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Suppression de l’action en retour dans une cavit´e `a miroirs

2.4 Double injection accordable

3.2.3 Suppression de l’action en retour dans une cavit´e `a miroirs

Nous avons mis en ´evidence dans la section pr´ec´edente un effet d’anti-r´esonance entre le mode fondamental et le fond m´ecanique, qui se traduit par une r´eduction de la r´eponse `a la pression de radiation `a une fr´equence l´eg`erement sup´erieure `a la

r´esonance m´ecanique. Cet effet peut ˆetre mis `a profit pour r´eduire l’action en retour dans une mesure et ainsi am´eliorer la sensibilit´e au-del`a de la limite quantique standard. Nous pr´esentons dans cette section ces possibilit´es, en utilisant la cavit´e `a miroirs cylindriques o`u les deux miroirs sont presque identiques. Nous montrons en particulier que l’effet d’anti-r´esonance qui se produit entre deux r´esonances similaires des deux miroirs permet d’am´eliorer la sensibilit´e dans les mesures de d´eplacement ou de force.

Annulation de l’action en retour dans une cavit´e `a deux miroirs mobiles L’id´ee consiste donc `a former une cavit´e compos´ee de deux miroirs mobiles. Nous nous int´eressons `a la mesuire d’une variation δLsig de la longueur de la cavit´e, qui peut correspondre `a une variation r´eelle de la longueur due par exemple `a une force appliqu´ee sur l’un des miroirs, ou `a une variation apparente de lon-gueur (onde gravitationnelle dans un d´etecteur interf´erom´etrique, modulation de fr´equence du laser...). La mesure est entach´ee par le bruit quantique de phase δϕin

du faisceau incident, ainsi que par les fluctuations de position δXeet δXf du miroir d’entr´ee et du miroir de fond provoqu´ees par l’action en retour1. Si l’on n´eglige le filtrage par la cavit´e (Ω  Ωcav), les fluctuations de phase `a une fr´equence Ω du champ r´efl´echi par la cavit´e lorsque celle-ci se trouve `a r´esonance optique s’´ecrivent, d’apr`es l’´equation (1.52) :

δϕout[Ω] = δϕin[Ω] + 8F

λ [δXf[Ω]− δXe[Ω] + δLsig[Ω]]. (3.30) En notant χe et χf les susceptibilit´es m´ecaniques associ´ees au miroir d’entr´ee et au miroir de fond, les fluctuations de longueur δXf− δXe provoqu´ees par l’action en retour s’´ecrivent, dans le cadre de la th´eorie de la r´eponse lin´eaire :

δXf[Ω]− δXe[Ω] = (χe[Ω] + χf[Ω])Frad[Ω], (3.31) o`u Fradest la force de pression de radiation exerc´ee par le champ intracavit´e sur les miroirs, le changement de signe dans le membre de droite de l’´equation pr´ec´edente provenant de la direction oppos´ee de cette force sur les deux miroirs. Un calcul strictement identique `a celui que nous avons pr´esent´e dans la section1.2.3 permet d’obtenir la limite de sensibilit´e δLmin `a la fr´equence Ω :

δLmin[Ω] =p

~|χe[Ω] + χf[Ω]|. (3.32) Compar´e `a la limite quantique standard en pr´esence d’un seul miroir (´equation

1.55), nous avons donc remplac´e la susceptibilit´e du miroir par la la somme χef. Lorsque les deux r´esonateurs peuvent ˆetre d´ecrits comme des oscillateurs harmo-niques dont les fr´equences de r´esonance Ωe et Ωf sont diff´erentes, des arguments analogues `a ceux que nous avons pr´esent´es dans la section 3.1 montrent qu’il se produit une anti-r´esonance dans la bande de fr´equence [Ωe, Ωf], correspondant `a une interf´erence destructive entre les actions en retour sur les deux miroirs. A la fr´equence ΩAR de l’anti-r´esonance, les parties r´eelles des deux susceptibilit´es se compensent exactement, et l’´equation (3.32) se r´eduit `a :

δLmin[ΩAR] =p

~|Im{χe[ΩAR] + χf[ΩAR]}|. (3.33)

A cette fr´equence, la sensibilit´e atteint la limite quantique ultime [14], et se trouve donc tr`es significativement am´elior´ee, les parties imaginaires des susceptibilit´es ´etant en g´en´eral tr`es faibles devant leurs parties r´eelles.

