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Chapitre 1 Problématique

1.8 Les recherches sur les réfugiés d’origine bhoutanaise

1.8.3 Les recherches sur les réfugiés d’origine bhoutanaise au Québec

On recense peu de travaux scientifiques portant sur les réfugiés d’origine bhoutanaise réinstallés au Québec. Une des premières études parues à leur sujet a été réalisée dans la région de Lanaudière (Bittar, 2011). Celle- ci examinait les principaux défis liés au parcours d’intégration des jeunes immigrants présents dans la région.

60 Global News. « Lethbridge home to the largest Bhutanese community in Canada ». [En ligne] : http://globalnews.ca/news/

1329208/lethbridge-home-to-the-largest-bhutanese-community-in-canada/ (Consulté le 12 juin 2020).

61 Calgary Herald. « How Lethbridge became Canada’s Bhutanese capital ». [En ligne] : http://calgaryherald.com/news/local-news/how-

lethbridge-became-canadas-bhutanese-capital. (Consulté le 12 juin 2020).

62 Le Devoir. « Quel avenir pour les 1000 Népalais de Québec ? ». [En ligne] : http://www.ledevoir.com/politique/ville-de-

Elle regroupait, entre autres, 21 jeunes réfugiés bhoutanais résidant à Joliette. La méconnaissance du français et les difficultés liées à son apprentissage ont été identifiées par les participants comme les principaux obstacles à leur intégration. Certains jeunes ont relevé le fait que l’offre de cours en francisation n’était pas toujours adéquatement adaptée aux besoins des apprenants, observation d’ailleurs corroborée par une enseignante en francisation de la région. Cette dernière soulignait que le fait que des réfugiés analphabètes se retrouvaient dans la même classe que des immigrants plus scolarisés constituait un frein à leur progression dans leur processus d’apprentissage du français (Bittar, 2011).

Quoiqu’il ne s’agisse pas d’études scientifiques, le quotidien Le Devoir a publié, entre 2013 et 2016, une série d’articles sur des réfugiés d’origine bhoutanaise réinstallés dans la ville de Québec (Porter, 2013a, 2013b, 2013c, 2013d, 2015a et 2015b, 2016). Les propos rapportés laissent entrevoir que, malgré le fait que ces réfugiés aient reçu un accueil chaleureux et qu’ils soient animés par une forte volonté de réussir, les entraves à l’adaptation demeurent majeures (Porter, 2013a, 2013d, 2016). Entre autres, les difficultés liées à l’apprentissage du français et à l’intégration à l’emploi apparaissent au premier plan. Pour les réfugiés adultes analphabètes et peu scolarisés, l’apprentissage du français s’apparente à un défi insurmontable (Porter, 2013d). Si certains réussissent à trouver un emploi, notamment dans l’industrie de la transformation alimentaire, ils sont nombreux à avoir recours au programme d’aide sociale offert par le gouvernement québécois. Selon les intervenants du Centre multiethnique de Québec, le constat est clair : leur niveau de connaissance du français n’est pas assez élevé pour leur permettre d’occuper un emploi (Porter, 2013a). Les difficultés que connaissent les adultes à l’égard de l’apprentissage du français ont également des répercussions importantes au sein de leur propre famille, où on assiste à un renversement de l’autorité parentale. Les enfants, pour qui l’apprentissage du français se fait beaucoup plus facilement et rapidement, doivent souvent agir en tant qu’interprètes auprès de leurs aînés, ce qui vient bouleverser la hiérarchie familiale traditionnelle (Porter, 2013b).

