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Colloque Serious Games et Outils de simulation « Muséo »

Komi KOUnAKOU, Sylvie LeLeU-MeRVIeL Univ Lille Nord de France, F-59000 Lille, France

UVHC, DeVisu, F-59313 Valenciennes, France

kounakou@gmail.com sylvie.merviel@univ-valenciennes.fr

Simon HOURIeZ, Julie HOURIeZ

Association Signes de sens, Nord de France, F-59000 Lille, France

s.houriez@signesdesens.org j.houriez@signesdesens.org

Abstract

“Muséo” est un jeu sur iPad et borne multitouch permettant aux enfants d’accéder visuellement à des œuvres muséographiques via des interfaces numériques et tactiles. Les contenus ont été conçus pour être faciles à comprendre pour tous y compris des enfants en difficulté de communication comme les enfants sourds.

Une première expérimentation menée en décembre 2010 au musée du quai Branly (Paris) a permis d’évaluer l’impact de ce jeu en situation écologique d’usage. Grâce à un nouveau protocole appelé VIAGE (VIsionnage, Appréciation, Graphisme, Entretien), nous avons pu mesurer des niveaux d’appropriation selon le type de médiation (technologique ou humaine). La comparaison entre groupe test et groupe contrôle met en évidence des différences comportementales et d’appropriation cognitive importantes. Ce protocole ouvre des pistes intéressantes d’analyse de Serious Game et plus généralement de contenus multimédia.

1. Introduction

Cet article s’intéresse au contexte de réception de contenus muséographiques au moyen de dispositifs techno-pragmatiques interactifs (Peraya, 2002). Il rend compte d’une expérimentation de terrain consacrée à l’appropriation de contenus muséographiques par des enfants sourds grâce au dispositif « Muséo ».

« Muséo » est un jeu créé par Simon Houriez, concepteur et directeur de l’association Signes de sens pour répondre aux besoins des enfants sourds. Son originalité repose sur l’association d’une direction pédagogique et d’une direction technique, ainsi que sur une réflexion sur un protocole d’évaluation permettant de mesurer l’impact cognitif d’un tel dispositif. Le projet est basé sur une pédagogie visuelle née de l’observation et compréhension

de la langue des signes (LSF). Il associe un jeu découverte sur tablette (fig. 1)), et un jeu sur écran multitouch.

Fig. 1. Interface du jeu sur iPad.

L’étude se fonde sur l’hypothèse selon laquelle l’interaction médiatisée aide l’enfant sourd à mieux accéder aux œuvres. L’étude tente de comprendre si ce public particulier parvient à s’affranchir du monitorat humain pour s’approprier l’information et/ou les contenus (Bougnoux, 1995) à partir des nouveaux outils de médiation, et si oui, comment.

L’expérimentation s’est intéressée à un groupe d’enfants sourds de 9 à 12 ans. Le choix de cette catégorie de public se justifie par le fait que les enfants handicapés auditifs ne sont pas bien lotis en outils numériques de médiation pour bien communiquer, s’informer et se divertir comme tout enfant. Quoiqu’on dise, la fracture d’usage des nouveaux outils de médiation existe bel et bien pour les enfants handicapés. Une étude menée auprès des personnes vulnérables portant sur leurs rapports aux technologies de communication et d’information montre que 92% (FFSB, 2011) des personnes à déficience visuelle ou auditive n’ont pas un accès facile aux contenus d’apprentissage et

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de socialisation, faute de plateformes appropriées à leurs situations. La problématique de l’accessibilité des enfants sourds aux contenus d’apprentissage et de communication reste donc une préoccupation sociétale. Dès lors, se pencher sur cette question est intéressant ; cela présente en outre un véritable enjeu scientifique relatif à la compréhension des interactions communicationnelles et visuelles dans ce contexte particulier.

Cet article s’attache tout particulièrement aux résultats de l’évaluation du jeu sur iPad. Ce jeu est une application scénarisée comme une enquête. Les enfants sont placés en situation de détectives. La recherche d’indices se traduit sous forme de parcours entre les oeuvres. L’objectif est que les enfants découvrent une culture étrangère à travers les objets de son quotidien. Les contenus sont visuellement optimisés en langue des signes pour s’inscrire dans la logique d’interaction propre à ce public particulier d’enfants sourds. Ces contenus sont scénarisés, signés et sous-titrés pour favoriser leur accès aux enfants. Il est à noter que les contenus s’adaptent également très bien au grand public grâce à une voix off et la pédagogie visuelle mise en œuvre.

Un iPad était remis à un groupe de 3-4 enfants.

2. Material and methods

L’étude s’inscrit dans le champ des sciences de l’information et de la communication. Le protocole VIAGE (VIsionnage, Appréciation, Graphisme, Entretien) est une technique d’évaluation qualitative d’observation d’analyse de contenus audiovisuels numériques auprès des enfants non lisants et en difficulté.

