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Parcours d'apprentissage du français de réfugiés d'origine bhoutanaise dans la ville de Québec : influences des mobilités, des apprentissages et des dynamiques familiales

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(1)

Parcours d'apprentissage du français de réfugiés

d'or

igine bhoutanaise dans la ville de Québec:

Influences des mobilités, des apprentissages et des

dynamiques familiales

Thèse

Claudia Prévost

Doctorat en ethnologie et patrimoine

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

Parcours d’apprentissage du français de réfugiés

d’origine bhoutanaise dans la ville de Québec :

Influence des mobilités, des apprentissages et des dynamiques

familiales

Thèse de doctorat

Claudia Prévost

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Cette thèse en ethnologie de l’interculturel examine le parcours d’apprentissage du français de réfugiés adultes d’origine bhoutanaise qui ont été réinstallés dans la ville de Québec entre 2009 et 2012. De façon plus spécifique, cette recherche vise à examiner : 1) l’influence du parcours migratoire sur le parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise; 2) le rôle joué par les différentes personnes-ressources (bénévoles, agentes en milieu interculturel, professionnels de la francisation, intervenants en milieu communautaire) que ces réfugiés rencontrent tout au long de leur parcours d’apprentissage du français et l’influence de ces dernières sur celui-ci; 3) les différentes stratégies mises en œuvre, par les personnes-ressources et par les réfugiés d’origine bhoutanaise en vue de favoriser l’apprentissage du français de ces derniers et, par le fait même, leur processus d’adaptation et d’intégration à la société d’accueil.

Au point de vue épistémologique, cette recherche prend appui sur le paradigme de la pensée complexe (Morin, 2005, 2012) qui invite à appréhender l’étude des phénomènes sociaux dans une perspective globale, ainsi que sur celui de l’interactionnisme symbolique, où l’individu est reconnu comme un acteur au cœur de son existence (Lacaze, 2013; Le Breton, 2016; Poupart, 2011). Au point de vue conceptuel, le cadre d’analyse fait appel à la théorie des parcours de vie (Elder, 1995; Sapin et al., 2007), notamment les principes des vies liées et de la capacité d’agir. De même, l’expérience de la migration est appréhendée comme un espace-temps de transition (Grinberg et Grinberg, 1986; Matas et Pfefferkorn, 1997) qui peut être favorable à de nouveaux apprentissages (Perret-Clermont et Zittoun, 2002).

Au point de vue méthodologique, la collecte et l’analyse des données s’inscrivent dans une approche qualitative qui repose sur une démarche ethnographique accordant une place prépondérante au travail de terrain. Ainsi, nous avons rencontré quinze réfugiés d’origine bhoutanaise pour le recueil d’un récit de vie, vingt personnes-ressources pour la réalisation d’un entretien semi-dirigé et cinq séances d’observation ont été réalisées dans des classes de francisation auxquelles assistaient des réfugiés d’origine bhoutanaise.

La présentation des résultats est articulée selon les trois grandes temporalités qui composent toute transition dans le parcours de vie des individus (Boutinet, 2014). De même, la présentation des résultats croise les points de vue des personnes-ressources et des réfugiés d’origine bhoutanaise, ce qui permet de présenter leurs différentes perspectives sur un même objet d’études, soit le parcours d’apprentissage du français de ces réfugiés. La première temporalité marque la rupture entre la vie d’avant et celle de maintenant. Dans la présente recherche, elle correspond à la vie au Bhoutan, dans les camps de réfugiés au Népal et couvre les premiers

(4)

mois suivant l’arrivée en sol québécois. La seconde, reconnue comme celle des « transformations silencieuses » (Boutinet, 2014, p. 10) correspond la période où les réfugiés d’origine bhoutanaise font l’apprentissage du français au sein des institutions mandatées par le gouvernement à cette fin. Enfin, la troisième temporalité s’amorce au moment où la participation à la francisation institutionnelle prend fin et où les parcours d’apprentissage du français et d’intégration à la société d’accueil des réfugiés d’origine bhoutanaise se diversifient.

Les résultats mettent en lumière trois éléments qui se démarquent comme des vecteurs ayant une influence majeure dans le parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise, soit les mobilités, les apprentissages et les dynamiques familiales. Profondément interreliés, ces vecteurs se présentent comme une constante dans le parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise rencontrés. Ils orientent les choix et les actions de ces derniers, influençant ainsi l’ensemble de leur parcours d’apprentissage du français et, par le fait même, leur processus d’adaptation à la société d’accueil.

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Abstract

This thesis in intercultural ethnology examines the course of French learning for adult refugees of Bhutanese origin who relocated to the city of Quebec between 2009 and 2012. More specifically, the aim of this research was to examine: 1) the influence of the migratory experience on the course of learning French for refugees of Bhutanese origin; 2) the role played by different resource persons (volunteers, workers in the cross-cultural environment, francization professionals, community outreach workers) whom these refugees met throughout the course of learning French as well as the former’s influence on this course; 3) the different strategies implemented by the resource persons and by the refugees of Bhutanese origin with the aim of fostering the latter’s learning of the French language and, by extension, their adaptation to and integration into the host society.

From an epistemological perspective, this research draws on the paradigm of complex thought (Morin, 2005, 2012). This paradigm encourages researchers to consider the study of social phenomena from a global perspective. The thesis also draws on the paradigm of symbolic interactionism, whereby the individual is recognized as playing a role that is central to their own existence (Lacaze, 2013; Le Breton, 2016; Poupart, 2011). From the conceptual perspective, the analytical framework relies on the life course theory (Elder, 1995; Sapin et al., 2007), especially the principles of linked lives and agency. Therefore, the experience of migration is understood as a space-time transition (Grinberg and Grinberg, 1986; Matas and Pfefferkorn, 1997) that can encourage new learning (Perret-Clermont and Zittoun, 2002).

In terms of methodology, data were collected and analyzed through a qualitative method based on an ethnographic approach that gives a prominent place to fieldwork. Accordingly, we met with fifteen refugees of Bhutanese origin to collect their life stories, twenty resource persons to carry out semi-structured interviews, and five observation sessions were carried out in the francization classes which the refugees attended.

The presentation of results is organized according to the three main periods that make up any transition in the life course of an individual (Boutinet, 2014). The first period marks the rupture between the previous life and the present life. In this study, this corresponds to life in Bhutan, in the refugee camps in Nepal, and covers the first months following the arrival in Quebec. The second is known as the period of “silent transformations” (Boutinet, 2014, p. 10) and corresponds to the period during which the refugees learn French within the government authorized institutions. Finally, the third period begins when participation in institutional francization ends and when the refugees begin to experience learning French and integrating into the society in different ways.

(6)

The results shed light on three elements that stand out as vectors that have a major influence on the course of learning French among the refugees of Bhutanese origin: mobility, the learning process, and family dynamics. Profoundly interrelated, these vectors present themselves as a constant in the course of learning French among the refugees that we met in the context of this study. They guided the latter’s decisions and the actions, thereby influencing the entirety of their course of learning French and their process of adapting to the host society.

