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2.2 L’asservissement de la fr´equence du laser

2.2.2 D´etection Pound-Drever-Hall

La technique initi´ee par Pound, Drever et Hall [63] repose sur l’id´ee de comparer le d´ephasage subi par le champ dans la cavit´e avec celui d’une r´ef´erence qui n’y p´en`etre pas. Cette r´ef´erence est fournie par des bandes lat´erales cr´e´ees de part et d’autre du faisceau laser grˆace `a une modulation de phase du laser `a une fr´equence d´etermin´ee, grande devant la bande passante de la cavit´e (cf. figure 2.15). Lorsque la fr´equence du laser est proche d’une r´esonance, la porteuse, qui entre dans la cavit´e, est sensible aux ´ecarts de fr´equence par rapport `a la r´esonance que l’on cherche `a contrˆoler, et subit donc un d´ephasage qui leur est proportionnel, alors que les bandes lat´erales sont simplement r´efl´echies par la cavit´e. La mesure de l’in-tensit´e du faisceau r´efl´echi permet donc d’acc´eder au battement entre la porteuse et les bandes lat´erales, dont l’enveloppe fournit le signal d’erreur. Pour extraire cette enveloppe, il suffit de d´emoduler l’intensit´e du faisceau r´efl´echi par la cavit´e `a la fr´equence de modulation des bandes lat´erales, et de filtrer le signal obtenu `a basse fr´equence.

Le signal d’erreur

Plus pr´ecis´ement, le champ incident, une fois modul´e en phase, s’´ecrit :

αin(t) = α0(t)eiβ cos ΩBLt (2.9) o`u α0(t) est l’amplitude du champ en l’absence de modulation, β est la profondeur de la modulation de phase et ΩBL sa pulsation. En d´ecomposant l’exponentielle

oscillante sur les fonctions de Bessel Ji(β)1, on obtient au premier ordre en β (c’est-`a-dire pour une profondeur de modulation faible devant 2π) :

αin(t) = α0(t)(J0+ iJ1eiΩBLt

− iJ−1e−iΩBLt), (2.10) o`u l’on a not´e Ji ≡ Ji(β). L’expression (2.10) fait donc bien apparaˆıtre le champ incident comme la somme d’une porteuse oscillant `a la fr´equence du laser (terme J0α0(t)) et de deux bandes lat´erales d´ecal´ees de ±ΩBL.

Nous allons d´eterminer le signal d’erreur dans le cas simple o`u la porteuse est d´esaccord´ee par rapport ) la cavit´e d’un d´ephasage Ψ suppos´e constant ou quasi-statique et petit par rapport `a la bande passante de la cavit´e (Ψ ≤ γ). Les ´equations (1.28) et (1.29) d’entr´ee-sortie du champ dans la cavit´e permettent alors d’´ecrire le coefficient rΨ[Ω] de la composante `a la fr´equence Ω du champ, lorsque la porteuse est d´ephas´ee de Ψ :

rΨ[Ω] = γ + iΨ + iΩτ

γ− iΨ − iΩτ. (2.11) En appliquant cette r´eponse statique `a chacun des termes de l’´equation (2.10), c’est-`a-dire pour les bandes lat´erales (Ω = ±ΩBL) et pour la porteuse elle-mˆeme (Ω = 0), on obtient l’expression du champ r´efl´echi par la cavit´e :

αout(t) = α0(t)(rΨ[0]J0+ iJ1rΨ[−ΩBL]eiΩBLt− iJ−1rΨ[ΩBL]e−iΩBLt). (2.12) La photodiode plac´ee en r´eflexion mesure l’intensit´e Iout(t) =|αout(t)|2, qui contient des termes statiques, des termes `a la fr´equence ΩBL, et enfin des termes oscillant

1. On utilise ici le d´eveloppement eizcos θ = P∞

n=−∞ineinθJn(z), o`u Jn d´esigne la n-i`eme fonction de Bessel de premi`ere esp`ece, Jn(z) = (z

2)nP∞

p=0

(−1)p

22pp!(n+p)!z2p

Figure 2.15: Sch´ema de la d´etection Pound-Drever-Hall. Un modulateur ´electro-optique (MEOR) cr´ee une modulation de phase du faisceau incident `a la fr´equence ΩBL. Le signal est obtenu par d´emodulation puis filtrage passe-bas

-40 -20 0 20 40 -1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 Ecart à résonanceHMHzL Signal d 'erreur Hu .a .L

Figure 2.16: Signal de Pound-Drever-Hall trac´e dans le cas d’une cavit´e sans perte, de bande passante 1 M Hz, et pour des bandes lat´erales `a 20 M Hz.

