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Chapitre 4 La vie au Bhoutan et au Népal : apprentissages et mobilités

4.2 Les souvenirs du Bhoutan et de l’exil : Govinda, Prakash et Bhola

Cette section présente quelques souvenirs de la vie au Bhoutan, en lien avec l’école et le travail, ainsi que les souvenirs liés à l’exil de ce pays. Sur les 15 participants d’origine bhoutanaise rencontrés, seuls Govinda, Prakash et Bhola ont abordé cette période de leur vie au moment où ils ont été rencontrés. À l’exception de Biswa et de Karna Maya, âgés d’une dizaine d’années lorsqu’ils ont quitté le Bhoutan, les autres participants étaient en bas âge à cette époque ou n’étaient pas encore nés, ce qui peut expliquer qu’ils aient peu ou de pas de souvenirs.

4.2.1 Le Bhoutan : les premières bifurcations dans le parcours de vie

Les principaux souvenirs évoqués par Govinda, Prakash et Bhola témoignent de moments qui ont marqué leur enfance et leur adolescence. On observe des points de convergence dans leurs récits, alors qu’ils ont fait face à des évènements qui les ont contraints à quitter prématurément les bancs d’école, ce qui peut être interprété comme une première bifurcation dans leur parcours de vie.

Ainsi, Govinda raconte qu’il a dû interrompre ses études alors qu’il était en 4e secondaire. Son frère aîné, vivant dans une ville voisine, est devenu subitement veuf avec deux fillettes à sa charge. Il avait besoin de l’aide de Govinda. Ce dernier a donc fait ses bagages pour aller vivre avec eux. Pendant près de deux ans, il a consacré l’essentiel de son temps à son frère et à ses nièces : « Je fais toutes les choses pour aider mon frère » (Govinda). Quant à Bhola, ce sont les obligations à la ferme familiale qui l’ont conduit à délaisser l’école avant la fin de son éducation primaire : « Quand j’ai arrêté mon école, je suis allé pour voir les animaux, pour garder les animaux… pasteur. Toute la journée ». Enfin, Prakash raconte que ce sont les conflits grandissants au sud du pays qui ont mis frein abruptement à sa scolarisation, alors que plusieurs écoles ont été fermées par les autorités bhoutanaises. Il a tenté d’échapper à cette violence en allant s’installer chez son frère qui vivait à Thimphou, capitale du Bhoutan. Il a vécu avec son frère pendant près de deux ans, soit jusqu’à ce qu’ils soient contraints à quitter définitivement le Bhoutan.

Ainsi, qu’il s’agisse du décès d’un membre de la famille, de l’interruption de la scolarisation dès le primaire pour soutenir la ferme familiale ou à cause des violences croissantes dans le pays, Govinda, Prakash et Bhola ont tous trois dû composer avec des évènements inattendus qui les ont amenés à vivre une bifurcation dans leur parcours de vie. Bien que celles-ci aient été initiées par des motifs différents, on note l’influence récurrente des liens familiaux au cœur de ces bifurcations. De même, on observe que ces dernières peuvent également être associées à une expérience de mobilité, comme c’est le cas pour Govinda et Bhola.

4.2.2 L’exil du Bhoutan : un passage en Inde avant l’arrivée au Népal

Govinda, Prakash et Bhola ont évoqué peu de détails concernant la période où ils ont été contraints de fuir le Bhoutan, confiant que cela réveillait de vives émotions en eux. La littérature recensée confirme que les départs se sont déroulés dans un contexte marqué par la précipitation et les violences (Hutt, 2005). Pour certains réfugiés, cette route de l’exil vers le Népal est marquée par un passage en Inde, là où résidaient des membres de leur famille.

Govinda témoigne de la confusion qui régnait au moment où il a quitté le Bhoutan, en 1992, soit un an après l’ensemble des membres de sa famille : « 1991, my family they went out from Bhutan. My brother’s family, they went out from Bhutan ». Comme il travaillait au nord du pays quand l’exil a commencé, il se rappelle qu’il était dépassé par la gravité de la situation à laquelle faisaient face les membres de sa famille qui vivaient au sud du Bhoutan : « But, I don’t know what is the cause. I was very far from my village » (Govinda). Si Govinda est rapidement allé rejoindre les membres de sa famille qui vivaient désormais dans les camps de réfugiés, il soutient que de nombreuses familles ont séjourné en Inde avant de trouver refuge au Népal. À cet égard, Moni raconte qu’elle a quitté le Bhoutan à l’âge de six mois, mais qu’elle est arrivée au Népal âgée de 2 ans. Sa mère lui a raconté qu’ils avaient transité par l’Inde : « On est allé en Inde, ma mère elle vient de l’Inde. C’est ça, on est allé là-bas, après… je ne sais pas après combien de temps, on a entendu qu’on va avoir un camp de réfugiés là-bas [au Népal] ». Les participants rencontrés racontent s’être installés au Népal au cours des années 1991 à 1993 où « on a commencé à vivre dans le camp de réfugiés, pendant presque 20 ans » (Indra).

Événement majeur dans le parcours de vie des individus qui ont souvenir de cette période, les témoignages recueillis auprès des participants d’origine bhoutanaise révèlent que « commencer notre vie » (Binaï) dans les camps de réfugiés ne s’est pas fait sans heurts. Les traumas liés à l’exil forcé, l’installation dans les camps de réfugiés, l’adaptation à cet environnent physique qui s’imposait comme nouveau cadre de vie et la précarité économique, ne sont que quelques-unes des difficultés mentionnées par les participants. Nul doute que ces expériences ont eu une incidence sur la suite de leur parcours de vie.

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