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Un serious play en école d'ingénieur : perception et apport de l'aspect ludique

Dans le document ACTES de CONFERENCE INTERNATIONALE E-VIRTUOSES (Page 130-133)

J.-F. Parmentier1 , O. Thual1 et A. Harang1

1 Université de Toulouse ; INPT ; ENSEEIHT ; IMFT, Allée C. Soula, F-31400 Toulouse, France 1 email: jf.parmentier@gmail.com

Abstract

Un serious play a été mis en place depuis 2008 à l'ENSEEIHT Toulouse pour l'apprentissage de la méthode des caractéristiques au niveau master 1. Après une description de l'outil, la perception de l'aspect ludique et son apport est analysé à partir des réponses des élèves à un questionnaire. On observe clairement une très bonne réception de l'aspect ludique qui conduit à une envie d'utiliser l'outil. Une analyse de dépendance a permis de quantifier les effets directs et indirects de l'aspect ludique sur l'apprentissage et l'appréciation globale du module. Le modèle permet d'estimer que le même travail demandé, mais sans aspect ludique, aurait conduit à un apprentissage plus faible et une appréciation globalement négative du module (au lieu de fortement positive comme c'est le cas actuellement).

1. Introduction

L'ENSEEIHT Toulouse est une école d'ingénieur qui propose des enseignements dans différentes thématiques, notamment la mécanique des fluides. La méthode des caractéristiques est une technique mathématique enseignée en deuxième année (Master 1) permettant de résoudre les équations de convection, très utilisées dans le domaine de la mécanique des fluides. Chaque année, environ 70 élèves suivent ce cours. L'objectif du cours est double :

• comprendre les différents concepts du cours (notion de propagation de l'information, d'onde de détentes et de choc),

• appliquer les résultats essentiels de la théorie à des situations concrètes s'y rapportant.

En 2008, lors d'une réflexion sur l'enseignement, trois problèmes avaient été identifiés :

1. la technicité mathématique de la méthode donne un aspect très abstrait au cours, aspect mal perçu par les élèves,

2. les élèves suivent un cursus dense en formation, les conduisant à faire des choix sur leur temps de travail, 3. une partie des élèves ont un rythme de vie décalé par

rapport aux horaires traditionnels de la formation. Les conséquences directes étaient une perte de motivation des élèves par rapport à la matière ainsi qu'une mauvaise

compréhension des concepts du cours. Suite à la réflexion de 2008, il est maintenant proposé aux élèves, en plus du cours magistral traditionnel et du polycopié, l'utilisation d'un simulateur ludique de trafic routier, accessible en ligne librement. Un questionnaire d'évaluation de l'outil est proposé aux élèves à la fin du module. Une étude précédente s'est focalisée sur la présentation du dispositif complet et son évaluation par le questionnaire [Parmentier et al., 2012]. Cet article propose d'analyser spécifiquement l'apport de l'aspect ludique sur l’apprentissage et l'appréciation du module.

La paragraphe 2 présente le public ciblé et la mise en oeuvre du module. Le simulateur est détaillé dans le paragraphe 3. La perception de l'aspect ludique est présentée au paragraphe 4 et son apport sur l'apprentissage et sur l'appréciation globale est analysé paragraphe 5.

2. Public ciblé et mise en oeuvre

Chaque année depuis 2008, environ 70 élèves d'écoles d'ingénieur en niveau Master 1 suivent l'enseignement. Ils sont issus majoritairement de classes préparatoires (75%) et sont plus réceptifs aux applications pratiques qu'aux développements théoriques. La proportion de femmes est de 30%, et la moyenne d'âge de 22 ans. L'accès à internet depuis le lieu de résidence des élèves est élevé et augmente chaque année (de 80% en 2008 à 97% en 2012).

L'organisation actuelle du module est la suivante : 1h45 de cours magistral en classe entière, 1h45 de TD en demi- classe et 2 fois 1h45 de travail sur le simulateur, en binômes (1 encadrant pour un quart de classe). Ce travail conduit à une évaluation notée. Les étudiants peuvent travailler entre les différentes séances (le simulateur est accessible librement depuis internet) et un forum permet aux élèves de poser leurs questions.

À la fin du module, un questionnaire individuel, anonyme et facultatif est proposé aux élèves. Il porte sur leur ressenti du module. Pour assurer un nombre de réponses satisfaisant, les élèves répondant au questionnaire se voient attribuer un point supplémentaire sur leur note de travail pratique. Au final, le taux de réponses est élevé (90%) assurant ainsi une fiabilité des résultats obtenus. Une trentaine de questions sont posées, réparties en trois catégories :

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[1] Questions dont les réponses possibles sont « Oui » ou « Non ». Par exemple : « J'ai un accès à internet depuis mon lieu de résidence ».

