédigeant une thèse uniquement théorique… En effet, le terme Grande Muette se mesurait au nombre de rejets officiels. Dans les mêmes années 2012/2013, plus précisément en février 2013, l’IRSERM organisa à Paris un colloque sur la difficulté de l’armée à s’ouvrir à la recherche !

L’avantage fut de transformer cette thèse ainsi qualifiée à l’origine de « subversive » en travail démiurge au sens indépendant du terme en grec, libérant ainsi l’étudiante de toute contrainte du silence. Le refus de prise en charge financière en contrat doctoral par l’IHEDN affranchit totalement la pensée... Ainsi, sans ressource spécifique, comme nombreux étudiants, et nombreux travaux en France, cette recherche fut auto financée.

159 La demande de rapprochement du groupement de gendarmerie de Toulouse, de la Direction du service de santé des armées, du centre de recherche … la demande de mener une enquête au sein du 3ème régiment de parachutiste de Carcassonne, du groupement de Perpignan… essuyèrent un refus écrit et/ou oral.

Temps, patience, et relations, permirent l’obtention de témoignages oraux dont les traces écrites devaient répondre aux critères donnés par l’éthique de recherche (anonymat, neutralité…) et les conditions militaires (entretiens enregistrés mais non accessibles en ligne et sécurisés hors d’un ordinateur, transcription transmise à chaque témoin pour validation et accord d’exploitation).

Choix du type d’entretien : l’entretien conversationnel

La psychanalyse est adepte de l’entretien individuel, à l’instar de ce que disait Sandor Ferenczi :

« La psychanalyse nous a appris que ce n’est pas tant l’exploitation statistique

d’un grand nombre de cas que l’investigation approfondie de cas individuels qui peut

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