(7)

Table des matières

Résumé ...ii

Abstract ...iv

Table des matières ...vi

Liste des figures ... xii

Liste des tableaux ... xiii

Liste des acronymes ... xiv

Remerciements ... xvi

Introduction ... 1

Chapitre 1 Problématique ... 5

1.1 Les migrations forcées et l’apatridie ... 5

1.1.1 La vie dans les camps de réfugiés et les réfugiés « de longs séjours » ... 7

1.2 Le Bhoutan et l’indice du Bonheur National Brut ... 9

1.2.1 Les Lhotshampas : des descendants de migrants népalais contraints à l’exil ... 11

1.2.2 L’arrivée au Népal et la vie dans les camps de réfugiés ... 13

1.3 L’immigration au Canada ... 17

1.3.1 L’accueil des réfugiés au Canada ... 19

1.4 L’immigration au Québec ... 20

1.4.1 L’accueil de réfugiés dans la province de Québec ... 23

1.4.2 Les spécificités de l’immigration dans la région de la Capitale-Nationale et de la ville de Québec25 1.5 L’évolution de la politique linguistique au Québec ... 27

1.6 L’institutionnalisation de la francisation des immigrants au Québec ... 30

1.7 Les recherches sur l’intégration linguistique des immigrants au Québec ... 33

1.7.1 L’apprentissage de la langue chez les immigrants et les réfugiés ... 34

1.8 Les recherches sur les réfugiés d’origine bhoutanaise ... 36

1.8.1 Les recherches sur les réfugiés d’origine bhoutanaise en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis ... 36

1.8.2 Les recherches sur les réfugiés d’origine bhoutanaise au Canada... 39

(8)

1.9 La problématique spécifique et les objectifs de recherche ... 43

Chapitre 2 Positionnement épistémologique et approche théorique ... 47

2.1 La pensée complexe et le lien social ... 47

2.2 L’interactionnisme symbolique ... 48

2.2.1 Les interactions au sein de la famille, des établissements d’enseignement et des organisations communautaires ... 51

2.2.2 Quand la personne-ressource se présente comme un autrui significatif ... 55

2.3 L’approche théorique : la perspective du parcours de vie ... 57

2.4 L’expérience de la migration comme un « espace-temps » de transition ... 62

2.5 Les apprentissages de la migration ... 65

2.6 Le cadre d’analyse : l’analyse des données en trois temporalités... 69

Chapitre 3 Orientations épistémologiques et méthodologiques ... 73

3.1 La démarche de terrain : un engagement réflexif de la part de l’ethnologue ... 74

3.1.1 Les premiers contacts avec les familles d’origine bhoutanaise... 75

3.1.2 Les premiers contacts : accompagnement à la Clinique santé des réfugiés ... 76

3.1.3 Les premiers pas dans l’intimité des foyers : Opération nettoyage ... 77

3.1.4 Un engagement plus personnalisé, mais non sans embûches : Des racines et des mots ... 78

3.1.5 S’engager en plongeant les mains dans la terre : le jardin collectif La Rosée ... 79

3.2 Les implications méthodologiques de l’interactionnisme symbolique et de la perspective des parcours de vie ... 81

3.3 Les modalités éthiques et de recrutement des participants... 82

3.4 Les critères de recrutement des participants ... 83

3.5 La collecte de données : la réalisation d’entretiens semi-dirigés, le recueil de récits de vie et la tenue de séances d’observation ... 84

3.5.1 La réalisation des entretiens semi-dirigés auprès des personnes-ressources... 85

3.5.2 Le recueil de récits de vie auprès des réfugiés d’origine bhoutanaise ... 87

3.5.3 Les séances d’observation dans les classes de francisation ... 92

3.6 La présentation des participants ... 93

3.6.1 Le profil des participants : réfugiés d’origine bhoutanaise ... 94

3.6.2 Le profil des participants : les personnes-ressources ... 98

3.7 Le traitement et analyse des données ... 100

3.7.1 L’analyse qualitative des données ... 101

3.8 Conclusion : forces et limites de la méthodologie ... 104

(9)

4.1 Les réfugiés d’origine bhoutanaise : quelle appartenance nationale ? ... 106

4.2 Les souvenirs du Bhoutan et de l’exil : Govinda, Prakash et Bhola ... 108

4.2.1 Le Bhoutan : les premières bifurcations dans le parcours de vie ... 109

4.2.2 L’exil du Bhoutan : un passage en Inde avant l’arrivée au Népal ... 109

4.3 L’éducation dans les camps de réfugiés et au Népal ... 110

4.3.1 Le parcours scolaire : entre ruptures et continuité ... 111

4.3.2 Le cadre scolaire et stratégies d’apprentissage ... 112

4.4 Le travail ... 115

4.4.1 Des offres d’emploi qui circulent de façon informelle ... 116

4.4.2 Une panoplie de petits métiers appris sur le tas ... 116

4.4.3 L’emploi : un facteur de mobilité ... 117

4.5 Les dynamiques familiales et le soutien des membres de la communauté ... 119

4.6 La préparation à la réinstallation au Canada ... 120

4.6.1 Un contexte de préparation marqué par la peur et les conflits ... 121

4.6.2 Les connaissances et les représentations du Canada, du Québec et de la langue française avant le départ des camps de réfugiés ... 123

4.7 Synthèse : mobilités, apprentissages et dynamiques familiales ... 123

Chapitre 5 Les premiers jours suivant l’arrivée, les premières semaines d’installation et les mois d’attente avant l’entrée en francisation institutionnelle... 125

5.1 Les premiers jours suivant l’arrivée ... 125

5.1.1 Les sentiments à l’arrivée : impuissance, vulnérabilité, résilience ... 126

5.1.2 La prise de conscience du fait français au Québec : un véritable choc ... 127

5.2 Les premières semaines d’installation ... 128

5.2.1 L’hébergement temporaire : une période d’attente et d’incertitudes ... 128

5.2.2 Le soutien offert par les compatriotes d’origine bhoutanaise ... 130

5.2.3 Le soutien offert par les agentes en milieu interculturel et les bénévoles ... 131

5.3 Les premiers contacts avec les familles d’origine bhoutanaise : stratégies mises en œuvre par les personnes-ressources ... 132

5.3.1 La présence et la disponibilité auprès des familles ... 132

5.3.2 Le recours à un interprète ... 134

5.3.3 Le recours à l’anglais... 136

5.3.4 Les autres stratégies utilisées ... 137

5.4 Les bénévoles : un engagement sincère pour faire le bien et se faire du bien ... 138

5.4.1 Lorsque les bénévoles deviennent une famille de substitution ... 139

5.4.2 Les bénévoles : un service complémentaire à ceux offerts par les organisations communautaires et institutionnelles ... 140

5.4.3 Les bénévoles et les agentes en milieu interculturel : un véritable travail de collaboration ... 141

5.5 Les mois d’attente avant l’entrée en francisation institutionnelle ... 143

5.5.1 Une période marquée par l’isolement et les découvertes ... 143

(10)

5.6 Les stratégies d’apprentissage du français avant la francisation ... 149

5.6.1 Les stratégies individuelles, familiales et de groupes ... 149

5.6.2 La fréquentation des organismes communautaires ... 150

5.7 L’accueil des réfugiés d’origine bhoutanaise au sein des organismes communautaires ... 152

5.7.1 La force des agentes en milieu interculturel : un accompagnement de proximité ... 153

5.7.2 Les stratégies mises en œuvre par les personnes-ressources pour adapter l’offre de services . 154 5.7.3 Le contenu pédagogique, la création d’ateliers et la diversification des stratégies d’enseignement 155 5.7.4 La collaboration entre les organismes : mise sur pied d’une série d’ateliers ... 157

5.8 Synthèse : du choc de l’arrivée à la réalisation de nouveaux apprentissages ... 159

Chapitre 6 La participation au programme de francisation : le temps des « transformations silencieuses » . 160 6.1 Les premiers temps précédant et suivant l’entrée en francisation... 161

6.1.1 Avant de commencer : entre l’appréhension et l’excitation ... 161

6.1.2 Les premières journées : entre la crainte et l’amusement... 162

6.1.3 Les premières semaines en francisation : débuts difficiles et nostalgie du pays d’origine ... 163

6.2 Des apprentissages inattendus dans les classes de francisation : distance hiérarchique, code commun de comportement et mode d’enseignement ... 165

6.3 Les stratégies d’apprentissages mise en œuvre par les réfugiés d’origine bhoutanaise ... 168

6.4 Le quotidien pendant la francisation : marqué par le cumul des responsabilités ... 170

6.5 Quels rôles pour les personnes-ressources en francisation institutionnelle ? ... 172

6.6 Les stratégies mises en œuvre par les professionnels de la francisation pour favoriser l’apprentissage du français ... 173

