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Chapitre 2 – Cadre théorique

2.3 L’élaboration d’une réponse à la suite d’une lecture

2.3.6 Une synthèse portant sur la troisième sphère de la lecture : la réponse

Lire, c’est décoder, comprendre et répondre, puisque la réalité sociale d’aujourd’hui exige une réponse du lecteur. Cette réponse, qui peut prendre la forme d’une action, d’une réaction, d’un écrit ou d’une parole, sera habituellement reçue par un destinataire. Celui-ci est guidé par une intention qui peut être désignée par le lecteur lui-même, mais peut également être dictée par une personne externe, soit l’enseignant, par exemple. Les quatre dimensions de la lecture donnent des balises en ce qui concerne les types de tâches, de questions et de réponses attendues.

Une réponse liée à la compréhension littérale et à la compréhension inférentielle aboutit à un sens commun et est peu contestable (Dufays et coll., 2009). Les élèves reprennent explicitement les passages cités du texte ou reformulent dans leurs mots une réponse semblable. Il n’y a pas de divergence de point de vue. Une justification peut ne pas être nécessaire puisque tout le monde s’entend sur une réponse semblable.

Pour les autres dimensions de la lecture (l’interprétation, la réaction et le jugement critique, dont l’appréciation), une justification est habituellement nécessaire pour rendre recevable la réponse énoncée par l’élève.

En effet, une réponse liée à la dimension de l’interprétation est plurielle (Falardeau, 2003; Turgeon, 2013). Plusieurs élèves peuvent répondre différentes affirmations et celles-ci peuvent être influencées par leurs connaissances antérieures, leur culture, etc. Une réponse liée à la dimension de la réaction au texte est affective et émotionnelle (André de l’Arc, 2019; Giasson, 2011; Langlade, 2007; Turgeon, 2006) et peut être différente d’un élève à l’autre, selon leurs expériences, leurs valeurs, etc. Les élèves font des liens entre leur vie et le texte. Il s’agit donc d’une réaction personnelle du lecteur à l’égard de sa propre vie et du texte. Une réponse liée à la dimension de l’appréciation est un jugement critique à l’égard d’une ou plusieurs œuvres basé sur des critères ou des procédés littéraires (Giasson, 2011; Turgeon, 2006, 2013). Les élèves doivent analyser l’œuvre à la lumière de ces critères et se positionner. Les réponses seront différentes selon les critères choisis et l’analyse effectuée.

Plusieurs actes de parole favorisent cette élaboration verbale à teneur justificative (tableau 10). Pour n’en nommer que quelques-uns tirés de la PDA, on demande aux élèves de défendre, de négocier, de nuancer ou de changer leur interprétation à la suite des échanges, on demande aux élèves d’appuyer leurs réactions et de considérer les réactions des autres ou de porter un jugement critique sur les œuvres.

Pour répondre à une question à la suite d’une lecture, les élèves doivent souvent justifier et « fournir les raisons les plus susceptibles de rendre leur position, leur avis ou leur réponse légitime aux yeux de leur destinataire » (Forget, 2012, p. 62). Ils doivent développer certaines habiletés linguistiques, telles que l’emploi de marqueurs de relation, ce qui, d’après Daviault (2011), n’est pas totalement maîtrisé avant la fin du secondaire. Ils doivent aussi utiliser certains processus cognitifs qui aident à la planification et à la production d’une justification. Forget (2014) a identifié ces processus de justification (tableau 12) Valider la recevabilité de sa réponse et Appel à évaluer ou porter un jugement et nous remarquons que certains processus sont similaires aux stratégies de compréhension, car ils sont réinvestis dans la réponse à la suite d’une lecture (tableau 13) comme Appel à son expérience, Appel à un questionnement, Appel à des passages, des extraits, des citations tirés du texte, Avoir recours à la visualisation (s’identifier à autrui).

En raison de ce qui précède, nous croyons également important de mieux cerner le rôle du vocabulaire et de l’inférence, car ceux-ci influent sur la production d’une réponse à la suite d’une lecture.

