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L'oeuvre théâtrale d'André Engel : machine et rhizome

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02892804

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Submitted on 7 Jul 2020

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L’oeuvre théâtrale d’André Engel : machine et rhizome

Véronique Perruchon

To cite this version:

Véronique Perruchon. L’oeuvre théâtrale d’André Engel : machine et rhizome. Musique, musicologie et arts de la scène. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2009. Français. �NNT : 2009PA030125�.

�tel-02892804�

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UNIVERSITE SORBONNE NOUVELLE PARIS 3

ECOLE DOCTORALE 267 Arts et médias Discipline : Etudes théâtrales

Thèse de doctorat

L’œuvre théâtrale d’André Engel : machine et rhizome

Véronique PERRUCHON

Thèse dirigée par Georges BANU

soutenue le 19 novembre 2009 Jury :

Georges BANU, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 Jacques BLANC, directeur de théâtre

Bernadette BOST, Université Lumière Lyon 2 Luc BOUCRIS, Université Stendhal Grenoble 3 Michel DEUTSCH, dramaturge et metteur en scène

Christine HAMON-SIREJOLS, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 Daniel LOAYZA, professeur agrégé et dramaturge

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En hommage à mon père

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Remerciements

Je remercie André Engel qui m’a fait confiance et m’a apporté une aide précieuse en me donnant accès à ses notes personnelles et à ses archives. Je lui suis reconnaissante du temps qu’il m’a accordé. Je le remercie d’accepter le regard intrusif et critique que je porte sur son œuvre ainsi que le changement de statut imposé par cette thèse, le transformant en « objet » d’étude.

Je suis particulièrement reconnaissante à Georges Banu qui a accompagné mon travail durant ces années de thèse. Je le remercie de la confiance qu’il m’a accordée et de l’intérêt qu’il a manifesté pour mon sujet et la réalisation des travaux de recherche. Son sincère soutien m’a confortée dans cette aventure et travailler avec lui fut une rencontre riche et profonde.

J’exprime ma gratitude à Bernadette Bost qui m’a suggéré de mener un travail de recherche en thèse dans le prolongement de celui que j’avais produit sur Woyzeck sous sa direction.

Je remercie très spécialement François Revol pour son soutien indéfectible et ses précieux conseils lors de mes doutes, ses relectures attentives et éclairées, ses encouragements au quotidien.

J’ai une pensée particulière pour mes trois filles, Elsa et Camille qui ont respecté et encouragé mes choix de vie avec un regard complice, fier et amusé et spécialement Alice qui a admis une mère étudiante durant ses propres années d’apprentissage, grandissant grâce à une belle et joyeuse autonomie.

Je remercie les personnes de l’équipe artistique d’André Engel qui se sont pliées aux exigences d’une interview : Maurice Bénichou, Jean-Pierre Cazes, Christiane Cohendy, Evelyne Didi, Dominique Muller, Julie-Marie Parmentier, Etienne Perruchon, François Revol, Nicky Rieti, Jean-Pierre Vincent ; ainsi que celles que j’ai rencontrées dans leur travail de création : Anne Alvaro, Marie-Armelle Deguy, Gérard Desarthe, André Diot, Jérôme Kircher, Gilles Kneuzé, Jean Liermier, Lisa Martino, Ruth Orthmann, Jacques Vincey ; sans oublier les spectateurs que j’ai croisés et qui m’ont fait part de leurs souvenirs.

Enfin, je remercie tous ceux et celles qui ont supporté la monomanie engélienne qui s’est emparée de moi et que je leur ai imposée. Je les remercie pour leur écoute et les échanges qui ont pu en naître. Merci particulièrement à René Gachet et Marie-France Messié pour leurs corrections.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : UNE AVENTURE THEATRALE 13

PHILOSOPHIE ET THEATRE 14

Rencontres de hasard 14

Théâtre de l’Espérance 15

Don Juan et Faust 1973 22

Trotsky à Coyoacan 1974 28

THEATRE HORS LES MURS 32

Baal 1976 32

Un Week-end à Yaïck 1977 62

Kafka. Théâtre complet 1979 95

SPECTACLES TRACTS 123

Prométhée Porte-feu 1980 125

Dell’inferno 1982 142

DANS LA BRUME 158

Ils allaient obscurs sous la nuit solitaire 1979 160

Penthésilée 1981 168

Venise sauvée 1986 180

DETOURNEMENTS 191

Lulu au Bataclan 1983 192

Le Misanthrope 1985 199

THEATRE MIS A FEU 210

Le Livre de Job 1989 210

CREER AVEC LA SALLE 215

La Nuit des chasseurs 1988 216

Le Réformateur du monde 1991 226

La Force de l’habitude 1997 229

Les Légendes de la forêt viennoise 1992 231

Le Baladin du monde occidental 1995 236

DETOUR PAR LOPERA 239

Premiers pas à l’opéra 242

Envergures de la scène 256

Le lieu comme espace dramatique 266

Répertoire et opéras contemporains 281

Un livret, une histoire 287

Distribution et travail d’acteur 293

Le public 297

A LASSAUT DES MONTAGNES 300

CDNS 1996-2003 300

Woyzeck 1998 312

Léonce et Léna 2001 346

Papa doit manger 2003 361

Le Jugement dernier 2003 369

ERRANCE SANS BORNE 412

Le Vengeur masqué 412

Le Roi Lear 2006 416

Minetti 2009 428

La petite Catherine de Heilbronn 2008 438

SPECTACLES FANTOMES 447

D’un voyage l’autre 448

L’Oasien belliqueux 454

Le Livre nègre 457

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DEUXIEME PARTIE : UNE ŒUVRE 461

CYCLE DES ŒUVRES 462

Temps collectif et réalités 463

Machine et désir de spectacle 467

EXPERIMENTATION PAR DEMONTAGES 470

Les auteurs et les textes 472

Engel et l’Internationale Situationniste 500

L’IMAGE AU THEATRE 509

Théâtre ou cinéma 511

Du théâtre hors les murs au théâtre en salle 532

UNE ESTHETIQUE A LŒUVRE 556

Je = nous 556

Poésie scénique 562

Provocateur d’accidents 564

MACHINE ET RHIZOME (CONCLUSION) 569

ANNEXES 579

LISTE DES ŒUVRES 580

GENERIQUES DES SPECTACLES DE THEATRE 582

ETAPES DE CREATION DES SPECTACLES 612

ETAPES DE CREATION POUR LES FILMS 654

NOTES DINTENTIONS 659

TEXTES THEORIQUES 694

DOCUMENTS SUR FAUST SALPETRIERE (1975) 715

BIBLIOGRAPHIE 717

OUVRAGES MENTIONNANT LE TRAVAIL D’ANDRE ENGEL 717

TEXTES D’ANDRE ENGEL ET DE SES COLLABORATEURS SUR SES SPECTACLES 718

ENTRETIENS AVEC LEQUIPE ARTISTIQUE 719

A PROPOS DU THEATRE DE L’ESPERANCE 719

OUVRAGES GENERAUX 719

OUVRAGES SUR LE SPECTATEURET LA RECEPTION 720

OUVRAGES DE ET SUR L’INTERNATIONALE SITUATIONNISTE 721

OUVRAGES SUR LOPERA 721

OUVRAGES SUR LIMAGE ET LE CINEMA 723

OUVRAGES ET ARTICLES SUR LA LUMIEREET LA SCENOGRAPHIE 724

GEORGE BÜCHNER, TEXTES ET OUVRAGES CRITIQUES 725

ODÖN VON HORVATH, TEXTES ET OUVRAGES CRITIQUES 725

FRANZ KAFKA, TEXTES ET OUVRAGES CRITIQUES 726

HEINRICH VON KLEIST, TEXTES ET OUVRAGES CRITIQUES 726

AUTRES AUTEURS ET TEXTES 726

FILMOGRAPHIE 727

DOCUMENTS AUDIOVISUELS 727

TABLE DES ILLUSTRATIONS 728

TABLE DES MATIERES 732

INDEX 739

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Avertissements

Afin de faciliter la lecture de cette thèse, lorsque cela était possible, j’ai distingué les parties plus descriptives des spectacles par une trame de fond grisée.