`a 2ΩBL. Comme le signal est d´emodul´e `a la pulsation ΩBL puis filtr´e `a basse-fr´equence, on ne s’int´eresse ici qu’aux termes ´evoluant autour de la pulsation ΩBL: Iout|ΩBL =−2J0J1Iin(Im{rΨ?[0](rΨ[ΩBL] + rΨ[−ΩBL])} cos(ΩBLt) (2.13) Re{r?Ψ[0](rΨ[ΩBL]− rΨ[−ΩBL])} sin(ΩBLt)) . (2.14) La d´emodulation, qui consiste `a multiplier le signal pr´ec´edent par une tension sinuso¨ıdale de r´ef´erence oscillant `a la fr´equence ΩBL, permet d’extraire l’amplitude du premier terme, celle du second ou toute combinaison des deux, selon la phase de la r´ef´erence. Or, la d´eriv´ee de l’amplitude du second terme par rapport au d´esaccord Ψ ´etant nulle au voisinage de Ψ = 0, cette partie du signal n’´etant donc pas exploitable pour r´ealiser un asservissement. Il faut donc d´emoduler avec une r´ef´erence ayant la mˆeme phase que le premier terme, le signal d’erreur s’´ecrivant alors :

Verr[Ψ] = hIout(t) cos(ΩBLt)i (2.15) = −J0J1IinIm{r?

Ψ[0](rΨ[ΩBL] + rΨ[−ΩBL])}. (2.16) Lorsque la fr´equence des bandes lat´erales est grande devant la bande passante Ωcav = γ/τ de la cavit´e, on peut simplifier l’expression (2.16) au voisinage de la r´esonance (Ψ≤ γ), et on obtient :

Verr[Ψ] ' −J0J1Iin γΨ

γ2+ Ψ2. (2.17) Cette expression montre que le signal d’erreur varie tr`es rapidement et change de signe au voisinage d’un d´esaccord nul : il devrait donc permettre d’asservir efficacement la fr´equence du laser sur la cavit´e de mesure. Nous pr´esentons sur la figure2.16l’allure g´en´erale d’erreur, pour une cavit´e sans perte de bande passante Ωcav/2π = 1 MHz et pour des bandes lat´erales `a ΩBL/2π = 20 MHz. Cette figure met en ´evidence une autre propri´et´e int´eressante du signal d’erreur obtenu : ce dernier reste positif sur tout l’intervalle des d´esaccords compris entre −ΩBL et la

r´esonance, alors qu’il est n´egatif sur l’intervalle sym´etrique. L’asservissement sera donc capable de localiser la r´esonance de la cavit´e pourvu que la fr´equence du laser s’en rapproche de±ΩBL, ce qui montre que la plage d’accrochage de cette technique est consid´erablement plus grande que celle d’une d´etection synchrone, qui permet uniquement de compenser des ´ecarts `a r´esonance de l’ordre de la bande passante de la cavit´e. Ainsi, on peut pr´evoir que cet asservissement sera plus robuste que la d´etection synchrone pr´ec´edemment utilis´ee, et qu’il permettra de faire face `a des conditions exp´erimentales plus exigeantes.

Ajoutons enfin une derni`ere remarque importante : le traitement que nous venons de faire `a basse fr´equence s’´etend en r´ealit´e (`a des effets de bande passante pr`es) `a toutes les fr´equences qui sont inf´erieures `a celles des bandes lat´erales : une telle d´etection ouvre donc non seulement la possibilit´e de mettre en place un asservissement tr`es rapide de la fr´equence du laser sur la longueur de la cavit´e, mais elle permet en plus de mesurer les mouvements de nos miroirs, ce qui peut ˆetre mis `a profit pour r´ealiser de la friction froide par exemple [34], ou bien plus simplement, et nous y reviendrons dans la suite de cette section, de calibrer les d´eplacements du miroir mobile.

Mise en place de la d´etection Pound-Drever-Hall

Il est en g´en´eral difficile de faire coexister une d´etection Pound-Drever-Hall et une d´etection homodyne : la raison en est que les bandes lat´erales, dont l’amplitude est en g´en´eral tr`es grande devant celle du bruit quantique de phase du faisceau de mesure, peuvent facilement saturer l’´electronique de la d´etection homodyne. Toutefois, ce probl`eme ne se pose pas avec notre syst`eme : nous disposons en effet de deux faisceaux tr`es bien isol´es optiquement, et nous avons donc logiquement d´ecid´e d’installer la d´etection Pound-Drever-Hall sur le faisceau signal, en ins´erant

Figure 2.17: Sch´ema de l’impl´ementation de la d´etection Pound-Drever-Hall sur notre dispositif.

