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Approche méthodologique et démarche d’analyse du corpus

MISE EN SCENE Enonciation

visuelle (techniques photo) Énonciation verbale

*Cadrage, implication des personnages entre eux et avec le récepteur potentiel.

*Effets de prise de vue, profondeur du champ.

1-Modalisation énonciative : distanciation énonciative ou prise en charge.

2-Liage : Connecteurs (argumentation forte et faible, de conclusion, etc.), et outils de référenciation Tableau 16 Mise en scène

3.5.1 Mise en scène visuelle

En ce qui concerne la mise en scène énonciative de l’image, nous prenons en compte la manière dont elle peut être reçue et à cette fin nous pouvons étudier certains éléments plastiques qui dépendent de techniques photographiques et cinématographiques. Chaque image, dans sa communication, incarne une intersubjectivité transmise de la part du locuteur (le concepteur de l’image) au récepteur concerné par cette image. Comme le souligne Dondero, la relation intersubjective est envisagée selon une relation d’énonciation semblable à l’énonciation de l’écrit grâce à l’analyse des signes adressés d’un énonciateur à un énonciataire : « L’énonciateur et l’énonciataire sont inscrits dans l’image elle-même, ils ne sont pas des acteurs sociaux mais bien des effets de sens construits par diverses focalisations » (DONDERO, 2014 : 81). L’image constitue pour le récepteur ou destinataire une sphère énonciative. Elle mobilise, quand il y a un contact visuel, le centre organisateur, le (je) de la description chez le récepteur (BEYAERT- GESLIN, 2009), c’est-à-dire que l’image recentre le sujet qui observe sur sa propre instance observatrice. Dans son analyse de la photographie de reportage Beyaert-Geslin explique le phénomène en ces termes :

C’est moi que la petite fille regarde en même temps que le reporter […] C’est moi qui le comprends. Moi, je veux dire cette petite instance du (je) qui, en prenant connaissance de l’événement, récuse tout à coup l’impersonnalité du métadiscours. (2009 : 21).

L’analyse de l’image dans notre grille doit définir le cadrage. Le cadrage est une notion empruntée au domaine photographique et cinématographique qui consiste à exprimer l’échelle de plan permettant à certains éléments d’être mis en avant (paysage, décor, personnes, objets), comme le rappelle Curti (2006). Il existe dans les dessins comme en photographie, des plans

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différents : le plan d’ensemble lie l’objectivité et la psychologie en montrant le paysage général et global d’un événement ; le plan de demi-ensemble favorise la mise en situation des personnages dans un décor, comme une scène de café par exemple ; le plan américain montre des parties du corps du personnage en très grande taille comme les genoux de deux personnes en conversation ; le plan rapproché montre un personnage avec une appréhension plus intime au niveau de la poitrine ou de la ceinture ; le gros plan expose les déformations du visage d’un personnage, le très gros plan met en évidence un objet et ou aussi un détail du visage d’un personnage en montrant sentiments et émotions pour supprimer la distance entre le personnage et le lecteur (CURTI, 2006 : 205-206). Cette notion de cadrage est importante pour notre étude car elle s’applique aux photos de nos documents.

Les effets de prise de vue appelée aussi « point de vue » sont intimement liés à la notion de cadrage (FOZZA & al., 1988 : 71)80. Ce point de vue fonctionne comme l’objectif de la caméra (plongée, contre-plongée et horizontal). La plongée consiste à montrer la scène ou le personnage dans une prise de vue effectuée de haut en bas et traduit, ainsi, la relation de la personne qui regarde et l’objet de sa vision en plaçant le spectateur en position de domination et de pouvoir par rapport à la scène (CURTI, 2006 : 207). Concernant la contre-plongée, la prise de vue vient d’en bas et agrandit les personnages pour exprimer les idées de supériorité et d’arrogance (Ibid.) Le plan horizontal est fait pour présenter une scène à voir. Les concepteurs des images de nos documents peuvent ainsi imposer la relation entre le lecteur et l’objet de sa vision (FOZZA & al., 1988 : 108).