6.6.1 Adapter le contenu des exercices pédagogiques en fonction des besoins des apprenants ... 174

6.6.2 Favoriser les sorties avec les apprenants dans les espaces publics ... 174

6.6.3 Faire appel à l’intelligence kinesthésique et à l’humour ... 175

6.6.4 Favoriser l’instauration d’un lien de confiance ... 176

6.7 Les besoins particuliers des réfugiés d’origine bhoutanaise analphabètes et peu scolarisés ... 177

6.7.1 La lente progression des apprenants : impacts sur les professionnels de la francisation ... 178

6.8 Les professionnels de francisation : premier lien d’attachement avec la société d’accueil ... 179

6.9 La poursuite de la francisation dans un centre d’éducation des adultes ... 181

6.9.1 Les apprenants analphabètes : le cas de Biswa et Karna Maya... 181

6.10 Au terme de la francisation dans un établissement d’enseignement : prêts à franchir une autre étape ? ... 184

6.11 Les interactions au cours de la francisation institutionnelle ... 185

6.11.1 Les interactions avec les Québécois ... 186

6.11.2 La présence d’un conjoint québécois francophone ... 186

(11)

6.12 Synthèse ... 189

Chapitre 7 Au terme de l’encadrement institutionnel en francisation : des parcours d’apprentissage diversifiés qui se dessinent au gré des contraintes et des opportunités ... 191

7.1 La poursuite de l’apprentissage du français au sein d’organismes communautaires ... 192

7.1.1 Pour conjuguer parentalité, emploi à temps plein et apprentissage du français ... 192

7.1.2 Le projet-pilote d’alpha-francisation ... 193

7.1.3 Les organismes communautaires : un milieu de vie ... 195

7.2 La poursuite des études... 197

7.2.1 L’obtention du diplôme d’études secondaires ... 197

7.2.2 Programme d’intégration socioprofessionnelle (ISP) ... 199

7.2.3 La reconnaissance des diplômes et la connaissance du français : les dédales de Moni ... 202

7.3 Des programmes de formation hors des institutions scolaires ... 204

7.3.1 Le Projet intégration Québec (PIQ) ... 204

7.3.2 Le projet Réactive-toi/Valorise-toi... 206

7.3.3 Les apprentissages réalisés : une meilleure connaissance du français, de soi et l’actualisation des compétences professionnelles ... 208

7.3.4 L’appréciation de la participation au PIQ ... 209

7.4 L’emploi : de nombreux obstacles et peu de possibilités... 210

7.4.1 La méconnaissance des démarches à suivre et des possibilités d’emploi ... 211

7.4.2 Un niveau de connaissance du français insuffisant ... 212

7.4.3 Les responsabilités familiales ... 213

7.4.4 L’obtention d’un emploi : vecteur de nombreux apprentissages ... 213

7.5 Lorsque la mobilité secondaire répond à un besoin de réalisation de soi ... 216

7.5.1 La mobilité secondaire : une stratégie pour poursuivre des études ... 216

7.5.2 La mobilité secondaire : une stratégie pour permettre aux enfants de faire l’apprentissage de l’anglais ... 217

7.5.3 La mobilité secondaire : une stratégie pour rejoindre des proches ... 219

7.6 Un accompagnement de proximité : le rôle des agentes interculturel, des bénévoles et des personnes-ressources ... 220

7.6.1 L’accompagnement de proximité, le lien de confiance et la relation avec l’autre ... 222

7.6.2 Peu d’interactions quotidiennes avec les Québécois natifs ... 223

7.6.3 La présence et l’influence des liens transnationaux ... 224

7.7 Synthèse : des apprentissages qui soutiennent une nouvelle mobilité ... 225

Chapitre 8 Discussion ... 227

8.1 Rappel de la problématique sociale et scientifique et des objectifs de recherche ... 227

8.2 Rappel de l’ancrage épistémologique et de l’approche conceptuelle ... 230

8.3 Rappel des principales orientations méthodologiques ... 231

(12)

8.4.1 La mobilité : une force qui soutient la capacité d’agir, qui favorise les apprentissages et qui est

influencée par les dynamiques familiales ... 234

8.4.2 Les apprentissages : l’actualisation des compétences soutenue par la capacité d’agir ... 237

8.4.3 Les dynamiques familiales ... 241

8.5 Discussion et interprétation des résultats ... 246

8.5.1 Le processus d’apprentissage du français : un phénomène à appréhender dans toute sa complexité ... 247

8.5.2 La pertinence de l’interactionnisme symbolique et la présence des personnes-ressources en tant qu’autrui significatif ... 248

8.5.3 La pertinence du paradigme des parcours de vie ... 249

8.5.4 Les mobilités : quelle influence sur le parcours d’apprentissage du français ? ... 250

8.5.5 Les apprentissages ... 252

8.5.6 Les dynamiques familiales : les vies liées au cœur du parcours d’apprentissage du français .... 256

Conclusion Les retombées scientifiques, sociales, les limites et de nouvelles pistes de recherche ... 260

Bibliographie ... 266

Annexe 1 : Annonce de recrutement – Réfugiés d’origine bhoutanaise ... 289

Annexe 2 : Annonce de recrutement – Personnes-ressources ... 290

Annexe 3 : Formulaire de consentement entretien – Réfugiés d’origine bhoutanaise ... 291

Annexe 4 : Formulaire de consentement entretien – Personnes-ressources ... 294

Annexe 5 : Formulaire de consentement – Observations ... 296

Annexe 6 : Formulaire d’engagement à la confidentialité – Interprètes ... 298

Annexe 7 : Grille d’observation ... 299

Annexe 8 : Trame d’entretien – Réfugiés d’origine bhoutanaise ... 300

Annexe 9 : Guide d’entretien – Personnes-ressources ... 303

Annexe 10 : Grille de codification thématique – Réfugiés d’origine bhoutanaise ... 305

Annexe 11 : Grille de codification thématique – Personnes-ressources ... 309

Annexe 12 : Grille d’analyse conceptuelle – Réfugiés d’origine bhoutanaise ... 311

(13)

Liste des figures

Figure 1 : Carte géographique du Bhoutan et du Népal ... 10

Figure 2 : Carte de location des camps de réfugiés au Népal... 14

Figure 3 : Cadre d’analyse ... 70

Figure 4 : Les trois temporalités du parcours d’apprentissage du français ... 72

Figure 5 : Les principaux éléments qui marquent les trois temporalités du parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise ... 245

(14)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Nombre de réfugiés d’origine bhoutanaise et népalaise réinstallés à Québec au cours

de la période 2009 à 2013 ... 16 Tableau 2 : Profil des réfugiés d’origine bhoutanaise ... 96 Tableau 3 : Profil des personnes-ressources ... 99

(15)

Liste des acronymes

AEC Attestation d’études collégiales

APSO Agency for Personnel Service Overseas CAI Carrefour d’Action Interculturelle

COFI Centres d’orientation et de formation des immigrants DEC Diplôme d’études collégiales

DES Diplôme d’études secondaires

ÉDIQ Équipe de recherche en partenariat sur la diversité culturelle et l’immigration dans la région de Québec FIA Français pour immigrants adultes

FIPA Français pour immigrants peu alphabétisés FGA Formation générale des adultes

HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ISP Insertion socioprofessionnelle

MEES Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur MIDI Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion MIFI Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Inclusion MICC Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles OIM Organisation internationale pour les migrations

PAFILI Programme d’aide financière pour l’intégration linguistique des immigrants PAM Programme alimentaire mondial

PILI Programme d’intégration linguistique des immigrants PIQ Projet intégration Québec

POD Pays d’origine désignés

SOFI Service d’orientation et de formation des immigrants SLC School Leaving Certificate

(16)

À Édouard, Louis-Félix et Adam qui ont vu le jour au cours de cette aventure

(17)

Remerciements

Mes premiers remerciements vont à l’ensemble des participants, les réfugiés d’origine bhoutanaise et les personnes-ressources, qui ont généreusement accepté de prendre part à cette recherche. Vous m’avez accueillie à bras ouverts, vous avez accepté de me partager une partie de vos vies, en toute authenticité. Vous m’avez fait confiance, vous avez cru en mon projet. Je vous en suis infiniment reconnaissante. J’ai tâché de rendre compte de votre expérience, de votre vécu, de vos ressentis avec le plus de justesse possible et avec le plus grand des respects.

J’adresse également mes plus sincères remerciements à Lucille Guilbert, ma directrice de recherche. Lucille, tu as cru en moi depuis les premiers instants, bien avant que je prenne conscience de ma propre capacité à mener ce projet. Je te remercie d’avoir accueilli chacune de mes grossesses comme un cadeau et d’avoir respecté mon choix de m’accorder du temps avec les enfants. Je te remercie pour ces nombreuses rencontres où nos discussions me procuraient une énergie toujours renouvelée, celles-ci ont soutenu ma persévérance dans ce projet.