[2] Énoncés dont la réponse doit être choisie parmi quatre réponses possibles : « totalement en désaccord avec l'énoncé », « plutôt en désaccord avec l'énoncé », « plutôt en accord avec l'énoncé » et « totalement en accord avec l'énoncé ». Par exemple : « L'aspect ludique du simulateur donne envie de l'utiliser. ». [3] Trois questions ouvertes : « Quels sont les points que

vous avez le plus appréciés ? », « Quels sont les points qu'il est nécessaire de modifier ? » et « Autres commentaires et suggestions ».

Au total, 239 réponses sont réparties sur 4 années (2008, 2009, 2011 et 2012). L'analyse des résultats est détaillée dans les paragraphes 4 et 5.

3. Description du simulateur

Outre l'écran de menu, le simulateur de trafic routier se compose d'un écran principal représentant la circulation de voitures sur une route (Fig. 1). Le simulateur se décompose en trois niveaux : la simulation de la circulation des voitures, un panneau de contrôle et un décor de fond. L'utilisateur peut interagir sur la circulation par l'intermédiaire du panneau de contrôle, soit en modifiant la couleur du feu, soit en arrêtant, poursuivant ou réinitialisant la simulation.

Fig. 1. Écran principal du simulateur de trafic routier Le panneau de contrôle permet d'effectuer des mesures de temps (chronomètre), de distances, de vitesses des voitures (radar), du débit de voitures, de la position de chacune des voitures (exportation au format texte) ainsi que de suivre l'évolution temporelle de la densité de voiture dans l'espace (courbe de densité). C'est donc un outil de simulation permettant d'effectuer des mesures aussi bien qualitatives que quantitatives. Au cours du travail sur le simulateur, les élèves comparent les prédiction théoriques issues des formules du cours aux mesures effectuées sur le simulateur. Le simulateur permet donc à la fois d'illustrer les notions du cours par un cas concret, de comprendre la physique du problème par l'interactivité et de reconnaitre et d'appliquer les notions apprises en cours.

Le simulateur peut être vu comme un Serious Play [Alvarez et al., 2010] puisqu'il ne comporte en lui même ni règles de jeu, ni but, mais seulement des lois virtuelles (actions possibles et réactions de l'environnement). Cependant son utilisation est mise en scène dans le document écrit support du travail : les élèves sont confrontés à une mission (optimiser la durée feu vert / feu rouge) et sont guidés tout au long tu travail pour y arriver. L'utilisation du simulateur ne s'effectue pas de manière autonome : 60% des élèves estiment être totalement en accord avec l'énoncé "L'encadrement des enseignants est nécessaire pour la réalisation du travail demandé" et 30% plutôt en accord. Ceci s'explique d'un part par le fait que les élèves n'ont pas encore compris les notions du cours nécessaires pour réussir à bien la mission, et d'autre part par ce que les réponses aux questions ne sont pas contenues dans le simulateur mais doivent être trouvées à l'extérieur (cours polycopié, aide des intervenants, ...). L'aspect ludique est mis en place dès le lancement du simulateur par un écran de menu, rappelant les jeux vidéos. Trois choix sont offerts : Jouer, Démo et Crédits. Les étudiants doivent donc cliquer sur le bouton Jouer pour accéder à l'écran principal, donnant ainsi un ton volontairement décalé par rapport au contexte institutionnel classique (enseignement obligatoire et noté). Lors de l'utilisation du simulateur l'aspect ludique est portée par les éléments graphiques. L'ambiance générale est futuriste et légèrement enfantine. Quatre niveaux d'éléments graphiques sont utilisés : le panneau de contrôle, la circulation des voitures qui répond de manière dynamique à l'utilisation du panneau de contrôle, un décor immobile (la ville) ainsi qu'un décor mobile non interactif (la mouette). Cette dernière permet de rendre le décor plus vivant et ainsi de renforcer la sensation d'immersion. Cette technique est inspirée du jeu vidéo Another World (1991) (l'objectif étant de maximiser l'aspect ludique pour un coup de développement faible, les anciens jeux vidéos sont des sources riches d'astuces ludiques). Enfin une musique d'ambiance vient compléter l'immersion.

