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feu sont valorisés au détriment du soutien et du fonctionnel » (Léon, 1999 : 52) Le chef doit effectuer des missions opérationnelles pour être reconnu comme « bon » élément, et espérer

1.3.3/ Les énergies primaires

Généalogie ancrée, orientation prédéterminée, il existe une causalité psychique, une énergie d’ancrage, qui pousse l’individu vers un métier. Outre les causes socioprofessionnelles, la recherche d’un emploi, d’un salaire, il y a toujours une recherche, du côté de l’inconscient, une quête. Il existerait, dans le choix de tout métier, une recherche de réparation.

Dans l’armée, cette recherche s’appuierait sur un besoin de sauver, donc se sentir utile et valorisé, qui procurerait une fascination voire une sensation de toute puissance et/ou d’immortalité. L’institution militaire utiliserait cette quête individuelle à son profit.

En quoi cette énergie serait-elle à l’origine de l’engagement du militaire ? Comment serait-elle utilisée par l’institution militaire ?

De l’historialité à l’intentionnalité

Ceci fait retour sur le fondement de la pensée psychanalytique qui dit que l’inconscient est le guide essentiel, le

supposé savoir

, et sous tend un ordre social généalogique, anthropologique, sociologique pré établi (Confer

Le crime du caporal Lortie

/Legendre). Malgré toute résistance du sujet à appréhender, comprendre, reconnaître la force de l’inconscient qui l’a mené vers sa carrière, il est supposable que l’inconscient est garant de l’objet

famille-communauté, L’en

commun des frères

(Dezeuze : 28), garant que l’individu « soit ». Ainsi pour Legendre, être c’est à la fois se référer et se distinguer de ses deux antécédents et permanents : les parents, et la communauté.

L’enjeu,

la difficulté est d’être Autre en étant soi, et d’être soi parmi et grâce aux Autres

(dialectique sujet/groupe, Moi/Surmoi).

Avec ses rituels, ses procédures, ses symboles qui

contiennent la Chose, c’est donc l’institutionnalisation et non le refoulement des origines qui enferme le militaire ou le contient, le soutient, selon son cheminement :

« L’institutionnalisation correspond à la promesse archaïque de la satisfaction renvoyée,

dissimulée, par la promesse de satisfaction. Première opération juridico-politique de

contention de la chose par la déviation : parole, récits, législation, rituels, procédures,

symboles et images et autres bâtisses se construisant dans ce temps d’ «amour » (« intervalles

libres » de besoin) »

(Dezeuze : 26). Le mirage de la complétude est savamment construit et entretenu par l’élaboration maillée de la société (lois…)

Vivre et mourir, dans l’armée, de l’énergie primaire à une finitude acceptable

Habiter sa profession, investir son métier est un processus d’ancrage. L’énergie de l’homme sera colorée positivement s’il équilibre historialité (généalogie, histoire militaire…) et intentionnalité (recherche de la référence, recherche de la communauté, objectif professionnel…). Il joue d’une dialectique entre passé/présent, maison/institution, famille/ profession.

L’homme s’investit dans sa profession s’il y retrouve une sensation connue, pré consciente. En ce sens, les énergies de différentes générations se retrouvent en un point qui est ici, le métier.

La profession est le lieu d’une polymérisation énergétique de chaînes ou dettes

antérieures généalogiques

.

L’énergie de l’homme se répartit en plusieurs points. L’énergie primaire de l’enfance reste ancrée dans un espace temps. L’homme ne peut donc jamais investir totalement une communauté. Même s’il cherche une référence paternelle, celle de son père de sang existe et existera toujours. Le transfert, est donc temporaire. La communauté militaire peut être le nid d’accueil ou de déploiement de l’énergie et être bénéfique48. Mais la famille de sang sera toujours existante, et lieu d’investissement d’une part des énergies, constructives ou destructrices. On peut se séparer mais on ne peut pas se détacher de sa famille (ligature généalogique) : tout attachement ultérieur reste un leurre qui aide à refouler le passé, mais en aucun cas ne peut le dissoudre. L’investissement dans le système professionnel reste un processus de transfert d’

Idéal

. Les énergies primaires infantiles restent vivaces, et perdurent même si elles se refoulent.