Je remercie également les membres du jury, Danièle Bélanger, Jean Ramdé et Jacqueline Breugnot, pour l’évaluation de la thèse. Je vous remercie pour les échanges partagés au fil des années, ceux-ci ont nourri ma réflexion et mon engagement dans mon parcours universitaire.

Je remercie le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada pour le soutien financier accordé à cette recherche. Je remercie également Mandy Ducy, de l’Agence Impakt Scientifik pour le graphisme des illustrations qui se trouvent dans cette thèse.

Je ne peux passer sous le silence les belles rencontres et les amitiés qui sont nées au fil de ces années. Merci à celles qui sont là depuis le début, Catherine et Karine, à celles que j’ai rencontrées en cours de route, Stéphanie, Valérie, Mariá et Isidora. À ces amitiés universitaires, s’ajoutent celles de toujours, Lu et Véro, je ne vous remercierai jamais assez pour l’oreille attentive, les bulles et les rires. C’est précieux. Enfin, Catherine, Claude et Marie-Christine, merci pour toutes ces soirées, un peu hors du temps, qui apaisent et qui vitalisent.

Un grand merci à mes parents, qui m’ont toujours soutenue dans mes projets. Maman, merci pour le temps consacré aux enfants, les repas et collations préparés, l’écoute, l’accueil, l’ouverture. Papa, merci pour le soutien inconditionnel, pour le souci du travail bien accompli, pour l’équilibre.

Jean-François, mes derniers mots sont pour toi. Il y a longtemps que tu as compris que l’un des endroits où j’étais le plus heureuse, c’est à l’université. Avec tout mon amour, merci pour tout.

(18)
(19)

Introduction

À l’automne 2017, la vérificatrice générale du Québec déposait un audit de performance portant sur la francisation des personnes immigrantes et réfugiées au Québec pour les années 2010-2016. Entre autres constats, cet audit révélait que : « La vaste majorité des participants au cours de français du ministère n’ont pas atteint le seuil d’autonomie langagière, lequel facilite l’accès au marché du travail et permet d’entreprendre des études postsecondaires » (Vérificateur général du Québec, 2017, p. 3). S’ils apparaissent sévères, ces constats trouvent écho dans la littérature scientifique québécoise, alors qu’il appert que nombre de facteurs font obstacle à l’apprentissage du français chez les nouveaux arrivants. Ainsi, si les impératifs économiques (Amireault et al., 2019; Bittar, 2011; Calinon, 2015; St-Laurent et El-Geledi, 2011) et les obligations familiales (de Billy Garnier, 2015; TCRI, 2012) se présentent au premier plan, des facteurs liés au faible niveau de scolarisation des personnes immigrantes et réfugiées sont également identifiés (Adami et Leclercq, 2012; Alen et Manço, 2012; Amireault, 2015). À cet égard, alors que l’on dénombre un certain nombre d’études portant sur l’intégration linguistique des immigrants (Bélanger et al., 2011; Bélanger et Sabourin, 2013; Calinon, 2013; Pagé, 2011; Pagé et Lamarre, 2010; Piché, 2004; St-Laurent et El-Geledi, 2011), on recense peu d’études s’étant intéressées de façon spécifique à leur parcours d’apprentissage du français en sol québécois (Amireault et al., 2019; Amireault et Lussier, 2008; Ralalatiana, 2014).

Par ailleurs, de 2009 à 2013, la ville de Québec a accueilli plus de 1 000 réfugiés d’origine bhoutanaise qui vivaient en situation d’apatridie prolongée, depuis près de 20 ans, dans des camps de réfugiés au Népal. Pour nombre de ces réfugiés, l’adaptation à la vie en sol québécois représentait un défi de taille. Si certains d’entre eux détenaient une certaine scolarité et avaient eu l’opportunité de voyager et de travailler à l’extérieur des camps, d’autres n’étaient jamais sortis de ces lieux, étaient peu scolarisés, voire analphabètes (Banki, 2008a; OIM, 2008). Le Cégep de Sainte-Foy, chef de file dans le domaine de la francisation des personnes immigrantes et réfugiées dans la région de Québec, a vu défiler dans ses classes nombre de ces réfugiés au cours de cette période. En dépit de leur expertise en la matière, les professionnels de la francisation au sein de cet établissement d’enseignement n’avaient jamais été confrontés au défi d’outiller un aussi grand nombre de réfugiés, en partie analphabètes et peu scolarisés, afin qu’ils développent un niveau de connaissance du français leur permettant d’être fonctionnels en emploi au terme de leur participation au programme de francisation (Prévost, 2014).

Les collaborations développées avec le responsable des services de francisation du Cégep de Sainte-Foy dans le cadre de mes études de maîtrise (Prévost, 2008, 2010) et des activités scientifiques de l’Équipe de recherche en partenariat sur la diversité culturelle et l’immigration dans la région de Québec (ÉDIQ) offraient une porte

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d’entrée privilégiée pour mener une étude ethnologique portant sur le parcours d’apprentissage du français de réfugiés d’origine bhoutanaise réinstallés dans la ville de Québec. C’est au cœur de cette collaboration qu’a pris naissance ce projet de thèse doctorale qui a pour principaux objectifs d’examiner l’influence du parcours migratoire sur le parcours d’apprentissage du français de réfugiés d’origine bhoutanaise; d’examiner le rôle joué par les différentes personnes-ressources et leur influence sur le parcours d’apprentissage du français de ces réfugiés ainsi que d’examiner les différentes stratégies mises en œuvre par les réfugiés d’origine bhoutanaise et les personnes-ressources pour favoriser le processus d’apprentissage du français de ces réfugiés et, par le fait même, leur processus d’adaptation et d’intégration à la société d’accueil.

Le premier chapitre détaille la problématique générale et spécifique ainsi que les trois principaux objectifs de recherche qui guident la réflexion développée dans cette thèse. Ainsi, il y est question des migrations forcées, de l’apatridie dans le monde, de la vie dans les camps de réfugiés, des politiques d’immigration au Canada et au Québec, ainsi que de l’accueil des réfugiés d’origine bhoutanaise en ces lieux. Un bref historique de la politique linguistique du Québec, de même que des services de francisation qui sont offerts aux personnes immigrantes et réfugiées par le gouvernement québécois y sont également présentés. Par la suite, une recension des écrits scientifiques expose des recherches récentes qui ont porté sur l’intégration des personnes immigrantes et réfugiés, notamment sur l’intégration linguistique ainsi que sur la question de l’apprentissage de la langue du pays d’accueil chez les migrants. Enfin, il y est également question des différentes recherches qui ont été menées au sujet des réfugiés d’origine bhoutanaise au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde.

Le deuxième chapitre expose le positionnement épistémologique et l’approche théorique qui soutiennent la collecte et l’analyse des données de cette recherche. Le paradigme de la pensée complexe (Morin, 2005, 2012) et celui de l’interactionnisme symbolique (De Queiroz, 1994; Le Breton, 2004; Poupart, 2011) constituent les assises épistémologiques privilégiées. En ce qui concerne l’approche théorique, la théorie du parcours de vie (Gherghel et Saint-Jacques, 2013; Mortimer et Shanahan, 2003; Sapin et al., 2007) et les notions de transition (Boutinet, 2014; Perret-Clermont et Zittoun, 2002), des apprentissages de la migration (Blons-Pierre, 2016; Guilbert et Prévost, 2009; Le Bossé et al., 2006), de l’apprentissage tout au long de la vie (Jarvis, 2007, 2009) constituent le cadre d’analyse. Enfin, la logique qui sous-tend la présentation des résultats, articulée selon les trois temporalités constitutives de toute transition (Boutinet, 2014), est explicitée en guise de conclusion de ce chapitre.

