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seconde génération le vit comme innommable, la troisième comme irreprésentable »

En 1985, Claude Janin répertoria les traumatismes en

noyaux froids et chauds

. Il découpa trois temps : tout d’abord, les besoins de l’enfant n’ont pas été respectés ou reconnus, l’enfant subit. Le sujet est marqué par une carence, une faille narcissique, le

noyau froid

. Ensuite, la phase de puberté avec sexualisation du sujet réactive les besoins et carences vécus par l’enfant, le

noyau chaud

, enfin après la puberté, les deux noyaux subsistent concomitamment et ne sont pas gérés. On retrouve les humeurs paradoxales qui avivent le clivage évoqué par Ferenczi. Cette explication de

noyaux chauds et froids

rejoint la notion de

coup

et d’

après

coup

.

En l’absence d’attention psychique, de relation vraie et voulue, il se produit une fuite de la relation pour l’enfant. Ce peut faire un impact traumatique primaire. L’évitement psychique de l’adulte produit un évitement actif de l’enfant. Ceci montre comment la relation transférentielle agit et quelle importance elle revêt. On retrouve cette notion transférentielle dans le soin …

Le traumatisme a besoin d’une action extérieure pour venir faire mur,

pare excitation

de cet évènement, de l’excitation qu’il engendre et procure. Cette protection extérieure aide au développement de défense intérieure, sinon l’excitation, l’excès du trauma va transpercer le

Moi

, dévaster toutes les défenses.

C’est dire combien la considération du traumatisme et du sujet qui le vit va influencer le devenir... La personne traumatisée, sans aide extérieure a l’impression, le sentiment d’être un objet dont les autres peuvent disposer à leur gré. Elle n’investit pas ou mal la relation à l’autre

car persuadée que quiconque, puisque extérieur, est un utilisateur, ou un persécuteur. Donc l’intervention, et en tout cas, l’attention positive de l’autre, va jouer un rôle primordial dans son rapport à elle-même : comment se différencier de l’objet qu’elle croît être, et par effet d’onde, comment ne pas être l’objet de l’autre ?

Un traumatisme postérieur peut provoquer un séisme psychique (vive détresse très vite réactivée), révéler une chaîne traumatique (enchaînement des traumatismes), générer des réactions cliniques, élaboration du symptôme traumatique.

« Rien de ce qui s’est formé

dans la vie psychique ne peut disparaître, que tout s’y conserve d’une manière ou d’une

autre, et peut, dans des circonstances idoines, être remis au jour »

(Freud, 1930 : 105). Mieux vaut rester vigilant sur cette réactivation potentielle et potentiellement dangereuse.

La chaîne traumatique ferait toujours écho à un évènement précoce, primaire, alors que le

sujet n’était pas prêt, alors que les capacités physiques, psychiques n’étaient pas assez développées pour cette expérience. Le traumatisme ferait donc retour sur une expérience pour laquelle le sujet était alors « immature », et s’est retrouvé inapte, décalé, clivé. Il y a donc une notion de « trop » : trop tôt, trop dur, trop violent … qui se réactive.

Tout évènement violent ne fait pas traumatisme : différencier l’événement à potentiel

traumatique du traumatisme, avec relativité et subjectivité. En effet, le potentiel psychotraumatisant d’un événement dépend du décalage entre la rencontre d’une réalité différente (horreur, souffrance, mort…) par rapport à un contexte de vie et un idéal existant et porteur jusqu’alors pour le sujet.

Donc on peut scinder la répercussion de l’évènement violent en trois types : en premier, l’évènement est sidérant, le traumatisme réel aberre le

Moi

; en second, l’évènement est refoulé, ou dénié mais aberre le

Moi

au travers de créations de mécanismes de répétition visant à protéger le

Moi

, et, déployer le

Surmoi

; en tertio l’individu est apte à gérer l’évènement, le

Moi

déjà équilibré et suffisamment fort ne se trouble pas.

Les chefs militaires se placeraient-ils dans cette dernière possibilité ?

Le chef militaire vivrait des évènements à potentiel traumatique qu’il supporterait. En effet, il séparerait les conflits émergents, qui pourraient générer la culpabilité. Exemple : Élevé selon le pacte social, en tant que citoyen français (tu ne tueras point…) ; en mission, il peut être amené à faire exactement l’inverse. Comment tenir dans ce paradoxe ?