En effet, sachant qu’il y a des différences entre les élèves plus jeunes ou plus âgés en ce qui concerne leur capacité inférentielle (Barnes et coll., 1996; Dupin de Saint-André, 2011; Fayol, 2017), l’utilisation de leurs stratégies de compréhension (Israel, 2007) et l’étendue de leur vocabulaire (Biemiller, 2005, 2007, 2012; Boudreault et collaborateurs, 2007; Sutton et Trudeau, 2007), nous posons l’hypothèse qu’il y a également des différences entre les capacités justificatives des jeunes élèves du même âge ainsi que des différences entre les élèves plus jeunes et ceux plus âgés.

Nous cherchons également à mieux cerner le contexte social et l’étayage offert lors de l’élaboration d’une justification. L’étayage prend souvent la forme d’une discussion entre un ou des élèves et l’enseignant (Lafontaine, Terwagne et Vanhulle, 2017). Par ses commentaires et ses questions, l’enseignant régule la démarche de ses élèves et les incite à exprimer leur compréhension, leur interprétation, leur réaction et leur appréciation à propos du contenu du texte. Dupin de Saint-André (2011) indique que les enseignantes qui ont été formées privilégient les questions ouvertes et les questions de relance. Ce type de questions est essentiel puisqu’il aide les élèves à clarifier, préciser ou compléter leur justification à la suite d’une lecture.

Quoi qu’il en soit, il semble que la production d’une justification sans étayage soit plus difficile dans un contexte écrit que dans un contexte oral (Forget, 2014). Pour certains élèves qui n’ont pas automatisé les processus liés à l’orthographe et à la graphomotricité (MELS, 2011b) cet effort mobilise une grande énergie cognitive. La recherche de Guay (2010) indique qu’en changeant la modalité de l’écrit à l’oral, les élèves ont démontré de meilleurs résultats (particulièrement pour les garçons), ce que confirme également l’étude de Hurley (2006) menée auprès de 640 élèves de 3e et 4e année du primaire. Même si nous ne pouvons pas généraliser

les résultats étant donné le petit échantillon, les résultats de cette recherche semblent confirmer l’hypothèse que de répondre à l’oral est facilitant.

Finalement, nous cherchons à mieux comprendre le contexte oral d’une justification avec étayage puisque ce contexte semble présenter plusieurs facteurs favorisant le développement de la justification.

D’abord, il y a les modalités d’interaction (Hébert, 2002) qui déterminent comment les élèves interagissent entre eux (coélaboration acquiesçante, coconstruction, confrontation avec désaccords et confrontation contradictoire ou conflit sociocognitif). Ces modalités d’interaction favorisent le processus de validation nécessaire à l’élaboration d’une justification puisque les membres du groupe ou l’enseignant peuvent rétroagir sur la réponse de l’élève. Ces types d’interaction entraînent donc les élèves à produire, à clarifier, à développer ou à compléter leurs justifications.

Ensuite, un autre facteur important du contexte oral avec étayage est le degré des niveaux d’étayage verbal offert (MacFarlane et Serafini, 2008, cités par Pearson et Gallagher, 1983) (voir tableau 14). Il semble qu’à travers les discussions, il est possible d’analyser les stratégies justificatives utilisées par les élèves, mais également le niveau d’étayage offert : la stratégie justificative a été modélisée par l’enseignant, elle est partagée par l’enseignant ou un pair, elle est guidée par l’enseignant ou un pair ou elle a été utilisée de façon autonome par l’élève. Selon le dispositif didactique choisi, le niveau d’étayage peut passer d’important à modéré, à faible ou à nul. Il est donc avantageux que le choix du dispositif didactique corresponde au besoin et à l’intention pédagogique de l’enseignant. Certains dispositifs permettent un niveau d’étayage important de la part de l’enseignant : la lecture interactive, la lecture partagée, la lecture guidée, tandis que d’autres offrent la chance aux élèves d’étayer davantage les réponses de leurs pairs : la lecture REP, la lecture en duo et les cercles de lecture.

Finalement, il semble que certaines séquences didactiques où il y a un enseignement explicite de certaines stratégies justificatives et où il y a un enchaînement de plusieurs dispositifs améliorent les capacités justificatives des élèves (Auriac-Peyronnet, 2001 ; Hébert, Guay et Lafontaine, 2015).

2.3.7

L’évaluation de la justification et la pertinence de