Le troisième chapitre présente les orientations épistémologiques et méthodologiques qui ont présidé à la collecte des données. La démarche qualitative dans laquelle s’inscrit cette recherche y est présentée ainsi que les diverses méthodes employées pour assurer l’ensemble de la collecte des données, soit l’engagement préparatoire au travail de terrain, l’engagement sur le terrain de longue durée, la tenue de séances

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d’observation, la réalisation d’entretiens semi-dirigés et le recueil de récits de vie. Les modalités éthiques auxquelles a été soumis ce projet de recherche, le processus de recrutement et les critères de sélection des participants de même que leur profil général y sont présentés. Enfin, la démarche qui a prévalu pour le traitement des données et les grilles qui ont soutenu leur analyse y sont détaillées.

Le quatrième chapitre introduit la présentation des résultats en exposant de quelles façons les expériences de mobilité, de scolarisation et de travail vécues au Bhoutan et au Népal ont permis aux réfugiés d’origine bhoutanaise rencontrés de faire de nombreux apprentissages et de développer différentes compétences. La réflexion qui soutient le choix de privilégier l’appellation « réfugiés d’origine bhoutanaise » plutôt que réfugiés bhoutanais ou réfugiés népalais dans le cadre de cette recherche est exposée. Enfin, il y est question de certaines tensions sociales qui prévalaient dans les camps de réfugiés au Népal dans la période qui a précédé l’amorce du processus de réinstallation de ces réfugiés à l’échelle internationale.

Le cinquième chapitre poursuit la présentation de la première temporalité qui caractérise le parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise, soit à partir de l’instant où ces derniers mettent les pieds en sol québécois et qui se prolonge jusqu’au moment où s’amorce leur participation au programme de francisation. Ce chapitre démontre en quoi les expériences vécues au cours de la période qui précède la participation au programme de francisation ont une influence sur la disposition des réfugiés d’origine bhoutanaise à s’engager pleinement dans leur processus d’apprentissage du français.

Le sixième chapitre aborde la deuxième temporalité qui compose le parcours d’apprentissage du français, c’est-à-dire celle qui couvre l’ensemble de leur participation au programme de francisation offert par le gouvernement québécois au sein d’établissements d’enseignement, notamment les cégeps et les centres d’éducation des adultes. L’analyse développée détaille la gamme d’émotions qui submerge les réfugiés d’origine bhoutanaise dans les moments qui précèdent et qui suivent leurs premiers jours en francisation. De même, elle démontre qu’en plus de l’apprentissage du français, les réfugiés doivent composer avec d’autres types d’apprentissages, tels que ceux reliés à la distance hiérarchique, à l’appropriation d’un nouveau code commun de comportement et la familiarisation avec un mode d’enseignement différent. Enfin, l’analyse développée dans ce chapitre permet d’identifier les différentes stratégies déployées par ces réfugiés en vue de favoriser leur apprentissage du français et celles mises de l’avant par les personnes-ressources pour ce faire.

Le septième chapitre de cette thèse expose la troisième temporalité du parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise. Celle-ci s’amorce au terme de leur participation au programme de francisation du gouvernement et se poursuit jusqu’au moment où ils ont été rencontrés dans le cadre de cette recherche. Cette troisième temporalité se distingue des précédentes en ce qu’on observe une certaine

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diversification des parcours d’apprentissage du français, ceux-ci étant influencés par des facteurs d’ordre personnel, familial et économique. Enfin, on observe que le rôle des personnes-ressources, quoique toujours aussi important, se présente avec une moins grande intensité au cours de cette temporalité.

Le huitième chapitre présente un bref rappel de la problématique et des objectifs de recherche, de l’ancrage épistémologique et de l’approche conceptuelle ainsi que des orientations méthodologiques qui ont guidé la collecte et l’analyse des données. Par la suite, un bilan des principaux résultats invite à une lecture transversale des quatre chapitres de résultats, soit les chapitres 4, 5, 6 et 7. De cette lecture transversale, se dégagent trois principaux éléments qui se présentent comme des vecteurs qui influencent le parcours d’apprentissage du français des réfugiés d’origine bhoutanaise, soit la mobilité, les apprentissages et les dynamiques familiales. C’est par l’intermédiaire de ces vecteurs que se présentent les réponses à nos principaux objectifs de recherche.

La conclusion de cette thèse présente les principales retombées scientifiques et sociales qui découlent de cette recherche. Il y est également fait mention des limites qu’il importe de reconnaître à l’analyse des données et à la portée des résultats de cette étude. Enfin, quelques recommandations à l’intention des différents acteurs concernés par les enjeux touchant l’apprentissage du français par les personnes immigrantes et réfugiées ainsi que des pistes de recherche prometteuses qui pourraient donner suite aux observations mises de l’avant dans cette recherche sont évoquées.

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Chapitre 1

Problématique

Ce chapitre présente la problématique générale et spécifique ainsi que les principaux objectifs de recherche qui guident cette thèse. La première section présente un survol de la question des migrations forcées et de l’apatridie dans le monde, où la situation des réfugiés d’origine bhoutanaise sera développée. Elle fait également état des politiques qui caractérisent le système d’immigration au Canada et au Québec, notamment en ce qui concerne l’accueil des réfugiés. La deuxième section dresse un bref historique de la politique linguistique au Québec et présente le programme de francisation qui est offert aux personnes immigrantes et réfugiées par le gouvernement québécois. S’ensuit la présentation de recherches récentes portant sur l’intégration des immigrants et des réfugiés au Canada et au Québec, où l’accent est mis sur les recherches portant sur leur intégration linguistique. Il y est également question des études portant sur l’apprentissage de la langue d’usage du pays d’accueil chez les migrants et des éléments qui y font obstacle. La troisième section présente la situation des réfugiés d’origine bhoutanaise, leur accueil au Canada et au Québec ainsi que différentes études qui ont été menées à leur sujet. Enfin, la présentation de la problématique spécifique et des principaux objectifs de recherche qui soutiennent cette thèse concluent ce chapitre.

1.1 Les migrations forcées et l’apatridie

Si certaines migrations sont mues par une quête d’une vie meilleure, une soif d’aventures, nombre d’entre elles sont aussi contraintes par des situations de guerres et de violents conflits, de crises économiques et politiques ou même par des catastrophes écologiques (Borges, 2019; Kent et Behrman, 2018; Salomon et al., 2017; Simon, 2008; UNHCR, 2019). Certains individus, voire des populations entières, trouvent leur vie, leur liberté et leurs convictions profondes si sérieusement menacées qu’ils sont forcés à l’exil (Katselli Proukaki, 2018; Newman et Selm, 2003). Ces milliers de réfugiés fuyant les guerres qui sévissent au Moyen-Orient traversent la Méditerranée, trop souvent au coût de leur vie et ceux qui quittent les violences politiques au Venezuela vers d’autres pays d’Amérique latine en quête de sécurité sont des manifestations contemporaines (UNHCR, 2019).

Ces migrations forcées ne sont pas l’apanage de notre temps, elles ont toujours précédé ou suivi de près les nombreux conflits qui ont traversé l’histoire de l’humanité (Betts et Loescher, 2011; Simon, 2008). À elle seule, la Deuxième Guerre mondiale força le mouvement de 50 à 60 millions d’individus (Simon, 2008). C’est d’ailleurs en vue de répondre aux besoins des Européens déplacés à cause de ce conflit qu’a été fondé, en décembre 1950, l’Office du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), aujourd’hui connu comme

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l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.1 C’est à cette même époque qu’est entrée en vigueur la

Convention de 1951 relative au statut des réfugiés qui encadre encore aujourd’hui la définition du statut du réfugié, ses droits ainsi que les obligations légales des États à son égard.2 En regard de cette Convention, est considéré comme réfugié une personne qui : « […] craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays […] ».3

