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Chapitre 3 – Méthodologie

3.6 Quelques précisions concernant le contexte recherché et les liens avec les objectifs

3.6.5 Le codage des verbatim et les stratégies de justification utilisées par les élèves

Les stratégies justificatives sont au cœur de ce projet de recherche. Comment les élèves parviennent-ils à justifier leurs réponses à la suite d’une lecture à l’oral? Y a-t-il des différences entre l’utilisation de stratégies justificatives des élèves de 2e et celles des élèves de 4e année?

Comme mentionné précédemment, les albums choisis et les dispositifs didactiques mis en place ont permis aux élèves de s’approprier différents contextes sociaux et de justifier leurs réponses à l’oral à la suite d’une lecture. Trois captations vidéo pour la 2e année et trois captations vidéo pour la 4e année ont été effectuées.

La retranscription des vidéos a eu lieu au printemps 2018. Le nom des élèves sélectionnés (cinq en 2e année et six en 4e année) a été anonymisé (nous leur avons donné un autre nom pour

assurer la confidentialité) et tous les autres élèves de la classe ont été regroupés sous la catégorie « élèves », ce qui a permis de coder et d’analyser les réponses qui étaient coconstruites lors de la lecture interactive et lors de la partie discussion en grand groupe de la lecture REP. Par contre, pour la lecture REP où il y a discussion en sous-groupes et lors du cercle de lecture, seuls les verbatim des élèves sélectionnés ont été analysés (élèves de compétence moyenne). Nous avons également pris soin de toujours avoir le même nombre d’élèves sélectionnés (ex. : deux duos pour la lecture REP en 2e et en 4e année).

Les travaux de Forget (2014) ont fortement contribué à la mise en place de la première liste de codes avant l’observation des réponses des élèves (Tableau 4) ainsi que la classification des inférences par Dupin de Saint-André (2011) (Tableau 6). De plus, nous avons également considéré les stratégies de compréhension souvent citées dans la littérature scientifique et qui peuvent être réinvesties dans la réponse du lecteur (Tableau 7). Nous avons donc choisi un codage mixte, c’est-à-dire que le codage a été ajusté au fur et à mesure de l’analyse des verbatim.

Certaines stratégies justificatives ont été anticipées par les enseignantes et la chercheuse avant le premier codage de l’été 2018 (Annexe J). Certaines réponses ont parfois été doublement codées puisqu’elles appartiennent à deux catégories de stratégies justificatives à la fois (ex. : Appel à faire des inférences et Appel aux intentions des personnages, car l’élève fait dans sa réponse une inférence causale).

Nous n’avions pas anticipé autant l’apport et la diversité du vocabulaire utilisé par les élèves, ce qui fait en sorte que certaines stratégies justificatives ont vu le jour en cours de codage : Appel à des images fortes ou à des métaphores, Appel à des indices linguistiques, Appel à utiliser le métalangage du schéma narratif pour décrire un élément du récit, Appel à des mots précis pour exprimer sa justification. Sachant que tous les élèves ne possèdent pas la même compétence lexicale (Biemiller, 2005, 2007, 2012; Boudreault et collaborateurs, 2007), nous avons pu constater la diversité des réponses produites par les élèves. Nous pouvons donc faire

l’hypothèse que la compétence lexicale affecte ce qu’un lecteur comprend et ce qu’un lecteur produit comme réponse à la suite d’une lecture.

De plus, nous n’avions pas anticipé ces deux autres stratégies de haut niveau lors du codage : Appel à un message à portée philosophique, Appel aux intentions de l’auteur ou de l’illustrateur. Cela nous rappelle Langer 1985, citée par Turgeon (2013) :

(…) le lecteur prend une distance par rapport au texte et réfléchit à sa compréhension, à son expérience de lecture et au texte lui-même. Il porte un jugement, analyse et fait des liens avec d’autres textes lus ou d’autres expériences. C’est à ce moment qu’il peut réfléchir à l’art de l’auteur, à la structure du texte et aux éléments littéraires (p. 111).

Ces deux dernières stratégies exigent du lecteur une distanciation par rapport au texte. Nous revenons sur ces deux stratégies dans la partie résultats au chapitre 4.

