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Chapitre 2 – Cadre théorique

2.2 Le réinvestissement des composantes liées à la compréhension dans la réponse du

2.2.1 L’inférence

Tous les modèles théoriques cités jusqu’ici (Hoover et Gough, 1990; Irwin, 2007; Kinstsch et Van Dijk, 1978, 1983; Montésinos-Gelet, 2016; Scarborough, Neuman et Dickinson, 2009) réfèrent à leur façon au concept d’inférence. Puisque nous nous intéressons à la réponse du lecteur, mais que celui-ci doit faire des inférences pour accéder aux sens du texte, nous reprenons quelques notions importantes citées dans la thèse de Dupin de Saint-André (2011). Nous portons une attention particulière aux inférences qui peuvent être observables lors de la construction de la réponse du lecteur.

Une définition de l’inférence est que « le lecteur utilise les informations fournies par le texte et les complète à l’aide des informations inférées, c’est-à-dire d’éléments non présents dans le texte » (Denhière et Beaudet, 1992, cités par Dupin de Saint-André, p.60). Cain (2010), pour sa part, mentionne que de réaliser une inférence consiste « à aller au-delà de l’information explicite dans le texte pour établir des liens entre les différentes parties du texte ou entre le texte et les connaissances générales5 » (p. 249).

4Cela correspond au niveau secondaire au Québec.

5Traduction libre de : The process of going beyond the explicit information in a text to make links between different parts of the text or between the text and general knowledge (Cain, 2010, p. 249).

Dupin de Saint-André (2011) s’est intéressée à la classification des inférences. Elle s’est inspirée de la classification de Bianco et Coda (2002) pour former les enseignantes de son projet de recherche. Nos intérêts de recherche portent sur les traces observables d’inférence laissées dans les justifications des élèves, il est donc important que nous puissions « voir » les catégories d’inférences dans les réponses des élèves, puisque nous nous intéressons à ce que les élèves produisent et non pas seulement à ce qu’ils comprennent. La classification des inférences par Dupin de Saint-André (2011) nous interpelle, puisque certaines de ces catégories peuvent aider à expliquer comment les élèves réinvestissent ces inférences dans leurs justifications. Au tableau 6, nous présentons les différentes catégories d’inférences et nous commentons dans la colonne de droite si celles-ci peuvent être observées dans les justifications des élèves. Nous avons toutefois ajouté les inférences pragmatiques à la classification de Dupin de Saint-André (2011) proposées par Bianco et Coda (2002), car il s’agit d’inférences qui peuvent être observées dans la réponse du lecteur.

Tableau 6. La classification des inférences selon Dupin de Saint-André (2011)

Inférences Définitions Traces observables dans

la réponse de l’élève

Inférences nécessaires

Anaphorique Lien entre un mot de substitution et son

référent Nous n’avons pas étudié ce phénomène.

Causales Lien de causalité entre plusieurs

événements OUI, l’élève peut décrire un lien causal comme réponse à une question.

Ex. : « Elle joue au soccer à l’école donc ils l’ont comme accepté »

Lexicales Comprendre un mot peu familier OUI et NON

Si le mot est réutilisé, cela implique habituellement qu’il est compris.

Inférences optionnelles

Prédictives Anticipations plausibles de la suite du

texte OUI, la réponse de l’élève peut anticiper une suite plausible. Ex. : « Je pense qu’elle va s’enfuir de l’école »

Pragmatiques Utilisation des connaissances du lecteur pour combler le manque d’information du texte. Élaboration qui donne lieu à un résultat plausible en fonction des connaissances que la personne a sur le sujet traité. (Adapté de Bianco et Coda, 2002)

Oui, la réponse du lecteur propose

une complémentarité

d’informations à ce qui est dit dans le texte.