Au cours de l’année 2018, ce sont plus de 13,6 millions de nouvelles personnes qui ont été contraintes à quitter leur foyer afin de fuir guerres, conflits, persécutions ou atteintes aux droits de l’homme. Cette année marque un triste record, alors que le nombre d’individus se retrouvant en situation de migration forcée sur le globe atteint près de 70,8 millions. Parmi l’ensemble de ces déplacés, le HCR recensait 25,9 millions de réfugiés (UNHCR, 2019, p. 2). Ces derniers étaient principalement originaires de la Syrie (6,7 millions), de l’Afghanistan (2,7 millions), du Soudan du Sud (2,3 millions), du Myanmar (1,1 million) et de la Somalie (0,9 million) (UNHCR, 2019, p. 3). En 2018, les pays ayant accueilli le plus grand nombre de réfugiés étaient, en ordre d’importance, la Turquie (3,7 millions), le Pakistan (1,4 million), l’Ouganda (1,2 million), le Soudan (1,1 million) et l’Allemagne (1,1 million) (UNHCR, 2019, p. 3). Au sujet des apatrides, quoique leur nombre était estimé à 3,9 millions en 2018 (UNHCR, 2019, p. 51), celui-ci serait beaucoup plus important. En effet, les apatrides vivent souvent en marge de la société et ne sont pas toujours pris en compte lors des collectes de données populationnelles ou des recensements réalisés par les gouvernements. Moins de la moitié des pays détiennent des données officielles sur la présence d’apatrides sur leur territoire. De même, il importe de préciser que les statistiques au sujet des personnes touchées par l’apatridie et les déplacements forcés demeurent approximatives. En effet, certains pays qui accueillent des migrants gonflent parfois leurs chiffres pour obtenir plus d’aide internationale, alors que d’autres ne dévoilent pas leurs chiffres à ce sujet. Du côté des migrants, certains préfèrent ne pas se déclarer réfugiés ou apatrides, par crainte de représailles (Conklin, 2014; Foster et al., 2019).

Selon l’article premier de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, « le terme apatride désigne une personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ».4 Les fondements de l’apatridie sont multiples. Elle résulte, notamment, de situations de discrimination fondées sur

1 UNHCR. Agence des Nations Unies pour les réfugiés. « Histoire du HCR ». [En ligne] : http://www.unhcr.org/fr/histoire-du-hcr.html.

(Consulté le 27mai 2020).

2 UNHCR. Agence des Nations Unies pour les réfugiés. « La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ». [En ligne] :

http://www.unhcr.fr/pages/4aae621e11f.html. (Consulté le 27mai 2020).

3 UNHCR. Agence des Nations Unies pour les réfugiés. « Convention et protocole relatifs au statut des réfugiés ». [En ligne] :

http://www.unhcr.fr/4b14f4a62.html. (Consulté le 27mai 2020).

4 UNCRH. « La Convention de 1954 relative au statut des apatrides », p.137. [En ligne] : http://www.unhcr.org/fr/

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l’origine ethnique, la langue ou la religion. Des gens se voient privés de leur nationalité de façon arbitraire, d’autres en sont destitués lorsqu’ils quittent un territoire ou ils ne peuvent l’obtenir à cause de défaillances dans les mesures d’enregistrement de l’état civil. Annuellement, des dizaines de milliers d’enfants voient le jour apatrides, héritant ainsi de la condition de leurs parents.5 Ils forment d’ailleurs plus du tiers des apatrides dans le monde.6 Selon le HCR (2012), l’Estonie, l’Iraq, la Lettonie, le Myanmar, le Népal, la Syrie et la Thaïlande sont les pays où l’on retrouverait le plus important nombre d’apatrides et pour lesquels ces données existent. Du fait de leur absence de citoyenneté, les apatrides comptent parmi les personnes les plus vulnérables dans le monde. Depuis le début des années 2000, de nouveaux États ont joint l’une des deux conventions sur l’apatridie, soit la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ou la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.7 Réagissant à cet élan d’ouverture, le HCR a lancé, en 2014, une ambitieuse campagne visant à remédier à l’apatridie au cours des dix prochaines années. Cette campagne propose aux États des « mesures clés » à mettre en œuvre dans le but de mettre un terme à l’apatridie.8

1.1.1 La vie dans les camps de réfugiés et les réfugiés « de longs séjours »

Ces hommes, femmes et enfants qui, pour la plupart, quittent leur terre natale de façon précipitée trouvent parfois refuge à l’intérieur même de leur pays d’origine. Ils sont alors désignés comme des déplacés internes. D’autres traversent les frontières et cherchent l’asile dans les pays voisins. Certains s’y installent de façon informelle, soit sans soutien gouvernemental ou de la communauté internationale, et vivent ainsi pendant plusieurs années dans la clandestinité. Ces migrants ne sont généralement pas sous la protection du HCR (Jacobson, 2001).

Lors d’arrivées massives de migrants au sein d’une même région ou d’un même pays, il arrive que ces derniers soient dirigés vers des camps de réfugiés. Bien qu’il ne soit pas fait mention de « camps de réfugiés » en tant que tels dans la Convention de 1951, le recours à cette mesure, qui « a une visée pragmatique et coercitive, du

5 UNHCR. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. « Nationalité et apatridie. Un guide pour les parlementaires No 22 », [En ligne] :

http://www.unhcr.org/fr/protection/statelessness/53d8ddeb6/nationalite-apatridie-guide-parlementaires-n°-22.html?query=apatridie.

(Consulté le 27 mai 2020).

6 UNHCR. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. « Un rapport spécial. Mettre fin à l’apatridie d’ici 10 ans ». [En ligne] :

http://unhcr.org/statelesscampaign2014/Stateless-Report_fr_final3.pdf#_ga=1.148967670.1355785078.1462173889. (Consulté le 27 mai 2020).

7 Depuis 2011, 26 États ont adhéré à l’une ou l’autre des Conventions, pour un total de 82 pays qui se sont joints à la Convention de

1954 et de 60 pays qui ont joint la Convention de 1961, dans UNHCR. The UN Refugee Agency. « Un rapport spécial. Mettre fin à l’apatridie d’ici 10 ans ». [En ligne] : http://unhcr.org/statelesscampaign2014/Stateless-Report_fr_final3.pdf#_ga= 1.148967670.1355785078.1462173889. (Consulté le 27 mai 2020).

8 UNHCR. The UN Refugee Agency. « Un rapport spécial. Mettre fin à l’apatridie d’ici 10 ans ». [En ligne] :

http://unhcr.org/statelesscampaign2014/Stateless-Report_fr_final3.pdf#_ga=1.148967670.1355785078.1462173889. (Consulté le 27 mai 2020).

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fait qu’elle vise notamment à contrôler les déplacements des migrants à l’intérieur de leur territoire », est largement répandu (Roger, 2013, p. 42).

Le camp de réfugiés se veut un habitat temporaire, un espace humanitaire de transit où vivent les migrants en attente d’une alternative d’établissement satisfaisante, qu’il s’agisse d’un retour définitif au pays d’origine ou la réinstallation dans un pays tiers. Il a pour principale visée de protéger physiquement les réfugiés et de satisfaire leurs besoins de base, notamment en leur donnant accès à un abri, de la nourriture, des services sanitaires, des soins de santé ainsi qu’un certain accès à l’éducation (UNHCR, 2007). L’établissement d’un camp de réfugiés peut être planifié ou se faire de façon spontanée. Souvent situés près des frontières, en périphérie des villes, les camps ont aussi pour fonction de marquer la distinction entre les réfugiés et la population locale (Agier, 2001, 2008). Aussi nombreux soient-ils, chaque camp de réfugiés est unique. Les caractéristiques de chacun varient en fonction de l’endroit et des conditions dans lesquelles il est bâti. Les camps sont aussi marqués par les pratiques sociales et culturelles des groupes qui y trouvent refuge (Agier, 2008; Hyndman, 2000; Simon, 2008). En ce sens, ils constituent un « lieu social actif » où se nouent des liens et se négocient des relations de pouvoir (Harrell-Bond, 1999; Hyndman, 2000). Ils se présentent également comme des lieux d’apprentissage, d’acquisition de nouvelles connaissances et compétences ainsi qu’espace où se développe la résilience pour ceux qui n’y sont que de passage ou qui y connaissent un exil prolongé (Darychuk et Jackson, 2015; Guilbert, 1994; López-Entrambasaguas et al., 2019).