La profondeur de champ est une technique de l’art cinématographique qui varie entre neutre, visible, net, et a comme intérêt de rendre l’espace plus dynamique (Ibid. : 71). Cette technique visuelle au cinéma est applicable sur les images fixes et donne une valeur indicative forte à la représentation de l’objet ou au personnage. La distance présente détermine la relation entre le lecteur et l’objet de sa vision. La profondeur de champ permet, dans un objectif de valorisation de l’objet montré, une hiérarchie spatiale (du lointain très flou au proche clair) et visuelle (de la netteté au flou). La distance nulle disparaît dans les très gros plans, par exemple ; ceux-ci isolent l’objet pour le mettre en valeur et ajoutent une fonction explicative à l’objet présenté (Ibid. : 71-72). Dans la distance visible, l’arrière-plan est flou parce que la profondeur du champ est faible. Il y a deux scènes, une scène floue et une scène claire, où le personnage ou l’objet de

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la photo peut se trouver. La scène voulue et réaliste occupe le devant par rapport à une autre moins importante.

Nous définissons l’implication visuelle des objets dans une image donnée par les stratégies que le concepteur utilise pour diriger la vue des récepteurs potentiels vers ces images. Le concepteur exploite, pour cet objectif, les angles de regards des personnages ou les angles de pose des objets dans la photo, ou même le placement de certaines phrases promotionnelles, etc. Cette question de l’implication est en relation avec les effets pragmatiques que l’icono-plastique produit dans le document. L’implication est exprimée au niveau iconique par la surface occupée par un personnage ou un objet présenté et sa taille par rapport à la surface totale du document et aussi les différentes techniques de prise de vue qui le mettent en premier plan ou en arrière- plan.

L’image est faite pour entrer en contact avec le lecteur comme le rappellent Fozza & al. (1988) ; cela se fait à travers les regards qui introduisent une implication visuelle très marquée surtout dans le monde publicitaire. L’implication des personnages entre eux et/ou avec le récepteur potentiel construit un simulacre d’interlocution par le regard. Plusieurs éléments peuvent nous aider dans la démarche de la recherche de l’implication des personnages et de leurs relations de communication visuelle avec l’interlocuteur. Ces éléments sont exprimés par le groupe Mµ81

(cité par Fozza & al.) par le terme d’organisations icono-plastiques : « L’échelle du plan, la présence d’objet en gros plan, la posture des personnages, leurs relations et surtout l’orientation de leurs regards, impliquent plus ou moins le spectateur, font naître son intérêt, son émotion, structurent l’échange » (FOZZA & al. : 1988 : 110).

Cette citation nous révèle le lien entre le niveau iconique de l’image (dans le sens du groupe Mµ, c’est-à-dire ce qui est montré, reconnaissable) et les aspects plastiques d’une part (comme le gros plan, les couleurs etc.) et sémantiques d’autre part.

3.5.2 Mise en scène verbale

L’énonciation verbale, comme pour l’énonciation visuelle, est un processus producteur du sens pragmatique, indiquant l’intérêt que le locuteur donne à son allocutaire ou récepteur ou à l’objet de discours dont il parle. Cela nous conduit à considérer l’énonciation et plus particulièrement

81 C’est un groupe de recherche collective qui travaille depuis les années soixante sur une ouverture

pluridisciplinaire en sciences humaines du langage comme la sémiotique, la sémiotique visuelle, la rhétorique, l’analyse de la littérature avec un intérêt donné à la problématique socio-communicationnelle et cognitive à l’université de Liège en Belgique (GEFEN, 2007).

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la prise en charge énonciative et la modalisation énonciatives comme au service de l’argumentation.

La prise en charge énonciative se manifeste (dans le message linguistique comme dans le message visuel d’ailleurs) selon deux techniques fondamentales et complémentaires : l’implication du locuteur et l’adresse à l’allocutaire et/ou à l’objet en promotion. L’implication consiste à définir jusqu’à quel degré le locuteur s’impose dans le discours ou s’efface au maximum. À travers l’adresse, le locuteur donne plus ou moins d’importance à l’allocutaire et/ou à l’objet. Recourir aux notions d’implication et d’adresse nous oblige à déterminer le degré de présence de celles-ci en nous basant sur la densité des signes renvoyant à chacune d’elles avec un degré bas ou élevé de prise en charge.