Au début des annexes, se trouvent un tableau chronologique de l’ensemble des créations d’André Engel ainsi que les génériques des spectacles de théâtre.

Les carnets de mise en scène d'André Engel, cités abondamment dans cette thèse, contiennent des notes de travail dramaturgiques préparatoires, des scenarii de mise en scène, des notes de lectures, des réflexions, des indications de travail ou encore des notes prises pendant les répétitions. En ce qui concerne les aspects relatifs aux questions dramaturgiques, il s'agit de notes de travail, transcrites à l’écoute de bandes magnétiques, relatant les échanges avec ses collaborateurs, essentiellement Bernard Pautrat, Dominique Muller ou Nicky Rieti, qui ne sauraient être attribués à André Engel seul. Lorsque j'en ai cité des extraits, référencés comme

"notes personnelles d'André Engel", il convient d'élargir au Collectif la propriété intellectuelle des propos.

Par ailleurs, des remarques d’ordre orthographique sont également utiles :

- Le mouvement Internationale S ituationniste refuse le substantif « situationnisme » attendu.

Selon les prescriptions mêmes du mouvement, j’ai fait le choix de respecter cet usage :

« Situationniste : ce qui se rapporte à la théorie ou l’activité pratique d’une construction des situations. Celui qui s’emploie à construire des situations. Membre de l’Internationale Situationniste.

Situationnisme : vocable privé de sens, abusivement forgé par dérivation du terme précédent. Il n’y a pas de situationnisme, ce qui signifierait une doctrine d’interprétation des faits existants.

La notion de situationnisme est évidemment conçue par les anti-situationnistes. »1

- Le Centre Bilatéral de Création Théâtral et Cinématographique comporte un accord particulier de l’adjectif « théâtral » avec « centre » et non « création », il reste donc à la forme masculine.

1 Définitions, in Bulletin n° 1

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Introduction

L’œuvre d’un metteur en scène est paradoxalement une évidence soumise à la plus grande appréciation subjective. Bâtie sur une succession de spectacles qui l’inscrit dans une réalité chronologique, l’œuvre n’en est pas moins impalpable par l’aspect éphémère de ses productions. Celle d’André Engel n’échappe pas à ce constat et c’est avec cette conscience que j’ai abordé l’étude de son œuvre. La singularité de son travail liée à son évolution et à sa longévité en fait une figure marquante de ces quarante dernières années. Présenté comme metteur en scène avant-gardiste français du théâtre hors les murs, sa réputation a eu raison de l’intérêt porté à son œuvre. Ainsi, hormis quelques articles de fond dans des ouvrages spécialisés durant les premières décennies de sa carrière, aucun travail universitaire n’a été consacré à l’ensemble et à la singularité de son œuvre. Artiste de l’ombre, mais néanmoins délibérément provocateur, André Engel n’est pas homme à faire passer sa personne avant ses spectacles. Travaillant sans interruption depuis 1972 avec une équipe artistique fidèle, il a créé une œuvre constituée actuellement de vingt-six spectacles, dix-sept opéras et de neuf films qui est assez mal connue et pas seulement des jeunes générations. Venu au théâtre par hasard, André Engel a néanmoins su immédiatement mettre en scène, ne se posant pas les questions en terme de théâtre mais de vie, de situation et d’action.

Cette thèse se donne plusieurs fonctions et objectifs liés à ces premiers constats. Il s’agit de prime abord de faire le tour de son œuvre afin d’en apprécier les composantes et spécificités esthétiques, artistiques et dramaturgiques. Tâche que s’est donnée la première partie de cette étude qui n’échappe pas à un aspect compilatoire tout en proposant une analyse des spectacles. Une finalité avouable s’en dégage cependant, expliquant l’exhaustivité de cette partie : exhumer les œuvres passées, celles qui ont contribué à créer une légende autour d’Engel. Il apparaît ensuite que la singularité de son travail vient aussi de sa propre constitution en œuvre qui avance dans une logique artistique qui est sienne et que cette thèse dégage dans une deuxième partie. Véritable machine kafkaïenne au rhizome complexe, l’œuvre d’André Engel est tout à la fois fragile et solide, formée de spectacles d’une clarté lisible propre au théâtre populaire, mais également une œuvre bâtie sur des fondements philosophiques qui furent ses

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premières armes pour contester le leurre dont nous berne la « société du spectacle ».

Nourri de philosophie essentiellement allemande contre le cartésianisme, des influences deleuziennes et de ses lectures des bulletins de l’Internationale Situationniste, André Engel est venu au théâtre pour changer le monde. Son théâtre propose de ce fait un renouvellement de posture sinon de statut du spectateur par des choix esthétiques réfléchis et innovants s’attaquant à la notion de représentation par le théâtre. C’est ce que cette thèse veut mettre en lumière.

Ses spectacles indissociables de ses choix esthétiques ont évolué dans leur forme mais furent toujours marqués par l’idée et la mise en œuvre d’un véritable voyage. Des spectacles in situ et en salle, d’un réalisme poétique marqué par le cinéma, caractérisent l’œuvre d’Engel qui fait la synthèse de ses aspirations et influences avec une clarté et une intelligence que cette thèse se donne pour tâche de révéler.

En effet, cette recherche a porté plus attention aux aspects esthétiques de l’œuvre qu’à la contextualisation socio-culturelle. Néanmoins, je me suis intéressée aux enjeux et aspects politiques et philosophiques à partir desquels cette œuvre s’est construite. C’est ainsi que les spectacles sont présentés en cycles dont les caractéristiques ne sont pas toujours circonstancielles mais plus souvent esthétiques et subjectives bien que liées à un contexte.

Mené du vivant de l’artiste en activité, mon travail fut à la fois facilité et délicat. Si André Engel et ses collaborateurs étaient les garants des informations collectées et données ici, leur implication pouvait également être un frein à une distance nécessaire à l’analyse. C’est pourquoi je n’ai pas multiplié les entretiens, préférant partir des archives personnelles et des documents de travail mis à ma disposition par André Engel.

Ainsi, la reconstitution et l’analyse des spectacles se sont essentiellement faites à partir de photos, documents vidéo, articles, revues de presse et surtout des notes de mise en scène. Mais aussi à partir des bribes de récits et impressions de spectateurs tout autant que des mythes qui circulent. N’ayant vu les spectacles qu’à partir de 1997, je me suis deamndé comment parler de spectacles auxquels je n’ai pas assisté ; quelle légitimité donner à leur analyse ? questions qui soulèvent également celle liée aux spectacles vus, compte tenue de l’importante part de subjectivité qui accompagne toute expérience de spectateur. C’est plus largement la question de l’analyse des mises en scène et de l’œuvre d’un metteur en scène qui s’est imposée dès le choix du sujet de cette thèse.