En effet, pour certains groupes de réfugiés, les réfugiés dits « de long séjour », le retour au pays d’origine est impossible. Le HCR reconnaît comme réfugiés de long séjour, les groupes de réfugiés qui comptent plus de 25 000 individus, issus d’une même origine nationale, qui sont en situation d’exil depuis cinq ans ou plus au sein d’un même pays (UNHCR, 2019). Ces situations d’exil prolongé résultent souvent d’impasses politiques, voire d’inaction politique, qui empêchent leur intégration, leur rapatriement au pays d’origine ou leur réinstallation dans un pays tiers (Loescher, 2008; UNHCR, 2019; Zetter, 2011). Selon des estimations, les réfugiés de long séjour sous le mandat du HCR étaient au nombre de 15,9 millions à la fin de 2018. Parmi ceux-ci, 5,8 millions se trouvaient dans cette situation depuis plus de vingt ans (UNHCR, 2019, p. 22).

Jeff Crisp, ancien haut-dirigeant du HCR, décrit la situation dans laquelle se retrouvent ces individus comme suit :

In simpler terms, refugees in protracted situations find themselves trapped in a state of limbo: they cannot go back to their homeland, in most cases because it is not safe for them to do so; they are unable to settle permanently in their country of first asylum, because the host state does not want them to remain indefinitely on its territory; and they do not have the option of moving on, as no third country has agreed to admit them and to provide them with permanent residence rights (Crisp, 2003, p. 3).

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Les longues années passées dans les camps de réfugiés peuvent avoir des répercussions néfastes sur la santé physique et psychologique des individus. Problèmes psychosociaux, privation matérielle, violence, exploitation sexuelle, tensions entre les réfugiés ou migrations secondaires illégales ne sont que quelques-unes des conséquences qui ont été répertoriées (Bjertrup et al., 2018; Riley et al., 2017; Thomas, 2016). De même, plusieurs études ont démontré que des évènements entraînant un important stress, notamment des expériences traumatiques ou une séparation des membres de la famille, qu’ils aient été vécus avant ou pendant la migration, ont une influence réelle sur la façon dont le réfugié vivra son processus de réinstallation et d’adaptation à son nouvel environnement, de même que sur sa capacité à supporter le stress engendré par cette situation (Lindencrona et al., 2008; Schweitzer et al., 2011; Thomas, 2016).

L’Asie compte des milliers de réfugiés de long séjour sur son territoire, que l’on trouve notamment en Chine, en Inde, en Thaïlande, au Bangladesh, en Malaisie et au Népal (Adelman, 2008; Lui, 2007; UNHCR, 2019). D’ailleurs, les réfugiés originaires du Bhoutan, installés depuis 1990 dans des camps au sud-est du Népal, comptent au nombre de ces réfugiés de long séjour. Ce n’est qu’en 2006, au terme de longues années de négociation, que les États-Unis ont annoncé qu’ils accueilleraient jusqu’à 60 000 réfugiés d’origine bhoutanaise sur leur territoire (Human Rights Watch, 2007). À cette époque, ils étaient près de 106 000 à résider dans les camps de réfugiés.

1.2 Le Bhoutan et l’indice du Bonheur National Brut

Enclavé entre la Chine et l’Inde, le Bhoutan est un petit royaume bouddhiste situé dans l’est de la chaîne himalayenne. Ce pays s’étend sur une superficie qui varie entre 39 000 km2 et 47 000 km2, selon les sources consultées (Hutt, 1996; Saul, 2000).9 La morphologie de son territoire conjugue de hauts sommets enneigés au nord, certains atteignant de 6 000 à 7 000 mètres, avec des plaines tropicales plutôt inhospitalières au sud. La ville la plus connue demeure Thimbu, la capitale et la plus grande ville du pays.10 La population globale est estimée à un peu plus de 782 000 habitants, selon les données disponibles pour l’année 2020.11

9 Les données quant à la superficie du territoire et du nombre d’habitants sont des estimations puisque les nombres varient sel on les

sources consultées. Les données présentées sont tirées de : CIA. « South Asia : Bhutan ». [En ligne] :

https://www.cia.gov/library/publications/resources/the-world-factbook/geos/print_bt.html (Consulté le 15 juin 2020); Larousse. « Bhoutan ». [En ligne] : https://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Bhoutan/108803 (Consulté le 15 juin 2020).

10 Larousse. « Bhoutan ». [En ligne] : https://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Bhoutan/108803 (Consulté le 15 juin 2020).

11CIA. « South Asia : Bhutan ». [En ligne] : https://www.cia.gov/library/publications/resources/the-world-factbook/geos/print_bt.html

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Figure 1 : Carte géographique du Bhoutan et du Népal

Source : Archive Larousse12 Véritable mosaïque culturelle et religieuse, sa population est composée de trois principaux groupes ethnolinguistiques. Ainsi, on retrouve les Bhotia ou Ngalop, groupe majoritaire bouddhiste d’origine mongoloïde et de culture tibétaine que l’on retrouve surtout au nord du pays. Leur langue maternelle est le dzongkha, qui est la langue officielle du Bhoutan. Ils représentent le groupe le plus influent au niveau politique. Les Sharkopa ou Bhotia de l’est, constituent le deuxième groupe ethnolinguistique. Tel que l’indique leur nom, ils vivent principalement dans l’est du Bhoutan. À majorité bouddhistes, ils sont d’origine tibétaine, comme les Bhotia, mais parlent le tshangla, une langue tibéto-birmane. Enfin, le troisième groupe ethnolinguistique en importance est formé par les Lhotshampas.13 D’origine népalaise, ils ont le népali pour langue maternelle, pratiquent l’hindouisme et vivent majoritairement dans le sud du Bhoutan. Ils se sont installés dans cette région à la fin du 19e siècle, en vue de défricher les terres jusqu’à lors inexploitées (Michael Hutt, 2005; Rizal, 2004; Saul, 2000). Par ailleurs, il importe de mentionner que les Lhotshampas constituent un groupe passablement hétérogène rassemblant des individus qui se disent d’appartenance ethnique, religieuse et de castes diversifiées (de Varennes, 2009; Giri, 2004).

12 Larousse. « Bhoutan ». [En ligne] : https://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Bhoutan/108803 (Consulté le 15 juin 2020). 13 Le terme Lhotshampas, qui signifie « gens du sud », est celui utilisé par les autorités bhoutanaises pour désigner la population d’origine

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De nos jours, l’économie du Bhoutan tourne principalement autour de l’agriculture, de l’élevage, de la sylviculture et, plus récemment, du tourisme de luxe (Combeau-Mari, 2015). Volontairement refermé sur lui-même pendant longtemps, le pays s’est fait connaître sur la scène internationale pour avoir mis en place un indice de développement économique pour le moins original : le Bonheur National Brut (BNB). Adopté par le Roi Jigme Singye Wangchuck en 1972, l’indice du BNB repose sur quatre principes fondamentaux : le développement économique et social; la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la protection de l’environnement; et la bonne gouvernance. L’objectif de ce roi était de définir un indice de développement qui rendrait compte du niveau de vie global des habitants du pays, tout en favorisant l’émergence d’une économie basée sur les valeurs bouddhistes. D’abord salué au point de vue international, le Premier ministre du Bhoutan a d’ailleurs été invité à présider un sommet sur le BNB lors de la 66e session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York en 201214, cet indice de mesure de la prospérité nationale est toutefois soutenu par une idéologie nationaliste qui présente des côtés plus sombres (Bothe, 2012; Bouissou, 2010; Halsouet et Boisvert, 2011; Hutt, 2005).En effet, le BNB est l’une des prémices d’une manœuvre politique nationale qui a conduit à l’exil de plus de 100 000 Lhotshampas vers les camps de réfugiés à l’est du Népal à partir des années 1990 (Rizal, 2004; Trieu et Vang, 2015).

1.2.1 Les Lhotshampas : des descendants de migrants népalais contraints à l’exil

Les Lhotshampas sont des descendants de travailleurs népalais qui se sont installés dans les régions au sud du Bhoutan à la fin des années 1890 (Evans, 2010a). Leur venue est reliée à l’annexion à l’Inde de la région des duars, une zone frontalière indo-bhoutanaise conquise par les Britanniques15 au terme de la guerre du Bhoutan (1864-1865), aussi connue sous le nom de la guerre des Duars. Le Bhoutan reconnaît sa défaite par la signature du Traité de Sinchula en novembre 1865. C’est au cours de cette période que la migration de Népalais vers les terres sud-bhoutanaises a commencé : « Most of the Nepalese came to these areas as plantation workers, or to work in various development projects undertaken by the British administration » (Pattanaik, 1998, p. 637). Ces Népalais répondaient ainsi à l’appel des autorités bhoutanaises qui souhaitaient défricher rapidement ces terres et les habiter, afin de freiner l’invasion des Britanniques (Hutt, 2005).