La modalisation énonciative se définit comme la distance plus ou moins grande entre l’énonciateur et son énoncé. La modalisation que nous prenons en compte est appréciative. Cette dernière opère depuis sa taille minimale comme « les énoncés monorèmes de type « Bravo ! », « Merde » ou « Toi ? » jusqu’à l’énoncé le plus formel incarné dans un énoncé verbal « je vous félicite ! » ou même nominal « Toutes mes félicitations ! » (ADAM, 2014 : 85). La modalisation énonciative comprend les différentes formes illocutoires de valorisation que l’énoncé diffuse (Id.). Elle contient une valorisation variable de l’objet ou de l’interlocuteur dans le discours ; elle doit donc être considérée comme une composante de l’argumentation selon Adam : « La modalisation énonciative, travaillée en profondeur par l’argumentation, explique l’extrême diversité de réalisation de [ …] valeurs illocutoires des énoncés. » (Id.). La modalisation a l’avantage de permettre à l’énonciateur de se mettre à distance ou non par rapport au moment de son énonciation grâce à la modalisation temporelle comme c’est le cas des temps verbaux comme le présent de vérité générale ou l’imparfait. Nous donnons deux exemples de notre corpus pour montrer la valeur de l’indicatif présent dans les expressions suivantes : « Ici tu passes l’hiver et tu passes l’été : Tunisie » (CL : 1) et « Tunisie : le pays qui te va bien » (CL : 2). Le temps verbal du présent perd sa valeur indicative de l’action ponctuelle en faveur d’une vérité générale perpétuelle, ce qui indique une prise en charge forte et une distance énonciative diminuée entre le locuteur et l’objet de discours en occurrence la Tunisie. L’utilisation du mode conditionnel a pour fonction de distancier l’énonciateur de ses propos tout en reconnaissant l’autorité de choix du lecteur. Ainsi dans l’exemple des mini-guides touristiques sur des destinations européennes qui mettent le touriste devant plusieurs possibilités : « The use of hypothetical sentences can help one to gain insight into the language

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beacause the author will give the tourist the possibility to choose. » (ALBANO & SABATO, : 2013 : 138). La modalisation concerne aussi les adjectifs qui portent aussi, à leur tour, une évaluation de la part de l’énonciateur.

Ce qui précède, nous montre que la modalisation et la prise en charge énonciatives ont une portée pragmatique que nous allons développer à propos de la rubrique suivante.

3.6. Aspects rhétoriques et pragmatiques

Dans cette cinquième rubrique, nous associons rhétorique et pragmatique car ces disciplines et les angles d’étude qui sont les leurs portent sur le discours comme action (CHARAUDEAU & MAINGUENEAU, 2002 : 188). La rhétorique est un paradigme de recherche scientifique cherchant comment un locuteur impose ses représentations pour orienter une action désirée (Ibid.). La pragmatique concerne une conception anthropologique du langage et de la communication qui traverse l’ensemble des sciences humaines : la sémiotique de Peirce, la théorie des actes de langage d’Austin et Searle, les travaux sur l’énonciation de Jakobson et Benveniste, l’argumentation et l’interaction psychosociologique, etc. (Ibid.). En ce qui concerne le lien du langage avec l’action, plusieurs auteurs ont insisté sur ce lien fort depuis les années 1920, c’est-à-dire avant la philosophie du langage et son fameux tournant actionnel (Bally cité par ADAM, 2005).

Les deux disciplines (la rhétorique et la pragmatique) ont une caractéristique commune qui est la prise en compte de la situation de communication et de l’action qui pourrait en découler sur l’interlocuteur. Ainsi, notre rubrique intitulée « Aspects rhétoriques et pragmatiques » nous aide à prendre en compte tous les éléments précédents de la grille d’analyse du point de vue de l’action exercée sur le destinataire. Nous nous attachons particulièrement aux figures rhétoriques visuelles et linguistiques et aux actes de langage comme nous le détaillons dans le tableau suivant (17) :

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