Cette possibilit´e de battre la limite quantique standard par annulation de l’action en retour `a la fr´equence de l’anti-r´esonance a d’abord ´et´e ´etudi´ee dans le contexte de la d´etection des ondes gravitationnelles [73]. Il s’agissait de caract´eriser et d’op-timiser le fonctionnement d’une antenne `a double sph`eres [74], qui consiste en deux sph`eres imbriqu´ees l’une dans l’autre, s´epar´ees par un faible espace dont on peut venir sonder les variations de longueur par interf´erom´etrie. Les modes fondamen-taux de ces deux sph`eres admettant des fr´equences de r´esonance diff´erentes, on b´en´eficie d’une annulation de l’action en retour qui permet en principe d’am´eliorer la sensibilit´e du d´etecteur.

Am´elioration de la sensibilit´e de la mesure d’une force

L’annulation de l’action en retour est aussi utile pour la mesure d’une petite force. Le principe de la mesure d’une force consiste `a utiliser une transducteur m´ecanique, par exemple le miroir de fond d’une cavit´e Fabry-Perot, pour transformer la force Fsig `a mesurer en un d´eplacement δXsig donn´e par :

δXsig= χf[Ω]Fsig[Ω], (3.34) o`u χf est la susceptibilit´e m´ecanique du transducteur. La mesure la plus pr´ecise du d´eplacement δXsig conduit `a une limite quantique standard pour la mesure de force (voir ´equation (1.55)) [75] :

δFSQL[Ω] = s

~

f[Ω]|. (3.35) L’id´ee pour profiter de l’annulation de l’action en retour consiste `a utiliser un miroir d’entr´ee de cavit´e Fabry-Perot ´egalement mobile, mais qui n’est pas soumis `a la force `a mesurer. Ainsi le signal δXsig `a mesurer reste inchang´e (´equation3.34), tandis que les effets de pression de radiation sont maintenant proportionnels `a la somme χe+ χf des susceptibilit´es, et non plus `a la susceptibilit´e χf seule. On peut alors profiter de l’annulation de l’action en retour `a l’int´erieur de la cavit´e, et ainsi b´en´eficier d’une sensibilit´e `a la force associ´ee au plus petit d´eplacement observable (3.32) :

δFmin[Ω] = p

~|χf[Ω] + χe[Ω]|

f[Ω]| , (3.36) qui n’est plus limit´ee par δFSQL au voisinage de l’anti-r´esonance ΩAR.

D´emonstration exp´erimentale avec une cavit´e `a miroirs cylindriques Notre cavit´e de tr`es grande finesse `a miroirs cylindriques se prˆete id´ealement `a une v´erification exp´erimentale des effets que nous venons de d´ecrire. En effet, les deux miroirs ´etant quasiment identiques, leurs r´esonances m´ecaniques sont tr`es sem-blables, et le spectre de la cavit´e s’organise donc en doublets de r´esonances. Au voi-sinage d’un tel doublet, on peut ainsi n´egliger la contribution du fond m´ecanique, et consid´erer la cavit´e comme un ensemble de deux oscillateurs harmoniques, qui cor-respond bien au mod`ele th´eorique pr´esent´e dans les deux paragraphes pr´ec´edents.

Nous avons donc commenc´e par s´electionner un doublet de r´esonance (voir figure

3.5). Nous nous sommes assur´es en particulier que chacune de ces r´esonances ap-partenait bien `a un seul des deux miroirs. Nous avons pour cela utilis´e le dispositif que nous avons pr´esent´e dans le cadre de la caract´erisation spatiale des modes m´ecaniques d’un miroir cylindrique dans la section 1.5.4 : on excite s´electivement le miroir avant ou bien le miroir arri`ere, aux fr´equences voisines de celles du dou-blet, `a l’aide d’une modulation d’intensit´e appliqu´ee `a un faisceau externe. On observe alors laquelle des deux r´esonances r´epond `a l’excitation, ce qui permet de l’associer au miroir sur lequel la force de pression de radiation externe s’exerce.

Nous avons cherch´e `a mettre en ´evidence l’annulation de l’action en retour entre

Figure 3.5: Bruit thermique au voisinage d’un doublet de r´esonance de la cavit´e `a miroirs cylindriques. Les propri´et´es de chacune des r´esonances sont les suivantes : Ωe/2π = 710, 1 kHz, Me = 0, 64 g et Qe = 10 500 pour le miroir d’entr´ee, et Ωf/2π = 710, 9 kHz, Mf = 0, 84 g et Qf = 21 500 pour le miroir de fond. Les courbes en pointill´es sont les ajustements Lorentziens associ´es `a

chaque mode, et la courbe en tirets est la somme de ces deux ajustements.