Finalement, en ce qui concerne la fidélité du codage, une définition et une liste d’exemples ont accompagné chaque code pour mieux cerner chacune des stratégies justificatives (voir le tableau 19). Les verbatim ont été découpés par séquences et associés à une des dimensions de la lecture (compréhension, interprétation, réaction, jugement critique/appréciation). Pour chaque segment, les stratégies utilisées par les élèves et les enseignants ont été identifiées et nous avons aussi codé une deuxième fois ces stratégies afin de pouvoir identifier le niveau d’étayage offert par l’enseignant ou les pairs (Tableau 14). Quatre séquences ont été contre- codées par notre directrice de thèse et ce codage a obtenu un niveau d’accord interjuge de 86 %. Par la suite, des précisions ont été ajoutées aux définitions afin de mieux cerner chacune des stratégies et leur niveau d’étayage, et ce, dans le but d’améliorer la fidélité du codage. Voici un tableau synthèse, à la prochaine page, présentant chacune des stratégies justificatives qui ont été repérées dans les justifications des élèves. Celles-ci sont accompagnées d’une brève définition et d’exemples.

Tableau 19. Les stratégies justificatives et leur définition Stratégies

justificatives utilisées

Définition de la stratégie Exemples de la stratégie

Appel à un extrait, une citation ou un exemple tirés

du texte

Cette stratégie consiste à reprendre textuellement un extrait, une citation ou un exemple tirés du texte et à l’utiliser comme stratégie justificative à une question posée. L’élève raconte en partie ou en totalité le texte.

Élève qui décrit et réutilise dans sa réponse une action ou les paroles du personnage. Il peut aussi décrire une partie du texte.

Appel à un exemple qui n’est PAS tiré du

texte ou de son expérience

Cette stratégie consiste à utiliser un exemple qui n’est pas tiré du texte ou du vécu de l’élève. Il s’agit plutôt d’un exemple qui provient des connaissances antérieures (connaissances générales sur le monde) de l’élève ou d’un exemple inventé non cité dans le texte. L’élève utilise cet exemple comme stratégie justificative.

L’élève donne une description de ce que veut dire pour lui un mot. L’élève décrit un objet ou un concept. L’élève donne un exemple d’un lieu ou d’une personne connue qui ne fait pas partie de l’album.

Appel aux illustrations

Cette stratégie consiste à utiliser les images ou un élément visuel du texte pour ensuite l’utiliser comme stratégie justificative.

L’élève utilise des éléments visuels de la page couverture ou des illustrations. Il mentionne les couleurs ou la place que prend le personnage sur l’image.

Appel à son expérience ou à

faire des liens avec sa vie

L’élève fait appel à une expérience vécue ou à son quotidien pour justifier sa réponse. Un autre phénomène observé est celui où l’élève « se met en scène », ce qui veut dire qu’il peut se projeter et faire semblant de vivre la situation racontée dans le texte19.

L’élève fait un lien avec les membres de sa famille, son quotidien. Il explique une situation qu’il a déjà vécue ou dont il a été témoin. Il peut aussi se décrire comme vivant la situation décrite dans l’album. Appel à la

visualisation

L’élève décrit une scène, il s’imagine les endroits, les lieux, etc.20, et l’utilise comme stratégie justificative.

Nous n’avons pas d’exemple de cette stratégie. Appel à l’identification à autrui ou aux intentions des personnages

L’élève saisit le vécu fictif et les motivations des personnages impliqués ou il s’identifie à autrui. Il utilise cette stratégie afin de justifier sa réponse.

L’élève décrit les motivations, les désirs, les besoins du personnage. L’élève fait des prédictions à propos de ce que le personnage va faire.

19 Nous avons longtemps hésité à catégoriser les réponses de « mise en scène » dans la catégorie de la visualisation. Finalement, nous avons opté pour la catégorie justificative Appel à son expérience et à faire des

liens puisque l’élève parle de lui, de ses intérêts, des actions qu’il poserait s’il était dans cette situation.

20 Par choix, nous avons distingué la visualisation de la stratégie Appel aux intentions du personnage, même si le fait de ressentir les émotions d’un personnage pourrait relever de la visualisation.

Stratégies justificatives

utilisées

Définition de la stratégie Exemples de la stratégie

Appel à une comparaison

L’élève doit avoir un raisonnement

analytique qui nécessite de comparer deux éléments d’un même texte (Forget, 2014). L’élève se donne un ou des critères afin de procéder à la comparaison à partir des informations connues ou disponibles. Ensuite, ils doivent trouver deux exemples qui pourront être comparés. Il utilise cette comparaison comme stratégie justificative.

L’élève peut comparer : deux personnages (caractéristiques morales ou physiques, émotions vécues), deux scènes, deux images. Il peut aussi comparer l’impact d’une action/événement sur deux

personnages différents.

