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SYSTEME POUR UNE DOUBLE LECTURE DE LA MISE EN SPECTACLE

Voyage à Yaïck

SYSTEME POUR UNE DOUBLE LECTURE DE LA MISE EN SPECTACLE

LE FILM TELEVISE

REGION I REGION II REGION III

L’arrivée de

l’étranger Le clochard

Le leader de

l’insurrection L’arrivée du colonel

L’hospitalité

Le repas de l’ouvrier

La fuite L’arrestation L’arrestation L’arrestation

La pluie

Le clochard cite des vers

Le refus

La femme fait tomber un verre

Les légendes populaires On tire le gâteau des tzars On tire le gâteau des tzars On tire le gâteau des tzars Le messager Le clochard montre ses tatouages L’aide Un lépreux frappe à la porte

Les minorités Les tziganes Les tziganes Les tziganes

La mort Le colonel entre nu

La vie La vieille danse La trahison

Des chiens

envahissent la place La folie de l’action

Rien ne peut arrêter la vieille

L’action de la folie

Les vieillards

envahissent la place

Les trois actions similaires : L’arrestation, On tire le gâteau des tzars et Les tziganes, correspondent à une action en écho dans le film. En voici la description extraite du scénario écrit par André Engel :

L’arrestation: Région 1 :

« Surprenant tout le monde par sa brutalité plusieurs sirènes d'alarme hurlent dans toute la cité. Ces sirènes ont le son des voitures de police américaines que l'on peut entendre dans tous les mauvais films capitalistes. D’ailleurs les lueurs bleues caractéristiques qui les accompagnent, se reflètent partout sur les vitres de l'appartement. L'homme et la femme, surpris, et obéissant d'avantage à un réflexe qu’aux règles de conduites applicables en pareil cas, se précipitent vers les fenêtres, tirent les rideaux, font coulisser la baie vitrée, ouvrant par la même le passage qui donne sur le balcon. Le bruit angoissant des sirènes pénètre davantage dans l'appartement en même temps que l'air frais de la nuit. L'hôtesse n'a pas d'autre recours que d'inviter les hôtes à venir voir l'événement. Ceux-ci, curieux, se répartissent donc sur le balcon.

En se penchant légèrement ils pourraient voir 3 voitures de la police d'Etat entourant une famille de travailleurs étrangers des valises et des paquets plein les mains. L’action qui se déroule sur la place est extrêmement rapide: tout le monde se retrouve embarqué dans les voitures en moins de 30 secondes. L'hôtesse explique que ce n'est rien, qu'il vaut mieux rentrer si l'on ne veut pas rater un épisode important de la vie de Pougatchev, que la police fait son travail en arrêtant un groupe d'asociaux qui ne cherchent qu'à troubler la sécurité et l'ordre mais à celui qui a porté à cette scène l'attention qu'elle mérite, il n'a pas été difficile de voir que l'une des personnes arrêtées brandissait une pancarte où il était écrit: “Laisser nous sortir”.92 C'est là un détail que l'hôtesse ne mentionne pas ».

Région 2 :

« On entend les sirènes d'alarme de trois voitures de police qui survenant à toute allure, entourent les manifestants. Par son caractère soudain et spectaculaire l'événement a attiré les touristes de la région 1 sur les balcons des appartements où ils sont en visite, ainsi que les touristes de la région 3 qui, collés aux vitres de l'asile de vieillards, cherchant à comprendre ce qui se passe. Il ne faut pas plus de 30 secondes pour embarquer tout le monde dans les voitures et repartir. Les manifestants n'ont opposé aucune résistance. Il est à remarquer, que, la "police" ne porte pas d'uniforme dans ce pays mais qu'ils sont tous vêtus du classique bleu de travail. En effet, la sécurité et l'ordre sont assurés à Yaïck comme dans tout le pays, par des milices ouvrières. C'est d'ailleurs ce que l’hôtesse explique aux touristes des terrasses, les assurant en outre que l'incident est sans gravité, au contraire, puisque la milice vient d'arrêter un groupe d'espions ennemis du peuple. Il est vrai que cette situation n'a absolument rien eu de dramatique. Tout cela s'est passé au fond de façon très routinière, tant de la part de ceux qui arrêtent que de ceux qui furent arrêtés. Bref, tout le monde se remet petit-à-petit à s'intéresser au film sur Pougatchev ».

Région 3 :

