• Aucun résultat trouvé

La promotion touristique : de l’imagerie à l’iconotexte

3. Le tourisme comme pratique sociale 1 Une approche anthropologique

4.3. Stratégies publicitaires

La publicité peut ainsi être définie comme doublement stratégique au sein de la vie sociale. C’est un média de persuasion qui joue sur les sentiments et un média de conviction qui joue sur les raisonnements logiques dans un objectif commercial. Elle est par conséquent, un miroir des idées sociales d’une époque, une mise en scène des modes de vie, des tendances, des ambitions et des espoirs d’une société comme le signale Cornu : « Les images stéréotypées, débris inertes

57

qu’utilise la publicité, sont soumises à une intentionnalité inconsciente qui exprime la vie profonde d’une société » (CORNU, 1990 : 52).

Afin de mieux intéresser la cible par l’information proposée, les publicitaires recourent, au niveau technique du contenu publicitaire, à la référence implicite au soi de la cible en se référant à son groupe social, selon les études de William James et aussi de Mead (cités par HEINE & LICATA, 2012 : 84) : le soi est composé d’un « moi » (objet soi) et d’un « je » (soi sujet). Le « moi » constitue le réservoir des attitudes des autres envers soi et assumé par l’individu. C’est le lieu psychologique où se manifeste le rôle de la société sur le sujet ou bien le lieu où opère le lien entre l’identité et la société (HEINE & LICATA, 2012 : 85). L’individu réagit dans son « je » sur les attitudes, ce qui signifie que le soi est en action (Baugnet cité par HEINE & LICATA, 2012 : 84).

En général, quand une personne lit une information qui contient des indications ou des adjectifs caractéristiques, elle cherchera à s’identifier ou à se positionner par contraste : « toute une série de travaux […] montre que la représentation de soi est un point de référence dans le traitement de l’information sur autrui. » (DESCHAMPS & MOLINER, 2008 : 80). Ce cadre identitaire dans la publicité aide aussi la cible à mieux mémoriser les informations, à les traiter plus rapidement et avec plus de certitude, grâce au retour et à la référence au soi (Rog, Kuiper et Kirker cités par DESCHAMPS & MOLINER, 2008 : 80). Parallèlement à cette approche identitaire de la cible, le monde publicitaire essaie, suivant ses principes sur l’innovation et la séduction, dans son activité de diffusion d’information, de créer et de socialiser un univers nouveau, comme l’univers de luxe de la haute classe sociale, un univers de quiétude rêvée, etc. Ce sont une reconfiguration et une modification d’univers (SOULAGES, 2013 : 39-52) qui exigent une bonne connaissance de l’univers de la cible afin de l’entraîner à s’y retrouver et non seulement à s’y reconnaître.

La publicité développe des images mentales basées sur les représentations, les rêves, les attentes pour séduire et maintenir l’attention de son destinataire, tout en procédant à une opération d’acculturation et une redéfinition de certaines idées culturelles.

On peut aussi noter des points communs entre les œuvres littéraires et la publicité car elles se positionnent dans l’imaginaire collectif, en tant que fondatrices de mythes de la modernité grâce à leur accès légitimé aux images connues et parce qu’elles élaborent à partir de cette matière des histoires : « L’imagerie publicitaire raconte des histoires bien connues : la rencontre, l’attente, l’aventure, la satisfaction » (CORNU, 1990 : 52).

58

La technique du storytelling vise à modifier les comportements de destinataires (auditoire, lectorat, cibles) en se basant sur un mode de communication narratif jugé efficace, un art ou un mode de communication qui se base principalement sur des récits. Les récits racontés sous formes d’histoires suivies ou d’anecdotes sont associés à une marque, à une entreprise, une personnalité ou encore un lieu. Cette technique est récemment entrée dans plusieurs disciplines comme les sciences politiques, le marketing (BORDET-VOLAY, 2015 : 206). Le storytelling est devenu fréquent en communication touristique tout comme la description de la destination ou le répertoire des activités (Ibid. : 206)

Dans les publicités, c’est un ensemble visuel et verbal qui constitue le récit. Eugeni préconise d’adopter une approche narratologique pour l’étude des textes publicitaires car une grande partie de ceux-ci, imprimés et audio-visuels, sont construits comme des récits : « La partie verbale du texte ainsi que la partie visuelle contribuent, en synergie essentielle, à la construction du récit » (EUGENI, 1990 : 173-174).

Cette approche par le narratif peut être mise en relation avec l’idée de Soulages selon laquelle la publicité développe un univers nouveau en faisant des « scénarios figuratifs » (SOULAGES : 2013 : 44). Ces scénarios amorcent des parcours narratifs ou des mondes possibles proposés par l’annonceur à la cible. Ce ne sont pas seulement les histoires vécues dans un lieu mais les histoires qui lui sont proposées comme un double. D’ailleurs l’écriture publicitaire, dans sa construction de messages, se déroule sur la base de la fictionnalisation du monde réel (Ibid. : 45 ; EUGENI, 1990 : 174). C’est cela qui facilite, pour la cible, l’identification-projet au niveau pragmatique des messages publicitaires (SOULAGES, 2013).

Mais d’autres stratégies existent, y compris donner l’impression que la publicité n’est pas de la publicité. Les spots publicitaires, par exemple, mettent en avant un personnage spécialiste qui prononcera à la fin de sa communication « la recherche prouve ceci » en adoptant une posture objective de scientifique (STAUBER & RAMPTON, 2004 : 294). La dépublicitarisation qui se caractérise par l’effacement et le masquage des formes publicitaires rituelles (Ibid.) serait une forme d’adaptation de la publicité à l’évolution des représentations sociales, mais c’est une feinte. À titre d’exemple, le quotidien Le Monde a publié sur la page d’accueil de son site de faux articles pour faire une vraie publicité pour Vuitton. Ainsi naît le lien entre deux concepts celui de publicitarisation et de dépublicitarisation, cette dernière étant une expansion de la publicité à l’ensemble du média :

59

Dépublicitariser la publicité, cela consiste en effet, très souvent, à publicitariser le média, c’est- à-dire à ne plus le traiter seulement comme espace partiellement susceptible d’être occupé par la publicité, mais comme un support intégralement exploitable (BERTHELOT-GUIET & al., 2013 : 58).

Cette stratégie complexe peut être rapprochée de la subtilité de la promotion indirecte.