Appel à des images fortes

ou à une métaphore

L’élève utilise « une expression qui n’est interprétable qu’au sens figuré et qui exprime une notion de façon imagée en ayant recours à une comparaison implicite entre deux termes » (Daviault, 2011, p. 98). Ces images fortes ou cette métaphore sont utilisées comme stratégie justificative.

L’élève utilise une métaphore, un proverbe, une expression

idiomatique pour décrire et imager ce qu’il veut dire.

Appel aux propos des

pairs, de l’enseignante ou de l’autorité

L’élève utilise les propos d’un pair, de l’enseignante ou d’une autorité comme stratégie justificative.

L’élève reprend les paroles ou la réponse donnée par quelqu’un. Il mentionne celles-ci pour appuyer la légitimité de sa réponse. Appel à des informations implicites ou à faire des inférences21

L’élève déduit ou trouve des informations qui ne sont pas explicitement énoncées dans le texte. Ces informations inférées sont utilisées comme stratégie justificative.

L’élève décrit une caractéristique morale ou les sentiments du personnage. Il établit des causalités entre les événements. Il déduit les intentions/motivations du personnage22. Appel aux intentions de l’auteur ou de l’illustrateur

Cette stratégie justificative nécessite que l’élève se distance du texte (Turgeon, 2013). Il se réfère aux intentions de l’auteur ou de l’illustrateur comme stratégie justificative.

L’élève réfère aux couleurs stratégiquement utilisées par l’illustrateur, à l’angle du dessin « il l’a dessiné en gros ». L’élève réfère au message que l’auteur veut transmettre sans pour autant être un message à portée

philosophique.

21

*Cette stratégie a souvent été doublement codée. Par exemple, Appel à faire des inférences + Appel aux intentions du personnage, Appel à un message à portée philosophique, Appel aux intentions de l’auteur ou de l’illustrateur. Cela est discuté dans la partie portant sur les limites de cette recherche.

22 Cet exemple démontre que, parfois, cette stratégie était doublement codée : Appel à faire des inférences + Appel aux intentions du personnage.

Stratégies justificatives

utilisées

Définition de la stratégie Exemples de la stratégie

Appel à un message à

portée philosophique

Cette stratégie justificative nécessite que l’élève se distance du texte (Turgeon, 2013) pour en faire ressortir un message plus général qui s’applique à la vie et non pas seulement à l’album. Ce message à portée philosophique est utilisé comme stratégie justificative.

L’élève réfère à des étapes de la vie, à des généralités qui s’imposent. Il exprime un conseil ou une

recommandation à propos de la vie. Ce conseil ou cette recommandation ne se réfère pas strictement aux événements du livre ou aux actions du personnage, mais s’applique plutôt à un ensemble de situations. Appel à porter

un jugement

Cette stratégie justificative consiste à se positionner quant à un enjeu ou à donner son opinion. Cette stratégie justificative est souvent combinée avec d’autres stratégies (donner un exemple, faire un lien avec sa vie, etc.).

L’élève se positionne par rapport aux actions d’un personnage, il mentionne ce qu’il préfère ou n’aime pas du texte. Il exprime son accord ou son désaccord.

Appel à des indices linguistiques

L’élève se réfère à des indices linguistiques afin de justifier sa réponse. Il utilise ses connaissances lexicales et grammaticales pour justifier sa réponse.

L’élève peut se référer à des lettres majuscules, à la ponctuation, à certains déterminants, à des marques du pluriel ou à la racine d’un mot, etc.

Appel à des mots précis

L’élève utilise des mots précis qui amènent une clarté dans la réponse. Cette stratégie justificative a surtout été observée lorsque les enseignantes aident ou reformulent les propos des élèves.

La reformulation des propos est particulièrement liée à cette stratégie. L’enseignant ou l’élève utilise alors un mot plus précis pour exprimer l’idée. Certains mots ont également suscité une réaction positive de la part des enseignantes. Nous avons donc codé ceux-ci dans cette catégorie.

Grâce à cette liste de stratégies justificatives et aux exemples cités dans le tableau, nous avons pu coder les verbatim et répondre à la question 1 du projet de recherche, mais plus précisément aux deux objectifs suivants :

Identifier les stratégies justificatives utilisées par les enseignantes lors de leurs

interventions à des fins d’étayage et identifier les stratégies justificatives des élèves (2e et

4e année) lors de l’élaboration de réponses à la suite d’une lecture.

• Décrire, par des exemples, les stratégies justificatives utilisées lors de l’élaboration de réponses.