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Comment les aborder et les analyser ? Comment s’emparer d’une forme d’art complexe, polymorphe, éphémère et paradoxalement inscrite dans la durée ?

Corollairement, la question posée est celle de la représentation considérée dans son aspect esthétique le plus large et non dans sa réduction scénique spectaculaire. Car une représentation n’est-elle pas avant tout celle du monde et de l’univers poétique d’un artiste ? C’est pourquoi cette thèse s’est donné pour devoir de ne pas s’arrêter à une recherche identificatoire des composantes formelles mais d’interroger le sens intrinsèquement lié à l’esthétique et à la création. Les questions utiles qui en découlèrent furent : comment, tout en rendant compte de l’univers poétique de l’artiste, les spectacles l’alimentent-ils ? Quelle lecture du monde la représentation scénique révèle-t-elle ? Dans le cas de l’œuvre d’André Engel, la question est cruciale, puisqu’il dénonce par le théâtre et au moyen du spectaculaire la notion même de représentation.

Ainsi, par l’investigation dans l’univers d’André Engel et par l’expérimentation de son œuvre, cette recherche ne pouvait faire l’économie d’une réflexion sur la mise en scène et la représentation en tant que question fondamentale de sa démarche.

Mettre en scène pour l’artiste, c’est porter un regard sur le monde et manifester sa vision intérieure, en cela c’est un acte de création. Or, il n’y a pas de création sans invention, il n’y a pas d’œuvre sans proposition singulière qui, soit révèle un sens du monde, un rapport au monde, à l’homme et son humanité, soit qui transforme le monde.

D’où la nécessité de reconnaître dans l’œuvre d’un metteur en scène une inspiration poétique qui renouvelle le langage dramatique à cette fin. Aborder la notion de représentation sous cet angle permet de garantir le respect de ses enjeux esthétiques.

Si le texte et la mise en scène se doivent d’être également considérés dans leur mise en œuvre, chacun artisanalement fruit d’un savoir faire spécifique, il n’en reste pas moins qu’André Engel ne conçoit pas l’un sans l’autre, les deux se constituant mutuellement dans un rapport dialectique qui contribue à la spécificité de ses créations. Texte et spectacle sont liés et si chacun en tant qu’œuvre est porteur d’une représentation du monde et d’un univers singulier, André Engel se les approprie dans un même acte créateur. Metteur en scène auteur de la scène ou metteur en scène interprète ? André Engel se situe à mi-chemin des deux pôles et opte pour l’idée que chaque spectacle a son texte propre et que chaque texte est nécessairement lié à un spectacle et uniquement à ce spectacle-là. Appréhender les spectacles d’André Engel dans ces termes permet de

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comprendre le lien dialectique qui unit texte et mise en scène, de saisir comment ils alimentent réciproquement le sens de l’œuvre, de rechercher la construction du sens qui dépasse une lecture par aller et retour du texte à de la mise en scène.

Ainsi, ce travail m’a permis de mettre en place une méthode qui repose sur la spécificité du travail d’Engel et qui s’est affinée au fur et à mesure de l’avancée des investigations.

J’ai constitué un appareil critique particulier dont les modalités se sont adaptées à chaque spectacle. La place accordée au lieu, à la scénographie et au spectateur est une donnée fondamentale qui génère une certaine lecture du spectacle, le traitement esthétique étant indissociable des enjeux dramaturgiques. S’ouvrir à ces enjeux parallèlement à l’étude du travail effectué sur le texte est la porte d’entrée dans l’univers des spectacles d’Engel. Mais, l’analyse d’un spectacle vient nécessairement d’une intuition liée à l’approche sensible que je n’ai pas occultée. C’était une manière de rester fidèle à l’œuvre d’André Engel que de me mettre moi-même en situation de réception. Ainsi, certains spectacles que je n’ai pas vus et dont je ne connaissais rien se sont révélés des moments forts de cette thèse avec la surprise d’y trouver des enjeux fondamentaux de l’œuvre d’Engel. En somme, réception et degré d’importance d’un spectacle sont allés de pair dans cette recherche dont l’herméneutique s’est avérée indissociable du sensible.

De ce travail découlent des reconstitutions et analyses qui se veulent les plus précises possibles mais qui resteront en partie approximatives car ne remplaçant pas le vécu d’un spectacle. Et dans le cas d’un spectacle vu, la part de subjectivité probablement plus forte donne une lecture qui ne peut concurrencer l’expérience de chacun. Ce qui pose la question de l’objectivité qui serait un leurre en la matière. C’est ce que cette thèse me fait clairement percevoir, quelle que soit l’entrée choisie dans l’œuvre. Il apparaît que la mise au jour des données existantes n’est pas incompatible avec l’expression d’incertitudes et hypothèses. Par ailleurs, reconstitution du spectacle et compréhension de ses enjeux étant indissociables, l’analyse et la description sont souvent associées sinon mêlées.

En outre, la plongée dans l’œuvre a fait émerger avec de plus en plus d’évidence l’utilité d’un appareil critique philosophique que m’ont fourni les lectures de Debord et de Deleuze dont l’association fut probante pour la compréhension des démarches qui

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ont donné naissance aux spectacles. L’articulation des deux approches philosophiques fut une aventure riche pour aborder l’œuvre d’Engel.

En définitive, ce fut une expérience formatrice et personnelle forte que de plonger littéralement dans un dossier et donc un spectacle, d’en percevoir l’aspect, d’en parcourir le rhizome, de faire une expérience esthétique au contact d’une œuvre même morte et de la faire vibrer en lui redonnant accès à la vie. Entrer dans l’intimité d’une œuvre, c’est aussi entrer dans celle d’un artiste et toucher le cœur de sa création. Une émotion réelle se vit au contact des œuvres dans cette plongée qui finit par donner une certaine familiarité avec elles dans cette intimité qui n’est pas à sens unique. Ce fut un voyage certes virtuel, mais qui eut sa réalité émotionnelle à l’image des voyages engéliens.

Plus prosaïquement, ce fut aussi la découverte d’une méthode de travail et une prise de repères qui facilitèrent ma progression dans une machine complexe aux multiples entrées. Si la place du spectateur d’Engel est déterminée dès la conception du spectacle et alimente sa gestation, celle du chercheur que j’ai prise m’a été facilitée par la possibilité de me mettre dans la peau du spectateur. Une place qui s’est vue doublée d’un regard surplombant et synthétique, mais qui ne quitta jamais la dimension sensible du rapport à l’œuvre. Le temps d’un voyage dans l’œuvre d’Engel m’a permis de mesurer la réalité de la relation esthétique dans une dimension qui dépasse le temps éphémère du spectacle vivant et perdure en écho dans celui qui le vit. Une expérience de vie que la puissance des spectacles d’André Engel permet, car ce sont des événements ancrés dans la vie sensible et émotionnelle comme toute expérience vécue.

