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Chapitre 3 – Méthodologie

3.6 Quelques précisions concernant le contexte recherché et les liens avec les objectifs

3.6.1 Le choix des dispositifs didactiques

Cette recherche est collaborative, ce qui veut dire que les enseignantes ont participé au processus décisionnel. Il est important de rappeler que nous avons coconstruit la méthodologie

tout au long du projet de recherche avec les enseignantes. Le choix des dispositifs didactiques en est un bon exemple.

Nous sommes consciente que la lecture est un acte complexe et qu’il doit y avoir automatisation des processus d’identification de mots pour favoriser l’énergie cognitive nécessaire à la compréhension (Fayol, 1996; Ainsley, 2006). Nous sommes également consciente qu’un bon lecteur doit utiliser ses processus d’identification de mots, de compréhension et de production impliqués dans l’élaboration d’une réponse à la suite d’une lecture. Cependant, certains chercheurs (Fayol, 1996; Gough et Tunmer, 1986) nous rappellent que « les processus impliqués dans la compréhension seraient les mêmes, qu’ils interviennent sur des supports écrits, imagés ou oraux » (Fayol, 1996, p. 12). Nous avons donc fait le choix que les enseignantes prennent en charge l’identification des mots écrits et lisent à voix haute les différents albums. Cette pratique est courante dans le milieu scolaire et, d’après plusieurs chercheurs, il y a de nombreux bénéfices. Lépine (2017) en fait mention :

Des recherches sur les façons de développer les habiletés de lecture des élèves suggèrent que les lectures à voix haute peuvent être efficaces quand l’enseignant les utilise pour amener les élèves à penser de façon critique en leur posant des questions de type analytique et inférentiel (Dupin de Saint-André, 2011; Ivey, 2003; McGee et Schickedanz, 2007). Ces lectures à voix haute peuvent aussi aider les élèves à devenir de meilleurs lecteurs si l’enseignant encourage ses élèves à prédire, à émettre des hypothèses, à analyser et à faire des liens (Barrentine, 1996; Beck et McKeown, 2001; Reutzel et Cooter, 2008). En réalisant des activités avant, pendant et après la lecture à voix haute, l’enseignant peut aider les élèves à utiliser leurs connaissances et à acquérir de nouveaux savoirs en lien avec le texte lu et discuté (Dupin de Saint- André, 2011; Giasson, 2003; Goigoux, 2016; Hoyt, 1999) (p. 70).

En revanche, nous ne voulions en aucun cas que les élèves soient laissés à eux-mêmes et à leur capacité à se souvenir de l’histoire, il était donc important que les textes soient accessibles aux élèves pour qu’ils puissent consulter le texte et les illustrations pendant et après la lecture (utilisation du tableau blanc interactif (TBI) pour projeter le texte lors des discussions ou accès à un exemplaire de l’album par duo d’élèves lors de la lecture REP et des cercles de lecture). En ce qui concerne les tâches où les élèves devaient élaborer une justification, il semble que l’écriture d’une réponse (justification) peut être plus difficile pour les élèves qui n’ont pas

automatisé les processus liés à l’orthographe et à la graphomotricité (MELS, 2011b). Notre recherche s’intéresse aux premiers apprentissages de la justification à la suite d’une lecture, c’est pourquoi une classe de 2e année au primaire a été choisie. Nous savons également que

pour certains enfants de 2e année, l’encodage de réponses à l’écrit peut être un défi. C’est

pourquoi nous avons privilégié des dispositifs didactiques qui amènent les élèves à exprimer leurs réponses à l’oral. La surcharge cognitive imposée aux élèves de 2e année lors de

l’encodage de leurs réponses aurait été, pour eux, un défi supplémentaire. Cependant, deux tâches de justification à l’écrit ont également été demandées aux élèves à la suite d’un cercle de lecture. Nous voulions utiliser ces justifications pour la partie portant sur l’évaluation par les enseignantes des justifications.

Lors de la deuxième journée de rencontre avec les enseignantes, la chercheuse a présenté une liste de dispositifs didactiques. Nous avons analysé les avantages des différents dispositifs et avons statué sur trois dispositifs didactiques qui, par leur structure, n’offrent pas le même degré d’étayage. Certains dispositifs permettent à l’enseignant d’offrir un étayage important, tandis que d’autres n’offrent peu ou pas d’étayage de la part de l’enseignant. En effet, ce sont plutôt les pairs qui jouent ce rôle. Le choix de dispositifs ayant un degré différent d’étayage nous a permis d’observer si les élèves de 2e année et de 4e année utilisent les mêmes stratégies

justificatives selon ces différents contextes (Question 1 de recherche).

Voici la description des trois dispositifs choisis par les enseignantes et la chercheuse : 1. La lecture interactive (étayage important de la part de l’enseignante)

L’enseignante prend en charge les processus d’identification de mots écrits et offre une prestation expressive. Les élèves écoutent la lecture en ayant accès au texte sur tableau blanc. L’enseignante sollicite quelques élèves et elle les questionne sur certains passages du texte. Il s’agit souvent d’élèves volontaires qui ont levé la main. Elle soutient la compréhension, l’interprétation, la réaction et le jugement critique (appréciation) des élèves par un étayage verbal, par des questions de relance.

2. La lecture Réfléchis seul-Échange en duo-Partage en grand groupe (REP) (Étayage modéré de l’enseignante, mais étayage important avec un pair)

L’enseignante prend en charge les processus d’identification de mots écrits et offre une prestation expressive. Les élèves sont placés en équipe de deux (et les équipes observées ont accès à un exemplaire du livre). À certains moments, l’enseignante arrête sa lecture et pose une question. Elle demande aux équipes d’en discuter ensemble. Tous les élèves participent en duo. À ce moment-là, la dyade s’entraide (étaye ses réponses), discute et clarifie sa compréhension, son interprétation, ses réactions et son jugement critique (appréciation). Ensuite, l’enseignante interpelle quelques duos, elle fait un retour sur la question posée. Elle soutient ses élèves par un étayage verbal et des questions de relance.