Figure 2.18: Principe de l’asservissement de fr´equence du laser sur la r´esonance de la cavit´e de mesure.

sur son trajet un modulateur ´electro-optique de phase r´esonnant (voir figure2.17). Ce modulateur est plac´e au niveau du waist cr´e´e par la lentille L1 entre les cubes C1 et C2, de mani`ere `a limiter son impact sur l’adaptation spatiale du faisceau signal avec la cavit´e. Nous avons choisi d’utiliser un modulateur de phase r´esonnant `a 20 MHz (modulateur 4851 de la marque NewFocus), une fr´equence essentiellement limit´ee par la bande passante de la photodiode rapide utilis´ee en r´eflexion. Le fonctionnement du modulateur est pr´evu pour ˆetre optimal lorsque la polarisation incidente est verticale, et nous l’avons donc pr´ec´ed´e d’une lame λ/2 dont les axes sont `a 45˚, afin d’appliquer une rotation de 90˚`a la polarisation du faisceau signal, initialement horizontale. Nous utilisons un g´en´erateur `a deux voies AFG3102 de la marque Tektronix, dont l’une des sorties alimente le modulateur ´electro-optique r´esonnant, la seconde, synchronis´ee sur la premi`ere, ´etant utilis´ee comme r´ef´erence pour la d´emodulation. Ce type de g´en´erateur offre la possibilit´e de r´egler la phase relative entre ses deux voies, et permet donc tr`es commod´ement d’ajuster la phase de la r´ef´erence afin qu’elle soit identique `a celle du signal mesur´e par la photodiode, ce qu’il est indispensable de faire si l’on veut disposer d’un bon signal d’erreur comme nous l’avons expliqu´e dans le paragraphe pr´ec´edent. La r´ef´erence et le signal sont ensuite envoy´es sur un mixeur ´electronique de la marque Minicircuits, dont la sortie est filtr´ee `a 5 MHz de mani`ere `a ne conserver que l’enveloppe de la composante `a 20 MHz du signal.

Asservissement de la fr´equence du laser

Le signal Pound-Drever-Hall est ensuite utilis´e pour verrouiller la fr´equence du laser sur une r´esonance fondamentale de la cavit´e. L’asservissement se compose

de trois voies, qui permettent de contrˆoler diff´erents ´el´ements internes du laser sur des plages de fr´equences compl´ementaires. La voie lente, active jusqu’`a une centaine de hertz, pilote la cale pi´ezo´electrique du miroir M4 (cf. figure 2.18). Elle permet de corriger les vibrations ou les fluctuations du laser de fortes ampli-tudes (allant jusqu’`a plusieurs dizaines de megahertz). Les voies interm´ediaires et rapides agissent quant `a elles sur le modulateur ´electro-optique interne du laser. La voie interm´ediaire est active sur une plage allant de la centaine de hertz `a quelques kilohertz. Elle pilote un amplificateur commercial large bande et faible bruit Tegam2340 dont la sortie est envoy´ee sur l’´electro-optique interne. Enfin, la voie rapide, directement connect´ee `a cet ´electro-optique, permet d’agir `a plus haute fr´equence. L’asservissement dispose ´egalement d’un filtre passe-bas `a 10 kHz permettant d’avoir une pente globale de 10 dB/ d´ecade `a haute fr´equence, assu-rant ainsi un fonctionnement stable de l’ensemble. Enfin, un ´etage int´egrateur `a basse fr´equence peut ˆetre mis en service une fois le laser asservi sur la cavit´e `a miroir mobile, de fa¸con `a augmenter encore le gain `a basse fr´equence et ´eliminer les d´erives lentes.

