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Chapitre 3 – Méthodologie

3.3 La sélection des participants

Nous avons déjà mentionné qu’il y avait peu de données empiriques sur la justification au primaire et, au chapitre 2, nous avons partagé nos interrogations à savoir si la maturité cognitive des élèves a un impact sur le développement de la justification. D’après certains auteurs (Barnes et coll., 1996; Dupin de Saint-André, 2011; Fayol, 2017), les inférences des jeunes élèves sont moins spontanées, moins efficaces et plus rares que celles élaborées par les élèves plus âgés. Il y a également des différences lors de l’utilisation de leurs stratégies de compréhension. Israel (2007) explique que les élèves plus vieux ont vécu davantage d’expériences de lecture, ce qui augmente leur capacité à verbaliser leur démarche, contrairement à de jeunes enfants qui peuvent démontrer plus de difficulté à verbaliser leurs pensées. D’ailleurs, les travaux de Golder (1992) indiquent qu’il est difficile pour un jeune enfant de considérer une autre position que la sienne, même à l’oral. En effet, cette capacité de se distancer du texte et de considérer son interlocuteur est essentielle au fonctionnement d’un dialogue argumentatif. D’après Golder (1992), la coopérativité dialogale (respect des règles conversationnelles) et la coopérativité argumentative apparaissent vers l’âge de sept ou huit

ans (2e année) et permettent à l’enfant de percevoir la position de son interlocuteur et de s’y

adapter. Une autre différence à considérer est l’étendue du vocabulaire entre les jeunes élèves et les élèves plus âgés, mais également entre les élèves du même âge, car l’étendue du vocabulaire d’un individu peut varier d’un individu à l’autre (Biemiller, 2005, 2007, 2012; Boudreault et collaborateurs, 2007; Sutton et Trudeau, 2007).

Sachant cela, nous avons décidé d’opérationnaliser cet écart en fonction du niveau scolaire des élèves. Notre recherche a eu lieu dans une classe d’élèves de 2e et une classe d’élèves de 4e

année, car nous voulions décrire les différences observées entre les capacités justificatives des élèves d’âges différents.

Nous avons utilisé certains dispositifs didactiques où l’ensemble de la classe participait aux discussions. À l’intérieur de ces deux classes, nous avons sélectionné des élèves de compétence en lecture moyenne (ni faible ni forte). Une première présélection a été effectuée par les enseignantes qui ont proposé huit candidats à la chercheuse. Cette sélection a été faite à la suite du premier bulletin, ce qui a permis aux enseignantes de consulter les différentes évaluations effectuées au cours de l’étape 1. Un formulaire de consentement parental a été envoyé aux parents des enfants sélectionnés afin qu’ils donnent leur consentement (Annexe D). Nous avons également envoyé une lettre aux autres parents de 2e et de 4e année afin qu’ils

sachent qu’un projet de recherche avait lieu dans la classe de leur enfant (Annexe E).

Finalement, après les tests de sélection (détaillés dans la prochaine partie), cinq participants en 2e année et six en 4e année ont été sélectionnés. Certains parents de 2e année n’ont pas donné

leur autorisation et il était important de choisir des élèves de compétence moyenne en lecture. Nous avons donc utilisé les réponses des élèves sélectionnés lors de l’utilisation des différents dispositifs de lecture. Les duos de lecture REP étaient constitués de ces élèves sélectionnés et les cercles de lecture aussi. Pour chaque prise de données, un nombre équal d’élèves de 2e et

de 4e année était choisi (ex. : deux duos pour la lecture REP), car même si nous avions accès à

cinq participants en 2e année et six participants en 4e année, il était important qu’un nombre

équal d’élèves de chacun des niveaux participent à la prise de données, car nous ne voulions pas que les élèves de 4e année soient surreprésentés. De plus, il était important d’observer ce

qu’un élève moyen en lecture peut utiliser comme stratégies justificatives. Cependant, lors de la lecture interactive et des retours par l’enseignante et pendant la lecture REP, vu la complexité des réponses qui se coconstruisent au fur et à mesure des discussions, nous avons gardé les réponses d’élèves de la classe qui étaient coconstruites. Ces données ont aussi été anonymisées.

3.3.1 Les outils de collecte pour la sélection des élèves de 2

e

et de 4

e

année

Careau (1994) mentionne l’importance de recourir à des moyens nombreux et variés pour la collecte de données significatives. Nous avons choisi un ensemble d’épreuves nous permettant de vérifier plusieurs aspects du développement en lecture d’un élève; nous voulions nous assurer que ces élèves étaient de compétence similaire (moyenne). Dans cette section, nous présentons les outils utilisés pour la sélection des élèves de 2e et de 4e année. Tous les outils

destinés aux élèves ont été mis à l’essai auprès d’un élève de 2e et de 4e année et ajustés par la

suite :

- Outil d’évaluation de la fluidité des élèves de 2e et de 4e année. En novembre 2017, pour

sélectionner les candidats, la chercheuse a évalué les 16 élèves (8 en 2e et 8 en 4e) proposés par

les enseignantes en lien avec leur fluidité en lecture. Nous voulions ainsi observer les processus impliqués dans la première sphère de la lecture. Lors d’une première rencontre d’une durée d’environ 30 minutes, les élèves devaient lire une première fois en silence un extrait de texte. Ensuite, lorsqu’ils étaient prêts, ils lisaient le texte à voix haute (un extrait de l’album Les listes de Wallace de Barbara Bottner et Gérald Kruglik a été choisi pour les élèves de 2e année et un

extrait de l’album Catalogue de parent de Claude Ponti a été choisi pour les élèves de 4e année), une analyse des méprises a alors été effectuée pour chacun des participants afin de trouver des élèves similaires en lecture.

