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surmoi rigoureux et le moi qui lui est soumis, nous l’appelons la conscience de la culpabilité » (Freud, 1930 : 176).

La notion de bien et de mal se rattache davantage à la notion de justice, de droit, en Occident. La culpabilité se vit en fonction de la culture dans laquelle on vit et de la justice qu’elle applique. Ainsi, la culpabilité n’est pas issue d’un sentiment propre au sujet. Elle n’est pas un ressenti inné, elle est de l’ordre de l’acquis. Elle est un sentiment inculqué et associée à une peur inconsciente de la perte. D’après Freud, la culpabilité ne pouvait naître sans le sentiment d’amour. Ce qui se joue derrière la culpabilité, c’est donc encore et à nouveau, le rapport au manque, à l’incomplétude qui fonde l’être. Et le sentiment de manque s’élargit en grandissant du cercle parental au cercle social. Ainsi, Freud reconnaissait un seul moteur la peur et

« deux origines au sentiment de culpabilité : la peur de l’autorité et la peur du

surmoi »

(Freud, 1930 : 184). L’un étant extérieur, l’autre étant intérieur, la pression est donc multiple.

La culpabilité a donc de quoi envahir l’individu qui va peut être même chercher à se punir avant d’avoir fait quoi que ce soit de mal comme pour prévenir l’angoisse de perte générée par l’augmentation du sentiment de culpabilité. La puissance du

surmoi

peut donc vite venir emprisonner, et empoisonner la vie du sujet.

Cette conscience de la culpabilité se montre par l’envie d’être puni, ou de subir… (cycle sado masochiste), ce qui aurait pour effet de lever un temps donné, ce sentiment de culpabilité. La circularité entre violence, culpabilité, punition serait sans fin : l’action/ réaction soulagerait les tensions internes transitoirement. Selon Freud, la culpabilité se distingue de la notion bien/mal, elle-même trompeuse et binaire. En effet, contrairement aux croyances populaires que le bien fait le bien et le mal fait le mal, l’expérience intérieure

montre que le bien peut faire fuir et le mal peut faire plaisir. Il n’est donc pas possible de se fonder sur les notions de bien et mal issues d’une culture religieuse moralisatrice, lorsqu’on analyse la psyché.

Comment l’officier peut-il gérer sa culpabilité ?

Se libérer en partie de ses pulsions évacue les tensions, mais il faut savoir contrôler ses pulsions, soit les extérioriser socialement de manière adaptée et convenable. Freud affirmait

« cette proposition paradoxale : la conscience morale est la conséquence du renoncement aux

pulsions »

(Freud, 1930 : 186). Alternance entre Eros et Thanatos, la culpabilité est

« l’expression du conflit propre à l’ambivalence »

(Freud, 1930 : 192).

La vie en groupe génère toujours des pulsions d’agression, et des pulsions infantiles d’amour. Ce qui commence avec les parents se continue dans la société : les interactions sociales construites naturellement sur l’ambivalence entre amour et haine sont à l’origine d’un sentiment de culpabilité, mais le renoncement aux pulsions d’amour et de haine est à l’origine de la conscience de moralité. A l’échelle communautaire, comme à l’échelle parentale, quelqu’un représente toujours l’autorité nécessaire à la régulation des ambivalences. Si l’officier est garant d’une conscience morale du groupe, et représente

l’institution, il s’assure alors des renoncements aux pulsions agressives incontrôlées, de la masse, et, en tout cas, maîtrise ses propres pulsions agressives, afin de pouvoir symboliser, à sa hauteur d’Homme, la conscience morale. Il ne peut donc y avoir

d’officier, qui sache gérer sa culpabilité, sans sujet qui ne sache gérer ses propres pulsions :

pour commander, la pression sociale et la pression surmoïque seraient appréhendées et gérées sinon confortablement, du moins avec assurance.

L’économie de la culpabilité pour l’officier

La place d’officier, permettrait-elle, par identification à l’autorité paternelle, d’économiser la charge tensionnelle de la culpabilité ? :

« il intègre par identification cette intangible autorité

qui devient le surmoi ; ce dernier s’approprie la totalité de l’agressivité que l’enfant eût

volontiers exercée contre cette autorité »

(Freud, 1930 : 187). La place de chef amortirait les pulsions d’agressivité envers l’autorité, puisque l’officier l’incarne lui-même. La peur par rapport à l’autorité extérieure serait moindre, et l’autorité de son propre

Surmoi

serait régulable et probablement meilleure qu’un sujet lambda de la masse militaire.

De la culpabilité à la responsabilité

L’officier, veillant sur ses ouailles, serait extrêmement attentif aux fluctuations émotionnelles des sujets du groupe. Il connaîtrait ses troupes et flairerait l’état moral général, afin d’appréhender les risques d’échappement des sujets, qui pourraient être néfastes pour la protection du groupe. L’officier connaîtrait ses propres ambivalences afin de pouvoir mieux évaluer et gérer celles des autres. Alors, l’officier, veilleur attentif, se sentirait plus responsable que coupable.

De l’attention à l’autre

En résumé, à l’heure où les médias sont partout, et la communication omniprésente, où les machines prennent les places des hommes dans de nombreuses fonctions (drones à la place de pilotes de chasse…), rien ne peut remplacer la relation humaine entre les sujets, et surtout rien de ne doit éloigner le chef de la relation avec les hommes qu’il commande. Faire du sujet un automate, sans maintenir la parole et la relation serait un gain de vie (pas de pertes humaines physiques) mais une perte de la nécessaire gestion de la culpabilité, laquelle, dans la perspective freudienne, est grandement liée à la conscience morale, gardienne d’un respect du pacte social.

Si Freud avait

« l’intention de présenter le sentiment de culpabilité comme le problème le plus

important de l’évolution de la civilisation

» (Freud, 1930 : 194), lever ces processus

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