4. Perception de l'aspect ludique

L'appropriation de l'aspect ludique ludique par les étudiant est évalué à travers deux questions. La première, "L'aspect ludique du simulateur donne envie de l'utiliser", évalue la motivation associée. Les résultats, présentés Fig. 2, montrent clairement que l'aspect ludique fonctionne très bien sur la motivation initiale : 49 % répondent être totalement en accord avec l'énoncé et 41% plutôt en accord avec l'énoncé, soit 90% de résultats positifs. Ce résultat montre à la fois qu'un public niveau Master 1 est sensible à l'aspect ludique, et que l'aspect graphique n'a pas besoin d'être hautement sophistiqué pour donner un aspect ludique efficace.

La deuxième question porte sur le sentiment de jeu. Les résultats, présentés Fig. 3, montrent que l'impression de

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jouer est beaucoup plus partagée : 60% estiment être totalement ou plutôt en accord avec l'énoncé "L'aspect ludique du simulateur donne l'impression de jouer", et 40% estiment être totalement ou plutôt en désaccord. Ceci peut s'expliquer par le fait que la participation est obligatoire et que le résultat est noté et influe sur la scolarité des élèves, en désaccord avec les notions de participation libre et d'improductivité (au sens implication dans la vie réelle) inhérente à la notion de jeu [R. Caillois, 1957].

Fig. 2. Réponse à l'énoncé « L'aspect ludique du simulateur donne envie de l'utiliser ». Légende : __ : totalement en accord avec l'énoncé, __ : plutôt en

accord avec l'énoncé, __ : plutôt en désaccord avec l'énoncé, __ : totalement en désaccord avec l'énoncé.

Fig. 3. Réponse à l'énoncé « L'aspect ludique du simulateur donne l'impression de jouer ». Légende : __ : totalement en accord avec l'énoncé, __ : plutôt en

accord avec l'énoncé, __ : plutôt en désaccord avec l'énoncé, __ : totalement en désaccord avec l'énoncé. Parmi les réponses à la question ouverte "Quels sont les points que vous avez le plus appréciés ?", les deux points revenant le plus régulièrement sont l'aspect concret du problème traité et l'aspect ludique du simulateur (environ 10% des réponses).

5. Apport de l'aspect ludique sur l'apprentissage et l'appréciation générale

Le module est globalement apprécié : 80% sont totalement ou plutôt d'accord avec l'énoncé "De manière générale, j'ai apprécié ce BE". Les élèves estiment aussi avoir beaucoup appris (79% sont totalement ou plutôt d'accord). La question est de quantifier l'apport de l'aspect ludique sur cet apprentissage et sur cette appréciation globale.

La méthode utilisée pour répondre à cette question est une adaptation de l'analyse de dépendance [Lleras, 2005]. Cette dernière permet de décomposer l'effet d'une variable sur une autre en effets directs et indirects. Les données utilisées pour cette étude sont uniquement celles des années 2011 et 2012, correspondant à 109 réponses. Afin de pouvoir utiliser l'analyse de dépendance, les réponses sont d'abord converties en valeur numériques. Une échelle uniforme à été choisie, de 1 pour à la réponse « totalement en désaccord avec l'énoncé » à 4 pour la réponse « totalement en accord avec l'énoncé ». Une répartition aléatoire des réponses à une question donnerait une moyenne de 2,5.

Quatre questions ont été choisies pour effectuer l'analyse. La question "L'aspect ludique du simulateur donne envie de l'utiliser" a été choisie comme représentant l'influence de l'aspect ludique. L'ensemble des résultats des élèves à cette question est donné par le vecteur noté Q1 comportant 109 composantes (une ligne pour chaque élève). La question "J'estime avoir beaucoup appris avec ce BE", dont les réponses sont notées Q2, représente l'apprentissage. Une des variables identifiées ayant une influence sur l'appréciation globale est le rapport intérêt pédagogique sur quantité de travail. Cette variable est évaluée par l'énoncé "Le BE représente une charge de travail adéquate par rapport à son intérêt pédagogique" dont les réponses sont notées Q3. Enfin l'appréciation globale est estimée par les réponses à l'énoncé "De manière générale j'ai apprécié ce BE", notées Q4. Les énoncés des questions seront résumés par les quatre mots clés suivants : Ludique (Q1), Apprentissage (Q2), Rentabilité (Q3) et Appréciation (Q4). Les énoncés et les mots clés sont reportés Table 1.

Table 1 Numéros et énoncés des questions choisies pour l'analyse de dépendance.

Numéro Énoncé Mots clés

1 L'aspect ludique du simulateur donne envie de l'utiliser

Ludique

2 J'estime avoir beaucoup appris avec

ce BE

Apprentissage

3 Le BE représente une charge de travail adéquate par rapport à

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