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pulsions sexuelles qui s’expriment dans la formation du symptôme, et que la névrose découle du conflit entre le Moi et les pulsions sexuelles qu’il repousse » (Freud, 1919 : 36) La

sexualité ne se définit alors pas comme rapport sexuel (génital) mais comme synergies d’énergies primaires. Or, limiter le traumatisme à uniquement une approche sexuelle paraît totalement insuffisant. Pour Freud, le traumatisme serait donc un évènement oublié, ou refoulé, ou dénié que l’analyste et le patient recherchent ensemble. Mais, en aucun cas, retrouver ce traumatisme, ne le résoudrait.

Bilan de ces travaux sur le traumatisme de guerre

La psychanalyse, dans ses prémisses eut fort à faire avec l’armée, et pour l’armée. Le travail sur les névroses de guerre s’est donc imposé aux psychanalystes et a permis des constructions théoriques sur l’inconscient, la pulsion, les conflits psychiques.

Le traumatisme n’est pas lié qu’à l’événement extérieur vécu mais à une subjectivité du sujet et une relativité selon la culture, le ressenti et l’horreur du conflit. L’effroi ne suffit pas à faire traumatisme, ni à générer une névrose de guerre. L’idée du traumatisme primaire infantile et celle de la chaîne traumatique persistent.

A la question militaire : Comment prendre en charge ces blessés pour les rendre à nouveau opérationnels ? La psychanalyse demandait : Comment voir les blessures invisibles ? Comment prendre en charge ces scarifications inconscientes ? Quelle violence infligée et subie ? Peut-on se défaire de cette violence ?

A la psychiatrie qui traitait ces malades de simulateurs et les traitait par électrochocs (sismothérapie, alias électroconvulsivothérapie), la psychanalyse demandait : pourquoi rajoute t-on de la maltraitance à un sujet déjà abîmé ?

Les dispensaires de proximité créés pendant le conflit disparurent, comme si la fin de la guerre signifiait la fin des troubles psychiques, et en tout cas, fin des prises en charge par le gouvernement. Plus besoin de combattants, plus besoin de soignants de combattants. Freud déplora ceci, certain que d’autres guerres adviendraient. Au sortir de la guerre, il décida d’étudier à nouveau le traumatisme. Il développa la notion de pulsion de mort et répétition. Les psychanalystes furent ensuite sollicités en tant qu’experts dans les démarches post-guerre de reconnaissances d’invalidité pour des attributions de rentes. Les psychanalystes furent et… sont encore le « poil à gratter » de l’armée et de la psychiatrie. Ils reposèrent encore les questions différemment : Plutôt que rentabiliser l’homme blessé, comment lui restituer une place dans la société, sa place de citoyen, de sujet ? Au-delà de la reconnaissance attribuée par les autorités et les proches, que faire de ce vécu de guerre ?

Malgré la guerre et les retours d’expériences, les pratiques soignantes furent peu modifiées. Les traitements électriques94 se développèrent davantage. Bien souvent, les blessés psychiques furent considérés comme des simulateurs. Entre 1918 et 1938, les blessés de guerre furent, pour la plupart, hospitalisés à vie, ou rejetés dans le monde civil sans aucun accompagnement.

Toutes les conceptualisations issues de cette guerre furent en réalité ignorées par les gouvernements, les armées, et le corps médical. Les névrosés de guerre dérangeaient en fait tout le monde.

La guerre de 1939/1945 et les suivantes n’épargnèrent pas l’Homme95. Cette guerre, annoncée par Freud, Einstein… fut l’objet d’un déni majeur des autorités françaises, et des français. Même les philosophes comme Merleau Ponty ne voulaient pas y croire (Il écrivit par la suite

Et pourtant, la guerre arriva

). Ainsi, les retours d’expérience ( RETEX) ne furent pas utilisés et les pertes humaines liées à des décompensations psychiques ne furent ni pré-évaluées, ni prises en considération à leur juste mesure. Si les militaires ne furent pas mieux pris en charge, des réflexions furent menées sur les névroses de guerre des civils. Il fallut attendre ensuite l’œuvre de Wilfred Bion, médecin qui fit la guerre avant ses études, pour voir la psychanalyse se repencher sur la question du traumatisme et la prise en charge des blessés. Mais depuis, peu de psychanalystes se sont intéressés à cette question, alors que la guerre est toujours présente sur une grande partie du globe.

Les conflits ultérieurs d’Indochine, d’Algérie… pour lesquels les hommes se déplaçaient sur d’autres terres, furent marqués de sentiments d’insécurité, d’éloignement… Louis Crocq, psychiatre militaire français, parle aujourd’hui de

névroses de guérilla.

94 En 1920, Freud est appelé comme expert dans le procès du psychiatre Julius Von Wagner-Jauregg jugé pour des soins qualifiés d’inhumains, c'est-à-dire pour les soins par onde électrique sur les blessés psychiques de guerre. Il n’y eu pas de condamnation. Freud aurait modéré ses propos…

95 Les témoins des camps de concentration raconte bien que revenir des camps et être témoin des horreurs vécus, était déjà en soi une violence infligée aux autres qui se fermaient, et ne voulaient pas entendre ces récits morbides. Nombreux témoins précisent être l’objet d’évitements. Les rescapés, de par ce qu’ils représentaient, généraient la fuite des autres. Ainsi, à la souffrance se rajoutait le rejet.

1.5.3/ Explicitation du traumatisme

Elaboration d’une définition

Le traumatisme est un évènement qui vient percuter le sujet. C’est le « coup ».