L’œuvre d’André Engel a cette capacité. Réalité et mythe, machine et rhizome, son œuvre se constitue sur cette expérience qui se vit et se raconte dans une même émotion esthétique.

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Première partie : une aventure théâtrale

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Philosophie et théâtre

Rencontres de hasard

C’est « par hasard » qu’André Engel s’est trouvé embarqué dans l’aventure théâtrale.

Un hasard circonstanciel de rencontres, de dérive et d’errance, de l’après soixante-huit, qui mit toute une génération sur les routes en quête de la réalisation de ses aspirations.

André Engel, avec pour bagage ses études de philosophie et ses revendications politiques, ne se prédestinait pas à devenir metteur en scène. Aucun « plan de vie » pour cet homme né juste après la guerre.2 Pourtant, c’est à la croisée des arts, de la philosophie et de la politique que tout va se décider par des rencontres.

« Des rencontres de hasard qui se sont faites essentiellement sur le tournage des Camisards3 de René Allio. C’est à cette époque que s’est solidifiée la relation avec Gérard Desarthe, André Engel et un certain nombre d’autres qui faisaient partie de mouvances différentes de la nôtre et pourtant assez proches : Hélène Vincent, Geneviève Mnich, Emmanuelle Stochl, Olivier Perrier, Jean Dautremay, Jean Benguigui, René Ferret et bien sûr Philippe Clévenot, Bernard Freyd, Jean-Louis Hourdin… »,4 raconte Jean-Pierre Vincent qui fut à l’origine du collectif qui se constitue autour de Jean Jourdheuil et de lui-même. De retour des Cévennes à Paris, prenant le nom de Compagnie Vincent-Jourdheuil, le duo s’enrichit des dramaturges et conseillers littéraires que sont Dominique Muller, Bernard Pautrat, Michel Deutsch, Bernard Chartreux, Daniel Lindenberg, Jean Badin et Sylvie Muller ; il s’enrichit encore des peintres-décorateurs Nicky Rieti, Yannis Kokkos, Toni Margerie, Gilles Aillaud, Lucio Fanti ; de l’éclairagiste André Diot et de tant d’autres qui participent à la création et au jeu.

2 André Engel est né le 9 mars 1946 à Nancy

3 Les Camisards, film de René ALLIO tourné avec peu de moyens dans les Cévennes en 1970

4 VINCENT Jean-Pierre, entretiens avec Dominique DARZACQ, Le Désordre des vivants, Me s quarante-trois pre mières années de t héâtre, Les Solitaires Intempestifs, Collection mémoire(s), Besançon, 2002

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Théâtre de l’Espérance

Préhistoire d’une aventure théâtrale

En 1971, Hubert Gignoux, directeur du Théâtre National de Strasbourg, démissionne. Il souhaitait laisser la succession à Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil, mais pour Strasbourg, ils paraissent trop jeunes ou trop à gauche, leur temps n’était pas encore venu. En attendant et sans désespérer, ils fondent le Théâtre de l’Espérance, une coopérative au nom significatif et qui témoigne d’un certain humour en référence au Misanthrope de Molière : « Belle Phyllis, on désespère / Alors qu’on espère toujours. » Ils suivent Hubert Gignoux à Chaillot et montent dans la salle Gémier Capitaine Schelle, Capitaine Eçço de Revzani. Les personnages représentent la caricature à peine camouflée d’Onassis, la Callas ou encore Jacky Kennedy. Un succès immédiat. C’est au cours du travail préparatoire qu’André Engel se joint à l’équipe, comme le raconte Jean- Pierre Vincent :

« A ce moment-là, on préparait la mise en scène de Capitaine Schelle, Capitaine Eçço de Rezvani au T.N.P. qui était à Chaillot, dirigé par Georges Wilson et on cherchait des figurants. C’était une pièce pas commode à prendre, pas commode à lire, parce que l’écriture de Rezvani est très personnelle et elle était assez loin a priori de nos formes de préoccupations, du moins de nos formes de langage. Il fallait donc analyser la pièce, la tordre un peu. Et André Engel a tout de suite participé à la discussion autour de la table de façon extrêmement brillante, extrêmement productrice. Ça nous intéressait beaucoup, on le trouvait formidable avec Jean Jourdheuil ».5 Le jeune André Engel, adopté pour ainsi dire par cette famille artistique et intellectuelle, va participer aux nombreuses discussions autour du travail dramaturgique, mais il va aussi, comme presque tous dans ce collectif, se retrouver sur scène.

En 1972, à Avignon, Jean-Pierre Vincent, Jean Jourdheuil et André Engel, qui fait maintenant partie de l’équipe, se tournent vers Brecht avec Dans la jungle des villes . Jean-Pierre Vincent en assume la mise en scène mais tout le collectif travaille à la dramaturgie. Cette pièce les intéresse en ce qu’elle raconte les aventures d’un marginal individualiste - frère de Baal, incarné par Gérard Desarthe, et d’un marchant malais -

5 Propos recueillis lors d’un entretien avec Jean-Pierre VINCENT pour ce travail, le 19 mars 2003 au C.D.N. de Savoie.

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Maurice Bénichou, qui veut lui acheter son intelligence. Avec ce spectacle, « le décor prend une importance nouvelle, se souvient Colette Godard. Il décrit une Amérique en noir et blanc, une ambiance à la Raoul Walsh. Au lieu d’offrir un seul espace à transformation pour simplifier le récit, il en épouse les incohérences dans un incessant mouvement, comme un puzzle en train de se faire et qui ne s’achève pas ».6 André Engel se nourrit là certainement autant qu’il participe à la création, le travail de répétition en plein air apportant une dimension à l’œuvre qu’elle perdra à la reprise en salle à Gémier.

Dans le même élan, l’idée d’un répertoire brechtien au sens large mûrissait et s’épanouissait sur le plateau en ce sens que Woyzeck est la source même du théâtre brechtien et du théâtre allemand moderne. Le spectacle, coproduit par le Centre National du Nord était joué au Palace, lieu partagé avec la compagnie de danse de Jacques Garnier et l’ensemble de musiques vivantes de Diego Masson. Ils rebaptisent le lieu TEX POP : Théâtre Expérimental Populaire.

Programme du TEX POP de 1973

En 1973, la compagnie y présente, outre Woyzeck de Büchner, Dom Juan et Faust de Grabbe, puis en 1974 ce sera La Noce chez les petits bourgeois de Brecht et La

6 GODARD Colette, Le Th éâtre d epuis 1968, Le pa rti pris d e Co lette Goda rd du jou rnal Le Mo nde, Editions Jean-Claude Lattès, Paris, 1980, p. 114.

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Tragédie optimiste de Vichnievski, avant d’accompagner Jean-Pierre Vincent à Strasbourg où il est nommé à la direction du Théâtre National. Le Théâtre de l’Espérance qui ironiquement ouvrait ses spectacles par les différentes versions de la chanson Esperanza de Charles Aznavour, voyait ses espoirs comblés.

