• Aucun résultat trouvé

passe de là à l’entendement et s’achève dans la raison, au dessus de laquelle il n’y a rien en nous de plus élevé pour élaborer la matière de l’intuition et pour la ramener à l’unité la plus

haute de la pensée. » »

(Paturet, 1990 : 43).

L’intégration de l’inconnu et de l’inconnaissable

Intuition vient du mot

intuire

c'est-à-dire voir à l’intérieur et

intuitio

c'est-à-dire acte de voir en seul coup d’œil (vision panoramique par connaissance directe). Dans ce cas, l’inconscient est au même titre que le phénomène extérieur, quelque chose d’inconnu : il est « inconnaissable ». L’armée va donc essayer d’agir sur cet inconnaissable en tentant d’en connaître et d’apporter le maximum d’informations et de symboliques. Inconnaissable peut signifier aussi immaîtrisable85. On ne peut pas prévoir exactement ce à quoi va être confronté le militaire. Mais, il s’agit d’y introduire des représentations particulières, et de créer le hamac de soutien symbolique. Il est donc possible d’instiller une symbolique dans l’Autre, sans qu’il se la représente, ou qu’il s’en aperçoive (Kant86) (manipulation protectrice, mais pour qui ?).

84 (Paturet, 1990 : 44)

« Kant précise : « notre connaissance dérive dans l’esprit de deux sources fondamentales : la première est le pouvoir de recevoir les représentations, la seconde celui de connaître un objet au moyen de ces représentations. Par la première, un objet nous est donné ; par la seconde il est pensé en rapport avec cette représentation. Intuition et concepts constituent donc les éléments de toute notre connaissance » ; ce qui conduit Kant à la conclusion « des pensées sans contenu sont vides »»

85 (Paturet, 1990 : 46)

« Kant distingue trois éléments dans l’analyse du réel. Le sensible brut, c’est à dire le monde tel qu’il est donné, puis le phénomène, c'est-à-dire ce qui apparaît, et le noumène, c'est-à-dire les choses pensées. Le phénomène désigne la manière qu’ont les objets d’appartenir à notre représentation. Le phénomène apparaît dans l’espace et le temps qui sont les formes à priori de notre sensibilité. Il s’oppose à la fois au donné sensible brut et au noumène. Ce dernier qualifie ce qui est conçu par l’esprit au-delà du phénomène sans qu’il puisse être connu. Il signifie la chose – en-soi (Que Freud compare à l’inconscient), hors des catégories de l’entendement et des formes à priori de la sensibilité. On pourrait dire hors du champ possible de ma représentation car il est indispensable qu’une chose soit en nous, sans être représentée par nous. Ce que sont les choses-en-soi, il ne nous appartient pas de les connaître »

L’armée organiserait donc par la notion de cohésion à tout prix, la présence permanente, l’omnipotence du père, l’impossibilité symbolique de l’absence, pour pallier à cette détresse, par la permanence de l’officier. Elle remettrait le sujet en position d’infans, sans défense, sans pare- excitation, et viendrait créer un

pare excitation artificiel en la

représentation du supérieur hiérarchique

. Cela n’est sûrement pas suffisant, puisque les

traumatismes existent toujours. Mais, cela semble rendre possible la continuité du commandement.

La fonction clinique de l’institution militaire serait donc de permettre l’accès au monde symbolique, processus de maturation de l’individu et donc de professionnalisation : comment passer de l’identification à la différenciation ? En d’autres termes, pour

reprendre Legendre87 : repensons la fonction clinique de l’institution militaire.

Est-il réellement possible d’agir en avance sur ce pare excitation et l’entraîner, le préparer ? Comment l’institution militaire empêcherait la castration symbolique nécessaire au processus de développement de l’individu ?

En quoi l’officier se différencie t’il ?

L’officier, comment dissocie t’il pour se protéger, et à la fois dialectise t’il pour porter ?

87 Laisser le juge jouer son rôle de père, plutôt que contre carrer son autorité par une médicalisation des procès et une déresponsabilisation des jugés. Cette médicalisation, en toute première intention veut défendre le jugé, mais va empêcher le processus de maturation en bloquant l’individu dans une étiquette de folie.