Le fonctionnement correct de l’asservissement n´ecessite un r´eglage relativement pr´ecis des trois voies, de mani`ere `a maximiser leur gain tout en ´evitant l’entr´ee en oscillation de l’une quelconque des voies : la stabilit´e de chaque voie est assur´ee grˆace au gain de la voie de fr´equence plus ´elev´ee. Dans ces conditions, l’asservis-sement a d´emontr´e des performances tout `a fait satisfaisantes, sur lesquelles nous reviendrons plus quantitativement lorsque nous aborderons les conditions de l’ob-servation des corr´elations quantiques dans le cinqui`eme chapitre de ce manuscrit. Calibrations optique et m´ecanique avec le signal Pound-Drever-Hall La m´ethode de Pound-Drever-Hall ne poss`ede pas seulement la particularit´e d’ˆetre tr`es bien adapt´ee `a la r´ealisation d’un asservissement : la tr`es forte pente du signal d’erreur au voisinage de la r´esonance de la cavit´e en fait une technique de d´etection extrˆemement sensible des d´eplacements du miroir [34], et d’ailleurs aujourd’hui largement utilis´ee en raison de la simplicit´e de sa mise en oeuvre. Elle pr´esente en outre l’avantage de pouvoir ˆetre calibr´ee tr`es commod´ement : les bandes lat´erales, dont la fr´equence est parfaitement connue, permettent en effet d’´etalonner les d´esaccords du laser par rapport `a la r´esonance. La d´etermination de la bande passante de la cavit´e devient donc imm´ediate, puisqu’elle se d´eduit directement de la comparaison entre la position des bandes lat´erales et la largeur du pic d’Airy sur le profil d’intensit´e transmis par la cavit´e en pr´esence d’une modulation de la fr´equence du laser (voir figure 2.19).

Pour calibrer les d´esaccords produits `a plus haute fr´equence par le mouvement du miroir mobile, il faut a priori tenir compte du filtrage de la cavit´e. On peut ainsi montrer que les fluctuations du signal d’erreur δVerr autour de la r´esonance s’´ecrivent comme le produit des fluctuations du d´esaccord δΨ par la pente statique du signal d’erreur, corrig´ee par le filtrage impos´e par la cavit´e `a haute fr´equence [64] : δVerr[Ω] = p 1 1 + Ω2/Ω2 cav dVerrΨ=0δΨ[Ω]. (2.18) La bande passante de la cavit´e ayant ´et´e mesur´ee grˆace `a la m´ethode que l’on vient de pr´esenter, il ne reste plus qu’`a d´eterminer la pente statique `a r´esonance du signal d’erreur. On applique pour cela une modulation `a 100 Hz sur le miroir M4 du laser, de mani`ere `a visualiser sur un oscilloscope le signal d´elivr´e par le

0 -WBL WBL 0 1 Désaccord Intensit é transmise Hu .a .L 2 Wcav

Figure 2.19: Mesure de la bande passante par comparaison avec les bandes lat´erales. Une modulation de fr´equence est appliqu´ee `a 100 Hz sur la cale du laser au voisinage d’une r´esonance fondamentale de la cavit´e, de mani`ere `a visualiser le pic d’Airy et ses bandes lat´erales, dont les emplacements `a ±ΩBL

permettent d’´etalonner le balayage en fr´equence.

mixeur de la d´etection Pound-Drever-Hall. On obtient un profil semblable en tous points `a celui pr´esent´e sur la figure2.16, l’´echelle temporelle de l’oscilloscope ´etant convertie en fr´equence en utilisant les passages par z´ero du signal d’erreur, qui se produisent lorsque les bandes lat´erales r´esonnent avec la cavit´e, c’est-`a-dire pour Ω = ±ΩBL. Apr`es avoir d´etermin´e la pente `a r´esonance du signal (en V /Hz), on asservit le laser `a r´esonance, et on envoie la sortie du mixeur sur un analyseur de spectres afin d’acqu´erir les fluctuations `a haute fr´equence du signal d’erreur. L’imp´edance d’entr´ee de l’analyseur de spectre ´etant ´egale `a 50 Ohms, il faut veiller `a ce que celle de l’oscilloscope soit ´egalement fix´ee `a 50 Ohms durant l’acquisition de la partie continue du signal d’erreur, de mani`ere `a ce que les gains ´electroniques soient les mˆemes pour les deux mesures. Tout d´eplacement δx du miroir mobile produisant un d´esaccord δψ = 4πδx/λ de la cavit´e, l’´equation (2.18) permet de d´eteriner l’amplitude du d´eplacement δx `a partir de la tension δVerr mesur´ee par l’analyseur de spectres. Remarquons que cette m´ethode de calibration ne n´ecessite nullement l’utilisation d’une modulation de fr´equence de r´ef´erence : un simple spectre de bruit thermique, mesur´e et calibr´e comme nous venons de le d´ecrire, pourra donc permettre d’´etalonner la d´etection homodyne, en comparant le signal qu’elle d´elivre avec celui de la d´etection Pound-Drever.