Travail collectif et non pas création collective

A cette époque, le collectif présente les œuvres sous son label, confiant ce qu’ils nomment la régie (c’est-à-dire la mise en scène) alternativement à l’un ou l’autre de ses membres. Une démarche entièrement assumée, comme l’explique André Engel à cette époque :

« Ce qui est important ce n’est pas que je réalise la Régie de Don Juan et Faust, mais que la Compagnie présente un spectacle qui ne soit pas signé Vincent-Jourdheuil. Cette démarche correspond à une nécessité interne qui consiste à susciter et à multiplier des teams de création à l’intérieur même de la Compagnie, qu’elle n’ait pas une seule direction, mais qu’elle secrète sa propre diversité afin que toutes les tendances créatives puissent s’exprimer ».7

Une démarche spécifique qui ne revendique pas le principe du travail collectif, mais plutôt celui d’un travail par collectifs, ou associations de personnes, ce qu’André Engel nomme les teams. Et c’est à partir des échanges par groupes : auteur-metteur en scène ; metteur en scène-décorateur ; metteur en scène-comédien, etc. que s’élaborait la vision d’ensemble des spectacles. Cela même dans la continuité du Théâtre de l’Espérance dont la démarche dépassait la juxtaposition de spectacles selon le désir de chacun des metteurs en scène au profit d’une vision d’ensemble. « On s’aperçoit, explique Dominique Darzacq, que chaque création réfléchit la précédente et met la prochaine en perspective ».8

Un travail théâtral qui incluait tous les arts de la scène dans sa démarche sans pour autant revendiquer un « art total ». Ainsi le journal REBELOTE qui voit le jour en 1973 témoigne de cette complicité artistique stimulante et solidaire. C’est ce que l’Avertissement de Gilles Aillaud dans le premier numéro affirme :

7 ENGEL André propos recueillis par Dominique Darzacq, « Un philosophe au théâtre ou la philosophie d’une équipe » (Programme)

8 DARZACQ Dominique « Un philosophe au théâtre ou la philosophie d’une équipe » (Programme)

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« Nous ranimons ici une entreprise formée en 1968 avec la publication intitulée Bulletin de la Jeune Peinture. […]

De même que le Bulletin de 1968 s’appuyait sur l’action menée au Salon de la Jeune Peinture depuis 1964 par un groupe de peintres, cette nouvelle publication trouve un appui nouveau dans l’action menée au théâtre depuis 1968 par ceux qui ont aujourd’hui pris le nom de Théâtre de l’Espérance.

Répétons pour finir ce que nous écrivions en 1968 : il est bien évident que notre propos débordera du cadre des problèmes plastiques. Sur le front de la lutte idéologique, le théâtre comme la peinture, n’est qu’une parmi d’autres. Cette publication concerne donc et requiert aussi bien ceux qui s’occupent de littérature, de cinéma, d’architecture, etc.»

Politique et théâtre

Ce qui caractérise ce groupe d’artistes, c’est le formidable débat intellectuel qui accompagne toute création. La politique et le théâtre se rejoignent dans une même exigence intellectuelle.

Aucun des spectacles n’est abordé sans un travail autour de la table, collectif cela va sans dire, qui cherche dans tous les recoins du texte la pensée directrice. C’est ce qu’André Engel écrit de façon explicite dans des notes prises lors d’une de ces séances de travail. Une réflexion qui repose sur la volonté de « pouvoir en dire autant sur le sujet sinon plus que l’auteur pouvait en dire lui-même. Ne pas être passif et s’en remettre à l’auteur. Il faut pouvoir dire plus que le texte, c’est-à-dire ne pas être des interprètes mais des créateurs. Cette chose est également vraie pour les personnages de la part des comédiens et des metteurs en scène dramaturges ».9 Ce groupe d’artistes intellectuels menait un travail de réflexion sur deux niveaux conjoints : la dramaturgie fondamentale et la dramaturgie spécifique à chaque spectacle, dans une émulation intellectuelle et artistique d’une grande exigence.

Une attitude qui était dans l’air de la mouvance de Mai 68 : Jean-Pierre Vincent, Patrice Chéreau, Peter Brook et Ariane Mnouchkine, tous, à leur manière, étaient en France à la recherche d’un théâtre anti-bourgeois, non conformiste et engagé. Le choix du théâtre n’était pas qu’une arme propice à la prise de parole, il répondait aussi au besoin de laisser une trace dans ce tournant de l’Histoire, une façon de participer à la réalisation

9 Notes d’André Engel à propos de la programmation de saison 1974-1975 du TNS, cf. Annexe p. 614

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du grand rêve idéologique. En théâtre, les grands maîtres étaient Jerzy Grotowski, Peter Stein ou Georgio Strehler, selon les affinités esthétiques ou politiques.

L’ambition était pour cette jeune équipe de proposer une dramaturgie fondamentale pour un nouveau théâtre. On peut lire dans les notes de travail d’André Engel : « Faire notre propre Achat du cuivre »,10 dépasser Brecht ou du moins renouveler ses théories, compte tenu du bouleversement de la société survenu après 68. Un débat qui les suivra et s’affirmera au sein du TNS.

C’était aussi réfléchir à la dramaturgie de chaque spectacle où il est question d’« avoir quelque chose de réel à dire sur le thème d’une pièce et de ses personnages ».11 La démarche politico-esthétique étant essentiellement centrée sur le texte à la recherche des indices de réel. André Engel, à l’aise avec sa formation universitaire philosophique,12 apporte un point de vue nourri de ses lectures, réflexions et convictions. Si l’influence de l’Internationale Situationniste n’est pas clairement nommée, elle est totalement sous- jacente au regard nouveau qu’il apporte sur le principe même de la représentation.13

Le duo Vincent-Jourdheuil se mue en trio Vincent-Jourdheuil-Engel que relaye le collectif artistique et dramaturgique. Une pluralité d’interlocuteurs pour les comédiens qui loin de complexifier le travail le dynamisait par la richesse des échanges « toujours brillants »14 qui séduisait les acteurs. Un collectif constitué « de jeunes gens qui se sont engagés et qui ont inventé des formes et une manière de regarder le théâtre. Ils avaient une foi », se souvient Maurice Bénichou qui fut de l’aventure.

Du côté de l’équipe de création, l’enthousiasme était sincère alors que du côté du public les réactions variaient de l’engouement au scepticisme comme en témoigne la presse. « Le public du Théâtre de l’Espérance ne sait jamais s’il est à la messe, à la

10 Notes d’André Engel à propos de la programmation de saison 1974-1975 du TNS, cf. Annexe p. 614

11 Idem

12 Le 3 février 1986 un article d’Olivier Schmitt dans le quotidien Le monde s’attardera sur cette facette du personnage, dont le titre « Un philosophe d échire le rideau ro uge » est évocateur, et l’amorce un rappel honorifique de ses années universitaires : « Comment le plus jeune agrégé de philosophie français, André Engel, s’est-il converti à la mise en scène ? Par hasard, un peu, et par passion, une passion qui se nourrira de la rencontre et de l’amitié, surtout ». (Il convient de rectifier ici une information erronée qui a cours depuis cet article, à savoir qu’André Engel, s’il fut, quelques temps professeur de philosophie sa licence en poche, ne fut jamais agrégé).

13 Voir 2ème partie « Engel et l’Internationale Situationniste » p. 502

14 BENICHOU Maurice, entretien

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Sorbonne ou à Guignol, tant savantes sont parfois les explications préliminaires pleines d’intentions mirobolantes ».15 Un travail intellectuel dont témoignent les cahiers- programmes richement documentés.