L’ensemble de ces propos trouve écho dans les travaux de maîtrise de Béatrice Halsouet (2012), qui a examiné le rôle que peut jouer la religion dans le processus de reconstruction identitaire des réfugiés d’origine bhoutanaise de confession hindouiste récemment installés dans la ville de Saint-Jérôme, près de Montréal. Elle souligne que bien que l’adaptation de ces derniers à leur nouveau milieu se passe relativement bien, l’attrait des provinces anglophones demeure très présent. La présence d’amis ou de membres de la famille qui parviennent à y intégrer rapidement le marché de l’emploi, entre autres parce qu’ils n’ont pas à faire l’apprentissage du français, et qui deviennent, par le fait même, autonomes financièrement, apparaît comme un moteur important à la migration secondaire interprovinciale chez ce groupe de réfugiés. Ce phénomène a

également été observé dans la ville de Québec.63 À Saint-Jérôme, le constat est le même qu’ailleurs : les efforts qui doivent être consentis à l’apprentissage du français sont perçus par les réfugiés comme une perte de temps et un frein à leur intégration, tant au niveau des études qu’à celui du marché du travail.

Par la suite, Halsouet (2015) a approfondi ses travaux dans le cadre d’une recherche doctorale où elle s’est intéressée à la double socialisation que vivent les jeunes adolescentes « népalaises »64, soit celle vécue au sein de leur famille de religion hindoue et celle vécue à l’école secondaire, dans la ville de St-Jérôme. Bien que la question de l’apprentissage du français ne soit pas abordée de front dans cette étude, la connaissance de cette langue est intimement reliée à la socialisation vécue par ces jeunes filles dans le contexte scolaire. Si les jeunes filles témoignent des interactions qu’elles ont en classe avec leurs camarades québécoises, ces relations sociales franchissent rarement le seuil de la classe et sont plutôt inexistantes à l’extérieur de la cour d’école.

À cet égard, on observe des similitudes entre les constats d’Halsouet (2015) et ceux mis de l’avant par Émilie Dubé (2015) dans une recherche où elle s’est intéressée à l’influence de la connaissance du français sur le déploiement des réseaux de sociabilité de jeunes adultes d’origine bhoutanaise. Ses analyses démontrent que ces derniers ressentent une forte gêne quant au fait de s’exprimer en français pour engager une conversation avec des Québécois, ce qui apparaît comme un frein majeur dans le développement de relations sociales. Des liens sont à faire entre ces observations et celles qui découlent de mon projet de maîtrise (Prévost, 2010), où l’organisation d’une série d’ateliers interculturels réunissant des cégépiens d’origine québécoise et des immigrants en francisation m’avait conduit à étudier de façon spécifique le rapport que les participants immigrants entretenaient avec la langue française. Au cours de la série d’ateliers, malgré le lien de confiance grandissant qui unissait les participants, le faible niveau de connaissance du français de certains d’entre eux est apparu, par moments, comme un frein à la communication et, par le fait même, un obstacle à la socialisation avec les membres de la société d’accueil. Enfin, soulignons la recherche menée par Frédérick Sullivan (2012) portant sur le besoin de soutien social des hommes réfugiés d’origine bhoutanaise réinstallés dans la ville de Québec. Les résultats révèlent que ces hommes souhaitent développer une plus grande autonomie, notamment afin de pouvoir offrir davantage de soutien à leurs compatriotes. En ce sens, les réfugiés d’origine bhoutanaise évoquent également le besoin de développer des relations significatives avec les membres de la communauté locale, ce qui contribuerait à leur sentiment de bien-être et au développement d’un sentiment d’appartenance.

63 Ce phénomène des migrations secondaires, qui est également le fait d’autres cohortes d’immigrants et de réfugiés, a d’ailleurs été

documenté de façon substantielle dans les dernières années (Vatz Laaroussi, 2009; Vatz Laaroussi et al., 2007, 2010).

64 Dans ses travaux, Béatrice Halsouet privilégie le terme « Népalaise » pour désigner ces jeunes filles, puisque c’est ainsi qu’elles

s’affirment, et ce, même si elles n’ont jamais eu la nationalité népalaise. Ces jeunes filles sont nées dans les camps de réfugiés au Népal (Halsouet, 2015, p. 6).

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