« Soudain très proche mais dans notre dos, retentit une sirène d'alarme qui nous surprend tous. La force du bruit, jointe à la lueur bleue qui se reflète sur les vitres crée immédiatement sur ces vieillards une certaine émotion. Le service des infirmiers se rapproche immédiatement d'eux. Le public qui est disposé tout près des baies vitrées peut voir ce qu'il se passe sur la place. Sur le trottoir d'en face une famille de travailleurs immigrés, des valises et des paquets plein les bras viennent de se faire encercler par trois voitures de la milice ouvrière. L'un des hommes portait une pancarte où il était inscrit en mauvais français "laissé nous sortir". Il ne faut pas plus de 30 secondes pour embarquer tout le monde. D'ailleurs on a pu constater que les protestataires n'ont pas opposé de résistance particulière. Tout cela a un caractère un peu

routinier, c'est ce qu'explique l'hôtesse, lorsque les voitures seront réparties emmenant les prisonniers, elle dit que cela n'est qu'un déplorable incident sans importance, elle souligne également le fait que ici à Yaïck la sécurité et l'ordre sont assurés, comme on peut le constater, non pas par une police répressive mais par la milice ouvrière. En fait nous venons, précise-t-elle d’assister à l'arrestation de dangereux déviationnistes trotskistes. Au mot de "Trotski", le vieux colonel de l'armée rouge, sort de son mutisme. Il tente d'expliquer qu'il l'a bien connu, lui, Trotski, parce que en 1918 ils étaient tous les deux camarades de combat. Pour ce faire il joint ses deux index en signe de mariage et utilise ces deux mots à l'aide desquels il nomme ses deux doigts "Je" - "Trotski". Les hôtesses et le personnel sont gênés, une infirmière le menace même d'une piqure. Avec malice et, en guise de réponse, il la menace d'une fessée. Mais il finit par se taire. De nouveau, l'incident étant clos, on regarde la télévision ».

On tire le gâteau des tzars

Comme précédemment, le scénario sera le même modulé selon les régions et les habitants du lieu :

« A la charnière des chants 3 et 4, on apporte des parts de gâteau. L'hôtesse explique aux voyageurs étrangers que précisément aujourd'hui, la coutume veut que l'on fête à Yaïck, une vieille tradition populaire: le gâteau des tzars. Il y a quatre fèves et donc quatre couronnes de papier doré sont posées sur les têtes de quatre nouveaux tzars. L'hôtesse sacrifiant à la tradition populaire s'écrit: "vive le tzar Pierre !" Tout le monde applaudit. C'est alors que de la télévision surgit cette clameur identique: "vive le tzar !". Surpris et amusé de cette coïncidence, on regarde de nouveau les aventures de Pougatchev, à la télévision ».

Les tziganes

Région 1 :

« De nouveau il ne se passe rien jusqu'au début du chant 6. Puis de la rue, on entend de la musique tzigane. C'est l'hôtesse qui, cette fois ci invite les touristes à se répartir sur les balcons afin de jouir de ce concert improvisé. En contrebas, sur la place un camion vient de stationner, il est décoré de rubans et de fleurs. Quelques musiciens tziganes, se sont répartis sur la place, aux terrasses des cafés et sous les fenêtres ils jouent, chantent et dansent, la nostalgie essénienne de la terre russe. Des jeunes filles proposent la bonne aventure aux étrangers assis aux terrasses. L'hôtesse explique la richesse du folklore national, son origine, son mélange étrange dû à la multiplicité des minorités ethniques etc... Si quelqu'un, comme cela peut se produire, jette aux tziganes une pièce de monnaie, elle explique amicalement que la chose ne se fait pas en pays socialistes. Cela dure environ tout le chant 6, puis le camion tzigane repart engloutissant sa musique dans les profondeurs de la nuit ».

Région 2 :

« On entend dans le lointain une musique tzigane qui se rapproche rapidement. Et voici que d'ailleurs surgit un camion décoré de rubans aux couleurs vives et de fleurs. Sur la plate-forme du camion il y a un orchestre de tziganes qui joue la nostalgie essénienne de la terre russe. Une vieille femme chante de sa voix brisée par l'alcool et la vie. Ils descendant tous de la plate-forme et se répartissent sur la terrasse et sous les fenêtres des immeubles, car de nouveau, le bruit a attiré sur les balcons des appartements et aux fenêtres de l'asile les touristes des régions 1 et 3. Des jeunes filles proposent la bonne aventure aux étrangers, sous le regard désapprobateur des hôtesses qui pourtant n'interviennent pas. De loin, près de son abri dont il s'est extrait, le clochard tient des propos racistes. Mais personne ne lui prête attention. Certaines personnes comprennent qu'il faut peut-être donner quelques pièces de monnaies aux musiciens et aux jeunes filles. Ils le font et l'hôtesse doit leur expliquer que la chose ne se fait pas en pays socialistes. Mais les tziganes ont accepté l'argent. Bientôt ils repartent, grimpent sur le camion qui démarre engloutissant la musique dans les profondeurs de la nuit.

Plus rien ne se passe. Seuls les récepteurs de télévision déversent encore les 2 derniers chants ».

Région 3 :

« Rien ne se passe pendant toute la durée du chant 5 jusqu'au début du chant 6 où de l'extérieur on entend une musique tzigane.

Surpris tout le monde va à la fenêtre. Dehors, un camion vient de stationner il est décoré de rubans et de fleurs. Sur la plateforme du camion un orchestre tzigane joue la balalaïka. Les musiciens descendent et se répartissent sur la place. L'un d'entre eux, monté sur la margelle du bassin joue pour nous à travers la baie vitrée. Une jeune bohémienne a réussi à pénétré dans l'asile et la voici qui lit l'avenir dans les lignes de la main d'une cancéreuse de 88 ans. Puis le camion disparaît engloutissant la musique dans les profondeurs de la nuit. Nous regardons de nouveau la télé jusqu'au milieu du chant 7 ».

