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Analyses de serious games par un public étudiant

Dans le document ACTES de CONFERENCE INTERNATIONALE E-VIRTUOSES (Page 136-138)

Michel Lavigne Maître de Conférences IUT Services &Réseaux de Communication – Université Toulouse III Laboratoire de Recherche en Audiovisuel (LARA) – Université Toulouse II Courriel : michel.lavigne@iut-tlse3.fr Résumé

La proposition fait état d’une évaluation qualitative et quantitative de serious games par des étudiants de première année d’IUT dans le cadre d’une méthode formalisée. Les résultats sont analysés afin d’évaluer la qualité des univers proposés, le plaisir ludique proposé et l’efficacité dans la transmission du message.

1. Introduction

Depuis quelques années les projets et réalisations de serious game se sont multipliés en France avec pour certains des budgets importants. Il devient communément admis que ce type de productions est le meilleur moyen pour atteindre et sensibiliser les nouvelles générations (digital natives) qui pratiquent les jeux vidéos dès leur plus jeune âge. La mise à contribution des principes ludiques qui leur sont familiers serait le meilleur moyen pour leur faire passer des messages et les éduquer.

Notre objectif ici est de vérifier la pertinence de ces lieux communs en étudiant la réception de serious games auprès d’un public particulier d’étudiants en formation universitaire technologique. Ces étudiants, âgés de18 à 20 ans, sont en première année d’un département d’IUT Services et Réseaux de Communication. Ce type de département vise l’acquisition d’une culture à la fois technique, communicationnelle et esthétique pour la conception de programmes multimédias, le secteur professionnel principal visé étant celui du webdesign. Ce public, au stade de notre analyse (milieu de la première année), possède quelques rudiments d’analyse multimédia et est donc en principe capable de discriminer un certain nombre de critères esthétiques, communicationnels et techniques. Par ailleurs, du fait même du choix de ce type d’études, il est en principe doté d’une motivation particulière pour les programmes multimédias. Il présente donc l’avantage de disposer à la fois d’une certaine expertise et de la culture ludique propre à sa génération.

2. Méthodologie

Notre démarche consiste en une enquête à la fois qualitative et quantitative sur l’usage de serious games. Les serious games sont des objets complexes et divers et il nous est apparu qu’un préalable formalisateur était nécessaire pour parvenir à un langage commun et à une bonne appropriation d’outils méthodologiques. Une séance a été consacrée à la réflexion sur les principes ludiques (en nous appuyant principalement sur la

classification de Caillois), aux modes vidéo-ludiques et aux problèmes posés par leur classification. Nous nous appuyons aussi sur les connaissances déjà acquises dans le cadre d’autres enseignements : ergonomie logicielle, architecture, programmation, critères esthétiques ou sémiologiques.

Ces réflexions ont conduit à l’élaboration d’une fiche d’analyse servant de conducteur aux étudiants pour analyser les jeux sérieux et leur permettant de noter leur perception qualitative sur les critères suivants : présentation technique, finalité sérieuse, structure narrative, univers, principes ludiques, et enfin évaluation générale et synthèse. L’ensemble de ces rubriques nous permet de nous assurer d’une bonne compréhension de l’objet analysé (description des éléments structuraux du programme) et de collecter des réactions subjectives, parfois affectives ou passionnelles.

Afin d’obtenir des résultats plus rigoureux et quantifiables nous avons ajouté une grille de notation sur trois critères principaux :

•évaluation de l’univers (qualité des médias utilisés, scénario),

•évaluation de la qualité ludique (quels sont les ressorts ludiques et y a-t-il un réel plaisir ludique ?),

•évaluation de l’efficacité sérieuse (le message est-il bien transmis, la forme du serious game contribue t-elle à une meilleure appropriation qu’un média traditionnel ?).