- Outil pour l’évaluation de leur verbalisation et de certains processus cognitifs. À la suite de cette lecture, nous avons posé aux élèves quelques questions pour évaluer la compréhension, l’interprétation, la réaction et l’appréciation, à propos du texte afin de vérifier les processus liés à la troisième sphère de la lecture. La technique du Think Aloud a aussi été utilisée afin de

cerner les actions cognitives impliquées dans leurs réponses, ce qui nous permettait d’avoir accès aux processus liés à la deuxième sphère de la lecture. Nous nous sommes inspirée de la recherche de Falardeau, Pelletier et Pelletier (2014) et du protocole de la pensée à voix haute (Think Aloud). Toutefois, ces chercheurs ont mentionné qu’ils ont récolté peu de données grâce au dispositif de la pensée à voix haute. Par conséquent, ils ont combiné cette méthodologie avec l’entretien de lecture pour évaluer les stratégies utilisées par leurs 43 élèves du secondaire. Un entretien de 25 minutes a été réalisé avec chaque élève. Ces chercheurs mentionnent que lors de l’entretien avec des questions ciblées sur différentes catégories d’informations à collecter, dont la métacognition, ils ont eu accès à des portraits individuels qui se sont nuancés et complétés grâce aux entretiens. Notre objectif était d’observer les processus impliqués dans la deuxième (processus de compréhension) et la troisième sphère de la lecture (processus liés à la construction de la réponse et de la justification). Nous cherchions encore une fois des élèves ayant des profils similaires (réponses liées aux quatre dimensions et habileté à exprimer ses pensées lors de la lecture).

Nous avons donc ajouté des questions à l’entretien telles que « À quoi cela te fait-il penser? À quoi pensais-tu à ce moment-là? Pourquoi? Est-ce que ce texte te fait penser à un aspect de ta vie? ». Nous voulions vérifier si les élèves choisis pouvaient expliciter leurs réflexions silencieuses. Forget (2014) a également utilisé la méthode du Think Aloud afin de collecter ses données lors de sa recherche sur la justification. Falardeau, Pelletier et Pelletier (2014) définissent cette méthodologie comme suit : « Elle consiste à demander à un participant d’exprimer à voix haute tout ce à quoi il est en train de penser pendant qu’il exécute une tâche de lecture pour rendre observables les différents mécanismes de la pensée utilisés en lisant » (p. 71). Le défi consiste à identifier et à analyser les stratégies de compréhension employées par le lecteur. Nous nous sommes assurée que les participants choisis ont la capacité à verbaliser leurs pensées. Certains évaluateurs filment ou enregistrent la séance pour ensuite transcrire les verbatim et les associer aux différentes stratégies utilisées par le lecteur. Nous avons enregistré les entretiens.

– Outil d’évaluation pour le rappel de texte lu à voix haute par la chercheuse. Lors de la deuxième rencontre d’une durée de trente minutes, la chercheuse a lu le texte Thibert et

Romuald, de Anne Jonas et François Crozat, à voix haute à chacun des élèves de 2e et de 4e

année et ceux-ci devaient faire un rappel à l’oral du texte (Giasson, 2011; Makdissi, 2004; Provencher, 2013). Nous avons utilisé une grille d’évaluation (Annexe F) inspirée des travaux de Makdissi (2004), Giasson (2011) et Provencher (2013).

- Finalement, tout comme pour la recherche de Guay (2010), la note en communication orale a été prise en compte, car nous voulions des élèves qui ont une compétence similaire en lecture et en communication orale, puisque l’observation des justifications a été faite majoritairement lors d’échanges à l’oral autour des albums sélectionnés. Nous savons qu’une part de la note en communication orale impliquent la compréhension, mais elle implique également les processus de production d’une réponse. Ce volet de la note nous permettait d’avoir des indicateurs quant à la capacité des élèves à produire une réponse.

À la lumière des résultats, cinq participants en 2e année et six en 4e année ont été sélectionnés.

Il est à noter que pour chaque lecture, lors de la prise de données, le nombre d’élèves où les réponses étaient enregistrées était toujours équivalent entre la 2e et la 4e année (ex. : Pour la lecture REP, les réponses de deux équipes de deux élèves (donc 4 élèves) par niveau scolaire ont été enregistrées). Nous avons fait attention d’avoir un nombre équivalent d’élèves pour chacune des lectures, ce qui nous permet de comparer les stratégies utilisées par le même nombre d’élèves moyens, par niveau scolaire.