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CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

5. Stratégie d’analyse des données

Le processus d’analyse des données a débuté dès les premiers entretiens, à la fin desquels nous notions scrupuleusement les premières thématiques qui commençaient à se détacher et à être récurrentes d’une rencontre à une autre. Ensuite, afin de procéder à une analyse exhaustive des données recueillies, les entrevues ont fait l’objet d’une retranscription systématique et intégrale. Au cours de la rédaction des verbatims, nos premières intuitions d’analyse étaient notées en marge de la retranscription. Au vu de l’envergure des données recueillies, nous avons utilisé le logiciel d’analyse qualitative NVivo 11, qui présente l’avantage d’être un soutien à l’analyse, en aidant au codage des unités de sens ainsi qu’en facilitant la classification et la lecture des données. Le processus d’analyse a par la suite été double.

5.1. Une analyse phénoménologique

Dans un premier temps, une analyse phénoménologique des entrevues a été réalisée, afin de dégager les significations que les personnes rencontrées donnent à leur intimité. S’appuyant sur

« une description quasi-naïve d’un phénomène quotidien, raconté du point de vue de celui qui le vit » (Mucchielli, 2009, p. 161), l’analyse phénoménologique paraît la plus pertinente afin de

délimiter les contours d’un phénomène complexe et dont la compréhension est généralement restreinte. Plusieurs étapes ont été respectées. La première consiste à relire chaque entrevue, afin de distinguer les significations de l’intimité de ses manifestations ainsi que d’avoir un aperçu global des unités de sens lui étant attribuées. Cette étape nécessite l’adoption d’une attitude de réduction phénoménologique. Comme évoqué précédemment, ce procédé permet de mettre à distance les conceptions de l’intimité telles que perçues par la littérature, afin de laisser la place à l’émergence de significations potentiellement inattendues, car propres à chacun. Ensuite, des « mémos de l’intimité » ont été réalisés pour chaque personne rencontrée, à partir d’une analyse verticale des entrevues (Annexe 4). Conformément à la méthode phénoménologique, ces mémos sont de nature purement descriptive, ce type d’analyse impliquant que le chercheur s’efface devant la parole recueillie et les significations dont elle est porteuse. Ainsi, ces descriptions « sont celles que d’autres ont faites dans une perspective

d’attitude naturelle » (Giorgi, 1997, p. 351). Cette description phénoménologique de l’intimité

permet alors de dégager l’essence de ce phénomène, tel qu’il est « éprouvé au niveau de la

réalité humaine vécue immédiatement dans la conscience » (Mucchielli, 2009, p. 47). Des

énoncés phénoménologiques ont ainsi été élaborés à partir d’extraits d’entrevues et d’une reformulation du discours recueilli, de façon à cerner l’essence du phénomène abordé, tout en respectant la perspective de l’acteur. Cette technique a permis de dégager le sens donné par chaque individu rencontré à son intimité en prison. Une lecture transversale des énoncés rédigés nous a alors permis d’identifier plusieurs dimensions récurrentes de l’intime, qui sont présentées dans le premier chapitre d’analyse.

5.2. Une analyse thématique

Dans un second temps, une analyse thématique des données a été réalisée. Elle vise à repérer les thèmes pertinents et récurrents dans les verbatims d’entrevues, au regard des objectifs de la recherche, du cadre théorique et en l’occurrence, des différentes dimensions de l’intimité en milieu carcéral mises en lumière. La stratégie d’analyse choisie nous a conduit vers une lecture spatiale de nos données, afin de comprendre comment, dans chaque espace de la détention, l’intimité était vécue et perçue. Cette approche nous permettait d’avoir un cadre d’analyse, sans que la lecture des verbatims d’entrevue ne soit teintée de nos préconceptions théoriques. Notre analyse ne s’est par ailleurs pas limitée à ces considérations spatiales et restait ouverte à l’exploration de pistes émergentes. De ce fait, le processus employé laissait une place importante à une analyse inductive. Méthode reconnue pour sa flexibilité (Braun et Clarke, 2006), l’analyse thématique n’impose pas moins une certaine rigueur méthodologique. Le respect de plusieurs étapes est ainsi essentiel à la thématisation des données colligées.

Première étape, une lecture minutieuse et approfondie des verbatims d’entrevue afin de s’imprégner de son contenu. Cette lecture active des données permet de réaliser un repérage préliminaire des thèmes les plus saillants, du fait de leur récurrence ou de l’intérêt qu’ils représentent dans le cadre de la recherche (Braun et Clarke, 2006).

Seconde étape, une analyse verticale des verbatims. Nous avons choisi de procéder à une thématisation en continue qui consiste à identifier des thèmes au fur et à mesure de la lecture des verbatims, thèmes qui sont par la suite hiérarchisés et découpés en sous-thèmes. Ce type de thématisation implique que la carte thématique28 élaborée ne soit parachevée qu’à la fin de

l’analyse du corpus (Paillé et Mucchielli, 2012). Ainsi, la thématisation est achevée lorsque chaque extrait pertinent des verbatims est associé à un thème. Cette démarche nous semblait la plus adéquate dans notre cas, puisque nous nous attendions à voir émerger des thèmes différents en fonction des établissements de détention, en raison de leur architecture ou encore de leur

28 Paillé et Mucchielli (2012) parle eux d’arbre thématique. Nous préférons l’emploi du terme « carte thématique »,

(« thematic map » pour Braun et Clarke, 2006) qui ne se restreint pas à des liens hiérarchiques entre thèmes et sous- thèmes, mais qui nous semble, à notre sens, plus flexible et plus à même de révéler des relations entre thématisations.

localisation. Ce fut notamment le cas des données recueillies dans la prison située en région, qui nous permit d’isoler la thématique des transferts, alors peu évoquée dans les autres établissements.

Troisième étape, une analyse transversale des données, qui a consisté en une lecture horizontale des thèmes identifiés, classés sous la forme de nœuds dans le logiciel NVivo. Alors que la phase d’analyse précédente favorisait une lecture singulière des entrevues, cette étape permet de les mettre en relation. L’objectif de cet examen était ainsi de faire ressortir des points de convergences et de divergences dans les discours des répondants. Cette seconde forme d’analyse nous a permis de compléter notre thématisation en fusionnant, divisant ou déplaçant certains thèmes et sous-thèmes jusqu’à valider définitivement notre carte thématique. La validité des thèmes est alors atteinte lorsqu’ils sont cohérents quant à leur contenu et distincts les uns des autres.

Quatrième et dernière étape, une synthèse thématique a été réalisée pour chaque thème et sous- thème identifiés. Elle permet la mise en exergue des grandes tendances qui ressortent de nos analyses ainsi que de souligner les oppositions, récurrences et recoupements dans les paroles des répondants. Cette étape est celle qui consiste à « faire parler » les thèmes à partir d’un examen discursif des extraits d’entrevue (Paillé et Mucchielli, 2012). Ainsi, pour chaque thématisation, les citations les plus éloquentes et pertinentes ont été sélectionnées afin d’illustrer nos développements.

Contrairement aux énoncés phénoménologiques à vocation descriptive, ces synthèses thématiques ont pour finalité de donner un sens aux extraits d’entrevue en les discutant et en les contextualisant à travers la production d’un contenu analytique. Bien que certains participants soient plus représentés que d’autres dans le corpus de cette thèse en raison de la richesse de leurs propos, tous les détenus rencontrés s’expriment à travers les résultats de notre recherche.