• Aucun résultat trouvé

de nom du père (séparation) Le père est un point de capiton du matelas La fonction paternelle fait nœud Si on enlève cette fonction, le matelas est cassé ».

73 Ainsi, toute personne ne peut rester sur un seul membre inférieur (castration, amputation de soi) sans perte d’équilibre rapide. Il y a obligation soit de reposer le pied, soit de se tenir, soit de mettre une prothèse (chercher équilibre avec une substitution), soit de rester assis (pas de recherche).

Dans l’armée, cette fonction paternelle tisse des liens qui viendront se poser sur le tissu de la psyché afin de limiter les risques de ruptures lors de traumatismes. D’une certaine manière, l’armée se rapproche de la psychanalyse freudienne :

D’une part, car elle travaille sur la mort. La mort est le début et la fin, et nous menace en permanence, on ne peut lui échapper, on peut juste vivre avec cette idée. D’autre part, car elle se fonde sur un modèle patriarcal. En effet, la caserne institue le père : le

Nom du père

comme loi interdit la jouissance et en tout cas y pose des limites74. Freud croyait au

Nom du Père

qui représente la limite, la Loi. Dès le deuxième topique, avec l’élaboration du

Moi, Ca, Surmoi

, le père fait référence au

Surmoi

, levier entre autorité et culpabilité. Le

Surmoi

, est

l’expression

de la loi, du père, qui fait sortir de la confusion

(Paturet, 1990 : 94) alors que pour Nietzsche, le

Surmoi

était mauvais et pathologique. Le

Nom du père

est universel : il établit l’ordre et le garantit, et à la fois il n’existe pas, il n’est pas palpable. Il est inexistant concrètement, et obligatoire psychiquement. L’institution jouerait ce rôle, par une réalité contraignante, une discipline ferme, et au-delà, dans l’instauration de l’idée d’un Ordre supérieur (vaquant entre notion de hiérarchie et dimension spirituelle).

Ainsi, l’Ordre opèrerait… sans cesse… chez le militaire. La caserne, comme organisation socio-professionnelle persistante dans la vie privée du militaire, et représentante de l’institution militaire, tiendrait place de

Nom du père

, ou en tout cas une fonction paternelle. La caserne assume donc une fonction protectrice et identitaire.

La fonction du père : séparer le désir de la jouissance.

L’objectif d’instaurer un espace de vie psychique, qui permet d’être traumatisé par le fait d’avoir tué plutôt que rester dans la jouissance de tuer, dans

l’ubricité, la démesure et la

diaphorie morale

(Paturet, 2009 : 50), forme de pulsion qui n’est plus maîtrisable, et que JB Paturet nomme

renoncement pulsionnel levé

(Paturet, 2009 : 50). La perte de cet espace fait basculer et fait rechercher cette jouissance sous un mode pulsionnel non maîtrisé. Le père vient poser l’interdit, afin de ne pas basculer dans la jouissance, ou la toute puissance. Cette fonction essentielle et renforcée du père dans l’institution militaire viendrait sauvegarder le militaire de sa jouissance (jouissance de tuer), en instaurant le

Nom du père

Pour le militaire, cela va permettre de faire la différence entre le désir de tuer (Paturet, 2004 : 21) et le jouir de tuer. L’armée ne peut se permettre de fabriquer des tueurs incontrôlables. L’officier en est le garant.

74 Dans cet espace peut naître le désir. Le nom du père induit la castration comme libération de l’être, la création d’un espace de vie. La jouissance, elle, va vers la pulsion de mort.

Le sujet institué par l’institution et la fonction paternelle de l’officier

Finalement, étudier le comportement des individus dans la cité développe la compréhension de la psyché (Dezeuze : 3), étudier un groupe (sociologie) développe la compréhension de l’individu, étudier un ensemble permet de comprendre l’Un (Lacan).

Le père, les parents ont donc autorité par la négativité qu’ils créent en leur enfant : en créant un manque, ils le poussent à se compléter et se remplir. Le sentiment d’incomplétude serait donc la base de l’évolution individuelle et sociétale. L’institution militaire doit donc faire

office de référence parentale et amener petit à petit sur le chemin de la permutation symbolique des places, le militaire qui a mûri son positionnement professionnel. Ceci n’est accessible que pour le sujet ayant suffisamment grandi dans l’institution (maturité et sens des responsabilités).

L’armée transmettrait le respect du pacte social.