En dehors de ces actions simultanées, chaque groupe vit un spectacle différent. La fin est précipitée par des cris, et des scènes de folie qui ont lieu dans chacune des régions où un habitant perd le contrôle de soi. Dans chaque région un ultime « accident » au parcours réglementé que les hôtesses ne maîtrisent plus précipite tous les touristes sur la place où ils sont invités à remonter dans leur car :

Région 1 :

« La vieille commence à psalmodier quelque chose d'incompréhensible. Puis son vieux corps entre en mouvement. C'est d'abord comme une espèce de danse, puis petit à petit on devine que ça n'est plus elle qui décide des mouvements de son corps. Tout se passe comme si le "dybouk" d'Isadora Duncan s'était emparé du corps de cette vieille femme. L'homme et la femme, c'est-à-dire probablement le fils et la bru de la vieille entrent à cet instant, pétrifiés par ce spectacle, ils ne peuvent bouger. D'ailleurs personne ne bouge que la vieille. Le fils ouvre la bouche, la bru pleure, le corps de la vieille tourne de plus en plus vite. Elle hurle. Alors on se précipite sur elle (sur l'écran que l'on ne regarde plus mais dont le son s'est amplifié anormalement se déroule le dernier chant, puis marquant la fin des programmes télévisés, l'internationale éclate dans tous les récepteurs. La vieille se débat et hurle encore plus fort des mots que nul ne peut comprendre. Le jeune couple affolé tente de l'entraîner de force dans la chambre. L'hôtesse a un moment d'hésitation ».

Région 2 :

« Soudain un hurlement déchire le bourdonnement régulier des téléviseurs. Un hurlement qui provient de l'un des appartements. Précisément de celui où les touristes de la région 1 sont en visite. Que se passe-t-il ? Les hôtesses se lèvent précipitamment, inquiètes. Les regards curieux se portent vers les fenêtres de l'immeuble. Une certaine émotion s'empare de la foule: là-haut les hurlements redoublent suivis d'autres cris. Au même instant, dans leur dos, c'est-à-dire, à l'intérieur de l'asile, il semble qu'il y ait également une grande agitation. Là aussi des cris et comme une grande bousculade. Puis la porte de l'asile s'ouvre brutalement sous la forte poussée d'un cortège de vieillards en pyjamas et en chemise de nuit, que le service d'ordre médical ne parvient pas à contrôler. Cortège de folie, masques de mort, levant leurs maigres bras comme des bâtons jaunis, et dansant leurs pieds craquants, les vieillards bondissent sur les trottoirs. Les chiens gênés et inquiets protègent leurs quartiers de viande. Alors la porte de l'immeuble qui donne sur les appartements s'ouvre, les touristes de la région 1, affolés, encadrés par les hôtesses débordées, surgissent sur la place. Ceux de l'asile également. Il règne maintenant une terrible confusion à laquelle les sirènes d'alarmes des voitures de la milice ouvrière viennent se mêler. Marquant la fin des programmes télévisés, l'internationale éclate dans tous les récepteurs. L'ordre est rétabli tant bien que mal ».

Région 3 :

« Le colonel qui avait disparu, qui était sorti de la pièce, fait de nouveau son entrée. Il est nu et il pleure. Tout cela provoque une réaction: alors que le personnel médical veut obliger le colonel à sortir les vieillards s'interposent, s'opposent, se révoltent. Soudain, on entend un hurlement qui provient du dehors, plus précisément d'un appartement situé au premier étage

de l'immeuble d'en face. Un certain tumulte s'en suit. Personne ne semble comprendre ce qu'il se passe exactement.

Les vieux qui se sont regroupés font une percée et tentent de sortir, débordant le service d'ordre médical, ils y parviennent, alors que des récepteurs, éclate l'internationale marquant la fin des programmes. Cet incroyable cortège de vieillards se répand sur la place, au milieu des chiens, des hôtesses, et des touristes ahuris. On entend les sirènes d'alarme. Le calme est rétabli tant bien que mal par la milice ouvrière ».

« Au revoir, quittons-nous en silence »

Les touristes-spectateurs sont précipités dans les cars qui quittent Yaïck sur le claquement sonore d’une immense porte métallique rouge dont l’écho se répercute dans la nuit. Lors du voyage de retour, les touristes-spectateurs entendent le dernier poème qu’Essénine a écrit avec son sang :

Région 1 :

Au revoir, quittons nous en silence. C'est bien mieux ainsi. Plus tendre aussi. J'ai passé le temps des espérances Orgueilleuses et des amours transis

Région 2 :

Au revoir. Les chandelles sont mortes. J'ai si peur de partir dans le noir.

Toute sa vie frapper à une porte et rester tout seul, ainsi, un soir.

Région 3 :

Au revoir, quittons nous en silence. C'est bien mieux ainsi. Plus tendre aussi. J'ai passé le temps des espérances Orgueilleuses et des amours transis.

Ainsi s’achève le voyage à Yaïck en compagnie de l’agence T.N.S.