Partant du principe que les pratiques ludiques habituelles des étudiants influencent aussi leur jugement nous avons souhaité introduire un élément quantitatif supplémentaire en demandant à chaque étudiant d’évaluer son rapport aux jeux vidéos en indiquant son niveau de familiarité avec les jeux vidéos : non-joueur / occasionnel / fréquent / intensif. Les séances d’analyse se font en groupes dont l’effectif peut varier de 30 à 50 étudiants selon les séances. Un binôme d’étudiants prépare en amont la visite en explorant le serious game de la façon la plus complète. Lors de la séance la visite se fait en interaction entre les présentateurs et le public.

Le corpus de serious games sur lequel nous nous appuyons est constitué de programmes accessibles librement sur Internet, soit directement jouables, soit jouables après téléchargement. Les étudiants choisissent dans une liste qui leur est proposée. Ils s’orientent généralement vers le choix de serious games destinés à un public correspondant globalement à leur tranche d’âge : programmes de

Colloque Serious Games et Outils de simulation

sensibilisation aux dangers des addictions, au développement durable, logiciels éducatifs…

3. Résultats quantitatifs

Alors que nous avons démarré ce travail nous avons été surpris de constater qu’aucun étudiant ne savait ce qu’est un serious game et pour la plupart ils n’en avaient jamais entendu parler. Cette virginité du public nous met à l’abri des idées pré-conçues.

Dans l’état actuel de notre travail (4 analyses effectuées) un certain nombre de tendances se dégagent qui seront approfondies ou corrigées au fil des évaluations suivantes. Les univers des serious games analysés sont notés principalement en fonction du soin accordé à la qualité graphique ou vidéo par les concepteurs et à la familiarité que les étudiants peuvent y trouver en relation avec la réalité de leur vie quotidienne. Pour certains les notes peuvent être très élevées (plus de 15/20) et la moyenne sur les 4 jeux dépasse 12/20.

La qualité ludique est par contre sévèrement notée n’atteignant presque jamais la moyenne, avec 9,44/20 pour les 4 jeux. L’efficacité sérieuse est à peine mieux notée avec 10,01 de moyenne.

La discrimination par pratiques ludiques permet d’affiner l’observation. Quelque soit la pratique de jeu l’évaluation des univers est à peu près homogène. Par contre la pratique influence nettement la notation de la qualité ludique : plus on est joueur, plus on est critique, les non-joueurs donnent une moyenne de 10,89 alors que les joueurs intensifs donnent une moyenne de 8,42. A l’inverse, même si c’est moins net, la sévérité de jugement sur l’efficacité sérieuse s’accroît si on n’est pas joueur : 9,66 pour les non joueurs, 10,76 pour les joueurs intensifs.

Un seul jeu analysé s’écarte de ces tendances. Il s’agit du seul jeu de gestion de notre corpus, le plus mal noté pour son univers (7,95), jugé trop frustre, mais qui obtient de relativement bonnes notes pour la qualité ludique (10,11) et l’efficacité sérieuse (11,25).

4. Résultats qualitatifs.

Si l’objectif de séduction créé par la mise en œuvre d’univers très soignés semble fonctionner, ni le plaisir ludique ni l’efficacité ludique ne semblent au rendez-vous. Concernant les univers les étudiants les trouvent « réalistes », « sympas », ils apprécient la qualité des scénarisations avec des dialogues qui reprennent les éléments de langage des « jeunes » ou la qualité d’univers graphiques qui évoquent le monde de la bande dessinée. Mais pour la plupart des programmes analysés, les étudiants considèrent que ce ne sont pas des jeux. Ils n’y trouvent pas le plaisir ludique attendu, les scénarios sont trop contraignants, la présence d’un objectif « sérieux » parasite la liberté qu’ils attendent dans la pratique ludique. L’efficacité sérieuse est la plupart du temps mise en doute. Pour beaucoup d’étudiants la lecture d’un livre ou le visionnage d’un film seraient plus rapides et efficaces, les interactions proposées sont souvent considérées comme un obstacle à la transmission du message et à sa mémorisation. Ils reprochent aussi l’aspect moralisateur

de ces jeux qui veulent les forcer à de bonnes pratiques sans leur montrer les conséquences réelles des mauvaises (cas des jeux de prévention contre les addictions).

