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d’une stratégie de communication scientifique pour le Parc national du Mercantour.

Marie-Nathalie JAUFFRET-CERVETTI

Université de Nice Sophia Antipolis- Laboratoire I3M N°3820 marie.jauffret@unice.fr

Résumé

En 1992, le loup revient en France dans un climat de tension, l’Etat français décide alors d’une stratégie de communication scientifique au cœur de laquelle un Serious game (Alvarez&Djaouti) est conçu avec pour objectif principal une amélioration des connaissances sur ce prédateur. Une évaluation est menée auprès d’un échantillon cible de 50 enfants avant et après la pratique de cet outil de communication pour juger de son impact avant son lancement. Les résultats démontrent que ce jeu numérique a permis une plus grande connaissance de ce canidé lors d’un seul exercice. Ces perspectives prouvant l’activation de stimuli cérébraux ne doivent pourtant pas omettre de considérer notamment l’impact de l’écosystème environnant le pratiquant.

1. Le retour du loup

Le 05 novembre 1992, des gardes moniteurs du Parc national du Mercantour (Alpes françaises) observent des loups alors que la population avait été exterminée depuis plus d’un demi-siècle. Des protestations s’élèvent au cœur des vallées de cet espace protégé contre la présence de ce prédateur. Le 25 novembre de la même année, soit 20 jours

plus tard un loup mâle de trois ans est abattu. Le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de

l’Environnement programme alors des actions en faveur de la conservation de ce grand carnivore et lance un programme de « conservation du loup et de communication (Poulle et al.)». Dans l’urgence de la situation, une stratégie de communication est alors conçue et menée activement pour atténuer la perception de cet animal souvent caricaturé par ses instincts cruels qui cristallisent les passions. Partant du principe que les enfants sont les plus touchés par des messages transmis par les contes et légendes décrivant la « bête » comme sanguinaire(Perrault), les adultes de demain âgés de 8 à 10 ans et vivants dans les vallées de la zone périphérique du Parc national du Mercantour (PNM) forment le cœur de cible retenu. Le message se définit clairement : il s’agit de mieux appréhender les connaissances sur cet animal pour lutter contre sa possible destruction sans pour autant renier la culture des apprenants. En effet, nourris par les contes et légendes mettant traditionnellement en exergue la cruauté du loup, les enfants sont aussi directement concernés par l’activité de certains membres de leur entourage qui

exercent comme berger, éleveur, etc. et qui perçoivent alors le retour de cet animal comme une forte contrainte : surveillance accrue des troupeaux, prédation sur l’élevage...

Les paramètres communicationnels posés, de nombreux outils de communication à destination des jeunes générations (3ème cycle de primaire) voient alors le jour

pour sensibiliser à l’importance du développement durable et du respect du loup. Des expositions itinérantes (Poulle et al.) contribuent à améliorer les connaissances scientifiques sur ce mythique prédateur, des ouvrages de vulgarisation, des manuels à l’usage des enseignants et des élèves (Jauffret-Cervetti), des malles pédagogiques, un concours (PNF/ Editerranée) et la formation de formateurs enseignants permettent, parmi tant d’autres produits, de sensibiliser à la protection du Canis Lupus. Afin d’introduire une dynamique plus forte, d’informer de manière juste sur cette espèce patrimoniale, afficher de manière subliminale et ludique les atouts d’un tel retour (développement durable et socio-économique, richesse culturelle, etc.) tout en informant sur la biologie de ce canidé et sa présence, un Serious game (PNM) présenté alors comme un jeu numérique éducatif est conçu, développé, et mis en application expérimentale. Ce CD Rom didactique intitulé « As-tu peur du loup ?» permet, de manière interactive, de suivre le personnage principal Loupino- un louvard–dans ses aventures, pour découvrir de manière ludique sa vie depuis son arrivée dans l’espace protégé.

2. Une double enquête

En dehors donc de toute problématique éthique, la nécessité d’évaluer l’impact de ce message permet de maitriser les potentialités de cet outil de communication –novateur à l’époque-afin de savoir si la capacité d’implanter des connaissances et/ou des émotions dans l’esprit de la cible est efficacement traité par ce médium lors des stimuli subliminaux. Après avoir été testé -durant la première phase expérimentale- par un petit groupe d’apprenants qui confirment apprécier le contexte (personnage, décor, animation, etc.) et le notent à plus de 8,5/10, le CD Rom est proposé à la pratique lors d’un salon d’exposition sur Nice. Les chercheurs profitent alors du moment d’attente entre plusieurs participants pour questionner l’échantillon préalablement retenu.

Colloque Serious Games et Outils de simulation

L’enquête comporte 20 questions en langue française et portent sur la connaissance scientifique du loup (retour du prédateur, comportement, etc.) à 50 enfants âgés de 8 à 12 ans (quel soit leur lieu d’habitation et leur identité culturelle). L’échantillon n’est pas dérangé ni assisté ensuite lorsqu’il joue avec le Serious Game. A la fin de sa pratique ludique, il est proposé à ces mêmes 50 enfants -représentant le cœur de cible- de compléter une fiche à l’écrit, sans l’aide de membre accompagnant. Il est indiqué à l’échantillon que l’orthographe des mots et le style d’écriture n’ont pas d’importance. Il est posé les mêmes 20 questions que durant l’entretien oral précédent mais dans le désordre Il n’est pas indiqué à l’échantillon sélectionné que ce sont les mêmes questions et il est spécifié au participant que sa contribution est gratifiée par un cadeau.