Après une figuration dans Capitaine Schelle, Capitaine Eçço, André Engel participe en tant que comédien à Dans la jungle des villes, La Noce chez les petits bourgeois , et La Tragédie optimiste, comme en témoignent les photos :

« Dans la jungle des villes » : André Engel et Hélène Vincent

« La noce chez les petits bourgeois » (à gauche : André Engel)

15 GALEY Matthieu, « Don Juan et Faust », Quotidien Combat, revue de presse

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« La tragédie optimiste » (André Engel au centre, à sa droite Dominique Muller)

Mais il sera surtout intéressé par les discussions dramaturgiques qui correspondent à son parcours de philosophe et à ses préoccupations politiques. Un travail dramaturgique dont rendent compte les articles de Jean Jourdheuil, Jean-Pierre Vincent et Michel Deutsch sur les spectacles montés par le Théâtre de l’Espérance dans la revue Travail Théâtral de 1974 qui lui consacre un chapître entier.16 La place grandissante d’Engel en quelques spectacles, l’amène rapidement à cosigner les mises en scènes - ce sera le cas de La Noce chez les petit bourgeois - pour finalement avoir la responsabilité de celle de Don Juan et Faust de Grabbe, sa première mise en scène.

16 Travail Théâtral n° 16, juillet-septembre 1974

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Don Juan et Faust 1973

Premiers pas de metteur en scène

Pour les décors et les costumes, trois collaborateurs s’associent à André Engel : Yannis Kokkos, Tony Margerie et Nicky Rieti.

André Engel crée sous forme de BD-collage un dialogue imaginaire entre Brecht et lui- même où il s’explique sur ses intentions dramaturgiques. Un collage qui reflète aussi bien le côté BD qui habitait l’adaptation scénique que le sérieux du propos et l’humour dérisoire de toute cette opération.

Photo montage d’André Engel pour « Don Juan et Faust »

Un photo montage dont voici le texte :

« Brecht : Pouvez-vous m’expliquer en quelques phrases ce que vous avez voulu fair e en mettant en scène le Don Juan et Faust de Grabbe ?

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Engel : Avec Don Juan et Faust, nous choisis sons de montrer comment les personnages des grandes œuvres littéraires o ccidentales « fonctionnent », à partir du moment où nous prenons garde qu’ils sont su sceptibles de ne pas être seulement des mythes, mais aussi parfois des individus.

Brecht : Je ne comprends pas bien ! vous voulez montrer que des personnages littéraires tels que Don J uan et Faust ont jusqu’ic i succombé à des rêves aussi inconsistants que du papier. C’est bien cela ?

Engel : Si vous voulez…Ce que je crois surtout, c’est que ces personnages meurent de ne pouvoir appartenir à une autre histoire qu’à l’ histoire de l’art et qu’il est encore p lus difficile de se libérer de l’histoire de l’art que de l’histoire tout court. Au fond, si cette pièce devait raconter quelque chose - ce dont on peut douter - c’est que l’art ne prend son essor qu’à la tombée de la vie ».

André Engel propose une lecture politique de la pièce, son sujet étant « l’irrationalité de l’Histoire, le chant du cygne d’une certaine pensée marxiste ».17 Une lecture qui élargit le propos à des enjeux politiques très marqués.

Autrement dit, faire du théâtre pour André Engel correspondait à la volonté de s’en emparer pour défier le monde : « le merveilleux, écrit André Engel en entête du texte, n’est rien d’autre qu’une volonté d’intervention qui se dresse face au monde dont l’ordre inacceptable est mis au défi par le désordre du possible ».18

Une intervention qui relève d’une atteinte terroriste en ce sens qu’elle confronte l’improbable aux lois non seulement morales mais aussi « du monde physique et de la pensée » parce que « l’intervention de l’improbable [est un] principe général du spectacle ».

Le spectateur pris à partie est engagé dans ce mouvement mu par la volonté d’intervention dans l’ordre du monde :

« Anneaux magiques, métamorphoses, disparitions, invisibilités, apparitions, tout ce qui, au fond, concerne l’abolition des propriétés, et qui est la poésie à l’état pur, joue ici à son propre degré d’efficience.

17 Notes personnelles

18 ENGEL André, Pour une atteinte à la sécurité de l’esprit, texte situé en entête du manuscrit, cf. annexe p. 661

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Les incessantes perturbations du réel connu, provoquent l’éveil du spectateur ; de celui, tout au moins, chez qui n’est pas irrémédiablement enseveli l’éblouissement de l’insurrection contre la banalité des choses ».19

Des propos qui dépassent la philosophie esthétique pour atteindre le domaine politique.

L’un n’allant pas sans l’autre. Une donnée fondamentale qui correspond aux convictions d’André Engel et oriente son approche du théâtre.

Mâtinées d’influences activistes, les images produites dans les projets de communication reflètent ce fond à la fois idéalisé et tenu à distance avec humour. Les photos et dessins empruntés au monde de la BD en témoignent.

Images de projets d’affiche et de programme

Ce qui frappe-là est sans nul doute la profondeur de la pensée qui sous-tend le regard porté sur le théâtre. André Engel, tout en creusant une réflexion politique, formule les prémices d’une dramaturgie fondamentale qui remet en question la notion même du statut artistique de l’œuvre. Tout en travaillant à la dramaturgie liée à la mise en scène de Don Juan et Faust , il précise une pensée nouvelle dont les textes écrits à cette occasion témoignent. Leurs titres évocateurs sont déjà programmatiques en soi :

Pour une atteinte à la sécurité de l’esprit La souffrance des Prométhées

19 ENGEL André, Pour une atteinte à la sécurité de l’esprit, texte situé en entête du manuscrit, cf Annexe p. 661

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De la sensualité au mensonge

A cela s’ajoute des notes analytiques sur l’œuvre, dont une sous le titre : une seule scène pour deux grandes œuvres, et enfin une analyse détaillée des personnages.

Tout un appareil critique s’élabore ainsi dès la première mise en scène.20 Un mythe et sa mémoire

La direction dramaturgique sur laquelle repose la mise en scène proposée par André Engel interroge le principe du mythe en le démontant. La question étant pour André Engel : « Comment les personnages des grandes œuvres littéraires se comportent-ils à partir du moment où nous prenons garde qu’ils sont susceptibles de ne pas être seulement des mythes mais aussi parfois des individus ?