Il est un choc ressenti lors d’un évènement et ayant des conséquences immédiates et/ou à effet différé dans le temps qui ne sont pas toujours visibles mais lestent l’individu. Le traumatisme physique marque le corps (fracture, plaie…) … alors que traumatisme psychique peut se voir mais peut se cacher, se refouler, se nier. Il peut donc être ou rester totalement invisible, quiescent, et peu se réactiver des dizaines d’années plus tard.

Cet évènement, violent, fait impact sur l’individu. Il s’impose, il effracte.

Mais, il faut insister sur le fait que tout évènement violent ne fait pas traumatisme.

Il existe des variables selon le type d’évènement, le type d’individu qui le vit, le contexte, la culture… Il y aurait donc une notion de relativité dans la théorie du psychotraumatisme : le traumatisme reste propre au sujet qui le vit, la réaction qu’il engendre reste de nature intra personnelle.

Un conflit de défense

En clinique psychanalytique, tout sujet est un rescapé d’un traumatisme premier qu’est la naissance en ce monde. La naissance comme évènement initial de la vie et initiant à la vie, les premières coupures/séparations d’avec la mère, et tout ce que l’on retiendra dans la théorie libidinale, génèrent la chaîne traumatique de base. Celle-ci est la colonne vertébrale psychique de l’individu.

Le psychotraumatisme est considéré comme un conflit de défense, conflit concernant la sexualité, et s’étendant à l’ensemble des névroses. Ce conflit est la défense du

Moi

vis-à-vis d’un vécu impossible, de pensées non assimilables : le

Moi

va rejeter des idées érotiques, et s’isoler pour se protéger.

Dans cette recherche, il s’agira à terme de penser au traumatisme comme un processus

« garde-fou », un gardien permettant de garder un espace de survie entre éthique et pulsions.

Le traumatisme, les conflits, le blocage du

Moi

et l’exigence surmoïque

Au moment du choc, l’évènement vient déborder le sujet, ses flux d’énergie sont modifiés. Selon les théories médicales, un excès d’adrénaline se décharge dans le corps (phénomène d’adaptation au stress). En psychanalyse, on parle d’un excès d’excitation, que le sujet ne pourrait pas gérer, ne pourrait pas intégrer. Le sujet subirait alors un bouleversement : le

Moi

subirait un trop-plein.

Ainsi, pourra-t-on observer essentiellement trois réactions cliniques traumatiques

immédiates, sans que l’individu ne maîtrise quoi que ce soit sur son comportement :

stupeur (le

Moi

se fige, l’individu reste hébété), automatisme (le

Moi

continue d’agir sans tenir compte de cette excitation trop difficile à gérer), fuite (l’individu part physiquement ou bien psychiquement, le

Moi

refoule ou dénie l’évènement).

Existent aussi des réactions cliniques post traumatiques secondaires : Etat diffus de mal-

être avec un sentiment d’insécurité, sentiment de persécution ou impression d’être utilisé,

manipulé ; modification du comportement avec des humeurs paradoxales, colère, irritabilité… insomnies, et cauchemars, flashbacks diurnes et nocturnes, réveils en effroi, peur… comme hypersensibilité et insensibilité marquées d’une inadaptation de cette sensibilité (exemple : hypersensibilité aux malheurs d’un étranger, et insensibilité à ce qui arrive à ses propres enfants…). Transparaisse la difficulté à gérer l’excès d’excitation. Le sujet varie entre phases d’excitation, et épuisement, ce qui bouleverse le quotidien : alternance et « sautes » d’humeur (colère, irritabilité), insomnies, et cauchemars, flashbacks diurnes et nocturnes, réveils en effroi, peur, sentiment de menace… L’alternance excitation/aboulie engendrerait une désadaptation sociale et professionnelle, une désocialisation (relation à l’autre peu investie, difficultés à demander de l’aide), et une introversion.

Le traumatisme primaire serait une mutilation du

Moi

par une carence affective, en lien à la solitude ressentie suite à l’évènement. Tous les traumatismes primaires ne sont pas forcément remémorés ni insurmontables. Cependant, l’émotion initiale provoquée par le coup, est donc le point de départ d’une trajectoire bien souvent inconsciente, qui se place elle- même dans l’évolution déjà engagée de l’individu. Elle va venir percuter cette courbe de vie évolutive, l’influencer, la pénétrer. Le psychotraumatisme infantile désorganise le lien

social. Il est toujours un point de départ bien antérieur, à celui qui est mis en avant comme

traumatisme évident et raconté.

Par la transmission générationnelle, l’enfant absorbe son parent tel qu’il se montre, mais réceptionne aussi le vécu interne, la douleur, le bonheur, le traumatisme… : ainsi, il reçoit et

construit son propre noyau à partir du matériel de ses parents (affects, rêves…). Le passé, le présent, du parent se projettent dans l’enfant. S’il y a eu traumatisme non élaboré chez le parent, il se rajoute et complexifie le noyau infantile, donnant un noyau traumatogène et

agglutiné

(Bleger). Le traumatisme primaire peut donc être antérieur à sa propre vie mais être l’absorption de celui du parent. Non pris en compte, il se transmettrait à l’entourage et la famille, jusqu’à générer des dysfonctionnements de la systémique familiale. Le traumatisme caché, tel un aimant, va attirer d’autres souffrances : spontanément, les malheurs vont traverser la vie de la personne traumatisée ou de sa descendance (« chats noirs »). C’est comme si chaque traumatisme s’accumulait pour générer un champ magnétique, de

transmission familiale de noyaux traumatiques non intégrés par la parenté

(Anzieu, 2004 : 10). Le Dr Lhomme- Rigaud, philosophe et psychologue clinicienne, parle des cryptes et des fantômes de la crypte : «

La première génération vit le traumatisme comme indicible, la

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