1.5/ L’EVENEMENT/LES CONFLITS PATHOLOGIQUES/LE

TRAUMATISME

1.5.1/ Psychiatrie de l’Avant et psychanalyse, histoires du front

Comment la psychanalyse s’intéressa-t-elle au traumatisme ?

Comment l’armée s’intéressa t-elle à la psychanalyse et la psychanalyse s’intéressa t-elle à l’armée ?

La psychanalyse naquît officiellement vers 1880, et s’inspire largement d’une synthèse des divers courants philosophiques antérieurs. Les théories psychanalytiques initiales sur le sujet élaborées dans les années 1880, 1900, dès le début de la psychanalyse par Breuer et Freud, considéraient tout évènement qui fait impact sexuel sur le sujet comme processus psychotraumatisant. L’idée principale est que tout sujet vit des traumatismes psychiques, plus ou moins bien acceptés, gérés. Le premier étant celui de la naissance.

Vers 1883, naquît la

cure de parole

ou

talking cure

par Breuer, que Freud reprit en utilisant les notions de transfert et de contre-transfert. Vers 1886, Freud, médecin neurologue développa la technique d’

association libre.

Freud et Breuer continuèrent de collaborer et travaillèrent sur la méthode cathartique. Freud participa à la création d’une Société Psychologique visant à rassembler les praticiens en psycho-analyse. En 1908, se créa le 1er congrès international de psychanalyse. Finalement, très vite, soit vers 1910, des tensions fissurèrent l’entente des principaux adeptes de la psycho-analyse. Les médecins psychiatres comme Pierre Janet, critiquèrent ouvertement cette méthode. Les protagonistes se séparèrent et créèrent leurs propres « écoles ». Jung en sera un exemple célèbre. Toute l’histoire de la psychanalyse est ainsi parcourue de séparations…

Cette partie vient principalement explorer et comprendre le processus du traumatisme (étiologie, pathogénie…) et en extraire des informations pratiques à travers les champs de la psychiatrie88 militaire, et surtout psychanalytique… En effet, il existe une véritable approche clinique du sujet traumatisé dans un contexte de guerre, qui constitue un champ sémiologique. Il ne s’agit pas ici, de raconter toute l’histoire de la psychanalyse, mais de retourner sur ses premières traces…

Lors des guerres du siècle dernier, les chefs des armées anticipèrent les pertes possibles (morts, blessés physiques) mais sous-estimèrent largement les pertes humaines par atteintes

88 PTSD (désordre de stress post traumatique), état de stress immédiat, queue de stress, développement de symptômes et conversions hystériques, névroses voire psychose… La psychiatrie militaire ici comprend l’ensemble des théories et pratiques médicales, psychologiques, psychothérapeutiques mises en œuvre dans la prise en charge du militaire dans le passé, présent, futur.

psychiques. La « psychiatrie de l’avant », spécialité de médecine militaire sur le théâtre d’opérations, soit à la guerre, préconisait la prise en charge au plus près et au plus vite des blessés de guerre. En Amérique, la guerre de Sécession (1861- 1865) fut l’objet de premières statistiques des blessés psychiques :

« Le neuropsychiatre Silas Weir Mitchell dénombra

quelques 5 213 cas de « nostalgie » dans les rangs de l’armée nordiste au cours de la

première année de campagne ».

(Piketty, 2010 : 11). Ainsi, ces blessures s’appelèrent d’abord

nostalgie

(étymologiquement, la douleur du retour), puis

névrose traumatique

en 1889 par Herman Oppenheim (psychiatre allemand, 1858-1919). Mais ses explications neurologiques furent fustigées89. En effet, la conceptualisation, qualifiée de

fumeuse

par Ferenczi (Ferenczi, 1918 : 103), comparait l’effet du traumatisme à un noyau de fer chargé d’énergie magnétique pour illustrer un excès d’excitation provoqué par le traumatisme sur le cerveau…

Selon William Stern, psychologue allemand (1871/1938),

« la situation du militaire actif est

particulièrement propre à favoriser l’apparition des névroses étant donné les répressions

Outline

Documents relatifs