La réponse est qu’ils meurent. Mais de quoi meurent-ils ? Ils meurent de ne pas pouvoir appartenir à une autre histoire qu’à l’histoire de l’Art ».21

Une question qui concerne directement cette pièce de Grabbe en mettant en relation les deux monuments de la littérature que sont Don Juan et Faust. La pièce qui commence à Rome, les fait se rencontrer dans des circonstances romanesques et dérisoires puisqu’ils sont amoureux de la même femme : Donna Anna (que l’on retrouve dans les Don Juan de Tirso de Molina comme celui de Mozart) et qui figure aussi bien Elvire que Marguerite. La réécriture de Jean-Claude Grumberg qui en simplifie les traits tire vers un burlesque qui contribue à démythifier les deux grandes figures. La rencontre a lieu ironiquement au sommet du Mont Blanc où les deux aventuriers en tenue de ski s’affrontent sur une pente glissante. C’est plein d’un charme ambigu : « ces gamineries culturelles pourraient agacer, écrit Pierre Marcabu, si dans leur entreprise de démolition Engel et Grumberg ne témoignaient pas tous les deux d’une curieuse sympathie pour ce vieux Faust et ce ridicule Don Juan qu’ils s’acharnent à ridiculiser. Tout le charme et la beauté de la soirée, conclut-il, est dans cette ambiguïté ».22

« Un gigantesque pied de nez à la culture »,23 une dénonciation de ses effets pervers ; c’est pourquoi elle était « le seul climat dans lequel on puisse localiser cette pièce, explique André Engel, non pas simplement parce que Grabbe appartient à telle époque

20 Voir textes en annexe pp. 661 et 664

21 ENGEL André, notes de travail

22 MARCABU Pierre, « Don Juan et Faust, un duo burlesque », France Soir, revue de presse

23 MAZARS Pierre, Le Figaro, revue de presse

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culturelle, mais surtout parce que les personnages sont extrêmement culturalisés et n’ont pas d’autre mode d’existence ». Ce sont des êtres qui appartiennent à la littérature et c’est à ce titre qu’ils sont intéressants et dérisoires. « Nous voulons montrer, explique-t-il encore, que ces personnages plient sous un poids culturel et que c’est la rencontre de Don Juan et de Faust qui provoque et la mort de l’un et la mort de l’autre ».24 Dans une autre interview, André Engel confie : « je ne crois pas que ce soit une bonne pièce. Ce qui nous a intéressé […] c’est la rencontre de deux mythes. […]

Nous avons cherché à découvrir l’individu sous le mythe ».25 Une réhabilitation et une démythification par la dérision qui se retrouve dans les décors qui assument totalement le factice. Un décor de tissus « ironique et superbe » affirme Pierre Marcabu.

« Don Juan et Faust » au Palace

Une dérision que l’on retrouve également dans le dessin de Nicky Rieti pour le projet d’affiche qui représente « marchant sur une route, deux bouchers entourant un mouton dressé sur ses pattes arrières, il y a aussi au fond, une église. En fait, explique André

24 ENGEL André, propos recueillis par Louis Dandrel, « Plus une histoire est grosse, et plus les gens y croient », Le Monde, revue de presse

25 Combat, revue de presse

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Engel, se faisant le porte parole de Nicky Rieti, il s’agit de Dietrich Grabbe et de son meilleur copain Heirich Tragodie qui aident le vieux Goethe à traverser l’autoroute non loin de la maison du poète ».26 (La maison, c’est l’église et cette église, c’est Saint- Pierre de Rome.)

Dessin de Nicky Rieti pour le projet d’affiche

« C’est une dérision intégrale redressée sans cesse par une clairvoyance de génie, constate Michet Cournot. C’est très fort ».27

Immédiatement, comme pour tout ce que produisait le collectif Vincent-Jourdheuil, le travail est unanimement salué par la presse et la pièce est un succès. « Une soirée à marquer d’une pierre blanche » déclare sans restriction Pierre Marcabu.

En réalité, dès cette première mise en scène de jeunesse, André Engel amorce les bases extrêmement solides qui fonderont toute la théorie de son approche du théâtre. Le rapport aux œuvres d’art et à l’histoire de l’art tout comme le rapport au réel étant une donnée fondatrice de sa réflexion dramaturgique.

26Combat, revue de presse

27 COURNOT Michel, Le Monde, revue de presse

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Trotsky à Coyoacan 1974

La mise en scène suivante qui lui est confiée est celle de Trotsky à Coyoacan.28 Cette pièce écrite en 1971 par Hartmut Lange, écrivain allemand passé à l’Ouest, relate les derniers jours de la vie de Trotsky et son assassinat par Ramon Mercader, dit Jacson, membre du Gépéou. Une pièce politique historique qui, pour le Théâtre de l’Espérance, suit logiquement La tr agédie optimiste de Vsevolod Vichnevsky, auteur russe, non moins politique et critique. Des choix qui témoignent de l’intérêt fondamental porté par ces jeunes artistes aux choses de l’histoire et de la société contemporaine, mais aussi et surtout de leurs préoccupations politiques.

« La pièce de Lange évite de prendre parti et ne s’attarde pas à la véracité des faits. En revanche, témoigne Matthieu Galay, ce qui retient dans cette pièce intense et solide, c’est la force dramatique de l’éternel conflit, quasiment cornélien, entre la raison d’Etat et la raison d’espérer, entre les moyens et les idées qu’ils servent, entre l’histoire et les hommes qui la font ».29 André Engel déclare avoir souhaité mettre en avant la dimension tragique qui s’y trouve. Une façon d’aborder le théâtre politique en se démarquant du travail brechtien qui fut le leur jusque là. « Nous ne mettons pas l’accent sur la fable, la démonstration. Nous essayons d’établir une psychologie de situation, de jouer la vérité humaine des personnages, leur épaisseur »,30 précise André Engel.

Une dimension qui joue en miroir les questions de ces jeunes gens pris dans les soubresauts de l’histoire. Si pour Lange la question posée réside dans l’alternative possible que Trotsky aurait pu incarner face au stalinisme et au nazisme, la réponse n’est pas donnée : « Trotsky isolé à Coyoacan, compense l’irrationalisme qui s’est emparé de l’histoire, compense son manque de pratique politique en affirmant avec force sa foi dans la raison, sa foi dans la classe ouvrière. Parce que la situation est désespérée, elle est désespérante et le désespoir est entré en nous »,31 conclut André Engel.

28 Pièce inspirée du livre d’Isaac Deutcher « Trotsky », le texte de Lange dans la version scénique d’Engel a été traduit par Sylvie Muller et Jean Jourdheuil.

29 GALEY Matthieu, « Trotsky à Coyoacan, Marx et Co rneille » Le Quotidien de Paris du 11 octobre 1974

30 ENGEL André, propos recueillis par Colette Godard, « André E ngel met e n scène des q uestions angoissantes sur Trotsky », revue de presse

31 Idem

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Cette génération d’artistes qui s’empare du théâtre pour réfléchir le monde, accuse le principe de réalité. « En 1968, a sonné le glas de la légitimité accordée au totalitarisme communiste. Qu’elle soit marxiste, trotskiste, léniniste ou autre, la conception révolutionnaire demeure une conception totalitaire de l’évolution de la société ».32 Un constat générateur de désarroi dont la nouvelle génération sortira par des attitudes de recherche : la création d’un nouvel « imaginaire politique » passe très concrètement pour eux par le théâtre qui devient par son essence même porte parole d’une réflexion politique et moyen d’expression politique.

Le texte de Lange représente pour André Engel une tentative pour parler poétiquement de l’histoire. D’après lui, depuis les Grecs et les Latins, depuis Shakespeare, on n’y était plus habitué. En recherchant cette approche, il s’inscrit en faux par rapport à un théâtre brechtien didactique et propose une approche du théâtre dont l’esthétique, si elle est nécessairement dialectiquement liée au propos, n’en a pas moins la fonction de créer une ambiance propice à faire entendre le texte. Une distance poétique qui donne le relief à ce qui ne serait sinon qu’une copie du réel.