5. Conclusions

La sévérité des jugements portés par les étudiants semble démontrer que les moyens importants mis dans la réalisation des serious games ne suffisent pas à faire prendre pour des jeux des programmes qui n’en sont pas. Elle nous paraît mettre en question la pertinence de bon nombre de réalisations de ce type et au-delà poser la question déjà présente à l’époque de la mode du ludo-éducatif : peut-on jouer et apprendre en même temps ?

En termes de conception elle questionne la création multimédia. Le jeu vidéo qui fonctionne le mieux parmi les 4 produits analysés est celui qui offre les champs de liberté les plus larges. Le discours moralisateur ou pédagogique est par nature linéaire et il vise généralement l’acceptation de contraintes. Peut-on efficacement marier ces contraires qui se concrétisent par l’oxymore interactivité / narrativité ? Le discours ne relève-il pas par nature du déroulement automatique (tel que celui du film) et de la passivité du récepteur ? Le jeu existe-t-il encore s’il limite l’action du joueur ?

Nous devons nuancer ce propos en nous basant sur le cas particulier du jeu de gestion qui se démarque des autres serious games analysés : il s’agit là d’un jeu de construction, avec une grande liberté d’action, qui requiert donc un investissement créatif et permet de mesurer les conséquences de ses choix au fur et à mesure du déroulement.

Dans le cas particulier de simulations d’univers à vivre et à expérimenter - le jeu qui est alors celui de la mimicry de Caillois - la liberté du jeu et un apprentissage de type informel peuvent trouver un terrain d’entente autour d’une pratique créative.

Nous devons enfin apporter les plus grandes réserves sur l’emploi du terme même de serious game qui par ses ambigüités engendre la confusion entre de multiples genres et des programmes aux finalités diverses, voire parfois contradictoires (transmettre un message / éduquer).

Références

Alvarez Julian, Djaouti Damien, (2010), Introduction au serious game, Questions théoriques.

Brougère Gilles, (2005), Jouer / Apprendre, Editions Economica.

Caillois Roger, (1958), Les jeux et les hommes, Gallimard. Kellner Catherine, (2000), La médiation par le cédérom « ludo-éducatif ». Approche communicationnelle. Thèse de doctorat, Université de Metz.

Mauco Olivier, (2011), Les serious games, un objet en construction, Ina global, la revue des industries créatives et des médias.

Papert Seymour, (1981), Jaillissement de l'esprit, Flammarion.

Triclot Mathieu, (2011), Philosophie des jeux vidéo, Zones.

61 L 2 / p

2012

Evaluer et mesurer l’impact des serious games

N. Jonchère: nada.jonchere@gmail.com S. Agostinelli : serge.agostinelli@univ-amu.fr V. Campillo : valerie.campillo@univ-amu.fr LSIS UMR CNRS 7296

Résumé

Depuis son avènement le serious game (SG) est en perpétuelle évolution, il se diversifie et inclut diverses disciplines. Plusieurs travaux d’études exploratoires sont lancés mais aucune norme permettant de mesurer et évaluer l’impact du SG sur l’utilisateur n’est définitivement établie.

Cependant, il semble que le SG est un outil qui nécessite une articulation entre le domaine informatique et les sciences humaines et sociales dans le but d’ajuster ses briques composantes et de renforcer les interactions homme-machine pour obtenir une meilleure adaptation à l’apprenant et à son environnement.

La complexité de ce champ de recherche impose un questionnement constant. Comment mesurer l’effet du serious game, son efficacité dans l’enseignement ? Comment exploiter le potentiel de cet outil pour intéresser et motiver l’apprenant? Sur quels critères se baser pour définir les conditions qui favorisent l’apprentissage et comment les reproduire ?

Introduction

Depuis l’avènement du serious games les

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