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Chapitre 1 – Problématique

1.1 La pertinence sociale de cette recherche

Cette prochaine section permet de mieux cerner la pertinence sociale et l’utilité de cette recherche pour le milieu scolaire.

1.1.1 Les prescriptions ministérielles à propos de la justification de la

lecture

La justification en lecture est un élément central du Programme de formation de l’école québécoise (2006). Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) indique ce qui est attendu d’un lecteur à la fin du primaire (attente de fin de cycle). Certaines parties de phrases ont été mises en gras, car elles réfèrent de façon explicite ou implicite à la justification :

L’élève lit efficacement des textes courants et littéraires liés aux différentes disciplines et dont la présentation et l’organisation facilitent la compréhension. En ayant recours à des stratégies variées et appropriées pour dégager des éléments d’information tant explicites qu’implicites, l’élève peut établir des comparaisons entre l’information contenue dans plusieurs textes. Il précise sa compréhension du texte, la confronte avec celle de ses pairs et justifie son point de vue verbalement ou par écrit. Ses réactions témoignent de ses intérêts, de son interprétation personnelle et des liens qu’il établit avec d’autres textes. (Programme de formation de l’école québécoise, 2006, p. 75).

Le ministère de l’Éducation fait référence à la nécessité de développer, chez les élèves du primaire, des habiletés de haut niveau comme confronter sa compréhension avec des pairs et justifier son point de vue en lecture.

Plusieurs critères du Cadre d’évaluation des apprentissages (MELS, 2011) font référence à la justification de façon explicite (réaction) ou implicite (interprétation, jugement critique) selon les niveaux scolaires. Ces critères sont utilisés lors d’évaluation pour la reconnaissance des compétences (pour l’épreuve de lecture en 4e année, par exemple), mais également en cours

d’année afin de guider les enseignants et leurs élèves lors des évaluations en aide à l’apprentissage ou pour la reconnaissance des compétences.

Le tableau de la page suivante présente les critères du Cadre d’évaluation des apprentissages (MELS, 2011) utilisés pour les deux compétences en lecture « Lire des textes variés » et « Apprécier des œuvres littéraires » selon chacun des cycles, cela permet d’avoir une vision d’ensemble de ce qui est évalué au primaire. Nous avons mis en gras les critères et les éléments favorisant la compréhension des critères qui impliquent une réponse à teneur justificative.

Tableau 1. Critères tirés du Cadre d’évaluation des apprentissages (MELS, 2011, p. 5) pour évaluer les compétences « Lire des textes variés » et « Apprécier des œuvres littéraires »

Critères du Cadre d’évaluation des

apprentissages

Éléments favorisant la compréhension des critères (Cadre d’évaluation des apprentissages, p. 5)

Cycle 1 Cycle 2 Cycle 3

Compréhension des éléments significatifs d’un texte Extraction d’éléments d’information : -explicites Extraction d’éléments d’information : - explicites - implicites Extraction d’éléments d’information : - explicites - implicites Interprétation

plausible d’un texte --- ---

Formulation d’une interprétation personnelle s’appuyant sur le texte et sur des repères culturels Justification pertinente des réactions à un texte Justification des réactions au moyen : -d’éléments issus du texte ou d’exemples tirés de l’expérience personnelle

Justification des réactions au moyen :

-d’éléments issus du texte ou d’exemples tirés de

l’expérience personnelle

Justification des réactions au moyen :

-d’éléments issus du texte ou d’exemples tirés de

l’expérience personnelle -d’exemples tirés d’autres œuvres

Jugement critique sur des textes littéraires

Expression d’une opinion sur une œuvre à partir des premières impressions

Expression d’une opinion sur une œuvre à partir des premières impressions Appréciation :

-de certaines caractéristiques d’une œuvre

Expression d’une opinion sur une œuvre à partir des premières impressions Appréciation :

-de certaines caractéristiques d’une œuvre

-de l’œuvre dans son ensemble, à l’aide d’exemples pertinents

Recours à des stratégies appropriées*

*Cet élément doit faire l’objet d’une rétroaction à l’élève, mais ne doit pas être considéré dans les résultats communiqués à l’intérieur des bulletins.