Ainsi, André Engel a dirigé les acteurs sur une base de jeu naturaliste, mais « détournée, déséquilibrée, par des données hétérogènes qui interviennent comme éléments critiques ».33 L’angoisse qui pèse dans ce texte, André Engel tenait à ce qu’elle soit perceptible par le public, non pas tant intellectuellement que par le malaise qu’elle provoque et dont il souhaitait qu’il « arrache violemment les spectateurs à leur fauteuil, c’est-à-dire à leur sommeil ».

Le travail des comédiens, dont particulièrement celui d’Henri Virlogeux qui incarnait Trotsky et de Gérard Desarthe, Otto Rühle, fut salué dans ce sens, les critiques relevant un jeu physique, des syncopes vocales et des à-coups qui relevaient les failles de ces héros de l’histoire, leur rendant leur humanité.

32 COHN BENDIT Daniel, interview de Jean Viard, France 2, « Des mots de minuit » 21 avril 2008

33 ENGEL André, propos recueillis par Colette Godard, « André E ngel met e n scène des q uestions angoissantes sur Trotsky », revue de presse, idem citation suivante

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« Trotsky à Coyoacan » : photos du spectacle

Les décors de Nicky Rieti, dont les moyens ne permettaient pas le naturalisme, tendaient vers un réalisme de film noir américain qui avait pour fonction de créer une atmosphère chaude et moite liée au contexte (le Mexique) mais surtout à l’inexorable attente. Une influence tchekhovienne et une référence à En attendant Godot . Un naturalisme qui n’exclut pas les symboles comme la scène – pour ne pas dire la cène – du dernier repas comptant parmi les convives le Judas – Jacson.

« Trotsky à Coyoacan » : photo du spectacle

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La pièce fut jouée au cinéma Monge-Palace, rue Monge, que le Théâtre Mécanique venait d’investir. Le très jeune directeur, Stéphane Lissner, tout juste âgé de 21 ans, avait déjà la capacité et le discernement lui permettant de repérer les metteurs en scène et les équipes prometteurs. Très réactif, il ouvrit immédiatement ses portes à la jeune compagnie : le 30 septembre 1974 au soir, le Monge-Palace donnait ses dernières séances de cinéma, le 1er octobre au matin, les travaux commençaient et le 9 octobre, André Engel créait Trotsky à Coyoa can. La précipitation fut certainement responsable d’une gestion de jauge approximative qui fit que le soir de la générale où la presse était invitée, les conditions de réception n’étaient pas toujours bonnes : trop d’invitations distribuées. Le texte ne fut pas toujours bien audible. Un mal pour un bien : la presse nationale largement présente se fit très positivement l’écho du spectacle, saluant la qualité, tant de la mise en scène et de la direction d’acteurs dont les talents étaient reconnus, que de l’approche de la pièce par une dramaturgie intelligente. André Engel s’était fait un nom et était reconnu comme metteur en scène à part entière.

Ses deux premières mises en scène ne furent pas de simples essais, bien que cooptées par la solide équipe que constituait le Théâtre de l’Espérance. Elles portaient déjà les qualités d’une signature personnelle soutenue par une intelligence dramaturgique rare.

Ces deux mises en scènes dans une salle de théâtre « classique » ne donnaient pas encore l’ampleur que révèleront les aventures « hors les murs » à Strasbourg, mais elles manifestaient, tant par les textes choisis que par l’esthétique des spectacles, les enjeux de l’œuvre dramatique du jeune metteur en scène. André Engel marquait le début de sa carrière par une démarche intellectuelle forte.

Le rapport au réel et à l’histoire tout aussi bien qu’à l’histoire de l’art, les enjeux politiques et la remise en question des mythes, la nécessité de « déranger » le public en adoptant avec lui et non contre lui une attitude critique, tous ces points forts, rendus visibles par la scène et caractéristiques du théâtre d’André Engel, étaient dès lors présents. Une œuvre de metteur en scène se dessinait qui s’alimentera, spectacle après spectacle, dans une fidélité inébranlable à ses convictions.

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Théâtre hors les murs

Baal 1976

Baal est un spectacle important puisqu’il lance, à proprement parler, la carrière d’André Engel. En réalité, André Engel avait déjà été assistant de deux mises en scène, deux pièces de jeunesse de Brecht : Dans la jung le des ville s et La noce chez les petits bourgeois mis en scène par Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil. Bien qu’André Engel ait collaboré à ces deux spectacles, il n’était pas à l’origine de leur choix. En outre, il avait été responsable de la régie de deux spectacles au sein du Théâtre de l’Espérance : Don Juan et Faust de Grabbe et Trotsky à Coyoacan de Hartmut Lange.

Mais avec Baal, il est conscient d’avoir effectué un choix personnel. Une réelle prise en charge du projet qui explique qu’on qualifie ce travail de « première » mise en scène.

Cependant, assisté de Gérard Desarthe, le travail se fait comme au sein du Théâtre de l’Espérance : en équipe. Ainsi la dramaturgie revient à Bernard Pautrat qui s’adjoint Georges Didi-Huberman ; et Nicky Rieti, peintre-décorateur (alors connu sous son prénom italien Nicolo) fait entièrement partie de l’équipe. Lorsqu’André Engel prend la parole sur la mise en scène, ou que d’autres parlent de lui, il faut toujours avoir en tête cette notion de collectif. Je est ici pluriel.

Cette aventure a pu voir le jour au Théâtre National de Strasbourg grâce à la confiance et à la générosité de Jean-Pierre Vincent fraîchement nommé à la tête de cette institution. Si les productions étaient fortement ancrées dans Strasbourg, comme en témoigne le travail d’André Engel dans l’architecture de la ville, les créations de cette jeune équipe n’en ont pas moins eu un retentissement national. Les critiques parisiens se déplaçaient, les regards des universitaires se tournèrent vers Strasbourg, saluant l’originalité, la créativité, l’intelligence, le courage et la grande capacité de travail des artistes. Jean-Pierre Vincent, en acceptant la direction du T.N.S, ne raisonnait pas, du haut de ses trente deux ans, en terme de carrière. Il se lançait dans l’aventure, plein d’illusions et de désirs créatifs, entraînant dans son sillage ses compagnons de route.

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Avec eux, André Engel a pu développer un travail original dont Baal est le premier spectacle. C’est donc en tenant compte de ce contexte qu’il convient de s’intéresser à la mise en scène de Baal, spectacle qui porte déjà en lui, dans sa dramaturgie et dans sa forme, les enjeux esthétiques et les convictions d’André Engel.

Il convient de préciser que l’analyse des mises en scènes de cette période strasbourgeoise est faite à partir de documents réunis et témoignages collectés, et non d’une expérience de spectateur vécue. En outre, s’il existe des photos, aucune captation n’en a été faite. Il en résulte une tentative de reconstitution qui a ses limites, mais qui peut tout de même donner prise à une analyse et à une inscription du spectacle dans l’ensemble de l’œuvre.

Couverture du programme de « Baal »

Baal est la première pièce de Brecht écrite en 1918, pourtant il remaniera le texte toute sa vie jusqu’en 1955. Il n’en existe pas moins de cinq versions ainsi que des fragments.

André Engel et ses collaborateurs ont travaillé à partir de la dernière version, dans la traduction de Guillevic. Composée de vingt-deux tableaux, la pièce se caractérise par une originalité de forme qui l’éloigne de fait du théâtre classique. C’est un premier aspect de l’œuvre qui va intéresser André Engel, donnant ainsi matière à une adaptation libre.

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