Ex. : « Il a probablement apporté son parapluie puisqu’il pleut. »

Ce tableau illustre les types d’inférences que les lecteurs peuvent faire, et nous remarquons, d’après la colonne de droite, que plusieurs catégories d’inférences peuvent être réinvesties dans la réponse du lecteur, particulièrement celles appelées Inférences causales, puisque « les textes narratifs ont une structure qui repose très largement sur les relations de causalité physique entre événements, ou de causalité psychologique entre motivations et buts (des personnages) (Coirier, Gaonac’h et Passerault, 1996, cités par Dupin de Saint-André, 2011, p. 62) ». Il y a également les inférences pragmatiques qui permettent aux lecteurs de mobiliser leurs connaissances, souvent de manière inconsciente, au point que le lecteur a parfois le sentiment qu’elles étaient explicitement mentionnées dans le texte (Fayol, 2017). D’après Pressley (2002), les bons lecteurs peuvent également faire des inférences à propos des intentions de l’auteur ou de l’illustrateur et des intentions des personnages.

Cela nous amène à poser les questions suivantes : est-ce que tous les élèves utilisent ces processus d’inférence dans leurs réponses à la suite d’une lecture? Est-ce que la maturité cognitive peut avoir un impact sur le développement des réponses à teneur inférentielle? Dupin de Saint-André (2011) recense quatre études (Florit, Roch et Levorato, 2011; Makdissi et Boisclair, 2004; Paris, Lindauer et Cox, 1977; Van den Broek, Kendeou, Kremer, Lynch, Butler, White

et Lorche, 2005) où les élèves devaient faire des inférences à partir d’un texte oralisé (lu à voix

haute aux élèves). Une de ces études (Paris, Lindauer et Cox, 1977) comparait la performance d’élèves de deuxième année, de sixième année du primaire et du collège6 qui portait sur les

inférences causales. Les participants étaient répartis en deux groupes. Le premier groupe devait faire un rappel de la phrase entendue à partir d’éléments explicites et le deuxième groupe devait faire un rappel de la phrase entendue à partir d’éléments implicites. Les résultats ont démontré que les élèves de deuxième année qui faisaient partie du groupe ayant entendu la liste implicite rappellent beaucoup moins de phrases à partir de l’indice implicite que les participants de sixième année ou de ceux du collège. Dans son analyse, Dupin de Saint-André (2011) affirme :

En somme, bien que l’habileté des élèves à faire des inférences s’améliore avec l’âge (Oakhill et Cain, 2004; Florit et coll., 2011), les enfants du préscolaire peuvent faire des inférences (Florit et coll., 2011; Makdissi, 2004; Van den Broek et coll., 2005). Ils le feraient néanmoins de façon moins spontanée et avec moins d’efficacité que des enfants plus âgés (Paris, Lindauer et Cox, 1977; Van den Broek et coll., 2005) (p.71).

Il est alors important de documenter les inférences des jeunes élèves que Dupin de Saint-André qualifie de « moins spontanées » et avec « moins d’efficacité » que celles effectuées par les élèves plus âgés. Fayol (2017) de même que Barnes et collaborateurs (1996) l’expliquent en mentionnant que la connaissance que les jeunes lecteurs « ont des événements et des situations est moindre. Ensuite, leurs capacités cognitives – vitesse de traitement, raisonnement, mémoire de travail – ne permettent pas des traitements aussi efficaces. La réalisation des inférences est donc plus rare, diminuant d’autant la compréhension des textes » (p.84).

Nous croyons que d’analyser les stratégies justificatives à teneur inférentielle pourrait contribuer aux recherches sur l’inférence. Il s’avère alors important de savoir si la maturité cognitive joue un rôle dans le développement des réponses à teneur inférentielle.

D’autres processus cognitifs sont également mis de l’avant en ce qui concerne la compréhension en lecture (Pressley, 2002). Comme mentionné au chapitre 1, il semble y avoir des traces observables des processus de compréhension lors de la construction des réponses des élèves (Provencher, 2013). Il importe de bien cerner ces processus, puisque certains se retrouvent dans les réponses des élèves, ce qui est l’objet de la section suivante.