Plusieurs critères s’ajoutent entre le premier et le troisième cycle. Nous nous questionnons à savoir si les capacités justificatives des élèves s’améliorent au cours du primaire? Qu’en est-il de leur capacité justificative pour répondre à des questions (à l’oral ou à l’écrit)? Dans le Cadre d’évaluation des apprentissages, les critères présentés donnent peu d’indications sur la qualité de cette justification, pourtant, la lecture est une composante importante du cursus scolaire dès le début du primaire.

D’ailleurs, l’appréciation d’une œuvre littéraire est une compétence à développer selon le ministère de l’Éducation. Dès la première année, les enseignants travaillent l’appréciation d’une œuvre littéraire et encouragent les élèves à justifier leurs réponses. Dans le réseau scolaire, les enseignantes utilisent de plus en plus, les œuvres littéraires intégrales dans leur enseignement et leur évaluation de la lecture (Lépine, 2017). Selon l’étude de Lépine (2017), les albums jeunesse sont la forme littéraire la plus utilisée par les enseignants du primaire. Très tôt dans leur parcours scolaire, les élèves sont donc amenés à discuter des textes et à justifier leurs réponses.

1.1.2 Le peu de données sur la justification en lecture

Peu de données publiques sont disponibles quant à la capacité des élèves à justifier leurs réponses à la suite d’une lecture d’un texte. Le programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (OCDE, 2012), le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) ainsi que l’étude longitudinale du développement des enfants au Québec (ELDEQ) ont tous, chacun à leur façon, évalué la justification des réponses en lecture et indiquent qu’un individu ayant un bon niveau de littératie peut justifier ses réponses. Ces trois études considèrent qu’un individu doit aller au-delà du repérage d’informations. En effet, il doit accroître sa capacité à repérer et à faire des liens entre les informations, mais il doit également développer son habileté à s’exprimer à propos du texte lu (ex. : comparer, résumer, évaluer, synthétiser), ce qui l’amène à justifier ses réponses. Cela dit, ces données plus spécifiques ne sont pas disponibles dans les rapports rendus publics (Annexes A, B et C).

Les bibliothèques et les librairies regorgent d’ouvrages didactiques sur l’apprentissage de la lecture, mais, selon notre recension à partir des sites internet de certaines maisons d’édition spécialisées en éducation et de la consultation de plusieurs ouvrages didactiques, peu présentent un aperçu des pratiques justificatives utilisées pour répondre à une question en lecture.

D’ailleurs, il semble que la compréhension du texte soit nécessaire pour pouvoir justifier une réponse, mais cela n’est pas suffisant. Garcia (1994) distingue des processus qui relèvent spécifiquement de la justification; elle l’explique de cette façon :

La rédaction d’une explication suppose que l’on ait déjà compris le phénomène que l’on cherche à expliquer à quelqu’un d’autre, et se distingue ainsi des traces écrites qui ont aidé à comprendre, la reconstitution a posteriori d’un raisonnement cohérent peut n’avoir que peu de points communs avec le raisonnement effectivement réalisé pour trouver la réponse. (p.8)

Sachant que la grande majorité du matériel didactique se centre sur l’enseignement de la compréhension et sur les stratégies de compréhension (Gear, 2007; Serafini, 2009; Serravello, 2018), il s’avère que l’étude de la justification, notamment dans des opérations de lecture (interprétation, réaction) et d’appréciation (jugement critique), demeure peu documentée en didactique de la lecture.

D’ailleurs, notre expérience dans les écoles et les différentes commissions scolaires de la province nous permet de rapporter les inquiétudes et le manque d’outils offerts aux enseignants quant à l’enseignement et à l’évaluation de la justification en lecture, ce qui a constitué, pour nous, une motivation supplémentaire à mener à terme ce projet de recherche.

1.2 La pertinence scientifique et les études qui se sont intéressées à