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Crédibiliser l’offre pour emporter l’adhésion : un point de passage obligé

Olivier Rampnoux

CEPE – CEREGE (EA 1722) – Université de Poitiers Email: olivier.rampnoux@univ-poitiers.fr

1. Introduction

Kompany est un jeu de découverte de l'entreprise, dans lequel le joueur crée et développe sa propre société. Apprendre, comprendre et retenir 200 mots utilisés couramment dans le monde des affaires constitue l’objectif pédagogique. Une fois ce vocabulaire assimilé, les joueurs (jeunes) auront les clés pour faire leurs premiers pas dans l’entreprise lors d’un stage par exemple et ainsi mieux d’appréhender les mots de l’entreprise et donc posséder quelques clés pour faciliter leur insertion professionnelle. Ce Serious game à visé pédagogique est accessible via Facebook. Grâce aux fonctionnalités du réseau socionumérique (Stenger, Coutant 2011), le joueur peut ainsi se comparer à ses amis mais aussi coopérer avec eux. Le jeu est doté d'un système de missions, qui guident le joueur tout au long de l'expérience de jeu qui lui permettent d'apprendre le fonctionnement d’une entreprise et du monde des affaires.

Outre ce premier défi pédagogique, le modèle économique tente d’en relever un autre. Kompany est jouable gratuitement jusqu’à ce que les joueurs aient eu l’occasion de mémoriser le vocabulaire essentiel de l’entreprise. C’est pourquoi des contributeurs, privés comme publics, ont été sollicité pour financer la production et la mise en ligne du jeu. Cette démarche de la part des Partenaires leur permet d’atteindre deux objectifs majeurs en terme de communication : la participation active à une initiative éducative utile, d’une part, et d’autre part, la certitude que l’image de leur entreprise sera durablement et positivement installée dans l’univers de jeu et associée à l’univers de référence du jeu et ce d’autant plus que chaque partenaire du projet Kompany apparait sous son identité propre et spécifique.

2. Approche théorique et objet

Au travers de cette communication, notre propos est de rendre compte de la créativité et de l’innovation nécessaires qu’il a fallu aux acteurs. En choisissant une démarche qui propose d’identifier et d’analyser l’innovation au travers de différents critères (Gaglio, 2011), nous voulons rendre compte du processus de conception d’un Serious game. De la première rencontre entre les co-producteur aux réunions entre le producteur délégué et les partenaires, il y a eu tout un ensemble de transformation du projet initial qui a abouti à la mise en ligne d’un Serious game qui aujourd’hui permet d’emporter l’adhésion des acteurs, c’est-à-dire qu’il ne « génère plus de revendications susceptibles de défaire le

réseau ainsi constitué et de remettre en cause le partage stabilisé des compétences entre l’objet et son environnement » (Akrich, 2006). En nous positionnant très clairement dans une approche d’analyse de l’innovation en tant que dispositif, notre objet de recherche n’est pas Kompany en tant que tel mais bien le processus par lequel il y a eu émergence du « machin » (Baudrillard, 1968 ; Cochoy, 2011) et donc la constitution d’un écosystème pérenne permettant la production de l’objet. Comme le souligne Cochoy, notre exercice sera d’examiner « les conditions qui permettent ou non la transformation d’un « machin » en « machine » (Cochoy, 2011).

Dans un premier temps, nous restitueront le cadre théorique au sein duquel nous allons conduire notre analyse, pour dans un deuxième, proposer une mise en perspective, c’est-à-dire proposer une histoire. Au travers de cette monographie qui rend compte du point de vue des acteurs, nous verrons qu’il y a eu une convergence. C’est cette convergence que nous souhaitons analyser, en tant que révélateur de l’innovation de produit mais aussi en tant que signe d’une innovation de procédé. Plusieurs travaux se sont attachés à montrer que les Serious game étaient des innovations de produit et notamment les travaux précurseurs en langue française d’Alvarez (2007) ou Alvarez&Djaouti (2010). Par conséquent, la suite de notre propos sera davantage de regarder l’innovation de procédé qui a permis la production de Kompany, c’est-à-dire l’effet ou l’influence que le Serious game a contribué à susciter tout un écosystème, c’est-à-dire un ensemble d’éléments composites qui s’imbriquent. Cette analyse à un niveau d’échelle micro (c’est-à-dire un projet spécifique) s’inscrit aussi dans une lecture macro, car dans le cadre d’une action publique, puisque Kompany a remporté l’appel à projet « Serious Game » du plan de relance numérique national en 2009 lancé par le Secrétaire d’Etat de la prospective et du développement de l’économie numérique. Notre ambition au travers de cette communication est donc de proposer un cadre d’analyse de l’impact du Serious game et de le mettre en œuvre autour d’un projet spécifique.