Ce dispositif était connu, mais peu ou pas utilisé par les enseignantes.

3. Le cercle de lecture (Étayage nul de la part de l’enseignante, mais étayage important entre pairs)

L’enseignante prend en charge les processus d’identification de mots écrits et les élèves ont tous un exemplaire du livre. Ils sont regroupés par trois. L’enseignante ne dirige pas la discussion et ne participe pas au cercle de lecture. Les élèves sont laissés à eux- mêmes et tous les élèves participent en groupe de trois. Trois minutes sont dédiées à une discussion libre à propos de l’album. Ensuite, le rôle d’animateur de questions a été modélisé et, chaque enfant, à tour de rôle, s’assure que tout le monde participe à la discussion. Six questions sont inscrites sur un dé à jouer ; elles ont été préparées par les enseignantes afin de s’assurer que les élèves répondent à des questions selon les quatre dimensions de la lecture pour documenter leur capacité à répondre à ces différents types de questions. Les groupes gèrent leur discussion. L’enseignante se promène d’un groupe à l’autre, relance parfois certaines discussions.

Ce dispositif était connu des enseignantes, mais peu ou pas utilisé.

Nous voulions d’abord observer si les élèves discutent du livre de façon autonome, c’est pourquoi nous avons opté pour un moment de discussion libre dans la première partie du cercle

de lecture. Ensuite, chaque élève a joué le rôle d’animateur de questions. Les élèves ont utilisé un dé pour les soutenir, ce qui permettait de centraliser les discussions d’équipe autour de questions liées aux quatre dimensions de la lecture (qui est l’un des objectifs de cette recherche). Il était important de pouvoir décrire les stratégies justificatives utilisées lorsque les élèves discutaient de l’album entre eux.

Certains cercles de lecture utilisent un soutien tel que des questions planifiées pour faciliter les discussions autour de l’album (Pichette, 2007), d’autres privilégient les rôles. Nous connaissons les avancées des travaux de Hébert (2019) qui structurent le cercle de lecture avec l’utilisation d’un journal de bord, l’écrit servant par la suite de moteur à l’oral. Le peu de temps pour mener cette recherche doctorale et la contrainte d’avoir déjà dix-huit dispositifs à mettre en place en salle de classe (trois lectures interactives, trois lectures REP et trois cercles de lecture dans chacune des deux classes) faisaient en sorte que nous avons décidé d’orchestrer une séquence de dispositifs didactiques utilisant uniquement de l’étayage verbal partant d’un étayage important de la part de l’enseignante à un désétayage progressif (les cercles de lecture) vers les pairs. Il s’agit ici d’une contrainte méthodologique.

Nous avons travaillé ensemble à établir une démarche de lecture similaire entre la 2e et la 4e

année tout au long du projet de recherche, ce qui veut dire que la structure du dispositif choisi décrite ci-dessus était respectée tout au long de la lecture. Il était également important que les enseignantes de 2e année et de 4e année animent de façon similaire les lectures : utilisation des

mêmes albums pour la 2e et la 4e année, respect du même laps de temps (une période de 60

minutes), utilisation des questions liées aux quatre dimensions de la lecture préparées par la chercheuse et les enseignantes pour chacun des albums, même si elles étaient encouragées à ajouter des questions supplémentaires au besoin. Par cette uniformisation de certains paramètres de la tâche, nous avons pu décrire la variété des réponses utilisées par les élèves de 2e année et les comparer avec celles des élèves de 4e année, et ce, selon les différents

dispositifs didactiques utilisés.

Nous savons également que pour avoir une certaine efficacité, un dispositif didactique doit être connu des élèves (Hall, 2003; Montésinos-Gelet et Morin, 2011). Pour ce faire, nous avons

utilisé le même dispositif à trois reprises (donc lecture de trois albums à travers le même dispositif) afin que les élèves se familiarisent avec chacun des dispositifs. Notre collecte de données (enregistrement des verbatim des élèves) n’a eu lieu qu’à la lecture du troisième album. Ainsi, nous nous sommes assurée que les élèves et les enseignantes se sentent confortables avec la gestion et les règles de chacun des dispositifs (ex. : lecture interactive, lecture REP, cercle de lecture). Nous avons mis en annexe la séquence des albums retenus (Annexe G).

Par le choix et la variété des dispositifs didactiques, nous pouvons répondre à la question 1 du projet de recherche : Quelles sont les stratégies justificatives utilisées par les élèves de 2e et 4e année lors de l’élaboration de leurs réponses ; comment le contexte affecte-t-il la justification des élèves, et quelles sont les stratégies justificatives utilisées par les enseignantes lors de leurs interventions à des fins d’étayage? Spécifiquement pour les deux objectifs suivants :

• Identifier les stratégies justificatives utilisées par les enseignantes lors de leurs interventions à des fins d’étayage et identifier les stratégies justificatives des élèves (2e et 4e année) lors de l’élaboration de réponses à la suite d’une lecture.

• Identifier si certains dispositifs didactiques favorisent davantage l’émergence des stratégies justificatives.

• Vérifier si certaines stratégies justificatives sont plus utilisées par les enseignantes et les élèves lorsqu’ils répondent à des questions de compréhension, d’interprétation, de réaction ou de jugement critique, mais plus particulièrement d’appréciation.