Le montage de la filiation se ferait donc par un positionnement de l’institution militaire comme sacrificatrice (lie et délie), socialisatrice (inscrit dans le pacte social).

En aucun cas, il ne peut y avoir retournement : le militaire fera un jour office de référence parentale, mais ne prendra cette place que si elle lui est attribuée. En effet,

le sujet est institué

par l’institution

: L’inconscient individuel et collectif nous place en « enfant de » : le militaire est enfant de son institution, fils dans sa caserne. Il ne peut donc pas y avoir de positionnement autogène spontané. La fonction militaire et la fonction de commandement

se mûrissent, elles sont les fruits d’un processus.

L’armée normative contient la psyché du sujet, en actionnant la Raison sur un plan

concret, réel et imaginaire, et en jouant sur les élaborations généalogiques et les aménagements de sa structure de personnalité. D’après tous les chapitres précédents, l’armée viendrait combler un manque de l’individu en faisant référence (elle fait croire à une complétude du manque), et blocage (sur une identification au père).

En quoi l’institution militaire légitimerait le Tuer, tout en préservant le Bien en l’homme ? Les éléments de réponses sont complexes : fonction clinique paternelle, institutionnalisation du sujet comme individu et militaire, affirmation, restauration ou réparation de l’identité, clarification de la loi, de l’interdit de l’accès à la toute puissance tout en maintenant le mythe… voilà de nombreux rôles que l’institution militaire accomplit.

Ainsi, donc, l’institution militaire crée et maintient le militaire dans un rôle d’élément obéissant. Elle le formate, le conditionne. Elle le rassure et l’intègre dans un corps

communautaire. Elle s’appuie pour cela sur le mythe du sauveur, et la référence au père ; elle entretient la croyance en une dette imaginaire et symbolique. La communauté militaire s’appuie sur la discipline et la cohésion. Elle transforme, en utilisant un besoin d’identification à une communauté, un

Moi

primaire fragilisé, en recherche de sécurisation et d’identification. Elle fait croire au militaire qu’il est le sauveur. Ainsi, il est prêt à

Mourir

pour la patrie

. Et paradoxalement, actuellement, le militaire formé à

Mourir pour la patrie

, est de moins en moins prêt à vivre le traumatisme de la guerre…

L’institution militaire vient se porter garante d’un respect et d’une transmission du pacte social. Elle ordonne le militaire comme sujet de lui-même et de l’institution. Elle vient établir son identité, en lui permettant de se socialiser, de se professionnaliser. Elle joue donc une fonction clinique. En effet, comme tout professionnel, le militaire est en quête d’une réparation et d’une valorisation de soi. Ainsi, l’armée vient combler un manque. Elle institue le militaire comme fils, d’abord, et l’inscrit donc, dans une généalogie.

1.4/ LA FONCTION CLINIQUE DE L’ARMEE

1.4.1/ La fonction clinique instituante et socialisante de l’armée

« Je me demandais si l’abnégation de soi même n’était pas un sentiment né avec

nous ; ce que c’était que ce besoin d’obéir et de remettre sa volonté en d’autres mains,

comme une chose lourde et importune ; d’où venait le bonheur secret d’être débarrassé de ce

fardeau, et comment l’orgueil humain n’en était jamais révolté. Je voyais bien ce mystérieux

instinct lier, de toutes parts, les peuples en de puissants faisceaux, mais je ne voyais nulle

part aussi complète et aussi redoutable que dans les Armées la renonciation à ses actions, à

ses paroles, à ses désirs, et presque à ses pensées ».

(Alfred de Vigny, 1835 : 51)

L’exemple,

Le crime du caporal Lortie, Leçons 8, traité sur le Père

. Legendre

Le caporal Lortie appartenait à l’armée canadienne. Il était marié et père lorsqu’il demanda une permission pour aller voir sa famille. Mais, cette permission fut refusée. Connu comme un très bon élément, il décompensa : le 8 mai 1984, il entra dans les locaux du gouvernement québécois, tua trois personnes et en blessa huit autres. Puis il s’assit dans le fauteuil du président de l’Assemblée Législative. Un ancien officier de l’armée, travaillant à l’assemblée réussit à le calmer, et lui permit de se rendre, en faisant rappel de l’Ordre militaire :

« la

référence militaire, et le cadrage par le règlement jouent à ce moment un rôle déterminant

Outline

Documents relatifs