L’homme ne contrôle pas ses énergies primaires, énergies d’ancrage, lesquelles vont influer sur sa vie. Ainsi, si le militaire se sent là, dans cette institution, chez lui, chez soi, il retrouverait un ancrage qu’il accepte (lien maison/institution). Il trouverait la sensation de complétude, de sérénité. Ce chez soi, ce peut être son métier, sa communauté d’adoption. L’institution militaire entretiendrait cette idée du chez soi : tout est organisé (logement, services sociaux et sanitaires…). C’est un monde dans un monde, une vie dans une société. Le militaire est happé dans ce monde. Cette sérénité générée par l’appartenance à la communauté peut lui permettre d’accepter sa mort : l’énergie réunie en un chez soi, relie l’homme à son destinal, son passé, son avenir. Ce destinal, intemporel rend la finitude de l’homme acceptable, car si l’homme meurt, l’énergie reste. Ainsi, l’énergie du sauveur est conservée,

48 Cette vision appelle à la réflexion : l’homme ne peut être sans origine, né sous X, il aura toujours des repères, il y a toujours une antécédence généalogique (Legendre), qui en dehors de la manifestation familiale, se manifeste sous forme d’investissement énergétique en un lieu, un espace.

car le militaire s’inscrit dans l’histoire militaire, il devient à son tour, le sauveur

Mort pour la

patrie

.

On retrouve en cela un des objectifs souvent inconscient du militaire : transformer sa finitude humaine en éternité mythique, laisser des mémoires, des traces, des souvenirs qui maintiendraient le sujet en vie au travers de l’histoire militaire (dialectique vie/mort, temporel /éternel, oublié/mythique). On comprend la place des Mémoires dans les institutions militaires.

Le rassemblement d’énergies individuelles du

Moi

primaire vers un

Moi

collectif

L’institution est le rassemblement d’individus dans une communauté : c’est l’utilisation d’énergie de plusieurs individus, c’est la volonté de transformation collective d’un amas de tensions individuelles. Ce peut être la collection d’énergies antagonistes qui forme un Tout. Comment ce collectif, va être utilisé dans l’institution militaire pour générer une famille, en tous cas un sentiment d’appartenance ?

Le Tout vient signifier, que les Autres forment Un. Tout homme avec ses paradoxes (l’homme inhumain) forme une seule personne, tout groupe avec ses rapports de force ou de contraintes ou ses ententes forme une communauté. Même loin des autres, le militaire continue à s’identifier, à se présenter comme tel. Parce que ce groupe est sa référence.

L’institution militaire permettrait de concentrer l’énergie du corps individuel vers un corps collectif : le sentiment d’appartenance à une communauté rassure et renforce le

Moi

primaire fragilisé. Comme le sauveur l’est au mythe,

le militaire est prolongement du corps

militaire, il est au corps, il est le corps (cohésion)

car, d’une part, ensemble, il dépasse l’immédiat objectif du rassemblement, et trouve un sentiment transcendant dans la simple idée de complétude. Ainsi, les militaires sont et forment l’harmonie, énergie positive qui survit à la pure matérialité de leur fonction initiale. Et d’autre part, car en dépassant la fonction d’utilité, ils dépassent les notions du fini, et s’inscrivent dans l’intemporalité du mythe.

L’institution militaire entretient le mythe du sauveur, en ce qu’elle revêt toute une dimension représentative, réflexive, symbolique. Ainsi, l’appartenance au corps militaire entretiendrait ce mythe dans l’imaginaire du sujet. C’est pourquoi, l’individu est fort de ce sentiment valorisant, en tout cas, tant qu’il n’est pas au front, à la réalité de la guerre. En effet, utilisant la faille individuelle pour réunir des individus, l’armée viendrait adroitement colmater les brèches d’un processus narcissique primaire et secondaire mal joué. L’armée entretiendrait

donc le sentiment de besoin de réparation (dialectique blessure narcissique/réparation narcissique).

Le sentiment océanique évoqué par Freud lors des rassemblements religieux donne le sentiment de « faire corps » : l’institution militaire entretient ce sentiment par la cohésion « frères d’armes ». Forte présence masculine, frères et pères, voilà une reproduction d’un cercle familial dynamique et sécurisant. Cela viendrait satisfaire l’individu en recherche d’identification. Ainsi l’armée conforterait, réconforterait, rassurerait le militaire, en jouant le rôle paternel sécurisant. Le sujet rejouerait alors une scène familiale : il chercherait à obéir au père, lui faire plaisir, lui plaire.

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