Il associe la méthode des smileys (après visionnage et utilisation des applications, on demandait aux enfants d’exprimer leur satisfaction en choisissant un personnage souriant, neutre ou triste), le dessin (on proposait aux enfants de dessiner librement ce qu’ils retenaient de leur visite (fig. 2)), et l’entretien (pour l’interprétation des dessins).

La méthode a été testée sur les applications iPad et multitouch, sur un groupe test de 12 enfants et en méthode comparative avec un groupe contrôle qui suivait une visite guidée avec un médiateur à la place de l’activité iPad, et une activité de composition d’images avec papiers pour l’activité multitouch. Un questionnaire socio-linguistique a été adressé aux enseignants au préalable de l’observation afin d’avoir le profil de communication de chaque enfant pour l’analyse des données. La phase de visionnage a été observée ou filmée quand cela était possible.

L’étude s’est basée sur quatre indicateurs choisis en lien avec le processus communicationnel d’apprentissage: l’interaction, l’appréciation, l’appétence et la résurgence. L’hypothèse formulée est la suivante : « L’interaction est un indicateur de la valeur d’appel des contenus ». Cette même hypothèse peut se formuler en négatif : l’absence d’interaction témoigne d’une certaine indifférence, ou tout au moins d’un détachement avéré vis-à-vis de ce qui est

proposé. Lier l’interaction à la valeur d’appel (i.e. la capacité à focaliser l’attention) revient à supposer que la manifestation d’interactions signifie que les enfants s’intéressent au contenu à travers le dispositif.

La méthode adoptée est le comptage in situ et en temps réel, de quatre types d’interactions:

a) les interactions entre l’outil et les sujets testés, b) les interactions entre les sujets eux-mêmes dans le groupe,

c) les interactions entre les sujets et l’œuvre physique présent dans le musée,

d) les interactions entre les sujets et le guide (moniteur) adulte qui suit les enfants.

Muséo a été mis en œuvre et évalué dans le Musée du Quai Branly les 9 et 10 décembre 2010. Le protocole a été adapté aux contraintes du lieu (impossibilité de filmer dans l’espace des collections) et aux caractéristiques propres à ce public (nécessité d’un interprète signeur pour toute verbalisation).

3. Results

Fig. 2. Exemple de graphisme analysé par la méthode VIAGE.

Les résultats mettent en évidence un esprit d’autonomie chez les enfants au détriment de la traditionnelle relation entre un conférencier de musée et son public. Contrairement à la visite classique où tout est expliqué au public, Muséo permet à l’enfant de développer une interprétation plus intime avec l’œuvre, de la concevoir et se la représenter plus librement dans sa pensée que ne le permettent les explications des animateurs. Cependant,

force est de constater que la visite sur l’iPad telle que nous l’avons expérimentée réduit considérablement le contact des visiteurs avec l’œuvre physique. Ce qui en résulte, c’est que l’apprenant se concentre à 90% du temps sur le support et l’image virtuelle qu’elle propose plutôt que sur l’œuvre réelle.

4. Discussion and Conclusion

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Dans le cas d’une visite muséale, le relevé a été limité au seul décompte « à la volée » des gestuelles manifestes, complété par des prises de notes lors du parcours, car nous n’étions pas autorisés à filmer les sujets en situation dans le musée. Du coup, seules les observations visibles à l’œil nu sont comptabilisées. Par rapport à l’analyse médiascopique effectuée a posteriori à partir de traces filmiques pérennes et objectives (Labour et al., 2011), un biais important se fait jour : la mesure est assez approximative, certains événements ayant pu échapper à l’observateur non participant. D’autant plus que celui-ci se tient à distance respectable pour ne pas gêner le groupe, ne pas faire peser sur lui une impression de surveillance et lui laisser un sentiment de totale liberté. Par ailleurs, les expressions faciales, très fugitives, sont irrémédiablement perdues.

Il conviendrait donc d’adapter ou d’identifier des indicateurs complémentaires dans la mise en place du protocole VIAGE dans le musée.

b) Recommandations pour améliorer le jeu

En termes de conception et scénarisation, si les résultats montrent que ce n’est pas le fait de regarder l’œuvre qui fait qu’on se les approprie, nous pouvons néanmoins envisager d’intégrer dans les gameplay plus d’observation à faire des œuvres pour répondre aux questions du jeu. Les fortes interactions entre les enfants sur la tablette, justifierait par ailleurs de développer la dimension collaborative.

Le protocole VIAGE ouvre ainsi des pistes intéressantes d’analyse de Serious Game car il analyse l’impact de contenus numériques sur les apprentissages.

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