3. Des résultats positifs

Dans le cadre de cette évaluation auprès de l’échantillon représentant la cible retenue, 93% des enfants modifient les réponses aux questions préliminaires. 87% la modulent de manière juste (en regard de l’information apportée par le Serious Game). 4% des enfants laissent des questions sans réponses. Suite à ces résultats et à d’autres paramètres évaluatifs encourageants, le Serious game « As-tu peur du loup » est alors distribué pour améliorer les connaissances scientifiques et lutter contre des rumeurs (Linnell). Il se pratique auprès de certaines associations en support de communication : « Ces campagnes […] ont connu un grand succès et changé l’opinion commune (Campion-Vincent)». Plus intéressant encore, 74% des enfants exposés au Serious game annoncent à leur enseignant avoir discuté avec un des membres de leurs entourages au moins sur la présence de ce prédateur prouvant ainsi l’impact de leur pratique. Il semble que la simulation de l’exercice du jeu réponde aussi à l’objectif initial en apportant une certaine spécialisation sur la thématique principale et permette au pratiquant de justifier certains arguments contrant l’intérêt à respecter la présence du loup sur le territoire.

4. Des perspectives encourageantes

Sur la base de ces résultats, le Parco naturale Alpi Marittime, espace protégé transfrontalier (Italie) qui accueille également le prédateur sur le territoire envisage d’adapter ce même Serious game en italien pour poursuivre les mêmes objectifs auprès d’une cible identique. L’Education nationale diffuse également ce CDRom dans la France entière (CRDP).

4.1 Une évaluation positive mesurée

Mais l’évaluation positive de ce jeu numérique pédagogique peut-elle vraiment être prise en considération ? La réponse affirmative peut s’énoncer dans la mesure où la stratégie de vulgarisation convoquée qui concerne parfaitement les premières phases de sa construction. L’objectif principal et secondaire, le message, la cible, le cœur de cible ont été notamment respecté lors de la conception et la création et toutes les

phases de l’élaboration de ce Serious Game (symbolique, décor, etc.). En revanche, durant l’évaluation par enquête menée de façon verbale puis écrite l’échantillon peut avoir été influencé de différentes manières malgré les recommandations faites aux enquêteurs. La réponse est également plus mesurée quant à l’évaluation de la réception subliminale des messages car il existe en premier lieu un risque qui pourrait être dénommé « parasitage ». En effet, pour pratiquer une évaluation juste, l’environnement communicationnel du récepteur doit être vierge de toute information préalable, présente et à venir. Dans le cadre présenté, de

multiples médias ont sans doute influencé les jeunes pratiquants du Serious game avant même qu’ils ne se forment leurs idées personnelles. Il est donc possible que certains d’entre eux aient été exposés à des messages contraires ou favorables. Ces messages (PEMF) ont possiblement un impact sur l’échantillon en dehors de la pratique du Serious game.

4.2 Des risques de parasitage

En conclusion, un Serious game convenablement pensé qui diffuse un message construit pour une cible bien maitrisée tire au mieux partie du message diffusé. Néanmoins si le Serious game, considéré comme un outil de communication, se doit notamment- dans le cadre d’une évaluation- de considérer les bases de sa création en adéquation avec la stratégie retenue, il doit de plus, définir les risques de parasitage de l’environnement de la cible. En effet, d’autres actions et/ou produits de communication peuvent influencer le pratiquant de manière subliminale. Dans le cadre du lancement mais aussi de l’évaluation d’un Serious game, il est donc à envisager une étude sur l’influence de l’écosystème environnant en amont et durant la période de sa pratique.

Références

(1) Alvarez&Djaouti, Serious Games et Gameplay, 3ème Serious Game Sessions Europe, Lyon,

Décembre 2007

(2) Poulle M.-L., Dahier T., Programme Life loup, rapport final, Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, Mai 2000, p. 81 (3) Perrault Charles, Contes, le petit chaperon rouge,

Le Livre de Poche Classique, 1965

(4) Poulle M.-L., Dahier T., Programme Life loup, rapport final Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, in Le loup, une attention maitrisée, Jauffret-Cervetti MN, 10 panneaux, Mai 2000p.82-83 Mai 2000, p. 82-83 (5) Jauffret-Cervetti MN, Sur les traces du loup,

Collection du détective Nature, Parc national du Mercantour, CDDP des AM, 1996, 77p.

(6) PNM/ Editerranée, « As-tu peur du loup ? », CDRom didactique, Parc national du Mercantour, 1998

51 L 1 / p

Colloque Serious Games et Outils de simulation

(7) Parc nationaux de France, Atlas Parcs nationaux, Parc national du Mercantour, in Concours «Conte-moi le loup» GIP ATEN, 2002, p.68 (8) Linnell J.D.C., «Controversial origins: a story of

wolves, conspiracy, black helicopters and things that go bump in the night», WolfPrint, vol. 21, 2004.

(9) Campion-Vincent V., Les réactions au retour du loup en France. Une analyse tentant de prendre « les rumeurs » au sérieux, Anthropozoologica, N°32, Museum National d’Histoire Naturelle, 2000

(10)http://www.cndp.fr/crdp-rennes/crdp/services/m ediatheques/selectionsDoc/pdf/56/valises/VPlou p.pdf, consulté le 15/04/2012

(11)PEMF, le Loup BT, N°1078, pemf, Mouans Sartoux, 1996

53 L 1 / p

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eVirtuose 2012


 
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Mesure de l’immersion (absorption cognitive) et de ses

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