Au fil des décennies, ces migrants d’origine népalaise donnèrent naissance à de nouvelles générations. Dès les années 1930, une grande partie des terres sud-bhoutanaises est cultivée par cette population qui comptait déjà près de 60 000 individus (Hutt, 2005). En 1958, le gouvernement bhoutanais adopta le Nationality Law of Bhutan

14 Programme des Nations Unies pour le développement. « Les Nations Unies envisagent de placer le bonheur au cœur du

développement », [En ligne] : http://www.undp.org/content/undp/fr/home/presscenter/articles/2012/04/02/un-debates-putting-happiness-at-centre-of-development (Consulté le 12 juin 2020).

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qui reconnaissait officiellement la citoyenneté bhoutanaise ainsi que l’octroi de titres de propriété pour les terres qu’ils cultivent et occupent, à ce groupe de la population. Plus encore : « Citizenship rights to the Lothshampas not only gave them legitimacy but conferred on them political and economic rights at par with other communities of Bhutan » (Pattanaik, 1998, p. 638).

En 1972, l’arrivée au pouvoir du Roi Jigme Singye Wangchuk, quatrième roi d’une lignée héréditaire, institua un vent de changement dans les relations entre les autorités bhoutanaises et les Lhotshampas (Evans, 2010a; Giri, 2004). Différents facteurs contribuent à expliquer cette situation. D’une part, la montée du mouvement autonomiste fondé par les Gorkhas, des migrants d’origine népalaise qui étaient installés au nord du Bengale-Occidental pour travailler dans les plantations de thé, en faveur de la création d’un état indépendant, le Gorkhaland, éveille les suspicions des autorités bhoutanaises à l’égard des Lothshampas (Hutt, 1996). La proximité géographique du sud du Bhoutan avec le territoire revendiqué par les Gorkhas a conduit le gouvernement à craindre que les Lothshampas soient influencés par ces revendications (Pattanaik, 1998). D’autre part, les Lhotshampas connaissaient une importante croissance démographique. Ils représentaient désormais entre 30 et 40 % de la population bhoutanaise dans les années 1980 et, par le fait même, une menace à la position dominante des Ngalongs dans le système politique (Carrick, 2008; Hutt, 2005). De même, les autorités bhoutanaises étaient de plus en plus récalcitrantes face au fait que ces descendants de migrants népalais demeuraient très attachés à la culture, à la langue (népali), à la religion (hindouiste) et aux valeurs de leurs ancêtres. Percevant leur présence comme une menace à l’authenticité de la culture nationale, le gouvernement mit de l’avant des mesures visant à favoriser la préservation de l’identité culturelle du Bhoutan. Tel que le soutient Carrick : « This led to a series of so-called reforms which led to the disenfranchisement of the Nepali, and what could only be described as massive violations of some of the most basic human rights of the Nepali minority » (2008, p. 16).

Ces mesures se traduisirent principalement par le lancement de la campagne « One Nation, One People » et de l’adoption, en 1985, du Bhutan Citizenship Act. Cette loi apportait des restrictions majeures aux conditions de maintien et d’obtention de la citoyenneté bhoutanaise, celle-ci s’acquérant désormais à partir du droit du sang.16 Elle stipulait notamment que tout citoyen bhoutanais doit adopter la culture bhotia, la langue officielle nationale (le dzongha), de même que les habits traditionnels, mettant ainsi de l’avant une forme de nationalisme ethnique (Carrick, 2008; Hutt, 2005; Rizal, 2004).

16 Le droit du sang ou jus sanguinis en latin, est la règle de droit qui accorde aux enfants, au moment de leur naissance, la nationalité de

leurs parents, peu importe l’endroit où ils naissent. Wikipédia, « Droit du sang ». [En ligne] : http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_du_sang

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Au cours des cinq années qui suivirent son adoption, cette loi servit de prétexte à la révocation de la citoyenneté bhoutanaise à des milliers d’individus et conduisit à l’expulsion de plus de 100 000 Lhotsampas, ce qui représentait alors près du sixième de la population bhoutanaise. Des témoignages recueillis auprès de réfugiés font état de répressions, de violences physiques et d’actes de torture perpétrés par les forces de l’ordre bhoutanaises envers ces derniers afin de les inciter à signer un formulaire dit d’« émigration volontaire » (Carrick, 2008; Hutt, 2005; Pattanaik, 1998; Rizal, 2004). « From 1991 it appears that a ‘systematic eviction of southern Bhutanese’ began through the government’s use of ‘voluntary migration forms’, which many southern Bhutanese were pressured to sign, sometimes following physical violence and coercion » (Evans, 2010a, p. 34) C’est dans ce contexte que les Lhotsampas traversèrent les frontières du Bhoutan et trouvèrent un premier refuge dans la région de l’Assam en Inde, d’où ils furent expulsés, pour ensuite rejoindre le Népal, pays de leurs ancêtres (Banki, 2008a; Evans, 2010a).

1.2.2 L’arrivée au Népal et la vie dans les camps de réfugiés

Les premiers réfugiés d’origine bhoutanaise sont arrivés au Népal à la fin des années 1980. Ils y ont établi de premiers campements de fortune aux abords de la rivière Mai, frontalière avec l’Inde, dans le district de Jhapa, (Evans, 2010a). Alors que le gouvernement népalais était plutôt réticent à accueillir ces apatrides, ils ont fait preuve d’ouverture à leur égard en leur ouvrant officiellement les frontières à partir de février 1991 (Giri, 2004). Dès la fin de l’année 1991, le gouvernement népalais a sollicité le HCR en vue de construire des camps de réfugiés offrant des conditions de vie plus décentes. Les sept camps de réfugiés ont été déployés dans le district de Jhapa (Beldangi-I, Beldangi-II, Beldangi-II extension, Goldhap, Timai et Khundunabari) et le district de Morang (Sanischare), situés au sud-est du Népal.

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Figure 2 : Carte de location des camps de réfugiés au Népal

Source : UNCHR. Refworld17 Les réfugiés affluèrent en grand nombre au cours des années 1991-1992, le nombre d’arrivées quotidiennes atteignant un sommet, soit près de 600 personnes, vers le mois de juillet 1992. En 1994, plus de 86 000 réfugiés étaient dénombrés dans ces camps sous la responsabilité du HCR et leur nombre atteignait près de 108 000 en 2007, dernière année avant que débute la réinstallation (Evans, 2010a).18 La croissance importante de la population dans les camps est principalement attribuable à un fort taux de natalité . Par ailleurs, il faut souligner que ce ne sont pas tous les Lhotshampas qui ont quitté le Bhoutan qui ont trouvé asile dans les camps de réfugiés au Népal, certains vivent dans l’illégalité en Inde ou ailleurs au Népal (Hutt, 1996). Au début des années 2000, on estimait que près de 15 000 réfugiés d’origine bhoutanaise vivaient au Népal à l’extérieur des camps : « It is quite easy for the Nepalese-speaking refugees to mingle with the surrounding Nepalese population and vice-versa » (Brown, 2001, p. 125).

Tel que mentionné précédemment, les camps de réfugiés dans lesquels sont installés les réfugiés d’origine bhoutanaise sont sous la responsabilité du HCR. D’autres organisations internationales offrent également du soutien aux réfugiés par l’intermédiaire de différents programmes, notamment le Programme alimentaire mondial (PAM), Lutherian World Federation, Caritas Nepal, Association for Medical Doctors for Asia, Nepal Red

17 UNHCR. « Refworld ». [En ligne] : https://www.refworld.org/docid/3fe47e244.html (Consulté le 18 juin 2020). 18 UNCHR. « UNHCR Statistical Yearbook 2007 ». Statistical Annex (p.65). [En ligne] :

Figure

Figure 1 : Carte géographique du Bhoutan et du Népal
Figure 2 : Carte de location des camps de réfugiés au Népal
Figure 3 : Cadre d’analyse

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