Etudier Kompany, conçu comme un Serious game, c’est s’inscrire dans une analyse du jeu vidéo. Dans les Sciences de Gestion, les jeux vidéo et notamment les Serious game n’ont fait que très peu l’objet d’études et d’analyses. En 2007, la question du marketing des jeux vidéo est abordé sous l’angle de la dématérialisation des jeux, Lemoine et Dumazert (2007) analyse les enjeux du passage du produit au service en prenant appui sur l’essor des jeux vidéo sur Internet, donc les questions de fidélisation qui y sont associées. Ils concluent que les mécaniques ludiques et

Colloque Serious Games et Outils de simulation

sociales misent en scène dans les jeux vidéo favorisent la fidélisation du consommateur, conclusion logique car c’est la nature même du jeu vidéo, puisque le game designer veut faire adopter une posture ludique au joueur (Genvo, 2009) et rendre le jeu immersif (Natkin, 2004). En 2009, trois chercheurs en marketing proposent une première esquisse de méthodologie d’évaluation de la performance des Serious game. Au travers de l’analyse du comportement des joueurs de Vacheland, Michel, Kreziak et Héraud (2009) mobilise la notion de transfert, c’est-à-dire qu’ils veulent évaluer « la modification déclarée d’attitude et de comportement des joueurs conformément aux objectifs pédagogiques du jeu ». Au final, ce travail conclut sur un faible impact du Serious game choisi, conclusion incitant à considérer le Serious game comme n’atteignant pas ces objectifs intrinsèques. Toutefois, cette conclusion doit être relativisée car elle ne se focalise que sur l’utilisateur de l’application sans prendre en compte le dispositif au sein duquel elle s’inscrit. C’est en cela que Kompany doit être analysé dans sa globalité et que son impact évalué, puisque nous considérons l’écosystème au sein duquel il s’inscrit et que sa performance doit être vue à l’aune de la trajectoire au sens de la sociologie de la traduction de Callon (1986).

Conclusion

La mobilisation de cette perspective de recherche permet de rendre compte de la matérialité de l’action et de proposer une mise à jour du processus de la construction du modèle économique sous-jacent à la production de l’objet. Loin d’être un processus linéaire qui commence avec l’idée apportée par un Inspecteur Pédagogique Régional à la mise en ligne du jeu en avril 2012, la trajectoire de cette innovation ressemble davantage à un processus tourbillonnaire, c’est à dire une adaptation réciproque entre le projet de jeu et les choix faits par les acteurs, par une suite de versions successives. Par exemple, l’évolution du document clé que constitue le document de game design est assez significative de la difficulté de concevoir un Serious game parlant de l’entreprise et qui satisfassent l’ensemble des partenaires. Pour les games designers, il était plus simple de modéliser une entreprise qui produit et développe des jeux sur les réseaux socionumériques alors pour le Rectorat de Poitiers, l’interlocuteur préférait une entreprise produisant des scooters électriques. Cet exemple qui relève davantage de l’anecdote montre aussi toute la matérialité de l’action nécessaire à l’aboutissement du projet en rendant compte des difficultés techniques et humaine au sein desquelles s’inscrit l’innovation. Analyser l’impact de Kompany c’est donc aussi prendre en cette question de l’accumulation de ressources (humaines et non humaines).

References

Akrich, M. ; Callon, M. ; Latour, B. (2006) Sociologie de la traduction - textes fondateurs. Sciences sociales. Paris: Presses de l'Ecole des Mines, 303p

Alvarez, J. ; Djaouti, D. (2010) Introduction au Serious Game. Paris: Questions théoriques.

Baudrillard, J. (1968) Le système des objets. Paris: Gallimard.

Callon, M. (1986) Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. L'année sociologique, 36: 169-208. Cochoy, F. (2011) Sociologie d'un curiositif - smartphone, code-barres 2d et self-marketing, Lormont: Le Bord de l'eau, 176p Gaglio, G. (2011) Sociologie de l'innovation, Paris: PUF, 128p Genvo, S. (2009) Le jeu à son ère numérique - comprendre et analyser les jeux vidéo, Paris: L'Harmattan

Lemoine, L. ; Dumazert, J-P. (2007) Les jeux vidéo sur internet : Marketing adapté ou persistant ? Market Management 7(2): 161-178

Michel, H. ; Kreziak, D. ; Héraud, J-M. (2009) Evaluation de la performance des Serious Games pour l'apprentissage : Analyse du transfert de comportement des éleveurs virtuels de vacheland, Systèmes d'information et Managent 14(4): 71-86

________(2009) Serious games : du jeu de simulation à la réalité ; enjeux et perspectives managériales, Management : Enjeux de demain, ed. Pras, B, Paris: Vuibert. 285-295

Natkin, S. (2004) Jeux vidéo et médias du XXième siècle - quels modèles pour les nouveaux loisirs numériques ? Paris: Vuibert

Stenger, T. ; Coutant, A. (2011) Web 2.0 et médias sociaux. In E-marketing & e-commerce, eds. Thomas Stenger and Stéphane Bourliataux-Lajoinie:63-115. Paris: Dunod

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