Les avantages du modèle patriarcal militaire serait de permettre au sujet de ne pas basculer dans la jouissance, dans le

« renoncement pulsionnel levé »

(Paturet, 2009 : 50), et de

différencier le

désir de tuer

(Paturet, 2004 : 21) et le jouir de tuer. En effet, le passage à l’acte pulsionnel, non maîtrisé peut devenir dangereux, comme une forme de pulsion qui n’est plus maîtrisable. La perte de cet espace fait basculer et fait rechercher cette jouissance.

Le psychotraumatisme est bivalent car il rappelle au sujet qu’il est en vie (éveille la croyance au plaisir de vivre malgré ce vécu) donc il est une preuve de santé psychique tout en étant un signal de détresse par les souffrances infligées …

Dans l’armée, cette ambiguïté se fait paradoxe utile. Mieux vaut instaurer un espace de vie psychique qui permet d’être traumatisé par le fait d’avoir tué plutôt que rester dans la jouissance de tuer :

« Désamorcer les fantasmes de meurtre en dessaisissant le sujet de la

pulsion meurtrière, déléguée de la sorte à l’espace divin. Il s’agit en somme de faire passer le

sujet humain, grâce à l’écart institué, du registre de l’agir à celui de la parole ». (Legendre,

1989 : 32)

La béance narcissique du traumatisme

Le traumatisme crée des failles, des béances narcissiques qu’il est extrêmement difficile pour l’individu de venir refermer, colmater. Certains n’y arrivent jamais et se tournent vers la pulsion de mort (destruction, fixation…), d’autres survivent et d’autres surnagent en se pensant fous.

Le traumatisme vient effracter la psyché, il vient faire un trou (Lacan), noir, aspirant toutes les nouvelles idées, les possibilités. Il ne se représente pas, il se subit. Il n’y pas de symbolisation. Ce trou est une fissure de la psyché, un clivage, une coupure inaccessible. Elle est subite et subie, elle n’est pas voulue. Elle ne se maîtrise pas, elle se vit. Elle coûte. C’est le vide symbolique, et le trop plein sensoriel.

En fait, le sujet se prive de l’élaboration intellectuelle de son ressenti, ses émotions, ses perceptions, tout ce qui est de l’ordre des sens. Il ne le fait pas intentionnellement, ou consciemment, c’est un mécanisme de défense. Il se coupe de ses possibilités de symbolisation. Il se sacrifie pour maintenir en vie ce vécu traumatique. C’est un

contrat

narcissique

,

état de dépendance évoquant un fonctionnement masochiste

(Roussillon,

1999).

La question qui vient est : quel traumatisme associé à quel processus psychique ? Cette question du processus psychique consécutif au traumatisme est primordiale.

1.5.4/ Conversion sur le corps du traumatisme

La conversion sur le corps, car le corps est un langage universel

Le corps est un langage universel : il montre le temps qui passe, les conditions de vie, le rapport à la vie et à la mort. Le corps peut être considéré comme un objet, un outil, un transporteur, vénéré ou détesté. L’individu s’explique rarement le pourquoi du rapport à son corps : pourquoi il l’entretient, le fait souffrir… Le corps est organique, matériel, il est chair, il procure jouissance et douleur, il procure le paradoxe, l’ambivalence que chacun apprend plus ou moins à gérer, à supporter, ou ne l’apprend pas, ne le supporte pas.

Le corps somatise : il montre au travers d’un objet chair les problèmes. Le corps est le reflet du sujet, de l’intérêt qu’on lui porte, traducteur de la vie psychique. Il se donne à voir : il se rend intéressant, il est intéressant. Le corps est là, incontournable, il nous fait ETRE, être humain. Il parle, il signifie, il marque, il porte, il traduit. Il donne des informations sur la personne !

Le corps, nous le maîtrisons ou, où, il nous échappe.

Le corps, langage à traduire

Le corps est langage, communicant et parfois médicament : libérateur, calmant, il extrait les énergies internes angoissantes et les extirpe du sujet, les transforme en signes corporels ou paroles, les évacue.

Ainsi, le corps fait vivre la pulsion de vie et de mort. Il les entrelace. Il anime le sujet, et montre en s’animant, qu’il est. Le corps vient signifier l’attachement des personnes à une autre dimension, celle de l’invisible, celle du dicible ou indicible, celle de l’inconscient, de l’histoire.

Le traumatisme et notre rapport au corps

Le corps est un lieu de médiation des différentes instances psychiques

. « Le corps est donc un

lieu pour y être, mais il ne préjuge pas entièrement de comment on y sera. L’histoire du sujet

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