ces deux r´esonances, mais aussi l’am´elioration de sensibilit´e qui y est associ´ee, en r´eponse `a une variation apparente de la longueur de la cavit´e, ou bien `a une force faible [9]. Nos mesures de d´eplacement ´etant limit´ees essentiellement par le bruit thermique, nous avons recours `a un bruit d’intensit´e classique, simu-lant le bruit quantique `a un niveau tr`es sup´erieur `a celui du bruit thermique : un bruit blanc Gaussien est pour cela appliqu´e au modulateur ´electro-optique non r´esonnant plac´e sur le trajet du faisceau signal. Pour ´eviter la saturation de l’´electro-optique, ce bruit blanc est en fait filtr´e sur une plage de 600 Hz de large autour de de la fr´equence d’analyse de l’analyseur de spectres utilis´e pour mesurer les d´eplacements. Cette plage ´etant grande devant la r´esolution spectrale de l’ana-lyseur de spectre (10 Hz), cela permet de consid´erer les fluctuations d’intensit´e incidentes comme un bruit blanc.

En plus de ce bruit d’intensit´e, nous appliquons un signal avec une amplitude tr`es faible. Le but de l’exp´erience est de d´emontrer que ce signal, compl`etement recou-vert par le bruit classique de pression de radiation au voisinage imm´ediat des deux r´esonances m´ecaniques, devient d´etectable `a la fr´equence de l’anti-r´esonance, ce qui atteste de l’augmentation de la sensibilit´e de la mesure.

une modulation de fr´equence au laser, par l’interm´ediaire du modulateur ´electro-optique interne de la cavit´e laser. Comme nous l’avons d´ej`a signal´e, une telle modulation de fr´equence est ´equivalente `a une modulation de la longueur de la cavit´e, pouvant s’apparenter `a l’effet d’une onde gravitationnelle. Le protocole de mesure est identique `a celui de l’exp´erience pr´esent´ee dans la section pr´ec´edente, `a l’exception de la modulation de fr´equence, que nous activons `a diff´erents mo-ment de l’acquisition, afin de produire un signal `a des fr´equences pr´ed´etermin´ees. Le r´esultat de l’acquisition est pr´esent´e sur la figure 3.6. La courbe (a) montre

Figure 3.6: Am´elioration de la mesure d’une variation de longueur de la cavit´e. La courbe a, correspondant `a trois modulations de la longueur optique de la cavit´e `a des fr´equences diff´erentes, est ind´etectable, sauf dans les zones des anti-r´esonances. La courbe b est obtenue en pr´esence du bruit de pression de radiation induit par le faisceau intense. Les courbes en pointill´es correspondent

aux Lorentziennes d´ecrivant les r´esonances individuelles.

le signal, qui est constitu´e de 3 modulations de la longueur optique de la cavit´e, situ´ees `a des fr´equences de part et d’autre du doublet de r´esonances m´ecaniques. La courbe (b) montre le r´esultat de la mesure obtenu `a partir de la phase du fais-ceau r´efl´echi. Cette courbe pr´esente essentiellement les mouvements des miroirs en r´eponse au bruit de pression de radiation du faisceau intense, sur lesquels est superpos´e le signal. On constate la pr´esence de deux anti-r´esonances. La premi`ere r´esulte de l’interf´erence destructive entre les modes associ´es `a chacun des miroirs, tandis que la seconde, similaire `a celle que nous avons observ´ee avec le miroir plan-convexe, provient de l’interf´erence des deux r´esonances avec le fond m´ecanique. Le signal est ind´etectable, except´e au voisinage des fr´equences des anti-r´esonances o`u les effets de pression de radiation deviennent tr`es petits, ce qui constitue bien la preuve exp´erimentale que la sensibilit´e est augment´ee aux fr´equences voisines des anti-r´esonances (jusqu’`a un facteur 200 pour l’anti-r´esonance de droite).

La seconde partie de l’exp´erience consiste `a remplacer la modulation de fr´equence par une force de pression de radiation exerc´ee par un faisceau laser externe sur l’un des deux miroirs. Le r´esultat de l’acquisition est pr´esent´e sur la figure 3.7 : on constate une nouvelle fois que le signal est invisible, sauf au voisinage des fr´equences des anti-r´esonances.

Figure 3.7: Am´elioration de la mesure d’une force faible. Les courbes a et b correspondent `a des modulations d’intensit´e appliqu´ees `a diff´erentes fr´equences respectivement sur le miroir avant et sur le miroir arri`ere. L’effet de ces modu-lations sur le mouvement des miroirs est ind´etectable, except´e dans les zones des anti-r´esonances. La courbe c est obtenue en pr´esence du bruit de pression de radiation induit par le faisceau intense. Les courbes en pointill´es correspondent aux r´eponses individuelles de chaque miroir `a la pression de radiation externe,

en absence du bruit de pression de radiation classique interne.